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17/02/2015 | FRANCE | N°12/01273

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 17 février 2015, 12/01273


COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N
cp/ jc

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 01273.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 06 Juin 2012, enregistrée sous le no 12/ 00379

ARRÊT DU 17 Février 2015

APPELANTE :

Madame Marie-Madeleine X...
...
49300 CHOLET

non comparante-représentée par Maître QUINIOU de la SCP QUINIOU-MARCHAND-LE ROUX-COULON-BENACEUR PETIT-, avocats au barreau d'ANGERS

INTIMEE :

LA SNC

CENTRALE D'ACHATS ZANNIER
ZI du Clos Marquet
42400 ST CHAMOND

non comparante-représentée par Maître LE FUR LE CLAIR de la SEL...

COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N
cp/ jc

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 01273.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 06 Juin 2012, enregistrée sous le no 12/ 00379

ARRÊT DU 17 Février 2015

APPELANTE :

Madame Marie-Madeleine X...
...
49300 CHOLET

non comparante-représentée par Maître QUINIOU de la SCP QUINIOU-MARCHAND-LE ROUX-COULON-BENACEUR PETIT-, avocats au barreau d'ANGERS

INTIMEE :

LA SNC CENTRALE D'ACHATS ZANNIER
ZI du Clos Marquet
42400 ST CHAMOND

non comparante-représentée par Maître LE FUR LE CLAIR de la SELARL CORNET VINCENT SEGUREL, avocats au barreau de NANTES-No du dossier 122701

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Janvier 2015 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Clarisse PORTMANN, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anne JOUANARD, président
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller
Madame Clarisse PORTMANN, conseiller

Greffier : Madame BODIN, greffier.

ARRÊT : prononcé le 17 Février 2015, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE :

Marie Madeleine X... a été embauchée en qualité d'agent qualité maille par la société Marques associées suivant contrat de travail à durée déterminée le 6 mars 1995 pour surcroît d'activité.
Dès avant la fin de ce contrat, prévue le 31 juillet 1995, Marie Mad X... a signé un contrat à durée indéterminée.

Par avenant, son contrat de travail a été transféré à la société Jean Bourget à effet du 1er avril 1997, puis, à compter du 1er avril 2001 à la société centrale d'achat Zannier-la société CAZ.

Marie Madeleine X... a été en arrêt de travail pour maladie non professionnelle du 6 octobre 2008 au 29 mars 2010, puis en congés jusqu'au 16 mai 2010. Le 19 mai suivant, elle s'est vu remettre une convocation pour un entretien préalable.

Celui-ci s'est tenu le 28 mai 2010 et Marie Madeleine X... a été licenciée le 10 juin 2010 pour cause réelle et sérieuse, à savoir :
" Notre société s'est trouvée face à une situation de blocage caractérisé par le refus réitéré d'accepter intégralement le changement des conditions de travail sous des prétextes infondés, aggravée par un comportement manifestement emprunt de mauvaise foi. Nous nous devions d'y mettre un terme de manière à éviter toute perturbation dans le fonctionnement du service ".

Contestant son licenciement, elle a saisi, le 17 novembre 2010, le conseil de prud'hommes d'Angers aux fins d'obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Au cour de l'instance, elle a également sollicité diverses sommes au titre de rappel de salaire, d'indemnités compensatrice de trajets et d'indemnité pour travail dissimulé notamment.

