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28/04/2015 | FRANCE | N°13/00887

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 28 avril 2015, 13/00887


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 00887.
Jugement Au fond, origine Conseil de prud'hommes-Formation de départage de LAVAL, décision attaquée en date du 18 Mars 2013, enregistrée sous le no F11/ 00059
ARRÊT DU 28 Avril 2015
APPELANTE :
LA CAISSE FEDERALE DE CREDIT MUTUEL DE MAINE ANJOU BASSE NORMANDIE 43 BOULEVARD VOLNEY 53083 LAVAL

représentée par Maître FOUASSIER de la SELARL BFC AVOCATS, avocats au barreau de LAVAL-No du dossier 21100186
INTIME :
Monsieur André X...... 53000 LAVAL
r>comparant-assisté de Maître Renaud GISSELBRECHT, avocat au barreau de LAVAL
COMPOSITION DE LA...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 00887.
Jugement Au fond, origine Conseil de prud'hommes-Formation de départage de LAVAL, décision attaquée en date du 18 Mars 2013, enregistrée sous le no F11/ 00059
ARRÊT DU 28 Avril 2015
APPELANTE :
LA CAISSE FEDERALE DE CREDIT MUTUEL DE MAINE ANJOU BASSE NORMANDIE 43 BOULEVARD VOLNEY 53083 LAVAL

représentée par Maître FOUASSIER de la SELARL BFC AVOCATS, avocats au barreau de LAVAL-No du dossier 21100186
INTIME :
Monsieur André X...... 53000 LAVAL

comparant-assisté de Maître Renaud GISSELBRECHT, avocat au barreau de LAVAL
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Mars 2015 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller

Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 28 Avril 2015, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
FAITS et PROCÉDURE,
M. André X... été embauché à compter du 5 janvier 1982 en qualité d'agent d'intendance par la Caisse Fédérale de Crédit Mutuel de Maine, Anjou et Basse-Normandie dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet.
En dernier lieu, il occupait le poste d'agent logistique chargé d'assurer la sécurité des locaux et du personnel du siège social de la Caisse Fédérale moyennant un salaire brut de 1 977. 60 euros par mois.
L'employeur dont le siège social est situé à LAVAL, applique la convention collective nationale Maine Anjou basse Normandie. Il emploie un effectif de plus de 10 salariés.
Par courrier en date du 14 février 2011, M. X... a été convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement à la suite de faits d'agression sur la personne de Mme Y..., salariée de la société prestataire de nettoyage SPID. Le même jour, l'employeur a notifié à M. X... une mise à pied conservatoire. Par courrier du 3 mars 2011, le salarié a reçu notification de son licenciement pour faute grave.

Par requête reçue le 23 mars 2011, M. X... a saisi le conseil de prud'hommes de Laval pour contester son licenciement et voir condamner l'employeur au versement des diverses indemnités de rupture de son contrat de travail et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement avant dire-droit en date du 24 avril 2012, le conseil de prud'hommes de Laval a ordonné l'audition de plusieurs témoins qui a eu lieu le 23 mai 2012 et le 27 septembre 2012.
Par jugement de départage en date du 18 mars 2013, le conseil de prud'hommes de Laval a :
- constaté que le licenciement de M. X... n'était pas fondé sur une cause réelle et sérieuse,- proposé la rédintégration de M. X... et, à défaut d'accord des parties,- condamné la Caisse Fédérale de Crédit Mutuel de Maine, Anjou et Basse-Normandie à verser au salarié les sommes de :-50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-4 261. 31 euros au titre de l'indemnité de préavis et les congés payés y afférents,-50 692. 82 euros au titre de l'indemnité de licenciement,-5 932. 80 euros brut au titre de l'indemnité de départ à la retraite,-1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,- condamné la Caisse Fédérale de Crédit Mutuel de Maine, Anjou et Basse-Normandie à rembourser aux organismes concernés en application de l'article L 1235-4 du code du travail deux mois d'indemnités de chômage,- rejeté les autres demandes,- condamné l'employeur aux dépens.

