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10/03/2015 | FRANCE | N°13/03221

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 10 mars 2015, 13/03221


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N 105 clm/ jc

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 03221.
Arrêt Au fond, origine Cour de Cassation de PARIS, décision attaquée en date du 28 Novembre 2013, enregistrée sous le no X12-27. 829. Assuré : Joël X...

ARRÊT DU 10 Mars 2015

APPELANTE :

La Société EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS OUEST 15 Avenue Germaine Thillion 35136 ST JACQUES DE LA LANDE

non comparante-représentée par Maître NADAUD, avocat au barreau de NANTES, substituant Maître Antony VANHAECKE, avocat au barreau de

LYON
INTIMEE :
LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU MORBIHAN 37 Boulevard de la Paix BP 20321 56...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N 105 clm/ jc

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 03221.
Arrêt Au fond, origine Cour de Cassation de PARIS, décision attaquée en date du 28 Novembre 2013, enregistrée sous le no X12-27. 829. Assuré : Joël X...

ARRÊT DU 10 Mars 2015

APPELANTE :

La Société EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS OUEST 15 Avenue Germaine Thillion 35136 ST JACQUES DE LA LANDE

non comparante-représentée par Maître NADAUD, avocat au barreau de NANTES, substituant Maître Antony VANHAECKE, avocat au barreau de LYON
INTIMEE :
LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU MORBIHAN 37 Boulevard de la Paix BP 20321 56018 VANNES CEDEX

représentée par Monsieur E..., muni d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 27 janvier 2015 à 14H00 en audience publique et collégiale, devant la cour composée de :

Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller

qui en ont délibéré.
Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 10 Mars 2015, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 29 août 2009, M. Joël X..., salarié de la société EIFFAGE Travaux Publics Ouest en qualité de chauffeur poids lourds depuis le 18 juin 1974, a établi une déclaration de maladie professionnelle relative à une perte d'audition des deux oreilles. Cette déclaration était accompagnée d'un certificat médical initial dressé le 21 août 2009. Elle a été réceptionnée par la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan (ci-après : la CPAM du Morbihan) le 14 septembre 2009.
Par courrier du 7 décembre 2009 réceptionné le 9 décembre suivant, la CPAM du Morbihan a informé la société EIFFAGE Travaux Publics Ouest de la clôture de l'instruction et de la possibilité qui lui était offerte de venir consulter les éléments constitutifs du dossier avant la prise de décision sur le caractère professionnel ou non de la maladie déclarée, décision fixée au 22 décembre 2009.
Par courrier du 10 décembre 2009 réceptionné le 15 décembre suivant, la CPAM du Morbihan a informé la société EIFFAGE Travaux Publics Ouest du recours à un délai complémentaire d'instruction.
Par courrier du 11 décembre 2009 réceptionné le 15 décembre suivant, elle l'a informée de la clôture de l'instruction et de la faculté qui lui était offerte de venir consulter les pièces constitutives du dossier avant la prise de décision fixée au 29 décembre 2009.
A la demande de l'employeur, par pli du 15 décembre 2009 réceptionné le 17 décembre suivant, la CPAM du Morbihan lui a transmis les pièces constitutives du dossier.
Répondant à une réclamation formulée par l'employeur par courrier réceptionné le 22 décembre 2009, par lettre du 30 décembre 2009 réceptionnée le 4 janvier 2010, la CPAM du Morbihan lui adressé trois pièces complémentaires.
Par courrier du 12 janvier 2010, la CPAM du Morbihan a notifié à la société EIFFAGE Travaux Publics Ouest sa décision de reconnaître le caractère professionnel de la maladie déclarée par M. Joël X....
Par courrier du 11 mars 2010 réceptionné le 15 mars suivant, la société EIFFAGE Travaux Publics Ouest a saisi la commission de recours amiable afin que cette décision lui soit déclarée inopposable.
Le 21 juin 2010, la société EIFFAGE Travaux Publics Ouest a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'un recours contre la décision de la commission de recours amiable en date du 21 mai 2010 emportant rejet de sa demande d'inopposabilité.
Par jugement du 4 avril 2011, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Morbihan a déclaré la décision de prise en charge du 12 janvier 2010 opposable à la société EIFFAGE Travaux Publics Ouest et il a débouté cette dernière de l'ensemble de ses prétentions, y compris de sa demande d'expertise.
Statuant sur l'appel formé par l'employeur, par arrêt du 12 septembre 2012, la cour d'appel de Rennes a confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions et dispensé la société EIFFAGE Travaux Publics Ouest du paiement du droit prévu à l'article R. 114-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale.

