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24/02/2015 | FRANCE | N°13/00017

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 24 février 2015, 13/00017


COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N

aj/ cb

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 00017

numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance
Arrêt, origine Cour de Cassation de PARIS, décision attaquée en date du 27 Juin 2012, enregistrée sous le no

ARRÊT DU 24 Février 2015

APPELANTE :

SARL S 3R
28 rue du Coulinec
29100 DOUARNENEZ

Non comparante-Représentée par Maître Manuella HARDY SALLE, avocat au barreau de RENNES
27 Septembre

2013

INTIMEE :

Madame Valérie X...
...
29100 DOUARNENEZ
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/ 008353 du...

COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N

aj/ cb

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 00017

numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance
Arrêt, origine Cour de Cassation de PARIS, décision attaquée en date du 27 Juin 2012, enregistrée sous le no

ARRÊT DU 24 Février 2015

APPELANTE :

SARL S 3R
28 rue du Coulinec
29100 DOUARNENEZ

Non comparante-Représentée par Maître Manuella HARDY SALLE, avocat au barreau de RENNES
27 Septembre 2013

INTIMEE :

Madame Valérie X...
...
29100 DOUARNENEZ
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/ 008353 du 27/ 09/ 2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)

Non comparante-Représentée par la SCP AVOCATS DEFENSE ET CONSEIL, avocats au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Janvier 2015 à 14 H 00 en audience publique et collégiale, devant la cour composée de :

Madame Anne JOUANARD, président
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, assesseur
Madame Isabelle CHARPENTIER, assesseur

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Viviane BODIN, greffier

ARRÊT :

du 24 Février 2015, contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Anne JOUANARD, Président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******

FAITS ET PROCÉDURE,

Madame Valérie X... a été engagée le 25 mars 2002 en qualité serveuse par la société S 3R qui gère un restaurant en partenariat avec la société SWT qui exploite un centre de thalassothérapie, et la société SHLD qui exploite un hôtel à Tréboul.

Suivant avenant en date du 1er octobre 2003 elle est devenue chef de rang.

La société S 3R, qui est soumise à la convention collective des hôtels cafés restaurants du 2 mars 1988, employait en 2006-2007 moins de 11 salariés au sens des dispositions de l'article L. 1111-2 du code du travail.

En congé maternité en 2005 jusqu'au 30 janvier 2006, madame X... a repris le travail le 10 mars 2006 après avoir pris ses congés payés.

Par lettre du 12 janvier 2007, madame X... a pris acte de la rupture de son contrat de travail en invoquant une dégradation de ses conditions de travail depuis le 10 mars 2006, reprochant à son employeur le non respect des délais de prévenance quant à la fixation des dates de congés, la modification constante de ses plannings de travail, un travail dans le cadre d'un horaire variable, ce qui ne se faisait pas avant, une absence d'informations et le fait que sa supérieure hiérarchique lui ait donné l'ordre le 31 décembre au soir de changer de tenue puis, devant son refus, de rentrer chez elle.

C'est dans ces conditions que, par requête du 30 mars 2007, madame X... a saisi le conseil des prud'hommes pour voir dire que la rupture de son contrat de travail s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour obtenir des indemnités de rupture, une indemnité pour non respect de la procédure de licenciement et des dommages-intérêts.

Par jugement en date du 11 juin 2008, le conseil des prud'hommes de Quimper a considéré que la rupture de la relation de travail était imputable à l'employeur et devait produire les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la société S 3R à verser à madame X... les sommes de 3 074, 22 ¿ brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 307, 42 ¿ brut au titre des congés payés sur préavis, 768, 50 ¿ à titre d'indemnité de licenciement, 1 537, 11 ¿ à titre d'indemnité pour non respect de la procédure, 10 000 ¿ à titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 500 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, a ordonné sous astreinte à la société S 3R de remettre à madame X... une attestation ASSEDIC et des bulletins de paie correspondants aux condamnations prononcées.

La société S 3R a interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt en date du 25 février 2010, la cour d'appel de Rennes a infirmé le jugement entrepris, a dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par madame X... devait produire les effets d'une démission, a débouté madame X... de l'ensemble de ses demandes, l'a condamné à verser à la société S 3R la somme de 3 074 ¿ à titre d'indemnité de préavis, a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné Mme X... aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Sur pourvoi de madame X..., par arrêt en date du 27 juin 2012, la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt attaqué.