Par un jugement en date du 6 juin 2012, ladite juridiction, considérant que le poste de madame X... n'existait plus à l'identique et que celui qui lui avait été proposé était similaire, a :
- requalifié le contrat à durée déterminée du 6 mars 1995 en contrat à durée indéterminée, et condamné la société CAZ à payer à Marie Madeleine X... une indemnité de 3407 euros,
- condamné la société CAZ à payer à Marie Madeleine X... :
*4619 euros d'heures supplémentaires outre 461, 90 euros de congés payés afférents,
*4776, 92 euros de solde de contrepartie de temps de trajet,
*100 euros de dommages et intérêts pour manquement à cette obligation de contrepartie de temps de trajet,
*300 euros pour non respect de l'obligation de formation,
- dit que les créances salariales ci-dessus indiquées porteront intérêts au taux légal à compter du jour de la convocation de la partie défenderesse devant le bureau de conciliation,
- ordonné à la société CAZ de remettre à Marie Madeleine X... une attestation pôle emploi conforme à la décision sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard à compter de 30 jours à partir de la notification de la décision, se réservant la liquidation de l'astreinte,
- a rejeté les demandes pour le surplus,
- condamné la société CAZ à payer à Marie Madeleine X... une somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Marie Madeleine X... a interjeté appel de cette décision par lettre recommandée postée le 13 juin 2012.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement :
- du 7 janvier 2015 pour Marie Mad X...,
- du 13 janvier 2015 pour la société CAZ,
reprises à l'audience qui peuvent se résumer comme suit

Marie Madeleine X... demande à la cour :
- de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions qui ont condamné la société CAZ à lui payer les sommes suivantes :
*3407 euros à titre d'indemnité de requalification,
*4619 euros à titre de rappel de salaire d'heures supplémentaires pour la période non prescrite, outre 461, 90 euros au titre des congés payés y afférents,
- pour le reste, de réformer le jugement et, statuant à nouveau, de condamner la société CAZ à lui payer les sommes suivantes :
*60000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*20442 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
*12000 euros à titre d'indemnité compensatrice du temps de trajet,
*5000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de contrepartie au temps de trajet,
*3000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de formation,
*5000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et 3500 euros pour les frais exposés en cause d'appel,
- de condamner la société CAZ aux dépens de première instance et d'appel.

Elle soutient que le contrat à durée déterminée qu'elle a signé le 6 mars 1995 a été en réalité conclu pour pourvoir un emploi permanent et qu'en application de l'article L1224-2 du code du travail, il incombe à la société CAZ de justifier du surcroît d'activité invoqué par son prédécesseur, ce qu'elle ne fait pas, de sorte qu'elle doit supporter le coût de l'indemnité de requalification, soulignant que cette demande, qui obéissait, avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, à une prescription trentenaire, n'est pas prescrite.

Elle prétend, concernant le licenciement, que celui-ci est dépourvu de cause réelle et sérieuse, au motif, à titre principal, que son employeur a manqué à son obligation de la réintégrer dans l'emploi de responsable des achats maille ou acheteuse qu'elle occupait avant son arrêt pour maladie, et qui était toujours vacant lors de son retour, puisque celui-ci avait été confié provisoirement à d'autres salariées. A titre subsidiaire, elle soutient que l'emploi qui lui a été proposé n'était pas similaire à celui qu'elle occupait avant la suspension de son contrat de travail, quant aux attributions, aux responsabilités (plus d'équipe à encadrer et plus de déplacements à l'étranger), et à son niveau hiérarchique, un niveau supplémentaire étant intégré entre elle et Mme Z...qui était précédemment sa supérieure directe.

Marie Madeleine X... prétend qu'aucune convention de forfait n'ayant été conclue, elle est fondée à réclamer le paiement d'heures supplémentaires. Elle précise qu'elle en a accompli de nombreuses lorsqu'elle se rendait à l'étranger et qu'en outre, les temps de trajet n'ont donné lieu à aucune contrepartie. Elle soutient que les jours de récupération dont elle a bénéficié ne pouvaient s'imputer sur les temps de trajet et n'ont compensé qu'une toute petite partie des heures supplémentaires effectuées en France.

Elle ajoute qu'en quinze ans, elle n'a pas bénéficié de formation.