Par arrêt du 28 novembre 2013, statuant sur le pourvoi formé par la société EIFFAGE Travaux Publics Ouest, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a, au visa de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale et du tableau no 42 des maladies professionnelles :

- cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 12 septembre 2012 entre les parties par la cour d'appel de Rennes ;- remis, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la présente cour ;- condamné la CPAM du Morbihan aux dépens et rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer comme elle l'a fait, la Cour de cassation a retenu :
- que pour débouter la société de ses demandes, l'arrêt se borne à énoncer, s'agissant des conditions de réalisation de l'examen médical, que les calculs réalisés à partir de l'audiogramme, qui ne sont pas sérieusement remis en cause par le médecin de la société, démontrent un déficit moyen supérieur au seuil de 35 décibels pour chacune des deux oreilles ; qu'en conséquence, il est parfaitement démontré que les conditions du tableau no 42 sont remplies ;
- qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était expressément demandé, si le diagnostic de l'hypoacousie avait été réalisé dans des conditions conformes aux exigences du tableau no 42 des maladies professionnelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
La société EIFFAGE Travaux Publics Ouest a saisi la présente cour par lettre recommandée postée le 9 décembre 2013.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Vu les conclusions et observations orales des parties à l'audience des débats du 27 janvier 2015 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés ;
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 10 décembre 2014, régulièrement communiquées, reprises et complétées oralement à l'audience aux termes desquelles la société EIFFAGE Travaux Publics Ouest demande à la cour :
- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vannes le 4 avril 2011 ;
- statuant à nouveau, à titre principal, de lui déclarer inopposable la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la maladie déclarée par M. Joël X...le 29 août 2009 aux motifs que :
¿ la demande de reconnaissance de maladie professionnelle régularisée à cette date est prescrite en application des articles L. 461-1 alinéa 1 et L. 431-2 alinéa 1 du code de la sécurité sociale en ce qu'elle est intervenue plus de deux ans après la première constatation médicale de la maladie laquelle se situe en août 1992 selon la mention portée par le salarié sur la déclaration de maladie professionnelle, en tout cas, le 30 mars 2006 ; compte tenu de cette prescription, la caisse aurait dû prendre une décision de refus de prise en charge ;

¿ les conditions du tableau no 42 des maladies professionnelles ne sont pas réunies en ce que : 1) la caisse n'établit pas que l'audiogramme du 4 août 2009 a été réalisé conformément aux exigences du tableau, notamment, avec un audiomètre calibré et dans une cabine insonorisée, en ce que les courbes ne permettent pas de savoir s'il s'agit d'une audiométrie tonale ou vocale et en ce que l'examen audiométrique produit ne permet pas de constater un déficit auditif sur la meilleure oreille d'au moins 35 dB ; 2) il n'est pas justifié que l'audiométrie diagnostic a été réalisée après une cessation d'exposition au bruit lésionnel d'au moins 3 jours ; 3) la preuve de l'exposition au risque, c'est à dire aux bruits lésionnels, fait défaut ;

¿ la CPAM du Morbihan a manqué à son obligation d'information et de respect du contradictoire en ce que : 1) elle a fait un usage abusif du délai complémentaire en y ayant recours pour pallier son propre retard et éviter une prise en charge implicite et non pour réaliser un examen ou une enquête complémentaire au-delà du 10 décembre 2009, de sorte que, l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale étant d'ordre public, la décision est intervenue au terme d'une procédure entachée d'illégalité ; 2) l'enquête menée par la caisse était insuffisante comme basée sur les seules informations fournies par le salarié et l'employeur que l'enquêteur n'a pas pris le soin de vérifier en se rendant sur place ; n'ayant pas été conduite de façon sérieuse et impartiale, elle est " nécessairement " injustifiée ; 3) il ressort de la fiche de colloque médico-administratif que la décision a été prise en réalité dès le 30 novembre 2009, soit bien avant les courriers de clôture de sorte qu'elle-même n'a pas pu faire valoir loyalement ses observations ; 4) l'avis du médecin conseil ne figurait pas au dossier soumis par la caisse à sa consultation ;

¿ la décision de prise en charge du 12 janvier 2010 ne répond pas à l'exigence de motivation ; ¿ le signataire de la décision n'était pas titulaire d'une délégation de pouvoir ce qui justifie de lui déclarer inopposable la décision de prise en charge, en tout cas, de l'annuler car une décision irrégulière n'a pas pu lui être notifiée valablement de sorte qu'elle est privée d'effet à son égard ;

- à titre subsidiaire et avant dire droit, d'ordonner une expertise médicale avec mission pour l'expert de déterminer la date de première constatation médicale de la maladie, la date à laquelle M. Joël X...a eu connaissance du lien éventuel entre la maladie et son travail, et de se prononcer sur l'origine professionnelle de cette maladie, c'est à dire d'indiquer s'il existe un lien entre elle et le travail ;
- en toute hypothèse de condamner la CPAM du Morbihan à lui payer la somme de 3 000 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de statuer ce que de droit s'agissant des dépens.

Vu les conclusions enregistrées au greffe le 22 janvier 2015, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles la CPAM du Morbihan demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de débouter la société EIFFAGE Travaux Publics Ouest de l'ensemble de ses prétentions, notamment de sa demande formée au titre des frais irrépétibles.

