COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/01013.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 20 Mars 2013, enregistrée sous le no F 12/ 00114
ARRÊT DU 05 Mai 2015
APPELANTS :
Monsieur Valentin X..., (sous curatelle renforcée décision par jugement du Tribunal d'Instance du MANS du 22 octobre 2013)... 72000 LE MANS
Madame Martine Z..., en qualité de curateur par jugement de curatelle renforcée rendu par le Tribunal d'instance du MANS du 22 octobre 2013... 72004 LE MANS CEDEX 1
non comparants-représentés par Maître Fatima MEKHETTECHE, avocat au barreau de PARIS
INTIMES :
LA SARL TPM (ENSEIGNE COMMERCIALE LE PONT ROUGE) Chemin des Perrays 72100 LE MANS
Maître Y...- ès qualité de mandataire judiciaire de la SARL TPM... 72015 LE MANS CEDEX
non comparants-représentés par Maître LALANNE de la SCP HAY-LALANNE-GODARD-HERON-BOUTARD-SIMON, avocats au barreau du MANS
L'Association pour la Gestion du Régime de Garantie des Créances des Salariés intervenant par L'UNEDIC CGEA de RENNES Immeuble le Magister 4 cours Raphaël Binet 35069 RENNES CEDEX
non comparante-représentée par Maître CREN de la SELARL LEXCAP-BDH avocat au barreau D'ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Mars 2015 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller
Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 05 Mai 2015, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS et PROCÉDURE,
La société TPM dont le siège social est situé Chemin des Perrays au Mans exerçait une activité de restauration sous l'enseigne le Restaurant Le Pont Rouge et employait un effectif de 3 salariés permanents et 8 apprentis..
M. Valentin X..., né le 8 mai 1995, a été reconnu travailleur handicapé par décision du 15 juin 2011. Le 1er juillet 2011, il a été recruté par la société TPM dans le cadre d'un contrat d'apprentissage de deux ans devant se terminer le 30 juin 2013 en vue de l'obtention du CAPP en cuisine. En dernier lieu, il percevait un salaire de 459. 99 euros par mois.
Le 31 octobre 2011, le jeune Valentin X... a été placé en arrêt maladie jusqu'au 2 novembre suivant. Par courrier recommandé du 31 octobre 2011, reçu le 2 novembre suivant, M. Valentin X... et son père M. David X... ont pris acte de la rupture du contrat d'apprentissage aux torts exclusifs de l'employeur. Ils ont adressé le même jour un courrier pour en informer la Chambre de Commerce et d'Industrie (CCI) du Mans.
Par courrier en date du 16 novembre 2011, la société TPM a demandé à M. Valentin X... de l'informer des motifs de son absence et de lui fournir des justificatifs. Elle a ajouté qu'après contact avec la CCI du Mans, cette dernière préconisait une rupture d'un commun accord du contrat d'apprentissage. L'employeur demandait à M. David X... en qualité de représentant légal de son fils de venir signer les documents de rupture amiable.
Le 18 novembre 2011, M. Valentin X... et son père rappelaient leur précédent courrier du 31 octobre 2011 contenant la prise d'acte du contrat d'apprentissage aux torts de l'employeur.
Par requête reçue le 19 mars 2012, M. Valentin X... mineur représenté par son représentant légal M. David X..., a saisi le conseil de prud'hommes du Mans pour voir :- requalifier la prise d'acte du 31 octobre 2011 en rupture abusive du contrat d'apprentissage aux torts exclusifs de l'employeur,- à titre principal, prononcer la nullité de la rupture et à titre subsidiaire, la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur,- condamner l'employeur à lui payer un rappel de salaires dus jusqu'au terme du contrat d'apprentissage, des heures supplémentaires, des dommages et intérêts au titre des frais de scolarité, frais de transport, frais d'inscription, du préjudice professionnel, au titre de la discrimination ainsi qu'à la publication de la décision dans deux journaux.