Les parties ont reçu notification de ce jugement le 20 mars 2013
La Caisse Fédérale de Crédit Mutuel de Maine Anjou et Basse-Normandie en a régulièrement relevé appel général par courrier électronique de son conseil du 27 mars 2013
PRETENTIONS et MOYENS des PARTIES
Vu les conclusions récapitulatives enregistrées au greffe le 5 juin 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles la Caisse Fédérale de Crédit Mutuel de Maine, Anjou et Basse-Normandie demande à la cour de :- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,- dire que le licenciement de M. X... notifié le 3 mars 2011 repose sur une faute grave,- débouter le salarié de ses demandes et notamment de celles au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, l'indemnité de préavis et de congés pays y afférents, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,- constater que M. X... a été rempli de ses droits au titre du 13ème mois et le débouter de sa demande à ce titre,- rejeter la demande de M. X... au titre du droit individuel de formation et sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,- condamner M. X... au versement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir en substance que :
- sur le licenciement :- M. X..., en service dans le poste de sécurité, s'est rendu coupable le 25 janvier 2011 de faits de violence verbale et physique à l'égard de Mme Y..., salariée d'une entreprise de nettoyage au sein de la caisse fédérale du Crédit Mutuel,- l'incident contesté par M. X... a été confirmé par M. Z..., salarié du Crédit Mutuel et par M. A..., salarié de la société de gardiennage SPID,- Mme Y... s'est plainte auprès de son employeur du comportement habituel de M. X... à son égard au travers de remarques désobligeantes et vexatoires et a demandé à modifier ses horaires pour ne plus être en contact avec M. X...,- une nouvelle altercation verbale a éclaté le 1er février 2011 entre eux, en présence de la future remplaçante de Mme Y...,- le responsable de l'entreprise de nettoyage a confirmé avoir reçu les doléances d'autres agents d'entretien à propos de l'attitude désagréable et inadaptée de M. X...,- le Crédit Mutuel tenu d'une obligation de sécurité de résultat à l'égard de ses propres salariés en vertu de l'article L 4121-1 du code du travail ne pouvait pas tolérer un tel comportement répréhensible de M. X...,- cette situation de violence au travail, à la fois verbale, physique et comportementale, constituait une faute grave de la part d'un salarié précisément en charge de la sécurité dans les locaux et justifiait la sanction prise par le Crédit Mutuel,- le critère de l'ancienneté professionnelle de M. X... et l'absence de sanction antérieure ne sont pas des critères pour apprécier la gravité ou non d'un fait si la faute ainsi commise ne permet pas le maintien du salarié au sein de l'entreprise,- la victime étant salariée d'une entreprise tierce, le Crédit Mutuel ne dispose d'aucun pouvoir pour exiger de Mme Y... la production d'un certificat médical et d'un dépôt de plainte,- l'employeur justifie de l'existence des problèmes relationnels et des mouvements d'humeur de M. X... avec certains collègues et des intervenants extérieurs, ce qui contredit les attestations favorables fournies par le salarié décrit comme respectable, agréable et apprécié,- le Crédit Mutuel a contesté le fait qu'il ait profité des accusations de Mme Y... pour se débarrasser de M. X... à bon compte à quelques mois de sa mise à la retraite (décembre 2011) et de la prochaine évolution du système de sécurité, alors qu'il a rempli son obligation légale en veillant à préserver la sécurité de ses employés et des personnes travaillant dans ses locaux et n'a pris aucune décision quant au projet de changement du système de sécurité.

- sur les demandes indemnitaires :- la demande de dommages et intérêts sera rejetée s'agissant d'un licenciement pour faute grave, et à tout le moins, injustifiée en son montant pour un salarié qui peut faire valoir ses droits à retraite depuis décembre 2011.- la réclamation au titre du solde du 13ème mois n'est pas fondée, M. X... ayant été rempli de ses droits dans son dernier bulletin de salaire,- le licenciement pour faute grave prive M. X... de son droit à indemnité de départ à la retraite et à la prime liée à la médaille d'honneur du travail.

