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10/03/2015 | FRANCE | N°12/01240

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 10 mars 2015, 12/01240


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N 107

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/01240.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 15 Mai 2012, enregistrée sous le no 11/ 00137

ARRÊT DU 10 Mars 2015

APPELANTE :

LA SA EUROVIANDE SERVICE 12 rue du Déry Les Fousseaux-BP 70116 49481 SAINT-SYLVAIN D'ANJOU CEDEX

non comparante-représentée par Maître ECHEZAR, avocat substituant Maître Isabelle DE BODINAT, avocat au barreau d'ANGERS
INTIME :
Monsie

ur Xavier X... ... 61340 NOCE

non comparant-représenté par Maître Jacques BLANCHET, avocat au barreau d'...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N 107

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/01240.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 15 Mai 2012, enregistrée sous le no 11/ 00137

ARRÊT DU 10 Mars 2015

APPELANTE :

LA SA EUROVIANDE SERVICE 12 rue du Déry Les Fousseaux-BP 70116 49481 SAINT-SYLVAIN D'ANJOU CEDEX

non comparante-représentée par Maître ECHEZAR, avocat substituant Maître Isabelle DE BODINAT, avocat au barreau d'ANGERS
INTIME :
Monsieur Xavier X... ... 61340 NOCE

non comparant-représenté par Maître Jacques BLANCHET, avocat au barreau d'ALENCON-No du dossier 2012116
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Janvier 2015 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller Madame Anne LEPRIEUR, conseiller

Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 10 Mars 2015, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
******* FAITS ET PROCÉDURE :

La société EUROVIANDE SERVICE exerce une activité de sous-traitance dans le domaine de la transformation de la viande. Ses activités recoupent différentes étapes dans la transformation de la viande : le désossage, le parage, la mise en pièces et le conditionnement. Elle a la particularité de ne pas disposer d'un site de production propre pour assurer l'exercice de ses activités. Dans le cadre des contrats de sous-traitance conclus avec ses clients, elle affecte ses opérateurs sur les sites d'exploitation desdits clients, sur la France entière, afin que les travaux de découpe, de désossage et d'emballage des viandes soient réalisés sur les lignes de production qui lui sont exclusivement réservées et sous la direction d'un responsable hiérarchique membre de son personnel.

Dans ses rapports avec son personnel, elle relève de l'application de la convention collective nationale des Entreprises de l'Industrie et des Commerces en Gros des Viandes.
Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 30 juin 1997, la société EUROVIANDE SERVICE a engagé M. Xavier X... en qualité de technicien boucher moyennant une rémunération constituée d'une part fixe qui, dans le dernier état de la relation de travail s'élevait à la somme de 1 531, 72 ¿, et d'une part variable dite " prime de production " ou " prime de tonnage ". La rémunération moyenne des douze derniers mois s'est établie à la somme de 2 279 ¿ Ce contrat comporte en son article 11 une clause dite de " Mobilité " ainsi rédigée : " En fonction des impératifs de service, des besoins sur tel ou tel chantier, et ce en n'importe quel point géographique de la France métropolitaine, Monsieur X... Xavier pourra être amené à effectuer des déplacements professionnels de courte ou longue durée remboursés selon le barème ACOSS ou selon le barème fiscal. La présente obligation de mobilité constitue une condition déterminante de l'engagement de Monsieur X... Xavier. En conséquence, le refus que pourrait opposer Monsieur X... Xavier à une affectation qui lui serait attribuée, justifiera à lui seul la rupture immédiate du présent contrat. ".