Par jugement en date du 20 mars 2013, le conseil de prud'hommes du Mans a :
- dit que la prise d'acte de M. Valentin X... devait s'analyser en une démission,- débouté M. Valentin X... de l'ensemble de ses demandes,- rejeté la demande de la société TPM au titre de l'article 700 du code de procédure civile,- condamné M. X... aux dépens.
Les parties ont reçu notification de ce jugement le 23 mars 2013.
M. David X..., es qualité de représentant légal de son fils mineur Valentin X..., en a régulièrement relevé appel général par courrier de son conseil posté le 9 avril 2013.
M. Valentin X..., devenu majeur, bénéficie d'une mesure de curatelle renforcée suivant jugement du juge des tutelles du Mans en date du 22 octobre 2013. Mme Z..., mandataire judiciaire à la protection des majeurs, a été désignée sa curatrice.
Par jugement en date du 14 octobre 2014, la société TPM a fait l'objet d'un jugement de redressement judiciaire avec désignation de Me Y... en qualité de mandataire judiciaire.
PRÉTENTIONS et MOYENS des PARTIES,
Vu les conclusions récapitulatives enregistrées au greffe le, 22 décembre 2014 régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles M. Valentin X..., assisté de sa curatrice Mme Z..., demande à la cour de :- infirmer le jugement entrepris,- requalifier la prise d'acte du 31 octobre 2011 en rupture abusive du contrat d'apprentissage aux torts exclusifs de l'employeur,- à titre principal, prononcer la nullité de la rupture du contrat et, à titre subsidiaire, la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur,- condamner la société TPM à lui payer les sommes suivantes :-8 472. 21 euros bruts au titre des salaires dus jusqu'au terme du contrat,-847. 22 euros bruts au titre des congés payés y afférents,-5 000 euros au titre de la discrimination subie du fait d'un statut handicapé,-210. 94 euros bruts au titre des heures supplémentaires effectuées jusqu'au 31 octobre 2011,-4 893. 55 euros au titre des frais de scolarité engagés à la suite de la rupture du contrat,-453. 90 euros au titre du remboursement des frais de transport engagés,-241. 92 euros nets au titre du remboursement des frais d'inscription engagés auprès de la CCI,-3 000 euros au titre du préjudice matériel subi du fait de l'impossibilité de se reclasser en cours d'année auprès d'un établissement scolaire de cuisine,-1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,- ordonner à titre de dommages et intérêts complémentaires, la publication de la décision par extrait dans deux journaux ou magazines au choix de l'appelant, notamment dans le quotidien Ouest France, aux frais de la société TPM,- prononcer la capitalisation des intérêts,- dire que ces condamnations seront garanties par les AGS.
Il fait valoir en substance que :
- sur la discrimination subie par l'apprenti,- il a présenté des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination du fait de son handicap au sens des articles L 1132-1 et L 1134-1 du code du travail,- l'employeur a tenté par tous les moyens de l'isoler afin de rompre le contrat de travail et de se séparer d'un travailleur handicapé " trop lent ", notamment en l'excluant des cuisines et en l'affectant à la plonge et au nettoyage des containers,- le restaurant avait, avant même son départ, procéder à son remplacement par le jeune Jallal, travailleur valide.
- sur la prise d'acte en tant que mode de rupture autonome :- il a justifié sa prise d'acte par des mesures discriminatoire prises par son employeur en raison de son handicap à la suite de la modification de ses tâches, de la privation d'une formation de restauration, de la tentative de l'employeur de le " piéger " en lui proposant un congé verbal ou une rupture d'un commun accord, et de le remplacer par un nouvel apprenti non handicapé,- sa prise d'acte en lien direct avec les discriminations, doit s'analyser, non pas comme une démission, comme une rupture nulle du contrat aux torts de l'employeur,
- subsidiairement, sur la résiliation judiciaire du contrat d'apprentissage,- si la prise d'acte n'est pas admise, la cour devra prononcer la résiliation du contrat aux torts de l'employeur, l'absence de l'apprenti étant justifiée par des manquements graves de l'employeur qui l'a cantonné à des tâches de nettoyage en raison de son handicap, a refusé de lui régler des heures supplémentaires, a procédé à son remplacement avant son départ.- la société TPM ne rapporte pas la preuve qu'il était inapte à l'accomplissement de sa formation, qu'il a commis des manquements graves et répétés à l'appui de sa demande de résiliation aux torts de l'apprenti.