Vu les conclusions enregistrées au greffe le 27 octobre 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience selon lesquelles M. X... demande à la cour de :
- infirmer partiellement le jugement entrepris,- condamner la Caisse Fédérale de Crédit Mutuel de Maine, Anjou et Basse-Normandie à lui verser les sommes suivantes :-101 385 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-50 692. 82 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,-3 873. 92 euros au titre de l'indemnité de préavis et 387. 39 euros pour les congés payés y afférents,-645. 65 euros au titre du solde de l'allocation du 13ème mois (4/ 12ème),-5 932. 80 euros brut au titre de l'indemnité de départ à la retraite,-620 euros au titre de l'indemnité liée à la médaille d'honneur du travail,-3 000 euros en première instance et 3 000 euros en cause d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile..

Il soutient essentiellement que :- sur le licenciement :- la version des faits de Mme Y... qui prétend avoir été victime le 25 janvier 2011 d'une véritable tentative de strangulation n'est pas crédible en l'absence de certificat médical et de dépôt de plainte,- il n'y a eu ce jour-là qu'un petit " chahut " entre lui et Mme Y..., dépourvu de toute agressivité ou de violence,- les attestations de M. Z... et de M. A... ne suffisent pas à établir la réalité d'une agression, en ce que la première est contradictoire avec la version de Mme Y... et que le second témoin n'a rien vu de la scène.

MOTIFS DE LA DECISION
Sur le licenciement pour faute grave,
La lettre de licenciement datée du 3 mars 2011 fixe les limites du litige est ainsi libellée : " Ces faits graves nous ont été rapportés par M. B..., votre hiérarchique et responsable des relations avec l'entreprise SPID qui gère le ménage après que Mme Y... se soit confiée à lui. Les motifs de ce licenciement sont les suivants : agression comportementale et verbale à l'égard de Mme Y..., salariée de la société prestataire de nettoyage SPID. "

En effet, le mardi 25 janvier 2011, Mme Y... arrive pour prendre son service à 13h25 devant la porte d'entrée qui est restée fermée pendant quelques minutes conformément à la procédure en l'absence de l'hôtesse d'accueil ou de gardien à l'accueil, Mme Y... a sonné mais en vain. M. Z... est passé et lui a ouvert la porte. A ce moment, vous étiez en train d'arriver pour ouvrir la porte et Mme Y... vous a entendu " gronder ". Elle vous a interrogé pour savoir si c'est après elle que vous grondiez ce à quoi vous avez répondu par la négative. Vous lui avez répondu que vous reprochiez à M. Z... d'avoir ouvert la porte. Elle a répondu que " c'est un peu normal qu'il m'ait ouvert, que si vous étiez arrivé plus tôt, il n'allait pas faire votre travail. " M. Z... vous a répondu que Mme Y... avait raison et que vous devriez l'écouter. M. Z... a ajouté que ce n'était pas grave, qu'il savait qu'elle travaillait dans l'entreprise et est reparti à son poste.
Suite à cela, Mme Y... s'est dirigée vers le poste de sécurité. Vous l'avez empoignée brusquement avec son écharpe en la serrant très fortement. Mme Y... vous a demandé de la relâcher mais vous avez continué à serrer fortement. Mme Y... a essayé de vous arrêter en attrapant et tirant votre T-shirt au niveau du cou mais en vain. Mme Y... a alors porté ses mains à son cou pour desserrer l'écharpe toujours en vain. " Plus je bouge, plus il serrait avec la colère. " Mme Y... a attrapé son sac à mains et vous a porté un coup dans les jambes, vous avez donné un coup sec sur l'écharpe puis vous l'avez lâchée. Sous l'effet d'une strangulation, l'air manquait, Mme Y... a " eu une montée de larme " et elle est resté à reprendre ses esprits. Quant à vous, vous êtes reparti vers le poste de sécurité, Mme Y... vous a donné de nouveau un coup de sac à man dans les jambes ce à quoi vous avez répondu que n'aviez " même pas mal ". Elle est allée chercher les clés et son badge puis elle a signé et elle est partie travailler. Avant la fin de votre service, elle est repassée pour vous dire que vous lui aviez fait très mal ajoutant " c'est comme ça que vous rigolez avec les gens, en agressant, en étant violent ". Vous avez répondu " ho, vous êtes morte, je vous ai tuée. " en demandant si Mme Y... allait vous convoquer chez les policiers. Mme Y... vous a répondu par la négative et vous avez ri.