La caisse fait valoir en substance que :
- sur la prescription de la demande de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie : la demande n'est pas prescrite en ce que c'est seulement le certificat médical initial du 21 août 2009 qui a informé la victime du lien entre sa pathologie auditive et le travail ;
- la conformité de l'audiogramme du 4 août 2009 avec les exigences du tableau no 42 des maladies professionnelles est établie, d'une part, par la fiche colloque médico-administratif signée le 27 novembre 2009 par le médecin conseil dont il ressort que ce dernier a bien vérifié que les conditions de diagnostic fixées par ce tableau étaient satisfaites, d'autre part, par l'attestation établie le 15 janvier 2015 par le médecin qui a réalisé l'audiogramme ; en outre, cet examen révèle bien un déficit moyen supérieur au taux de 35 dB pour chacune des deux oreilles ;
- l'enquête administrative a permis d'établir que l'exposition au risque est avérée ;
- elle n'a pas failli à son obligation d'information et de respect du contradictoire en ce que : ¿ le premier délai de trois mois arrivant à son terme le 14 décembre 2009, elle était légalement tenue de recourir au délai complémentaire et d'envoyer un nouveau courrier de clôture afin de permettre à l'employeur de disposer de son délai de consultation et de faire valoir ses observations ; ¿ l'enquête a été menée de façon impartiale et sérieuse ; l'enquête sur place n'est pas obligatoire dès lors que la caisse s'estime suffisamment informée par les éléments fournis par le salarié et l'employeur ; ¿ la fiche colloque médico-administratif valait avis du médecin conseil et cet avis a été transmis ; ¿ s'agissant d'une décision de prise en charge, elle fait grief à l'employeur, lequel ne peut pas se prévaloir des dispositions de la loi no 79-587 du 11 juillet 1979 et la décision en cause répond à l'exigence de motivation posée par l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale ; ¿ à la supposer avérée, l'absence de délégation de pouvoirs du signataire de la décision ne serait pas sanctionnée par l'inopposabilité de celle-ci à l'employeur ; l'identification de la caisse suffit à assurer la validité de la décision et l'absence de signature par le directeur de la caisse est une irrégularité formelle qui n'entraîne pas la nullité de l'acte ; ¿ en cas de nullité de la décision de prise en charge, celle-ci serait réputée n'avoir jamais existé de sorte que l'assuré bénéficierait d'une décision implicite de prise en charge ;

- il n'y a pas lieu à mise en oeuvre d'une expertise médicale judiciaire.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge du 12 janvier 2010 :

1) sur le moyen tiré de la prescription de la demande :
En vertu de l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale, " Les droits de la victime ou de ses ayants droit aux prestations et indemnités prévues par le présent livre se prescrivent par deux ans à dater : 1o du jour de l'accident ou de la cessation du paiement de l'indemnité journalière ;... ".

Selon l'article L. 461-1 du même code, en ce qui concerne les maladies professionnelles, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle est assimilée à la date de l'accident.
Il résulte de la combinaison de ces textes qu'en matière de maladie professionnelle, les droits à prestations de la victime se prescrivent par deux ans à compter de la date à laquelle cette dernière est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et son activité professionnelle.
L'hypoacousie objet du tableau no 42 des maladies professionnelles suppose un déficit auditif d'au moins 35 dB sur la meilleure oreille.
Le fait que M. Joël X...ait déclaré, aux termes du questionnaire que lui a adressé la CPAM du Morbihan dans le cadre de l'enquête administrative, qu'à chaque visite auprès du médecin du travail celui-ci lui indiquait qu'il avait une perte d'audition et qu'en 1992, le médecin du travail lui a conseillé d'aller voir un ORL, de même que la circonstance qu'il ait pu alors être mis en garde sur une perte d'acuité auditive, notamment dans le registre des aigus, et sur la nécessité pour lui de porter des protections auditives ne permettent pas d'établir qu'il aurait été, dès 1992, informé, par un certificat médical, du fait qu'il était atteint d'une hypoacousie de perception par lésion cochléaire irréversible répondant à la définition du tableau no 42 et du lien possible entre cette maladie et son travail, étant observé qu'aucun certificat médical remontant à 1992 n'est produit et que l'existence d'un tel certificat n'est pas même alléguée. Dans ces conditions, en l'absence de certificat médical établi en 1992 ou, plus précisément, en août 1992, valant première constatation de la maladie en cause, le fait que M. Joël X...ait indiqué, sur la déclaration de maladie professionnelle, en marge de la mention : " Date de la 1ère constatation médicale " : " Août 1992 " est sans portée sur la solution du présent litige quant à la question de la recevabilité de sa demande de reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie.

Pour soutenir que la prescription était acquise, à tout le moins au 30 mars 2008, la société EIFFAGE Travaux Publics Ouest se prévaut de la fiche d'aptitude médicale établie par le médecin du travail le 30 mars 2006 et qui porte exclusivement la mention suivante : " Apte avec port protection auditive pour le travail au bruit ". Cette fiche ne constitue pas un certificat médical, elle ne mentionne nullement que le salarié pourrait être atteint de l'hypoacousie définie au tableau no 42 ni un quelconque lien avec le travail. Elle ne saurait donc valoir comme première constatation de la maladie en cause.