- sur les demandes indemnitaires :- ayant travaillé a minima 40 heures par semaine au lieu de 35 heures, il est fondé a réclamer des heures supplémentaires (5 heures) sur la période de 15 semaines de travail effectif,- l'employeur, en l'isolant durant la dernière semaine de formation et en l'humiliant en public, devra lui verser des dommages et intérêts au titre de la discrimination subie,- faute de trouver une nouvelle place en apprentissage en cours d'année scolaire, il a dû se réorienter dans une formation en Lycée d'agent polyvalent de restauration et a dû partir en internat à Laval, ce qui a entraîné des frais supplémentaires pour sa famille.
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 17 février 2015, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience selon lesquelles la société TPM LE PONT ROUGE assistée de Me Y... représentant des créanciers, demande à la cour de :- dire que la prise d'acte de rupture n'est pas un moyen régulier de rompre un contrat d'apprentissage,- dire que cette rupture abusive est exclusivement imputable à M. Valentin X... et que la société TPM n'a pas gravement manqué à ses obligations contractuelles à l'égard du jeune apprenti, que cette rupture doit s'analyser comme une démission-débouter M. X... de toutes ses demandes et le condamner au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle soutient essentiellement que :
- sur la prise d'acte :- la prise d'acte est un mode irrégulier de rupture du contrat d'apprentissage, passé le délai du congé de deux mois,- la rupture du contrat ne peut intervenir, passé ce délai, que sur accord écrit des deux partes et à défaut que par une résiliation prononcée par le conseil de prud'hommes.- sur les griefs invoqués à tort par l'apprenti :- sur la discrimination liée au handicap :- l'employeur n'ignorait pas le léger handicap affectant le jeune apprenti et n'en a pas tenu compte au moment de la signature du contrat d'apprentissage,- l'apprenti ne fournit aucune pièce de nature à étayer les griefs liés à un comportement discriminatoire de la part de l'employeur,- la société TPM a demandé à l'apprenti de reprendre le travail dans ses courriers des 7 et 16 novembre 2011 mais s'est heurté au refus opposé par le fils et par son représentant légal,- sur la nature des tâches confiées au jeune apprenti :- le jeune Valentin X... a pu être associé, sans en avoir été exclusivement en charge, à des tâches d'entretien et de nettoyage des poubelles, habituelles et incontournables dans une entreprise de restauration soumis à des règles d'hygiène strictes,- le représentant légal de l'apprenti se plaint à tort de ce que son fils aurait été affecté au nettoyage des poubelles alors que cette tâche s'effectuant sur une aire spécifique avec du matériel adapté (karcher), ne constitue pas une tâche dégradante.- sur la privation d'une formation : le jeune Valentin X... a toujours reçu, dans le cadre de l'apprentissage, la formation dispensée par Mme B... et M. C...,- sur le congé " verbal " du 24 octobre 2011 : l'employeur a accordé à Valentin une journée de congé durant la journée du 24 octobre,- sur la sollicitation de la CCI : la société TPM n'a pas sollicité la CCI pour faire " pression " sur M. X... pour qu'il accepte une rupture du contrat d'apprentissage d'un commun accord mais pour obtenir des imprimés adéquats. Cette solution a été envisagée lors d'une réunion le 24 novembre 2011 avec M. X... qui a subordonné son accord en contrepartie de dommages et intérêts au profit de son fils.- sur l'emploi d'un autre apprenti : le jeune apprenti M. D... a été recruté dès le 29 août 2011, soit bien avant la " prise d'acte " de M. X....
- sur la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'apprenti :- la prise d'acte n'étant pas un mode de rupture régulier du contrat d'apprentissage, il est nécessaire de prononcer la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'apprenti à la date du 31 octobre 2011, date à laquelle il gravement manqué à ses obligations en cessant de se présenter sur son lieu de travail.