Elle a rappelé que, selon cet arrêt, madame X... avait été engagée le 25 mars 2002 en qualité de serveuse par la société S3R qui gère un restaurant en partenariat avec la société SWT laquelle exploite un centre de thatassothérapie et la société SHLD qui exploite un hôtel à Tréboul, qu'elle était devenue chef de rang ; que par lettre du 12 janvier 2007 la salariée avait pris acte de la rupture du contrat de travail en invoquant une dégradation de ses conditions de travail depuis le 10 mars 2006 et en reprochant notamment à son employeur le défaut de respect des délais de prévenance quant à la fixation des dates de congés, la modification constante de ses plannings de travail et une absence d'informations ; qu'elle avait saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes.

Que pour dire que la rupture produisait les effets d'une démission, l'arrêt retenait que rien ne permettait d'établir que les plannings produits par la société n'aient pas été affichés en temps et en heure et portés à la connaissance des salariés dans les délais requis, que ce soit au niveau des congés ou des horaires de travail.

Elle a considéré qu'en statuant ainsi la cour, qui avait inversé la charge de la preuve, avait violé l'article 1315 du code civil.

Le 2 janvier 2014 la société S 3R a saisi la présente cour de renvoi.

MOYENS ET PRÉTENTIONS,

Dans ses écritures régulièrement notifiées déposées le 24 décembre 2014 et à l'audience, la société S 3R demande à la cour, au visa de la convention collective des hôtels, cafés et restaurants et des articles L. 1121-1, L. 1235-5, L. 3141-14, L. 3141-16 du code du travail et 1134 du code civil, d'infirmer la décision entreprise, de dire et juger que la rupture du contrat de travail de Mme X... doit s'analyser en une démission et, en conséquence, de la condamner à lui verser la somme de 3 074 ¿ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de la débouter de toutes ses demandes et de la condamner à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait essentiellement valoir que la preuve des manquements invoqués par Mme X... n'est pas rapportée et qu'en tout état de cause, ces derniers ne sauraient être considérés comme suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail, de sorte que la prise d'acte de la salariée devra produire les effets d'une démission.

Dans ses écritures régulièrement notifiées déposées le 27 janvier 2015 et à l'audience, Mme X... demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de débouter la société S 3R de toutes ses demandes et de la condamner à lui verser la somme de 2 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait essentiellement valoir que les manquements qu'elle impute à son employeur, à savoir un non respect de la fixation des dates de congés payés, la modification de ses horaires de travail à son retour de congé maternité qui constitue une modification unilatérale de son contrat de travail, et l'absence de fourniture de travail sont établis et sont suffisamment graves pour justifier que sa prise d'acte s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et qu'elle justifie par ailleurs ses diverses demandes indemnitaires.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties il convient se reporter à leurs écritures ci-dessus évoquées figurant au dossier de la procédure et aux débats à l'audience du 27 janvier 2015.

MOTIFS DE LA DÉCISION,

Sur la rupture du contrat de travail,

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués le justifient, soit dans cas contraire, d'une démission.

Il appartient au salarié de rapporter la preuve de ces manquements qui doivent être d'une gravité telle qu'ils empêchent la poursuite du contrat de travail.

Il résulte de la lettre du 12 janvier 2007 par laquelle elle prend acte de la rupture de son contrat de travail et de ses écritures postérieures que Mme X... reproche à son employeur une dégradation de ses conditions de travail depuis son retour de congés maternité le 10 mars 2006 et plus précisément :
- une fixation de ses dates de congés sans respect du délai de prévenance,
- la modification au jour le jour de ses plannings de travail,
- la mise en place d'un horaire variable et d'un travail par roulement le dimanche qui n'existaient pas jusqu'alors et qui n'étaient pas prévu dans son contrat de travail,
- un défaut d'informations nécessaires à l'exécution de ses fonctions,
- le fait que le 31 décembre 2012 elle a été renvoyée chez elle parce qu'elle refusait d'aller changer de tenue alors qu'elle l'avait déjà portée antérieurement sans aucune remarque.