En l'absence d'un certificat médical antérieur diagnostiquant la maladie du tableau no 42 et propre à avoir informé M. Joël X...du lien possible entre sa maladie et son activité professionnelle, c'est donc bien le certificat médical établi le 21 août 2009 par le docteur Marcel Y..., ensuite de l'audiométrie réalisée le 4 août précédent, qui marque la date de première constatation de la maladie litigieuse en ce qu'il diagnostique une " Nette baisse de l'acuité auditive par exposition professionnelle ancienne aux bruits ". En effet, ce certificat informait M. Joël X...de son hypoacousie et du lien possible entre elle et son travail.
La demande de prise en charge, via la déclaration de maladie professionnelle, ayant été effectuée le 29 août 2009 et étant parvenue à la caisse le 14 septembre suivant, elle est bien intervenue dans le délai de deux ans imparti par la loi et le jugement entrepris ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a écarté le moyen d'inopposabilité tiré de la prescription de la demande de la victime.
2) sur les moyens tirés du manquement de la CPAM du Morbihan à son obligation d'information et de respect du contradictoire :
a) sur le recours au délai complémentaire de l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale :
Selon l'article R. 441-10 du code de la sécurité sociale, une caisse primaire d'assurance maladie dispose d'un délai de trois mois à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration de la maladie professionnelle et le certificat médical initial pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie. Ce texte prévoit en son dernier alinéa que, sous réserve des dispositions de l'article R. 441-14, en l'absence de décision de la caisse dans ce délai de trois mois, le caractère professionnel de la maladie est reconnu de façon implicite.
En application de l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire, la caisse doit en informer la victime ou ses ayants droit et l'employeur avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article R. 441-10 soit, en cas de maladie professionnelle, avant l'expiration du délai de 3 mois à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration de maladie professionnelle et le certificat médical initial et ce, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
Au cas d'espèce, le délai de trois mois expirait le 14 décembre 2009. Après avoir envoyé à l'employeur une lettre de clôture de l'instruction en date du 7 décembre 2009 réceptionnée le 9 décembre suivant annonçant une décision à intervenir le 22 décembre 2009, afin d'éviter que n'intervienne une décision implicite de prise en charge dès le 14 décembre 2009 et pour permettre tant à l'employeur qu'à la victime de consulter les pièces du dossier et de faire valoir leurs éventuelles observations, la CPAM du Morbihan a eu recours au délai complémentaire prévu par l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale. Conformément aux exigences de ce texte, elle a informé la société EIFFAGE Travaux Publics Ouest du recours à ce délai complémentaire et des raisons de ce recours telles qu'exposées ci-dessus par lettre recommandée du 10 décembre 2009 réceptionnée le 15 décembre suivant. Le 11 décembre 2009, elle a adressé à l'employeur un nouveau courrier de clôture qui a été réceptionné le 15 décembre 2009 et qui lui annonçait qu'il avait la possibilité de consulter les pièces constitutives du dossier préalablement à la décision à intervenir le 29 décembre 2009.

Il n'est pas discuté qu'en fait la caisse n'a mis en oeuvre aucun examen ni aucune mesure d'enquête complémentaire. Cette circonstance n'est pas de nature à entacher la procédure suivie d'illégalité ni même de nullité, aucune disposition ne prévoyant une telle sanction. L'employeur est en outre mal fondé à invoquer de ce chef une attitude procédant de la mauvaise foi à son égard alors qu'il était de son intérêt que n'intervienne pas une décision implicite de prise en charge par expiration du délai de trois mois et que la caisse lui ménage un délai suffisant pour consulter les pièces du dossier et faire valoir ses éventuelles observations, étant observé que la CPAM du Morbihan a, ensuite de la notification du recours au délai complémentaire, parfaitement rempli son obligation d'information et de respect du contradictoire en notifiant un nouveau courrier de clôture à l'employeur.

Comme l'ont considéré les premiers juges, ce moyen doit également être déclaré mal fondé.
b) sur l'enquête menée :
L'article D. 461-9 du code de la sécurité sociale qui prévoit qu'une enquête est effectuée par les services administratifs de la caisse afin d'identifier le ou les risques auxquels le salarié a pu être exposé n'impose aucune modalité particulière pour la mise en oeuvre de cette enquête et, selon l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable à la présente espèce, l'envoi d'un questionnaire à l'employeur et au salarié constitue une modalité d'enquête, aucune disposition n'imposant la réalisation d'une enquête sur site.
Au cas d'espèce, le 21 août 2009, la CPAM du Morbihan a adressé un questionnaire tant à la société EIFFAGE Travaux Publics Ouest qu'à M. Joël X.... Ce dernier l'a renseigné de façon précise le 29 septembre 2009 en répondant aux douze questions qui lui étaient posées et la caisse l'a réceptionné le 1er octobre suivant. La société EIFFAGE Travaux Publics Ouest a renseigné son questionnaire le 29 septembre 2009 et a établi un courrier à part pour décrire de façon littérale les travaux accomplis par le salarié. Ces éléments ont été réceptionnés par la caisse le 2 octobre 2009. Des échanges entre l'inspecteur assermenté de la caisse et les deux représentants de la société EIFFAGE Travaux Publics Ouest dans le cadre de l'enquête ont encore eu lieu par courriers électroniques des 23 et 28 octobre 2009, des renseignements complémentaires étant alors fournis à l'enquêteur notamment au sujet du temps de conduite du camion par le salarié.