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 6 mars 2015, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience selon lesquelles le CGEA de Rennes, gestionnaire de l'Association pour la Gestion du régime de garantie des créances des salariés, demande à la cour de :
- lui décerner acte de son intervention,- débouter M. X... de l'ensemble de ses demandes.- subsidiairement, si une créance était fixée, dire que cette créance ne sera garantie par l'AGS que dans les limites prévues par l'article L 3253-8 du code du travail et les plafonds prévus par les articles L 3253-17 et D 3253-5 du même code.
Reprenant les moyens de l'employeur, il soutient essentiellement que :
- la prise d'acte de M. Valentin X... n'est pas un mode de rupture régulier de son contrat d'apprentissage et n'a donc aucun effet,
- le jeune apprenti, qui a cessé sa prestation de travail depuis le 31 octobre 2011 sans que son contrat soit rompu de manière régulière, n'est pas fondé à présenter des demandes indemnitaires.- à titre subsidiaire, le jeune Valentin X... ne rapporte pas les éléments à l'appui de sa demande au titre de la discrimination subie du fait de son handicap et à l'appui de sa demande de résiliation du contrat aux torts de l'employeur.- l'entretien et le nettoyage des poubelles participant naturellement au respect des règles d'hygiène particulièrement strictes dans le secteur de la restauration, le jeune apprenti a pu participer ces tâches sans que cela représente l'intégralité de ses fonctions,- le fait que le jeune Valentin X... ait été inscrit ailleurs dès l novembre 2011, soit quelques jours après la prise d'acte, laisse présumer que cette prise d'acte a été mûrement réfléchie.
MOTIFS DE LA DÉCISION,
Sur la discrimination du fait du handicap,
Selon l'article L1132-2 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap. Selon l'article 1 de la loi du 27 mai 2008, la discrimination inclut tout agissement lié notamment au handicap subi par une personne et ayant pour objet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant. L'article L1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par la loi du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
M. Valentin X... a invoqué, dans son courrier du 31 octobre 2011, des faits de discrimination dont il estime avoir été victime de la part de son employeur :- il a été affecté presque exclusivement, pendant une semaine (à compter du mardi 25 octobre 2011), à des tâches de nettoyage (plonge, nettoyage au karcher de containers) faisant très peu de cuisine, manifestement en vue d'obtenir mon départ, alors qu'il m'a été constamment répété je n'étais pas capable de réussir en cuisine et d'y arriver,- " qui se manifeste par des angoisses, pleurs, troubles du sommeil et extrême anxiété à la perspective de revenir au restaurant. "
Pour étayer ses affirmations, il a produit les pièces suivantes :
- un arrêt de travail entre le 31 octobre et le 2 novembre 211, pour asthénie,- un certificat de son médecin traitant Docteur E... en date du 19 novembre 2011 : "... il aurait effectué la période d'essai de deux mois sans aucun problème et sans aucune remarque de la part de son employeur ou de sa hiérarchie. Fin octobre 2011, Valentin apprend que l'employeur ne veut plus de lui car " il serait trop lent et qu'il ne gérait pas son stress ". Il se dit très affecté par ce licenciement qu'il a du mal à comprendre. Il se dit inquiet pour son avenir car ce licenciement survient en cours d'année scolaire ce qui réduirait pratiquement à zéro les chances de retrouver un autre poste. Il aurait présenté depuis plusieurs semaines un sommeil perturbé. Son entourage aurait constaté une tendance au repli, une certaine tristesse, une perte de confiance en lui, des périodes de confusion et d'agressivité lié à l'angoisse. "
Contrairement à ce qu'indique M. X..., il ne démontre pas la matérialité des éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte : en effet, aucun élément ne vient conforter ses allégations sur le fait que durant la dernière semaine, il " ait été affecté presque exclusivement à des tâches de nettoyage (plonge, nettoyage au karcher des containers), qu'il a fait peu de cuisine, qu'il a entendu des réflexions désagréables qu'il n'était pas capable de réussir en cuisine. "
