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24/02/2015 | FRANCE | N°10/01888

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 24 février 2015, 10/01888


COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N
clm/ jc

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 01888.

Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'ANGERS, décision attaquée en date du 22 Juin 2010, enregistrée sous le no 08 325

ARRÊT DU 24 Février 2015

APPELANTE :

LA SOCIETE LA REDOUTE
57 rue Blanchemaille
59100 ROUBAIX

non comparante-représentée par Maître PEDRON, avocat substituant Maître de LOGIVIERE, avocat substituant Maître CALAIS, avocat au barreau de LILLE
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LA C. P. A. M. DE MAINE ET LOIRE
32 rue Louis Gain
49937 ANGERS CEDEX 9

représentée par Monsieur Y..., muni ...

COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N
clm/ jc

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 01888.

Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'ANGERS, décision attaquée en date du 22 Juin 2010, enregistrée sous le no 08 325

ARRÊT DU 24 Février 2015

APPELANTE :

LA SOCIETE LA REDOUTE
57 rue Blanchemaille
59100 ROUBAIX

non comparante-représentée par Maître PEDRON, avocat substituant Maître de LOGIVIERE, avocat substituant Maître CALAIS, avocat au barreau de LILLE

INTIMEE :

LA C. P. A. M. DE MAINE ET LOIRE
32 rue Louis Gain
49937 ANGERS CEDEX 9

représentée par Monsieur Y..., muni d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Janvier 2015 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anne JOUANARD, président
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller
Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller

Greffier : Madame BODIN, greffier.

ARRÊT : prononcé le 24 Février 2015, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 28 juillet 2007, Mme Isabelle X..., salariée de la société La Redoute depuis 1986 en qualité de conseillère commerciale à temps partiel, a établi une déclaration de maladie professionnelle au titre d'une " épaule douloureuse droite ". Cette déclaration était assortie d'un certificat médical initial du 23 juillet 2007.

La Caisse primaire d'assurance maladie de Maine et Loire (ci-après : la CPAM de Maine et Loire) a transmis cette déclaration à la société La Redoute par courrier du 2 août 2007.

Après réalisation de l'enquête administrative, par lettre du 7 décembre 2007, la caisse a informé l'employeur de ce que, la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée n'ayant pas pu aboutir dans le cadre de l'alinéa 2 de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale au motif que la condition relative au délai de prise en charge fixé au tableau no 57 n'était pas remplie, elle transmettait le dossier au Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (ci-après : le CRRMP) pour examen de cette demande au regard des dispositions de l'alinéa 3 de ce texte. Elle lui précisait que, préalablement à cette transmission, les pièces administratives du dossier pouvaient lui être communiquées à sa demande et qu'il avait la possibilité de " prendre connaissance de ces documents dans un délai de 10 jours ouvrés à compter de la date du présent courrier. ".

Le 8 janvier 2008, le CRRMP des Pays de la Loire a émis un avis favorable.

Par courrier du 18 janvier 2008, la CPAM de Maine et Loire a informé la société La Redoute de la clôture de l'instruction et de ce qu'elle pouvait venir consulter les pièces du dossier préalablement à la prise de décision fixée au 30 janvier 2008. Par pli de la même date, elle lui a transmis les pièces du dossier.

Par courrier du 28 janvier 2008, la CPAM de Maine et Loire a notifié à Mme Isabelle X... une décision de refus de prise en charge de sa maladie au titre de la législation professionnelle au motif que le délai d'instruction fixé par la loi arrivait à son terme. Le même jour, elle a porté cette décision à la connaissance de l'employeur.

Par courrier du 30 janvier 2008, compte tenu de l'avis favorable émis par le CRRMP des Pays de la Loire, la CPAM de Maine et Loire a notifié à la société La Redoute une décision de reconnaissance du caractère professionnelle de la maladie déclarée par Mme Isabelle X... le 28 juillet 2007 en lui précisant que cette décision annulait et remplaçait sa précédente décision de refus.

Par requête du 22 juillet 2008, la société La Redoute a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'un recours à l'encontre de la décision de la commission de recours amiable de la CPAM de Maine et Loire en date du 12 juin précédent emportant rejet de sa demande tendant à ce que cette décision de prise en charge lui soit déclarée inopposable.

Par jugement du 22 juin 2010 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Maine et Loire a déclaré la société La Redoute recevable en son recours mais l'a déboutée de sa demande.

Cette dernière a régulièrement relevé appel de cette décision.