Aucun élément ne permet d'étayer la critique de l'employeur selon laquelle cette enquête aurait été insuffisante et dépourvue de sérieux alors surtout qu'il a eu tout loisir de fournir toutes les explications qu'il souhaitait, qu'il s'avère qu'il a choisi de se libérer du cadre du questionnaire pour établir une description littérale des travaux réalisés et qu'il résulte des courriers électroniques échangés avec l'inspecteur assermenté que celui-ci a agi de manière parfaitement contradictoire en faisant part au salarié des éléments recueillis auprès de l'employeur, puis à ce dernier des observations fournies en réponse par M. Joël X...afin de recueillir les réactions de la société EIFFAGE Travaux Publics Ouest. De même, l'appelante procède par affirmation pour soutenir que cette enquête aurait été partiale. Cette critique apparaît mal fondée alors que le compte-rendu d'enquête administrative établi le 20 novembre 2009 par l'inspecteur assermenté s'avère parfaitement fidèle aux éléments recueillis auprès des parties et que ce dernier a eu le souci de toujours inviter chaque partie à répondre aux éléments fournis par l'autre, étant observé qu'au terme de son courriel du 28 octobre 2009, il indiquait aux représentants de la société EIFFAGE Travaux Publics Ouest qu'il restait à leur disposition pour tout renseignement complémentaire.

Au cas d'espèce, il n'apparaît pas qu'une enquête sur place, notamment l'observation de M. Joël X...à son poste de travail, aurait apporté une plus value, alors qu'il n'y a pas de discussion sur la nature des travaux réalisés, et l'employeur n'indique pas en quoi elle aurait été utile.
Comme l'ont retenu les premiers juges, le moyen tiré du caractère insuffisant, non sérieux et partial de l'enquête ne peut par conséquent qu'être écarté.

c) sur le fait que la décision de prise en charge serait intervenue dès le 30 novembre 2009 :

Se prévalant des mentions portées sur le document intitulé " Colloque médico-administratif ", document de liaison entre le service administratif et le service médical de la caisse, qui résume les informations apportées par le médecin conseil et celles apportées par le service administratif au sujet du dossier en cause, et mentionne in fine la " position commune finale ", la société EIFFAGE Travaux Publics Ouest soutient que la décision de prise en charge serait en réalité intervenue dès le 30 novembre 2009 sans qu'elle ait été invitée à prendre connaissance des éléments constitutifs du dossier et à faire valoir ses éventuelles observations, soit en violation de l'obligation d'information et du respect du principe du contradictoire pesant sur la caisse.
Ce document, signé par le gestionnaire du service administratif en charge du dossier de M. Joël X...le 26 novembre 2009 et par le médecin conseil le 27 novembre 2009, retourné au service AT/ MP de la CPAM du Morbihan le 30 novembre 2009, et qui mentionne dans le cadre " position commune finale " : " accord de prise en charge au titre de l'alinéa 2 " n'a aucune portée décisionnelle et ne constitue nullement une décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée par le salarié mais énonce seulement l'avis du gestionnaire administratif et celui du médecin conseil. La décision de prise en charge a bien été prise et notifiée seulement le 12 janvier 2010 après envoi aux parties d'un courrier de clôture le 11 décembre 2009 et transmission des pièces du dossier à l'employeur, sur sa demande, par plis des 15 et 30 décembre 2009.
Ce moyen tiré de la violation de l'obligation d'information et du respect du principe du contradictoire pesant sur la caisse n'est donc pas fondé.
d) sur l'absence de l'avis du médecin conseil au dossier soumis à la consultation de l'employeur :
La société EIFFAGE Travaux Publics Ouest soutient que l'avis du médecin conseil n'aurait pas figuré au dossier soumis à sa consultation. Toutefois, à la demande de l'employeur formée le 14 décembre 2009, par pli recommandé du lendemain réceptionné le 17 décembre 2009, la CPAM du Morbihan lui a transmis les pièces constitutives du dossier dont la liste énoncée dans ce courrier mentionnait in fine l'" avis du médecin conseil ". Par lettre recommandée parvenue à la caisse le 22 décembre 2009, la société EIFFAGE Travaux Publics Ouest s'est étonnée de l'absence de certains éléments dans le dossier d'instruction et elle a sollicité la transmission de pièces qui lui ont été adressées par pli recommandé du 30 décembre 2009 réceptionné le 4 janvier 2010. L'employeur n'a nullement soutenu à ce stade que l'avis du médecin conseil aurait été manquant dans le pli du 14 décembre 2009 et sa réclamation n'incluait pas cette pièce. Comme l'ont exactement considéré les premiers juges, ces éléments démontrent suffisamment que l'avis du médecin conseil faisait bien partie des pièces constitutives du dossier mis à la disposition, et même transmis à l'employeur.