A compter de son embauche, M. Xavier X... a toujours travaillé sur le site de la société SOCOPA situé à Cherré (72) sur lequel la société CODEVIANDES et la société EUROVIANDE SERVICE, qui exerçaient la même activité de sous-traitance dans le domaine de la transformation de la viande, intervenaient toutes les deux de façon concurrente.
La société EUROVIANDE SERVICE ayant perdu ce marché au profit de la société CODEVIANDES, par courrier recommandé du 1er novembre 2010, elle a déclaré " confirmer " à M. Xavier X... que, mettant en oeuvre la clause de mobilité prévue à l'article 11 de son contrat de travail, elle lui demandait de se présenter à compter du 6 décembre 2010 sur le site de la société LDC à Sablé-sur-Sarthe (72).
Par lettre recommandée réceptionnée par la société EUROVIANDE SERVICE le 8 décembre 2010, M. Xavier X... lui a fait connaître que, pour des " raisons physiques, économiques et familiales " il lui était impossible de " partir en déplacement toute l'année ", le changement géographique de son lieu de travail étant trop important.
Par courrier recommandé du 9 décembre 2010, l'employeur a confirmé la mise en oeuvre de la clause de mobilité, rappelé au salarié les remboursements de frais dont il bénéficierait et lui a demandé de se présenter sur le site de la société LDC à Sablé-sur-Sarthe le 13 décembre 2010.
Par lettre recommandée du 23 décembre 2010, la société EUROVIANDE SERVICE a constaté l'absence de M. Xavier X... sur le site de la société LDC à Sablé-sur-Sarthe depuis le 6 décembre 2010 et elle l'a informé de sa nouvelle affectation sur le site de " Gastronome " à Luché Pringé (72) à compter du lundi 27 décembre 2010.
Par lettre recommandée du 3 janvier 2011, soulignant que le courrier susvisé ne lui avait été présenté que le 29 décembre 2010, M. Xavier X... a fait connaître à son employeur qu'il lui était impossible de se rendre sur le site de " Gastronome " à Luché Pringé en raison de l'éloignement de ce site de son domicile et du temps de déplacement quotidien de 3 heures qu'il occasionnait. Il faisait valoir que ce changement de site emportait une modification " substantielle " de son contrat de travail.
Constatant l'absence du salarié sur le site " Gastronome " à Luché Pringé, par lettre recommandée du 13 janvier 2011, la société EUROVIANDE SERVICE a confirmé cette affectation à M. Xavier X... et lui a demandé de s'y présenter le 17 janvier 2011.
C'est dans ces conditions que, par lettre du 20 janvier 2011, M. Xavier X... a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur dans les termes suivants :
" Monsieur le Directeur,
A la lecture de mon bulletin de paie du mois de décembre 2010, j'ai constaté que vous m'aviez déduit une somme de 1. 319, 64 ¿ au titre d'absences. Or je conteste très fermement cette déduction. En c'est vous qui m'avez empêché d'exercer mon travail. Vous voulez m'imposer une modification substantielle de mon contrat de travail avec laquelle je ne suis pas d'accord pour les raisons que je vous ai exposées dans mes deux lettres des 7 décembre et 3 janvier dernier. En raison de la violation de vos obligations d'employeur de payer le salaire et de me fournir un travail conforme à mon contrat de travail, je prends acte de la rupture du contrat de travail. En conséquence, de ce jour, je ne suis plus votre salarié et suis donc dégagé de toute obligation à votre égard. Vous voudrez bien m'adresser mon certificat de travail, l'attestation Pôle emploi, mes D. I. F. Vous voudrez bien me régler les sommes suivantes :- Préavis : 2 mois à 2. 461 ¿ brut (cumul salaire brut novembre 2010/ 12).. 4. 922, 00 ¿- les congés payés..................................................................................... mémoire-indemnité légale de licenciement : 2 461 ¿ x 1/ 5 x 13 ans et 6 mois + 2 461 ¿ x 2/ 5 x 3 ans et 6 mois = 10 089, 40 ¿ Je me réserve de solliciter toutes indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.... ".

Par courrier recommandé du 24 janvier 2011, la société EUROVIANDE SERVICE a opposé au salarié que son affectation sur le site " Gastronome " à Luché Pringé ne constituait pas une modification de son contrat de travail mais une simple application des clauses de ce contrat et que la rupture de son contrat de travail devait s'analyser en une démission. Elle lui demandait en conséquence d'exécuter son préavis sur le site " Gastronome " à Luché Pringé.
Il ne fait pas débat que M. Xavier X... a refusé d'exécuter son préavis. Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 28 janvier 2011, la société CODEVIANDES l'a embauché en qualité d'opérateur débutant sur le site SOCOPA de Cherré. La société EUROVIANDE SERVICE lui a transmis ses documents de fin de contrat par courrier du 11 mars 2011.
Le 14 février 2011, M. Xavier X... a saisi le conseil de prud'hommes afin de voir requalifier sa prise d'acte en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dans le dernier état de la procédure de première instance, il sollicitait en outre le paiement d'un rappel de salaire du chef des mois de décembre 2010 et janvier 2011, des indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Par jugement du 15 mai 2012 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le conseil de prud'hommes d'Angers a :
- jugé que la rupture du contrat de travail de M. Xavier X... " relevait " d'une cause réelle et sérieuse ;- " en conséquence ", condamné la société EUROVIANDE SERVICE à payer à M. Xavier X... les sommes suivantes : ¿ 1 319, 68 ¿ brut de rappel de salaire au titre du mois de décembre 2010, ¿ 988, 20 ¿ brut de rappel de salaire du chef de la période du 1er au 20 janvier 2011, ¿ 4 922 ¿ d'indemnité compensatrice de préavis, ¿ 10 089, 40 ¿ d'indemnité de licenciement, ¿ 500 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;- rappelé que l'exécution provisoire est de droit s'agissant de salaires en application des articles R. 1454-28 et R. 1454-14 du code du travail, dans la limite de 9 mois de salaire, calculée sur la moyenne des trois derniers mois que le conseil a évaluée à 2 461 ¿ ;- débouté M. Xavier X... de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;- débouté la société EUROVIANDE SERVICE de sa demande formée au titre des frais irrépétibles ;- débouté les parties du surplus de leurs prétentions ;- condamné la société EUROVIANDE SERVICE aux dépens.