En outre, à supposer que cette tâche ait effectivement été confiée à Valentin durant cette période limitée (4 jours du 25 au 28 octobre 2011), elle s'inscrit dans le prolongement de l'exercice habituel de la profession du commis de cuisine et ne constitue pas en soi une activité dégradante et humiliante. Mme B..., chef de cuisine et maître d'apprentissage du jeune Valentin, a confirmé que " le métier de la cuisine n'était pas que la fabrication des mets, que les tâches ménagères et d'hygiène (containers) font partie de la rigueur du métier, qu'en aucun cas, cela n'avait pour but de punir ou sanctionner Valentin ". Il ne fait pas débat que le nettoyage des containers était exécuté sur une aire spécifique avec un matériel adapté (karcher) comme en atteste le tableau de photographies fourni par l'employeur. Aucun élément sérieux ne permet de confirmer que le jeune Valentin a pu consacrer la quasi-totalité de son temps de travail (7 h 45 par jour) au nettoyage des containers au regard de la taillé limitée de l'établissement. Force est de constater que ni le médecin traitant ni les proches de la famille de Valentin X... n'ont rapporté les doléances du jeune Valentin ou de son père à propos de l'exécution de tâches dégradantes au sein du restaurant et M. G..., ami qui a assisté à la réunion du 24 novembre 2011 entre les parents du jeune Valentin X... et M. C..., gérant du restaurant atteste seulement que " la fin de la discussion, assez confuse, a alors porté sur les derniers jours de travail de Valentin X... au restaurant et en particulier sur l'octroi d'un jour de congé non sollicité ".
A défaut d'éléments concrets de nature à étayer sa demande au titre de la discrimination, il convient de rejeter la demande d'indemnisation par voie de confirmation du jugement.
Sur la prise d'acte du contrat d'apprentissage,
Selon l'article L 6222-18 du code du travail, le contrat d'apprentissage, passé le délai des deux premiers mois, ne peut être rompu que sur accord écrit signé des deux parties ou par le prononcé d'une résiliation par le conseil de prud'hommes en cas de faute grave ou de manquements répétés de l'une des parties à ses obligations ou en raison de l'inaptitude de l'apprenti à exercer le métier préparé.
La décision, notifiée à l'employeur le 31 octobre 2011 par M. David X... en sa qualité de représentant légal de son fils mineur Valentin X..., de rompre unilatéralement le contrat d'apprentissage de son fils plus de deux mois après son début du 1er juillet 2011, ne constitue pas un mode de rupture régulier. La prise d'acte est en conséquence dépourvue d'effet. Le jugement doit être infirmé sur ce point.
Sur les demandes respectives de résiliation judiciaire du contrat d'apprentissage
Sur la demande de résiliation de M. X... :
M. X... fait valoir, à l'appui de sa demande de résiliation du contrat aux torts de l'employeur, plusieurs griefs :
- exclusion du programme de formation en cantonnant l'apprenti à des tâches de nettoyage,- refus de lui régler des heures supplémentaires,
- discrimination en raison de son handicap,- remplacement par un nouvel apprenti dès avant son départ.
M. X... doit apporter la preuve de la faute grave ou des manquements répétés de la société TPM à ses obligations contractuelles au sens de l'article L 6222-18 du code du travail.
S'agissant des tâches qui lui ont été confiées durant la formation :
Il ne fait pas débat que, pour la période du 1er juillet au 21 octobre 2011, le jeune Valentin était " très content de son emploi et de ses entretiens avec le chef (M. H...), qu'il " semblait heureux de faire son apprentissage en restaurant et avait acquis une grande autonomie qui semblait positive pour lui " (Mme Elisabeth X...). M. X..., concentrant ses griefs sur la période limitée du mardi 25 octobre au vendredi 28 octobre 2011, a précisé dans le courrier de prise d'acte du 31 octobre 2011 : " pendant cette semaine, j'ai été affecté presque exclusivement à des tâches de nettoyage (plonge, nettoyage au karcher de containers), faisant très peu de cuisine, manifestement en vue d'obtenir mon départ, alors qu'il m'a été constamment répété que je n'étais pas capable de réussie en cuisine et d'y arriver ".