Consécutivement à cette agression, Mme Y..., choquée et humiliée, a fait une demande à son employeur, la société SPID de changer ses horaires de travail chez nous de peur de vous croiser à nouveau. La société SPID a accédé à cette demande et le 1er février, la remplaçante de Mme Y... est arrivée. Au moment du passage de sa remplaçante accompagnée de Mme Daneels au poste de sécurité, vous avez dit d'une façon agressive que vous ne vous occupez pas des femmes de ménage et vous avez poussé Mme Y... en leur disant de sortir d'ici. Mme Y... vous a riposté de ne pas la toucher. Vous avez répondu qu'il ne fallait pas s'énerver. " Il rigolait et se moquait de Mme Y... de façon cynique " propos rapportés par la remplaçante accompagnant Mme Y....
A cela s'ajoutent l'attitude et les propos déplacés et indécents que vous avez eu à l'égard de Mme Y... au sujet par exemple de savoir si elle aime " aller en boîte pour (s)'amuser ou pour draguer les vieux, les baiser et prendre leur argent " ou encore des propos tels que " je suis costaud, mon crayon est costaud, je suis bon au lit "
Suite à cette agression dont Mme Y... a été victime et pour laquelle elle a d'ailleurs déposé une main courante, la société SPID nous a adressé un courrier en date du 24 février nous informant que depuis un certain temps les agents d'entretien qui passent au PC Sécurité en journée sont confrontés à des questions et propos désagréables parfais à caractère privé. " Il arrive fréquemment que le passage de nos agents de service et notre personnel d'encadrement au PC de sécurité pour remise de clés ou de badges soit long et fastidieux. "
Votre comportement à l'égard de Mme Y... ainsi que ces faits et agissements commis dans le cadre de l'exécution de votre contrat de travail, sont d'une gravité telle que nous ne pouvons envisager de poursuivre une relation de travail avec vous. Ils sont totalement inacceptables de la part d'un salarié travaillant dans notre entreprise d'autant plus de la part d'un gardien chargé de la sécurité. D'autre part, ils mettent en cause la sécurité et la santé du personnel mis à dispositions chez nous et d'autre part, ils portent profondément atteinte au respect et à la dignité de la personne... Votre licenciement est donc immédiat sans préavis ni indemnité de rupture. "