Par arrêt du 21 juin 2011, la présente cour a, avant dire droit sur la demande d'inopposabilité, ordonné la saisine d'un second CRRMP et désigné le CRRMP du Centre.

Le 22 février 2011, celui-ci a émis un avis défavorable que la présente cour a annulé par arrêt du 10 juillet 2012 pour défaut de motivation en désignant le CRRMP de Bretagne.

Le 21 mars 2013, ce dernier a émis un avis favorable. Par arrêt du 8 octobre 2013, la présente cour a annulé cet avis au motif qu'il était irrégulier pour avoir été rendu par deux de ses membres seulement, le médecin inspecteur régional du travail n'ayant pas siégé, et elle a désigné le CRRMP de Normandie.

Le 12 septembre 2014, ce dernier a émis un avis défavorable au motif que l'exposition au risque ne pouvait pas être retenue.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Vu les conclusions et observations orales des parties à l'audience des débats du 19 janvier 2015 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés ;

Vu les conclusions enregistrées au greffe le 19 janvier 2015, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles la société La Redoute demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris et de lui déclarer inopposable la décision de la CPAM de Maine et Loire du 30 janvier 2008 de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la maladie déclarée par Mme Isabelle X... le 28 juillet 2007 aux motifs que :
¿ à titre principal, l'instruction est irrégulière dans la mesure où, l'assurée ayant déposé sa déclaration de maladie professionnelle plus de quinze jours après la cessation du travail, en vertu des articles L. 461-5 et R. 461-5 du code de la sécurité sociale, la caisse ne pouvait plus instruire le dossier ;
¿ à titre subsidiaire, la caisse a failli à son obligation d'information et de respect du contradictoire dans la mesure où, en transmettant le dossier au CRRMP des Pays de la Loire dès le 10 décembre 2007, elle l'a privée du délai de consultation de dix jours ouvrés qu'elle lui avait notifié et de la possibilité de faire valoir ses observations audit comité ;
- à titre infiniment subsidiaire, l'avis défavorable, parfaitement motivé, émis par le CRRMP de Normandie, exclut que la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée par Mme Isabelle X... puisse lui être déclarée opposable, l'absence d'exposition au risque, c'est à dire de lien de causalité entre la maladie et le travail étant établi.

Vu les conclusions enregistrées au greffe le 16 janvier 2015, régulièrement communiquées, reprises et complétées oralement à l'audience aux termes desquelles la Caisse primaire d'assurance maladie de Maine et Loire demande à la cour :

- à titre principal, de débouter la société La Redoute de son appel, de confirmer le jugement entrepris et de déclarer opposable à l'employeur la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la maladie déclarée par Mme Isabelle X... le 28 juillet 2007 ;
- à titre subsidiaire, si elle ne s'estimait pas suffisamment éclairée, de saisir un autre CRRMP.

Aux termes de ses écritures, elle fait valoir en substance que :

- la seule question qui se pose à la cour est de savoir si elle est en mesure de caractériser un lien de causalité direct et essentiel entre la maladie en cause et le travail de Mme Isabelle X..., étant précisé que l'avis du CRRMP de Normandie, dont la motivation est trop succincte, ne s'impose pas à elle, constitue un élément d'appréciation parmi d'autres et qu'elle doit prendre en considération tous les autres éléments du dossier, notamment, les deux avis favorables des CRRMP des Pays de la Loire et de Bretagne mais aussi l'avis favorable du médecin conseil ;

- l'enquête réalisée a permis d'établir que la salariée effectuait bien des mouvements forcés et répétés des épaules d'amplitude importante et la circonstance qu'elle travaillait à temps partiel ne permet pas de considérer qu'elle n'était pas exposée au risque puisqu'elle manipulait quotidiennement des colis.

Oralement à l'audience, la caisse déclare s'en rapporter à justice sur le moyen tiré du manquement à son obligation d'information et de respect du contradictoire.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la recevabilité du recours :

La recevabilité du recours formé par la société La Redoute à l'encontre de la décision de la commission de recours amiable de la CPAM de Maine et Loire n'est pas discutée en cause d'appel, aucun moyen n'étant développé sur ce point. Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.

Sur la demande d'inopposabilité :

1) sur le moyen tiré de l'irrégularité de l'instruction du dossier :

Aux termes des articles L. 461-5 et R. 461-5 du code de la sécurité sociale, toute maladie professionnelle dont la réparation est demandée en vertu des dispositions du code de la sécurité sociale doit être déclarée à la caisse par les soins de la victime dans un délai de quinze jours à compter de la cessation du travail.