Toutefois, il ne fournit aucune preuve ou attestation corroborant ses allégations sur la nature des tâches qui lui ont été confiées durant ces quatre jours. Si Mme B..., chef de cuisine et maître d'apprentissage, a confirmé avoir confié à Valentin X... " des tâches ménagères et d'hygiène ", celles-ci s'inscrivent habituellement dans la formation dispensée en cuisine sans révéler en soi de la part de l'employeur une volonté de mettre l'apprenti " à l'écart du restaurant. "
Les proches de Valentin X... qui ont pu attester dans le cadre de la procédure, n'ont rapporté aucune doléance du jeune apprenti sur une dégradation de ses conditions de travail et sur des réflexions désagréables de la part de son employeur. Si Mme B..., maître d'apprentissage, a pu constater des difficultés de Valentin dans " les tâches courantes en cuisine malgré ses encouragements, aucun élément ne permet d'établir que le jeune Valentin a été " exclu du programme de formation ". Ce grief n'est donc pas établi.
Sur les heures supplémentaires :
Si aux termes de l'article L 3171-4 du code du travail, la preuve des heures effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salariés, il appartient toutefois au salarié, en cas de litige, d'étayer sa demande en paiement d'heures supplémentaires par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur d'y répondre en fournissant ses propres éléments.
En l'espèce, M. X... a produit :- le planning des horaires en entreprise " semaine-type " (pièce 9) les mercredi, jeudi, vendredi de 9 heures à 14 heures 30 et de 19 heures 15 à 21 heures 30.- l'attestation de sa tante Mme Elisabeth X... selon laquelle durant la semaine du lundi 1er août au vendredi 5 août 2011, " Valentin quittait son domicile vers 8 h15 pour se rendre à vélo au restaurant, rentrait vers 14 h 30/ 15 heures et repartait à son travail vers 17h30, il rentrait le soir vers 22h30 " sauf le vendredi soir.
L'attestation de Mme X... reste très vague, se bornant à donner les heures de départ du domicile familial et non pas du début de service au sein du restaurant et limitant ses constatations sur la seule semaine du 1er au 5 août 2011. M. X..., affirmant avoir effectué de manière systématique 40 heures au lieu de 35 heures par semaine, n'a fourni aucun décompte précis sur ses horaires et a omis de préciser ses périodes de vacances et d'absences diverses.
Il résulte en effet des pièces produites et notamment de ses bulletins de salaire, qu'il était absent :- une journée, le 15 juillet 2011, pour congés,- les 28 et 29 juillet 2011 à la suite d'un accident de travail,- du 8 août au 21 août 2011 pour congés,- le 24 octobre 2011 pour congé,- certaines soirées libres accordées, le vendredi 5 août (attestation Mme Elisabeth X...), le jeudi 27 octobre. (Pièce no10).
La demande de M. X..., fondée sur une base forfaitaire de cinq heures par semaine, n'est pas justifiée et sera donc rejetée. Ce second grief, à l'appui de la demande de résiliation, n'est pas davantage établi.
- sur la discrimination en raison de l'handicap :
Ce grief, déjà rejeté pour les motifs susvisés, n'est pas étayé et ne justifie pas la demande de résiliation présentée par M. X....
- sur le remplacement par un nouvel apprenti avant le départ de M. X... :
Dans son courrier du 31 octobre 2011, M. X... a fait valoir qu'il a constaté à partir du 25 octobre 2011 la présence d'un nouvel apprenti, Jallal, " sans nul doute pour me remplacer ". La société TPM rapporte la preuve que le jeune I... J... a été recruté dans le cadre d'un contrat d'apprentissage dont la formation a débuté le 29 août 2011 auprès de l'organisme formateur et dont le contrat a été signé le 29 novembre 2011. Il s'ensuit que la société TPM n'a pas anticipé le départ du jeune Valentin X... de quelque manière que ce soit, le contrat de formation de M. J... étant bien antérieur au mois d'octobre 2011.
Ce grief n'est pas fondé.