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible toute poursuite du contrat de travail et maintien du salarié dans l'entreprise. Il incombe à l'employeur d'en rapporter la preuve.
En ce qui concerne les faits du 25 janvier 2011, il résulte des documents produits par la Caisse de Crédit Mutuel :
- que Mme Y... a confirmé ses déclarations, dont les termes ont été repris in extenso dans la lettre de licenciement et confirmés lors de son audition le 23 mai 2012 devant le conseil de prud'hommes et qu'elle a déposé une main courante le 16 février 2012 pour injures et menaces à l'encontre de M. X...,
- que M. Jacky Z..., employé de banque au Crédit Mutuel atteste le 11 février 2011 " Le 25 janvier 2011, en me rendant à mon poste de travail, la femme de ménage a sonné, je suis allé lui ouvrir la porte et André arrivait pour lui ouvrir aussi, il m'a dit que je n'aurais pas dû lui ouvrir, alors je suis revenu vers lui pour lui rétorquer que ce n'était pas grave, et la femme de ménage a répondu " il m'a rendu service ". Je les ai suivis vers le poste de sécurité en lui précisant que je savais qu'elle travaillait dans l'entreprise. André tenait la femme de ménage par son écharpe ou son anorak tout en chahutant » et qu'entendu par le conseil des prud'hommes, il a précisé que " M. X... chahutait avec Mme Y..., qu'il ne voyait pas bien M. X... et Mme Y... et qu'il n'a pas pu se rendre compte si c'était par l'anorak ou l'écharpe qu'il la tenait » ; s'il a ajouté que " connaissant M. X..., il savait que c'était de la plaisanterie ".
- que M. Stéphane A..., chef de poste de la société Securitas au sein de l'entreprise Crédit Mutuel atteste (12 février 2011) : " le 25 janvier 2011,.. Mme Y... s'est présentée à l'accueil, un individu lui a ouvert l'accès. De retour au poste, Mme Y... et M. X... ont eu altercation dans le sas entre l'accueil et le service CME. Je n'ai pas pu voir ce qui se passait mais j'ai entendu qu'ils se fritaient et M. X... a dû me semble-t'il, prendre un coup de sac à main vu le bruit entendu et Mme Y... a dit " ça suffit maintenant " et que, lors de son audition devant le Conseil le 23 mai 2012, le témoin s'est borné à dire qu'il n'avait rien vu ni entendu à l'exception des paroles de Mme Y... " ça suffit maintenant ".
- que Mme Juliette C..., agent de service et responsable de Mme Y... atteste le 15 février 2011 : « le 25 janvier 2011, en fin de journée, Mme Y... m'a informé qu'elle avait été agressée par M. X..., agent de sécurité au Crédit Mutuel, elle m'a dit qu'il avait pris son écharpe et qu'il avait serré très fort. "
Ces témoignages confirment l'agression dont Mme Y... a été victime de la part de M. X... alors même que M. Z... dont la perception qu'il s'agissait d'un simple " chahut " entre adultes demeure très subjective, s'abstient de décrire le comportement de Mme Y... au moment où elle était " maintenue " par le col par M. X... et tente de banaliser a posteriori un comportement totalement inadapté de la part de son collègue à l'égard d'une jeune salariée et que M. A... évoque, dans une attestation établie moins de trois semaines après l'incident, le fait que M. X... et Mme Y... " se fritaient " ce qui exclut toute notion de jeu entre eux.
Pa ailleurs, après avoir nié lors de l'entretien préalable du 22 février 2011 tout incident avec Mme Y... " affabulatrice, mythomane, voulant lui nuire ", M. X... a reconnu, dans ses conclusions, qu'il s'agissait d'un " petit chahut sans la moindre agressivité ou violence " à l'égard de la jeune femme.
La version donnée par Mme Y..., maintenue tout au long de la procédure, est précise et circonstanciée sur le déroulement des faits du 25 janvier 2011 : elle a décrit des violences volontaires exercées par M. X... " sous l'effet de la colère ". Elle s'est confié le jour même auprès de sa responsable Mme C... à propos de " l'écharpe serrée très fort " par M. X... et a demandé auprès de son employeur à réduire ses horaires de travail au Crédit Mutuel " par peur " de M. X.... Elle a renouvelé ses accusations devant les services de police qui ont recueilli une main courante le 16 février 2011. La production d'un certificat médical n'est pas nécessaire si la preuve des violences physiques ou morales est rapportée..

Le simple fait pour M. X... de " tenir " Mme Y... par le col de son écharpe ou de son vêtement ne peut pas être considéré comme un " jeu " anodin de la part d'un professionnel exerçant une mission de sécurité à l'égard d'une jeune femme, avec laquelle il n'est pas soutenu qu'il entretenait des liens amicaux. Alors que M. X... venait d'exprimer quelques instants auparavant son vif mécontentement (" il grondait ") à l'égard de M. Z... pour avoir ouvert la porte d'accès à Mme Y... sans son autorisation, rien ne permet d'établir que M. X... ait brutalement modifié son comportement et qu'il se soit mis à " plaisanter " avec Mme Y.... Compte tenu de l'expérience et des fonctions exercées par M. X... au sein du poste de sécurité, son comportement doit s'analyser en un acte d'agression physique et d'intimidation vis à vis de Mme Y..., salariée d'une entreprise extérieure.