Ce moyen tiré de la violation de l'obligation d'information et du respect du principe du contradictoire pesant sur la caisse est également mal fondé.
3) sur les moyens tirés du défaut de réunion des conditions posées par le tableau no 42 des maladies professionnelles et sur la demande d'expertise :
a) sur la conformité de l'audiométrie réalisée le 4 août 2009 aux exigences du tableau no 42 des maladies professionnelles et sur la condition relative au déficit auditif constaté :
Pour qu'une hypoacousie puisse, en vertu de l'article L. 461-1 alinéa 2 du code de la sécurité sociale, être présumée d'origine professionnelle comme correspondant à la maladie désignée au tableau no 42 des maladies professionnelles, elle doit être diagnostiquée " par une audiométrie tonale liminaire et une audiométrie vocale qui doivent être concordantes et, en cas de non-concordance, par une impédancemétrie et recherche du réflexe stapédien ou, à défaut, par l'étude du suivi audiométrique professionnel. ". Ces examens doivent être réalisés en cabine insonorisée, avec un audiogramme calibré et l'audiométrie diagnostique doit être effectuée après une cessation d'exposition au bruit lésionnel d'au moins trois jours.

Au cas d'espèce, la preuve de la conformité du diagnostic avec les exigences du tableau no 42 est suffisamment rapportée par le certificat établi par le docteur Marion Z..., oto-rhino-laryngologiste qui a pratiqué l'audiométrie réalisée le 4 août 2009 sur la personne de M. Joël X..., certificat transmis à la CPAM du Morbihan le 14 janvier 2015 et qui énonce que l'audiométrie réalisée était bien une audiométrie tonale et vocale, qu'elle a été associée à une impédancemétrie et que ces examens ont bien été réalisés en cabine insonorisée avec un audiomètre calibré. C'est par l'effet d'une erreur purement matérielle que, sur le compte-rendu d'audiométrie, la date du 4 août 2009 a été mentionnée en marge de la rubrique " date de naissance " du patient et l'employeur qui connaît parfaitement l'âge de son salarié n'a pas pu se méprendre sur le fait que cette date correspondait en réalité à celle de l'examen. Cette erreur est sans portée sur la conformité du diagnostic aux exigences du tableau no 42.

En outre il s'avère que le délai d'au moins trois jours entre la cessation de l'exposition au bruit lésionnel et l'audiométrie a été respecté puisqu'il ressort des déclarations faites par M. Thierry A..., chef d'agence EIFFAGE et supérieur hiérarchique de M. Joël X..., à la CPAM du Morbihan dans le cadre de l'enquête administrative que ce dernier est parti en congé le vendredi 31 juillet 2009, date de fermeture de l'entreprise, tandis que l'audiométrie a été réalisée le mardi 4 août 2009.
****
Enfin, pour correspondre à la maladie désignée au tableau no 42, l'hypoacousie doit être caractérisée par un déficit d'au moins 35 dB sur la meilleure oreille, ce déficit correspondant, selon les énonciations du tableau, à la moyenne des déficits mesurés sur les fréquences 500, 1 000, 2 000 et 4 000 Hertz.
Invoquant un rapport médical sur pièce établi à sa demande le 20 mars 2012 par le docteur Jacques B..., la société EIFFAGE Travaux Publics Ouest soutient que l'audiométrie réalisée sur la personne de M. Joël X...révélerait un déficit de 29, 5 dB sur l'oreille droite et un déficit de 36 dB sur l'oreille gauche, de sorte que le seuil de 35 dB ne serait pas atteint sur la meilleure oreille.
Toutefois, ces données ne peuvent pas être considérées comme exactes et pertinentes en ce que, pour les dégager, le docteur Jacques B...a affecté les mesures obtenues dans le cadre de l'audiométrie réalisée le 4 août 2009 de coefficients pondérateurs ce que ne prévoit nullement le tableau no 42. Dès lors que ces coefficients pondérateurs ne sont pas prévus par le tableau no 42, il ne peuvent pas venir affecter les mesures de perte d'acuité auditive obtenues par l'oto-rhino-laryngologiste et il est inopérant de la part de l'employeur d'arguer du fait qu'ils seraient de " pratique médicale courante " au motif qu'un déficit auditif est considéré comme socialement gênant quand le seuil audiométrique devient supérieur à 30 dB HL sur la fréquence 2 000 Hertz et que l'application de ces coefficients pondérateurs permettrait de mieux prendre en compte cette réalité en affectant aux fréquences hautes un coefficient plus important. De même, il est indifférent à la solution du présent litige que le tableau no 46 des maladies professionnelles agricoles, relatif au déficit audiométrique bilatéral par lésion cochléaire irréversible, prévoie l'application de ces coefficients pondérateurs.
L'audiométrie réalisée le 4 août 2009 sur la personne de M. Joël X...a donné les résultats suivants :
Oreille droite : Fréquence : 500 1000 2000 4000 Perte : 30 + 20 + 25 + 80 = 155 : 4 = 38, 75 dB