Cette dernière a régulièrement interjeté appel de ce jugement par lettre déclaration formée au greffe le 14 juin 2012.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Vu les conclusions et observations orales des parties à l'audience des débats du 6 janvier 2015 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés ;
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 6 janvier 2015, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles la société EUROVIANDE SERVICE demande à la cour :
à titre principal,- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- de déclarer irrecevable la demande de M. Xavier X... tendant à voir requalifier la prise d'acte de son contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;- de débouter M. Xavier X... de son appel et de toutes ses prétentions ;- de fixer la rupture de son contrat de travail au 20 janvier 2011, date d'envoi de son courrier de prise d'acte et de juger que cette prise d'acte emporte les effets d'une démission ;

à titre subsidiaire,- si la prise d'acte devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de limiter le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à six mois de salaire ;

à titre reconventionnel,- de condamner M. Xavier X... à lui payer la somme de 2 461 ¿ au titre du préavis qu'il a refusé d'exécuter et ce, sur le fondement des articles 1237-1 du code du travail et 41 de la convention collective des entreprises de l'industrie et des commerces en gros des viandes ;- de le condamner à lui payer la somme de 10 000 ¿ de dommages et intérêts pour procédure abusive sur le fondement des articles 1382 du code civil et 32-1 du code de procédure civile ainsi que la somme de 3 500 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;- de la condamner aux entiers dépens.

L'employeur fait valoir en substance que :
à l'appui de l'irrecevabilité de la demande de requalification de la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse :- le salarié n'est pas recevable à solliciter la requalification de sa prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse aux motifs que : ¿ du fait de cette prise d'acte, le contrat de travail a été définitivement rompu à l'initiative du salarié dès le 20 janvier 2011 ; ¿ la prise d'acte est un mode autonome de rupture, laquelle est effective dès lors que le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail ; ¿ contrairement à ce que prétend le salarié, puisqu'il avait pris acte de la rupture de son contrat de travail, il n'avait pas lui-même à le licencier et le fait qu'il ait violé la clause de mobilité ne l'obligeait pas non plus à le licencier ;

sur les conséquences de la prise d'acte :- le salarié étant défaillant à rapporter à son encontre la preuve d'un manquement suffisamment grave rendant impossible la poursuite du contrat de travail, sa prise d'acte ne peut que produire les effets d'une démission ;- en l'espèce, le changement d'affectation n'emporte pas modification de son contrat de travail en ce que : ¿ la clause de mobilité l'informait du caractère non définitif de toute affectation et de tout chantier ; ¿ la nature des activités de l'entreprise implique une mobilité importante du personnel et empêche que le lieu de travail puisse être considéré comme un élément essentiel du contrat de travail même en l'absence de clause de mobilité ; ¿ le secteur géographique constitué par le territoire français ou la France métropolitaine correspond à un secteur suffisamment précis ; ¿ le changement de lieu de travail du salarié est intervenu dans le même secteur géographique, à savoir, le département de la Sarthe, de sorte qu'il y a seulement eu modification des conditions de travail ;

¿ contrairement à ce que soutient le salarié, en ce qu'elle vise des déplacements de longue durée nécessités par les chantiers des clients, la clause de mobilité vise bien l'hypothèse d'un changement de lieu de travail et pas seulement des déplacements professionnels occasionnels inhérents aux fonctions du salarié ;- étant rappelé que la bonne foi de l'employeur est présumée, le salarié est défaillant à établir qu'il aurait mis la clause de mobilité en oeuvre de façon abusive et avec précipitation et tel n'a pas été objectivement le cas.