En ce qui concerne l'altercation du 1er février 2011, il résulte des documents produits par la Caisse de Crédit Mutuel :- que Mme Y... a déclaré dans son attestation du 23 février 2011 et sa déclaration du 23 mai 2012 :- " le mardi 1er février 2011, ma remplaçante est arrivée et nous sommes allées au poste de sécurité pour prendre le badge et les clés. M. X... nous a dit qu'il ne s'occupait pas des femmes de ménage ici. Il m'a poussée en nous disant de sortir d'ici puis il s'est mis à siffler. "- "... Lors de la notification sur le registre, M. X... a pris le stylo des mains de Mme Y..., l'a jeté et a dit je ne m'occupe pas des femmes de ménage ici, sortez d'ici en sifflant. "

- que Mme D... a confirmé, lors de son audition par le conseil de prud'hommes que " M. X... avait manqué de respect envers Mme Y... et lui avait parlé d'une façon qui n'était pas professionnelle ".
- que Mme C..., responsable de Mme Y... a déclaré le 15 février 2011 : " Le 1er février, elle m'a informé en fin de journée qu'à son arrivée, elle avait encore eu un problème avec M. X..., qu'il l'avait sorti du poste de sécurité en la disputant. "
Le témoignage de M. Nicolas E..., agent de sécurité de la société SECURITAS qui déclare : " J'étais présent au siège du Crédit Mutuel le 1er février 2011.. Se présentait au même moment Mme Y... accompagnée de Mme D... pour y retirer des clés et badges au poste de sécurité. M. X... a enregistré les clés et badges sur le registre prévu à cet effet. Au moment de la signature, Mme Y... a injurié M. X..., le ton est monté, M. X... a dit à Mme Y... de se calmer, qu'il était là seulement pour gérer le registre des clés et cartes et non le temps de présence des femmes de ménage sur le site. Mme Y... a tenté de bousculer M. X... en criant en même temps " Tu me touches pas " ce qu'il n'a pas fait " ne saurait être pris en considération alors que, lors de son audition devant le conseil des prud'hommes il a admis ne rien avoir vu et avoir rapporté les propos de M. X... ; Il rapporte en outre des faits et propos totalement différents de ceux rapportés par M. X... reprise dans le compte-rendu de l'entretien préalable du 22 février 2011 fait par M. F... délégué du personnel (pièce 12 intimé) : ".. Mme Y... a voulu que je note la présence de Mme Viera ce que j'ai refusé en lui expliquant calmement que je n'étais pas là pour gérer le temps des femmes de service mais que j'étais là pour gérer les badges et les passes. Elle est montée sur ses grands chevaux ! ! J'ai été cherché les badges et les passes et lorsque je suis revenu, Mme Y... a crié " me touche pas ! ! " alors que je ne l'avais pas touchée. " M. X..., s'il a confirmé l'existence d'une altercation verbale avec Mme Y..., n'a jamais déclaré avoir été injurié et bousculé par elle.