Au vu de ces éléments, M. X... n'ayant pas justifié de la faute grave ou des manquements répétés de son employeur à ses obligations contractuelles, sera débouté de sa demande de résiliation judiciaire aux torts de la société TPM.
Sur la demande de résiliation de la société TPM,
La société TPM fonde sa demande de résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'apprenti à la date du 31 octobre 2011 aux motifs que Valentin X... a cessé de présenter sur son lieu de travail à partir de cette date. Elle a produit ses deux courriers recommandés des 7 novembre et 16 novembre 2011, enjoignant au jeune Valentin X... de justifier de son absence depuis le 3 novembre 2011 et de reprendre le travail à l'issue de son arrêt de travail du 31 octobre au 2 novembre 2011 inclus. Elle évoque les conséquences préjudiciables de " ce silence sur le fonctionnement de l'établissement " et propose dans le second courrier la rupture d'un commun accord du contrat d'apprentissage, sur les conseils de la responsable du CFA du Mans. M. X... et son représentant légal justifient, par courrier en réponse du 18 novembre 2011, l'absence de l'apprenti à son poste de travail par sa prise d'acte aux torts de l'employeur, notifiée dès le 31 octobre 2011. Ils ont refusé toute rupture amiable sauf accord sur l'indemnisation des préjudices subis par le jeune apprenti.
Faute de justifier de ses griefs à l'encontre de son employeur, le refus persistant de l'apprenti de reprendre son poste de travail à l'issue de son arrêt de travail constitue un manquement répété à ses obligations contractuelles. La société TPM est en conséquence fondée à invoquer la résiliation judiciaire du contrat d'apprentissage aux torts de l'apprenti.
Le juge doit fixer la date de prise d'effet de la résiliation du contrat d'apprentissage à la date de la décision judiciaire lorsque le salarié est toujours au service de son employeur, ce qui n'est pas le cas de l'espèce. Lors que la résiliation est prononcée aux torts de l'apprenti, elle prend effet au jour où l'apprenti n'était plus au service de l'employeur. Il convient de constater que M. Valentin X... a pris acte de la rupture de son contrat d'apprentissage le 31 octobre 2011 et s'est inscrit dès le 3 novembre 2011 dans une nouvelle formation en Lycée à Laval. La date de fin du contrat d'apprentissage sera fixée au 3 novembre 2011, à l'issue de son arrêt de travail pour maladie.
Les effets de la résiliation judiciaire aux torts de l'apprenti remontant au 3 novembre 2011, M. X... n'est pas fondé à obtenir un rappel des salaires dus jusqu'au terme du contrat d'apprentissage ni l'indemnisation de ses divers préjudices liés à la rupture anticipée du contrat. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes indemnitaires de M. X....
Sur les autres demandes,
Il n'apparaît inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais non compris dans les dépens. Les demandes respectives présentées par M. X... et par la société TPM seront rejetées au titre des frais irrépétibles d'appel, le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions relatives de l'article 700 du code de procédure civile
M. X... sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant, publiquement et contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort,
DÉCERNE acte à M. Valentin X..., majeur depuis le 8 mai 2013, de ce qu'il est assisté par sa curatrice, Mme Martine Z..., mandataire judiciaire à la Protection des Majeurs, selon jugement du 22 octobre 2013 du juge des tutelles du Mans,
DÉCERNE acte à Me Y... de son intervention en qualité de mandataire judiciaire assistant la SARL TPM, placée sous redressement judiciaire,
INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la prise d'acte de M. X... s'analysait en une démission,
Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
DIT que la résiliation unilatérale du contrat d'apprentissage, notifiée le 31 octobre 2011 par le représentant légal de M. Valentin X..., est irrégulière et dépourvue de tout effet,
PRONONCE la résiliation du contrat d'apprentissage de M. X... aux torts de l'apprenti avec report des effets à la date du 3 novembre 2011,
CONFIRME le surplus des dispositions du jugement entrepris,
DÉBOUTE les parties de toutes leurs autres demandes.
CONDAMNE M. X... aux dépens de première instance et d'appel.