Vu les conclusions enregistrées au greffe le 6 janvier 2015, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles, formant appel incident, M. Xavier X... demande à la cour :
- de confirmer le jugement entrepris s'agissant des condamnations prononcées à son profit au titre des rappels de salaire, de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité de licenciement ;- de l'infirmer en ce qu'il a jugé que la rupture de son contrat de travail avait une cause réelle et sérieuse ;- en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, de condamner la société EUROVIANDE SERVICE à lui payer la somme de 70 000 ¿ pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;- de la condamner à lui payer la somme de 3 000 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

Le salarié fait valoir en substance que :
- dans la mesure où il a refusé de rejoindre l'affectation que l'employeur lui avait désignée et où il existait un conflit entre eux au sujet de sa nouvelle affectation géographique, ce dernier aurait dû le licencier aussitôt après sa lettre du 8 décembre 2010 ; faute pour lui d'avoir mis une procédure de licenciement en oeuvre, la rupture de son contrat de travail doit s'analyser en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;- en prévoyant que le refus d'acceptation d'une affectation justifierait à lui seul la rupture immédiate du contrat de travail, l'alinéa 2 de la clause de mobilité obligeait la société EUROVIANDE SERVICE à mettre en oeuvre la procédure de licenciement ;- en tout état de cause, sa prise d'acte doit s'analyser en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse en ce que sa nouvelle affectation emportait une modification de son contrat de travail qu'il n'était pas tenu d'accepter dans la mesure où la clause de mobilité prévoyait seulement des déplacements professionnels et non une mutation et où cette mutation emportait modification de son contrat de travail ;- en outre, dès lors que l'employeur n'a pas respecté un délai de prévenance, il s'ensuit qu'il a mis en oeuvre la clause de mobilité avec précipitation et de façon abusive de sorte que sa prise d'acte doit produire les effets d'un licenciement injustifié.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la rupture du contrat de travail :
Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit dans le cas contraire, les effets d'une démission. La prise d'acte ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'à la condition que les faits invoqués, non seulement, soient établis, mais constituent un manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.

La circonstance que la prise d'acte soit un mode autonome et immédiat de rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié n'interdit pas à ce dernier de poursuivre en justice la qualification de cette prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse. M. Xavier X... est en conséquence recevable en son action tendant à voir juger que sa prise d'acte du 20 janvier 2011 doit produire les effets d'un licenciement injustifié.
Ni le fait que le salarié ait notifié dès le 8 décembre 2010 son refus de rejoindre sa nouvelle affectation, ni la circonstance de l'existence d'un conflit entre les parties à ce sujet, ni le fait que l'alinéa 2 de la clause de mobilité érige un refus de rejoindre une nouvelle affectation en motif de licenciement n'imposait à l'employeur de prendre l'initiative de la rupture en engageant une procédure de licenciement. Ces moyens sont mal fondés.
La clause de mobilité insérée au contrat de travail de M. Xavier X..., dont la validité n'est pas discutée, prévoit que la mobilité pourra s'entendre de déplacements professionnels de courte ou longue durée. La notion de déplacement de longue durée correspond bien à une hypothèse d'affectation ou de mutation chez un nouveau client pour une durée importante pouvant atteindre plusieurs mois ou plusieurs années. Le salarié est donc mal fondé à soutenir que la clause de mobilité ne se rapportait qu'à des déplacements ponctuels.
Au cas d'espèce, l'indication de la France métropolitaine comme zone géographique d'application de la clause de mobilité rend cette clause suffisamment précise et ne confère pas à l'employeur le pouvoir d'en étendre unilatéralement la portée. Les nouveaux sites d'affectation, à savoir, Sablé-sur-Sarthe et Luché-Pringé se situant, comme la commune de Cherré, dans le département de la Sarthe, département limitrophe de l'Orne où le salarié était domicilié, les deux nouveaux lieux d'affectation successifs se situaient bien dans le même secteur géographique. Ces nouveaux sites d'affectation respectant la zone géographique définie par la clause de mobilité et étant, en outre, situés dans le même secteur géographique que la commune de Cherré, le salarié est mal fondé à soutenir que ces nouvelles affectations auraient emporté modification de son contrat de travail.