Il est ainsi établi que M. X... est à l'origine de l'altercation verbale du 1er février 2011 l'ayant opposé à Mme Y... : son refus de noter dans le registre la présence de Mme D... dans les locaux du Crédit Mutuel est manifestement injustifié puisqu'il lui appartenait en sa qualité de gardien de la sécurité de relever l'identité des personnes intervenants extérieurs présents sur le site en vertu des consignes de son employeur.
Ce refus à la demande légitime de Mme Y... s'est accompagné d'une attitude irrespectueuse et humiliante de la part de M. X... au regard des gestes (stylo jeté) et des termes employés " je ne suis pas là pour gérer le temps des femmes de ménage mais pour gérer les badges et les passes ", " sortez d'ici ".
Un tel comportement constitue un manquement aux obligations de politesse et courtoisie inhérentes aux fonctions de M. X... en sa qualité de gardien du poste de sécurité.
En ce qui concerne l'attitude et les propos déplacés et indécents de M. X..., il ressortent des déclarations de Mme Y... : " M. X... régulièrement me demande si j'aime aller en boîte pour m'amuser ou pour draguer les vieux, les baiser et prendre leur argent, il me dit aussi, je cite " je suis costaud, mon crayon est costaud, je suis bon au lit ".
Enfin s'agissant du comportement de M. X... avec les agents d'entretien qui passent au PC Sécurité journée il est établi par les documents produits :
- par un courrier du 24 février 2011 de la société prestataire de nettoyage SPID que " depuis un certain temps les agents d'entretien qui passent au PC sécurité en journée sont généralement confrontés à des questions et propos désagréables (de la part de M. X...).... Enfin, une grande partie de nos agents nous avoué qu'elles avaient tendance à faire attention. à ne pas engager la conversation pour éviter toutes remarques ou questions parfois à caractère privé de M. X.... "
- par une attestation de M. H... gérant de la société SPID : "... La signature du cahier de présence était aussi un passage " particulier ". Le rayon est présenté sur le cahier en étant jeté dessus avec un ton qui parfois s'avérait particulièrement déplacé du genre " vous ne savez toujours pas où il faut signer ? De toute façon vos agents aussi ! "
- par une attestation de Mme C... agent de service de la société SPID : " Dans le cadre de mon travail, j'ai été en contact régulier avec M. X... pour la remise de clés et badges. Il me faisait souvent attendre quand il était sur l'ordinateur ou qu'il cherchait le bon crayon. Il était désagréable et posait quelquefois des questions personnelles. "
Ces faits sont confirmés par :- M. A..., chef de poste de la société Sécuritas affecté à la Caisse de Crédit Mutuel depuis septembre 2003 qui déclare " J'ai rencontré des difficultés à m'intégrer à mon équipe car M. X... pour des raisons que j'ignorais m'ait pris en grippe dès mon arrivée et mettait un pression constante sur mon travail au poste de sécurité. Des réflexions voire des insultes envers moi et mes collègues de la part de M. X....... des agents de surveillance ont dû quitter le site pour apaiser l'ambiance.... Avec le personnel de nettoyage, M. X... n'était pas tendre aussi lors de la prise des badges et clés au poste de sécurité ou bien à l'heure du nettoyage du poste, la responsable de chez Rénosol, Mme I... et d'autres venait faire le nettoyage lorsque l'agent avait remplacé M. X... le midi lors de la pause pour éviter d'avoir des réflexions. " (courrier du 22 décembre 2011) des extraits du journal de sécurité du poste de sécurité révélant des incidents avec M. J... agent de sécurité Securitas en août 2010 " 6h57 Arrivée de M. X... d'une façon rustre, celui-ci m'a viré du poste de travail malgré moi-même-à voir avec personne plus qualifiée " (9 août 2010) ; " 6 h55 même problème avec M. X... que la veille... de plus, j'ai reçu de la part de MGibouri des menaces orales et physiques. " (10 août 2010 ")

Les attestations versées aux débats par M. X... et qui émanent de collègues ou anciens collègues (M. Gicquaire M. K..., Mme L..., M. M..., Mme N..., M. O..., M. P...) exprimant leur surprise face aux accusations de violence portées contre X... et précisant n'avoir eu aucun souci relationnel avec lui et d'anciens salariés de la société de nettoyage Renisol (Mme Q..., M. R..., Mme S..., M. T...), n'ayant rencontré aucun problème relationnel avec lui, le décrivant comme " accueillant, agréable et courtois " (Mme S...) sont rédigées pour la plupart dans des termes généraux et non circonstanciés, présentent peu d'intérêt pour la solution du litige.

Des témoins (M. K..., M. U...) n'ont pas hésité à critiquer ouvertement Mme Y... estimant que " ses accusations sont un tissu de mensonges " et " qu'il était vraiment très surpris que l'on puisse prêter le moindre crédit à cette sombre histoire " ce qui permet de douter de leur objectivité.
Le certificat médical du docteur V... médecin psychiatre en date du 3 novembre 2011 ne décelant aucune anomalie psychique de type " cyclothymique " chez M. X... présentant tout au plus un caractère entier permet de considérer que M. X... était pleinement conscient de ses actes et de ses paroles et qu'il est exempt de toute pathologie.
Contrairement à ses allégations, M. X... a rencontré, au cours des trois années précédant son licenciement, des problèmes récurrents de comportement au vu :- du courrier de mise en garde du 10 novembre 2009 du Directeur des Services généraux du Crédit Mutuel " lui demandant d'avoir désormais une attitude et un comportement exemplaires vis à vis des collaborateurs et des prestataires extérieurs ".- des entretiens annuels d'évaluation : " il est dommage que quelques difficultés relationnelles viennent toujours ternir ses performances " incident avec un agent Sécuritas M. W...) en février 2007 ; " Il reste toujours un point faible : les relations avec les collègues et certains intervenants " en mai 2008, " les remarques récurrentes faites régulièrement chaque année m'empêchent de vous accorder plus de responsabilités au niveau du poste de sécurité. Le point faible des relations avec certains collègues et prestataires subsiste. " en mars 2009.