Au cas d'espèce, il n'est pas discutable que ce délai n'a pas été respecté puisque Mme Isabelle X... a cessé le travail le 22 mai 2007, date à compter de laquelle elle a été placée en arrêt de travail, et qu'elle a établi sa déclaration de maladie professionnelle le 28 juillet 2007.

Toutefois, dès lors qu'aucun texte ne sanctionne le dépassement de ce délai de quinze jours et qu'en vertu de l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale, l'action en reconnaissance du caractère professionnel d'une maladie se prescrit par deux ans à compter, soit de la date à laquelle la victime est informée, par un certificat médical, du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle, soit de la cessation du travail en raison de la maladie constatée, soit du jour de la clôture de l'enquête, soit de la cessation du paiement des indemnités journalières, soit encore de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie, le dépassement du délai de déclaration de quinze jours n'était pas de nature à priver la salariée de son droit à agir en reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie, de sorte qu'aucune irrégularité ne peut être opposée de ce chef à la CPAM de Maine et Loire qui était tenue d'instruire sa demande.

Ce moyen d'inopposabilité doit en conséquence être rejeté.

2) sur le moyen tiré de la violation par la caisse de son obligation d'information et du respect du contradictoire :

L'article D. 461-29 du code de la sécurité sociale énonce les pièces que doit comporter le dossier constitué par la caisse et transmis au CRRMP. Ce texte dispose in fine que " Seules les conclusions administratives auxquelles ces documents ont pu aboutir sont communicables de plein droit à la victime, ses ayants droit et son employeur.
La victime, ses ayants droit et son employeur peuvent déposer des observations qui sont annexées au dossier ".

Il résulte de ce texte et de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale qu'en cas de saisine d'un CRRMP, dont l'avis s'impose à la caisse, l'information du salarié, de ses ayants droit et de l'employeur sur la procédure d'instruction et sur les points susceptibles de leur faire grief s'effectue avant la transmission du dossier audit CRRMP.
Aux termes du courrier qu'elle lui a adressé le 7 décembre 2007 pour l'informer de la saisine du CRRMP des Pays de la Loire, la CPAM de Maine et Loire a indiqué à l'employeur que, préalablement à la transmission du dossier à ce comité, les pièces administratives du dossier pouvaient lui être communiquées à sa demande et qu'il avait la possibilité de prendre connaissance de ces documents pendant un délai de 10 jours ouvrés à compter de la date du courrier qui était un vendredi. Le délai de dix jours ouvrés ainsi imparti à l'employeur expirait donc au plus tôt le 20 décembre 2007 et, même à retenir un délai en jours calendaires, il expirait le 16 décembre 2007.
Or, il ressort des mentions figurant sur l'avis du CRRMP des Pays de la Loire que celui-ci a réceptionné le dossier constitué par la caisse dès le lundi 10 décembre 2007 ce dont il résulte que la caisse lui a transmis le dossier sans délai, dès le vendredi 7 décembre 2007.

En transmettant le dossier au CRRMP des Pays de la Loire avant l'expiration du délai de dix jours qu'elle avait fixé, la CPAM de Maine et Loire n'a pas mis l'employeur en mesure d'en prendre connaissance et de faire connaître en temps utile ses éventuelles observations au CRRMP.
Le caractère contradictoire de la procédure prévue par l'article D. 461-29 du code de la sécurité sociale n'ayant pas été respecté à l'égard de la société La Redoute, par voie d'infirmation du jugement déféré, il convient de lui déclarer inopposable la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la maladie déclarée par Mme Isabelle X... le 28 juillet 2007.

Ce second moyen d'inopposabilité étant accueilli, il n'y a pas lieu à examen du troisième moyen et la question de la saisine d'un second CRRMP s'avère sans objet.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a reçu la société La Redoute en son recours contre la décision de la commission de recours amiable de la CPAM de Maine et Loire du 12 juin 2008 ;

L'infirme en ce qu'il a débouté la société La Redoute de sa demande tendant à lui voir déclarer inopposable la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la maladie déclarée par Mme Isabelle X... le 28 juillet 2007 ;

Statuant à nouveau de ce chef,

Déclare cette décision inopposable à la société La Redoute ;

Déclare sans objet la question de la saisine d'un second CRRMP ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article R. 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

V. BODINAnne JOUANARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/01888
Date de la décision : 24/02/2015
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2015-02-24;10.01888 ?
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