En outre, la décision de la société EUROVIANDE SERVICE de mettre en oeuvre la clause de mobilité a bien été dictée par l'intérêt légitime de l'entreprise puisque celle-ci avait perdu le marché du site de Cherré de la société SOCOPA de sorte qu'elle n'avait pas d'autre choix que de fixer un nouveau lieu d'affectation à M. Xavier X.... Le site de Cherré était situé à 34 km du domicile de ce dernier tandis que ceux de Sablé-sur-Sarthe et de Luché Pringé étaient respectivement situés à 106 km et 99 km de ce domicile, distances qui demeurent raisonnables et permettent d'effectuer le trajet aller et retour dans la journée. M. Xavier X... ne produit aucune pièce de nature à établir que, compte tenu de sa situation personnelle et familiale à l'époque, ces affectations auraient gravement porté atteinte à sa vie personnelle et familiale.

Par ailleurs, s'il est exact, d'une part, que le courrier du 1er décembre 2010 informant le salarié de son affectation à Sablé-sur-Sarthe ne lui a été présenté que le 6 décembre suivant, jour même auquel il aurait dû se présenter à ce nouveau poste, d'autre part, que les trois courriers suivants lui demandant à nouveau de prendre son poste sur le site de Sablé-sur-Sarthe, puis l'informant de son affectation à Luché Pringé, puis lui demandant à nouveau de prendre son poste à Luché Pringé lui ont été présentés, pour le premier le jour même de la date requise, pour le deuxième, deux jours après cette date et pour le troisième trois jours avant cette date, il est mal fondé à soutenir que la clause de mobilité aurait été mise en oeuvre avec précipitation. En effet, il ressort de ces courriers successifs que l'employeur a laissé au salarié un délai global de plus de deux semaines pour rejoindre le poste de Sablé-sur-Sarthe et un délai global de plus de trois semaines pour rejoindre celui de Luché Pringé. Le moyen tiré d'un abus de droit dans la mise en oeuvre de la clause de mobilité est en conséquence mal fondé.

La modification du contrat de travail et l'abus de droit dans la mise en oeuvre de la clause de mobilité n'étant pas démontrés, M. Xavier X... ne pouvait pas valablement refuser de rejoindre les affectations qui lui avaient été désignées et il ne prouve pas que la société EUROVIANDE SERVICE ait commis un manquement suffisamment grave empêchant la poursuite du contrat de travail.
De même, les retenues sur les salaires des mois de décembre 2010 et janvier 2011 étaient justifiées puisque le salarié n'a pas fourni de travail à compter du 6 décembre 2010.
En l'absence de preuve d'un manquement de l'employeur à ses obligations découlant du contrat de travail suffisamment grave pour empêcher la poursuite de celui-ci, par voie d'infirmation du jugement déféré, la prise d'acte doit s'analyser en une démission et M. Xavier X... doit être débouté de ses demandes de rappel de salaire au titre des mois de décembre 2010 et janvier 2011, d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité de licenciement.
Sur les demandes reconventionnelles de la société EUROVIANDE SERVICE :
Il ne fait pas débat que M. Xavier X..., qui est entré au service de la société CODEVIANDES le 28 janvier 2011 a refusé d'exécuter son préavis. Par voie d'infirmation du jugement déféré, il sera condamné à payer de ce chef à la société EUROVIANDE SERVICE la somme non discutée de 2 461 ¿.
Outre que la société EUROVIANDE SERVICE ne démontre, ni ne caractérise d'ailleurs le préjudice qu'elle allègue, elle ne rapporte pas la preuve de ce que M. Xavier X... aurait manifesté un quelconque comportement fautif, et encore moins abusif, que ce soit dans l'usage même du droit d'agir en justice et d'exercer un recours, que dans la conduite des procédures de première instance et d'appel. Elle sera dès lors déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, le jugement déféré étant confirmé de ce chef.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, en matière sociale, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. Xavier X... de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a débouté la société EUROVIANDE SERVICE de ses demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive et d'indemnité de procédure ;
L'infirme en toutes ses autres dispositions ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant au jugement,
Déclare recevable la demande de M. Xavier X... tendant à voir juger que sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Le déboute de cette demande et dit que sa prise d'acte du 20 janvier 2011 s'analyse en une démission ;
Déboute M. Xavier X... de ses demandes de rappel de salaire au titre des mois de décembre 2010 et janvier 2011, d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité de licenciement ;
Le condamne à payer à la société EUROVIANDE SERVICE la somme de 2 461 ¿ à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en cause d'appel et déboute les parties de leurs demandes formées de ce chef ;
Condamne M. Xavier X... aux entiers dépens de première instance et d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/01240
Date de la décision : 10/03/2015
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2015-03-10;12.01240 ?
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