Ces éléments permettent d'établir la réalité des griefs invoqués par la Caisse de Crédit Mutuel.
Enfin, l'allégation de M. X... aux termes de laquelle son employeur aurait trouver un moyen, grâce au licenciement pour faute grave, de se séparer de lui à moindre frais après de 30 ans d'ancienneté, n'est pas crédible ni a fortiori démontrée, un tel intérêt financier étant inexistant à l'égard d'un salarié pouvant faire valoir ses droits à retraite dès le mois de décembre 2011, soit bien avant la mise en oeuvre du transfert des services de sécurité envisagé à la fin d'année 2013.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, le comportement désagréable, agressif et humiliant que M. X... a persisté à adopter envers Mme Y... salariée d'une entreprise prestataire de nettoyage, constitue une inexécution fautive de ses obligations liées à son contrat de travail.
Au regard de l'expérience et de la nature des fonctions de M. X... chargé de la sécurité sur le site, il convient de dire que le salarié a commis une faute grave rendant impossible toute poursuite du contrat de travail.
En conséquence, le licenciement de M. X... reposant sur une faute grave est justifié. Le jugement doit être infirmé de ce chef.
Sur les conséquences du licenciement,
Le salarié sera en conséquence débouté de ses demandes en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité conventionnelle de licenciement et d'indemnité compensatrice de préavis, le jugement étant infirmé de ces chefs.
La caisse de Crédit Mutuel justifie avoir acquitté le solde de la prime du 13ème mois de l'année 2011 sur la base de 346. 08 euros au vu du bulletin de salaire de mars 2011. La demande de paiement du solde de l'allocation du 13ème mois n'est donc pas fondée et sera rejetée par voie de confirmation du jugement.
Il ne fait pas débat le droit que l'indemnité conventionnelle de départ à la retraite est exclue en cas de licenciement pour faute grave. M. X... n'est donc pas fondé à réclamer le bénéficie de cette indemnité. La demande sera rejetée par voie d'infirmation du jugement.
Il en est de même pour le droit à l'indemnité liée à la médaille d'honneur du travail. Cette demande sera rejetée par voie de confirmation du jugement.
Sur les autres demandes,
Les conditions d'application de l'article L 1235-4 du code du travail n'étant pas réunies, il n'y a pas lieu d'ordonner le remboursement par l'employeur des indemnités de chômage payées au salarié aux organismes concernés.
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais non compris dans les dépens. Les parties seront déboutées de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles d'appel, le jugement déféré étant infirmé en ses dispositions relatives de l'article 700 du code de procédure civile ;
M. X... sera condamné aux entiers dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant, publiquement et contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort,
INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il dit que le licenciement de M. X... n'était pas fondé sur une cause réelle et sérieuse, qu'il a condamné la Caisse Fédérale du Crédit Mutuel Maine Anjou Basse-Normandie à verser à M. X... la somme de 50000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme de 4 261. 31 euros au titre de l'indemnité de préavis et des congés payés y afférents, la somme de 50 692. 82 euros au titre de l'indemnité de licenciement, la somme de 5 932. 80 euros au titre de l'indemnité de départ à la retraite, la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, qu'il a condamné la Caisse Fédérale du Crédit Mutuel Maine Anjou Basse-Normandie à rembourser aux organismes concernés deux mois d'indemnité de chômage,
STATUANT de nouveau des chefs infirmés et y AJOUTANT :
DIT que le licenciement de M. X... fondé sur une faute grave est justifié,
DÉBOUTE M. X... de l'ensemble de ses demandes.
DÉBOUTE la Caisse Fédérale du Crédit Mutuel Maine Anjou Basse-Normandie de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
CONFIRME le surplus des dispositions du jugement.
CONDAMNE M. X... aux dépens d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/00887
Date de la décision : 28/04/2015
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2015-04-28;13.00887 ?
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