Oreille gauche : Fréquence : 500 1000 2000 4000 Perte : 25 + 20 + 50 + 80 = 175 : 4 = 43, 75 dB

La condition posée par le tableau no 42 d'un déficit d'au moins 35 dB sur la meilleure oreille est donc remplie puisque le déficit sur l'oreille droite est en l'occurrence de 38, 75 dB.
Les moyens tirés du défaut de réunion des conditions posées par le tableau no 42 des maladies professionnelles s'agissant de la maladie désignée sont donc mal fondés.
b) sur la condition relative à l'exposition au risque :
L'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale institue une présomption d'origine professionnelle pour toute maladie désignée dans un tableau de maladie professionnelle et contractée dans les conditions mentionnées dans ce tableau. Lorsque la maladie diagnostiquée correspond à celle inscrite à un tableau, que le délai de prise en charge est respecté et que les travaux effectués correspondent à ceux énumérés, la présomption d'origine professionnelle est établie et, dans ses rapports avec l'employeur, la caisse n'a pas à rapporter la preuve que la maladie est directement causée par le travail habituel de la victime. Pour détruire cette présomption, il incombe à l'employeur de démontrer que le travail n'a joué aucun rôle dans le développement de la maladie.

Le tableau no 42 des maladies professionnelles prévoit une liste limitative des travaux susceptibles de provoquer l'hypoacousie qu'il désigne lorsque le salarié est exposé aux bruits lésionnels provoqués par ces travaux. Il ne pose aucune condition de fréquence ou de durée quotidienne ou hebdomadaire ou mensuelle ou annuelle de l'exposition à ces bruits lésionnels.

La seule condition de durée est prévue au titre du délai de prise en charge lequel est d'un an sous réserve d'une durée d'exposition d'un an réduite à 30 jours en ce qui concerne la mise au point des propulseurs, réacteurs et moteurs thermiques.
Au cas d'espèce, il n'est pas discuté que la condition relative au délai de prise en charge est remplie étant observé que M. Joël X...est entré au service de la société EIFFAGE Travaux Publics Ouest le 18 juin 1974 et qu'il résulte des informations fournies par cette dernière et par le salarié à la caisse dans le cadre de l'enquête administrative que de 1974 à 1986, M. Joël X...a été chauffeur de camions " plutôt bruyants " et conducteur de bulldozer, de chargeur, de compacteur sans cabine, ce que ne conteste pas la société EIFFAGE Travaux Publics Ouest, puis, à compter de 1987, chauffeur de semi remorque et ouvrier polyvalent sur les chantiers, ce que l'employeur ne discute pas non plus, puis à compter de 1994 environ, chauffeur poids lourds de chantier. En outre, il ressort de l'enquête administrative que l'employeur a commencé à fournir des bouchons d'oreille à ses salariés en général et à M. Joël X...en particulier à compter de 1992 et que celui-ci les a portés, étant rappelé qu'à cette époque il a commencé à manifester une baisse de son acuité auditive et qu'une perte de la perception des aigus a été détectée à la faveur d'un audiogramme.
Au regard des renseignements fournis par le salarié et par l'employeur dans le cadre de l'enquête administrative réalisée par la CPAM du Morbihan, et même à s'en tenir aux indications fournies par MM. Laurent D...et Thierry A..., supérieurs hiérarchiques de M. Joël X...et représentants de l'appelante dans le cadre de l'enquête, il apparaît que le salarié a bien été exposé aux bruits lésionnels :
- de par ses fonctions occupées antérieurement à 1994, en ce qu'il a été, tout d'abord, conducteur de bulldozer, de chargeur, de compacteur sans cabine, travaux inclus dans la liste limitative du tableau no 42, laquelle vise, au titre de " l'utilisation des engins de chantier ", l'utilisation de " bouteurs " c'est à dire de bulldozer, de chargeuses (engins ou machines de chargement) et de chariots de manutention tout terrain, puis, ouvrier polyvalent sur les chantiers, ce qui l'a amené à être exposé aux bruits provoqués par les engins de chantier tels que bouteurs, décapeurs, chargeuses, moutons (dispositif d'enfoncement de pieux par percussion), pelles mécaniques et chariots de manutention tous terrains visés au 14o de la liste du tableau no 42 et aux bruits provoqués par l'utilisation de marteaux et perforateurs pneumatiques (marteaux piqueurs) visés au 3o de cette liste ;- de par ses fonctions occupées à compter de 1994 en ce qu'il résulte des données fournies à la caisse par MM. Laurent D...et Thierry A...que, sur un temps de travail journalier compris entre 7 et 8 heures, M. Joël X...conduisait son poids-lourds de chantier en moyenne 6 h 15 par jour et occupait le reste de son temps, soit 45 minutes à 1 h 45, à des tâches et travaux de chantier et à des opérations de chargement et déchargement l'exposant encore aux bruits lésionnels provoqués par les engins de chantier visés aux 3o et 14 o de la liste du tableau no 42, les représentants de l'employeur indiquant qu'il était exposé aux bruits supérieurs à 85/ 90 dB entre 10 minutes et une heure par jour, voire plus en période de basse activité.