Au cas d'espèce il n'est pas discuté par l'employeur :
- qu'avant son départ en congé maternité les horaires de travail de Mme X... étaient de 10h30 à 15 h et de 18h à 22h30 et qu'elle ne travaillait ni le dimanche ni le lundi ;
- que depuis son retour de congés en mars 2006 ses horaires ont régulièrement variés en ce qu'il lui a été demandé à plusieurs reprises : les 25 et 26 mai, 17 et 18 août de travailler de 6h45 à 11 h puis de 12h à 14h46 et les 7et 8, 14 et 15 septembre, 5 et 12 novembre sans discontinuité de 6h44 à 15h 26 ou de 17h55 à 22h30 ou de 10h45 à 22 h,
- qu'à compter du mois d'octobre 2006 ses jours de congés ont été fixés aux lundis et mardis.
Si les horaires de travail de Mme X... n'étaient pas contractualisés et que ceux qui lui ont été imposés lors de sa reprise de poste le 1er mars 2006 n'étaient pas en contradiction avec les dispositions légales et conventionnelles applicables à la relation de travail entre les parties, il demeure qu'il n'est pas discuté par l'employeur qu'antérieurement elle travaillait effectivement en horaires fixes et qu'elle ne travaillait pas le dimanche.

Or si la modification des horaires de travail ne constitue pas une modification du contrat de travail mais un simple changement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l'employeur, il en est autrement lorsque ces modifications d'horaires ont pour effet d'entraîner d'une part le passage d'un horaire continu à un horaire discontinu et d'autre part le travail le dimanche.

Ainsi, contrairement à ce que soutient la société S3R, cette nouvelle répartition de l'horaire de travail en ce qu'elle avait pour effet de priver Mme X... du repos dominical et lui imposait le passage d'un horaire fixe à un horaire variable, constituait bel et bien une modification de son contrat de travail.
Cette seule modification avérée du contrat de travail de Mme X... sans respect par l'employeur de la procédure de consultation préalable en empêchait incontestablement la poursuite de sorte que sa prise d'acte s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il est dès lors sans intérêt d'examiner les autres motifs de rupture dont fait état Mme X... pour justifier qu'elle soit considérée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.
Sur les conséquences,
La rupture du contrat de travail est donc intervenue le 12 janvier 2007.
Mme X... est fondée à prétendre au bénéfice d'une indemnité de préavis et de l'indemnité de congés payés y afférent dont le montant sollicité et alloué par le premier juge n'est pas discuté par l'employeur de sorte que le jugement entrepris qui a condamné la société S 3R à lui verser les sommes de 3 074, 22 ¿ brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 307, 42 ¿ brut au titre des congés payés sur préavis sera confirmé.
Il en est de même s'agissant de la condamnation par l'employeur au paiement de la somme de 768, 50 ¿ à titre d'indemnité de licenciement.
Lorsque le contrat de travail est rompu par une prise d'acte et non par un licenciement, le salarié ne peut prétendre à l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement prévu par l'article L. 1235-2 du code du travail.
Le jugement entrepris qui a condamné la société S3R à verser à Mme X... la somme de 1 537, 11 ¿ à ce titre doit donc être infirmé et cette dernière débouté de sa demande de ce chef.
Enfin, compte tenu de son ancienneté dans l'entreprise, du salaire qu'elle percevait, de son âge et de ses qualifications, le premier juge a justement évalué les dommages et intérêts réparateurs du préjudice subi par Le Moan consécutivement à la rupture de son contrat de travail à la somme de 10 000 ¿.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
L'équité commande le rejet de la demande de la société S 3R au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme X... étant bénéficiaire de l'aide judiciaire totale et ne justifiant pas avoir dû supporter des frais particuliers supplémentaires doit être débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement en matière sociale par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
VU l'arrêt de la cour d'appel de Rennes en date du 25 février 2010 et l'arrêt de la Cour de cassation en date du 27 juin 2012,
INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société S 3R à verser à Mme X... la somme de 1 537, 11 ¿ au titre de l'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement et STATUANT à nouveau, DÉBOUTE Mme X... de sa demande de ce chef.
CONFIRME ce jugement en toutes ses autres dispositions.
Y ajoutant, DÉBOUTE les parties de leurs demandes en appel fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE la société S 3R aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Viviane BODINAnne JOUANARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/00017
Date de la décision : 24/02/2015
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2015-02-24;13.00017 ?
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