Comme l'ont exactement retenu les premiers juges, la preuve de l'exposition au risque est donc rapportée de sorte que c'est à juste titre que la caisse a considéré que la présomption instituée par l'alinéa 2 de l'article L. 461-1 devait jouer et que le tribunal a écarté les moyens tirés du défaut de réunion des conditions posées par le tableau no 42 des maladies professionnelles.

De même, la société EIFFAGE Travaux Publics Ouest ne produisant aucun élément, notamment d'ordre médical, de nature à laisser penser que le travail n'a joué aucun rôle dans le développement de la maladie de M. Joël X..., le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté l'employeur de sa demande d'expertise.

4) sur le moyen tiré du défaut de motivation de la décision de prise en charge :

Aux termes de l'avant-dernier alinéa de l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret du no 2009-938 du 29 juillet 2009 applicable à la cause, " La décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou ses ayants droit, si le caractère professionnel de l'accident, de la maladie professionnelle ou de la rechute n'est pas reconnu, ou à l'employeur dans le cas contraire. Cette décision est également notifiée à la personne à laquelle la décision ne fait pas grief. ".
L'exigence de motivation ainsi posée constitue une garantie de fond destinée à assurer le principe du contradictoire et des droits de la défense, notamment à l'égard de l'employeur lorsque l'organisme social reconnaît le caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie. L'efficience de cette garantie suppose que la motivation comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui constituent le fondement de la décision.
En l'espèce, après l'indication des mentions suivantes portées en entête du courrier de notification : " Prénom, nom JOËL X...Date A. T./ M. P 21 Août 2009 " et la précision du numéro du dossier, la décision de prise en charge du 12 janvier 2010 est ainsi libellée : " Le dossier de votre salarié (e) a été examiné dans le cadre du 2ème alinéa de l'article L. 461. 1 du Code de la sécurité sociale. Il ressort que la maladie Déficit audiométrique bilatéral par lésion cochléaire irréversible inscrite dans le TABLEAU No 42 : Atteinte auditive provoquée par les bruits lésionnels est d'origine professionnelle. Cette maladie est prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels. ", suivent les mentions relatives aux modalités et délai de recours.

En ayant :- mentionné le nom du salarié et la date de la déclaration de maladie professionnelle concernés, laquelle est connue de l'employeur pour lui avoir été transmise ;- indiqué qu'elle se référait aux éléments du dossier constitué au sujet de ce salarié, connus de l'employeur pour avoir été mis à sa disposition avant la prise de décision ;- précisé la maladie contractée par le salarié et mentionné le tableau des maladies professionnelles auquel elle est désignée ;- clairement visé l'article L. 461-1 alinéa 2 du code de la sécurité sociale qui instaure une présomption d'origine professionnelle de toute maladie désignée dans un tableau et contractée dans les conditions de délai et d'exposition au risque mentionnées à ce tableau, et indiqué que le dossier du salarié avait été examiné au regard de ces dispositions ; la CPAM du Morbihan a bien informé l'employeur des éléments de fait, à savoir le dossier du salarié et la maladie contractée, et des considérations de droit, en l'occurrence par la référence à l'alinéa 2 de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale et au tableau réglementaire no 42, qui ont fondé sa décision, et elle a, ce faisant, satisfait à l'exigence de motivation posée par l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale.

Ce moyen n'est donc pas fondé. 5) sur le moyen tiré de l'absence de délégation de pouvoir du signataire de la décision :

Le défaut de pouvoir de l'agent d'une caisse primaire de sécurité sociale, signataire d'une décision de reconnaissance du caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie, ne rend pas cette décision inopposable à l'employeur qui conserve la possibilité d'en contester tant le bien fondé que les modalités de mise en oeuvre au regard des obligations d'information et de motivation incombant à l'organisme social.
Même à supposé ce défaut de pouvoir avéré au cas d'espèce, le moyen tiré de l'inopposabilité de la décision de prise en charge pour défaut de pouvoir est donc inopérant. En l'absence de texte prévoyant une telle sanction, à le supposer avéré, le défaut de pouvoir du signataire de la décision de prise en charge ne saurait emporter nullité de cette décision. En outre, il s'avère que la notification intervenue le 12 janvier 2010 est parfaitement valable pour comporter l'indication des modalités et délai de recours, recours que la société EIFFAGE Travaux Publics Ouest a d'ailleurs exercé.

Ce moyen est également mal fondé.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en toutes ses dispositions.
****
L'appelante perdant son recours, elle sera condamnée au paiement du droit prévu par l'article R. 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale, lequel droit ne peut excéder le dixième du montant mensuel prévu à l'article L. 241-3 du même code et déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute la société EIFFAGE Travaux Publics Ouest de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
La condamne au paiement du droit prévu par l'article R. 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale liquidé à la somme de 317 ¿.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

V. BODINAnne JOUANARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/03221
Date de la décision : 10/03/2015
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2015-03-10;13.03221 ?
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