La société CAZ demande à la cour :
- de confirmer le jugement du 6 juin 2012 en ce qu'il a dit que le licenciement de Marie-Madeleine X...était fondé sur une cause réelle et sérieuse, débouté Marie Madeleine X... de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, constaté l'absence de travail dissimulé et débouté Marie Madeleine X... de la demande présentée à ce titre,
- de le reformer en ce qu'il a :
*requalifié le contrat à durée déterminée du 6 mars 1995 en contrat à durée indéterminée,
*l'a condamnée à payer à Marie Madeleine X... :
*3407 euros à titre d'indemnité de requalification,
*4619 euros à titre de rappel de salaire d'heures supplémentaires pour la période non prescrite, outre 461, 90 euros au titre des congés payés y afférents,
*4776, 92 euros de solde de contrepartie de temps de trajet,
*100 euros de dommages et intérêts pour manquement à cette obligation de contrepartie de temps de trajet,
*300 euros pour non respect de l'obligation de formation,
- de débouter Marie Madeleine X... de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- de condamner Marie Madeleine X... au paiement d'une indemnité de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Sur la requalification du contrat du 6 mars 1995, elle fait valoir, d'une part, que cette question ne concerne que la société Marques Associées, qui était à l'époque l'employeur de Marie Madeleine X..., et, d'autre part, que lorsque ledit contrat a été signé, le besoin d'un agent qualité maille était temporaire. Elle ajoute que la demande n'est pas recevable car prescrite.

Sur le licenciement, et après avoir rappelé que Marie Madeleine X... avait reçu deux avertissements en 2005 et en 2008, elle soutient qu'avant la suspension de son contrat de travail, sa salariée occupait les fonctions d'acheteuse maille sous la responsabilité de Mme Z..., et que durant son absence, le choix des matières premières a été modifié et que ses fonctions ont été réparties entre deux salariés permanentes de sorte qu'à son retour, son poste n'existait plus à l'identique.
Elle prétend encore que le poste qui lui a été proposé est un poste similaire et qui n'emportait pas modification de son contrat de travail. Mme X... ne pouvait donc le refuser comme elle l'a fait.

Concernant les heures supplémentaires, la société CAZ fait valoir que Marie Madeleine X... ne produit pas de pièces étayant sa demande, soulignant qu'elle qualifie d'heures supplémentaires des heures " normales " de travail et qu'elle fait un amalgame entre travail effectif et temps de trajets. Sur ces derniers, elle soutient qu'ils ont été compensés par les jours de repos dont a bénéficié Marie Madeleine X..., ajoutant qu'en tout état de cause ils ne sont pas des temps de travail effectif. Enfin, elle conteste le caractère intentionnel du non paiement des heures supplémentaires pour s'opposer à la demande d'indemnité pour travail dissimulé.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

I-Sur la requalification du contrat à durée déterminée du 6 mars 1995 :

L'action en requalification d'un contrat à durée déterminée est soumise à la prescription de droit commun des actions personnelles ou mobilières, laquelle était de trente ans avant l'entrée en vigueur de la loi no2008-561 du 17 juin 2008 et est désormais de cinq ans, ainsi que le prévoit l'article 2224 du code civil.

L'article 2222 du même code édicte qu'en cas de réduction de la durée du délai de prescription, le nouveau délai cour à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

En application des dispositions qui précèdent, Marie Madeleine X... disposait d'un délai expirant le 18 juin 2013 pour solliciter la requalitifcation de son contrat de travail.

Dès lors qu'elle a formulé sa demande en mai 2011, celle-ci est recevable.

L'article 1242-2 du code du travail n'autorise le recours à un contrat à durée déterminée que pour les motifs qu'il énonce. En cas de contestation sur le motif du recours, il appartient à l'employeur d'en établir la réalité.

Le contrat signé le 6 mars 1995 était motivé pour un " surcroît temporaire d'activité ".

Marie Madeleine X... conteste la réalité de ce motif, en faisant valoir que dès le 21 juin 1995, elle a été engagée en contrat à durée indéterminée, ce dont elle déduit que dès le départ, il s'agissait de pourvoir un emploi permanent.

Si l'obligation au paiement d'une indemnité de requalification d'un contrat à durée déterminée naît dès la conclusion de ce contrat en méconnaissance des exigences légales et pèse en conséquence sur l'employeur l'ayant conclu, cette circonstance ne fait pas obstacle à l'application de l'article L. 1224-2 du code du travail en vertu duquel, sauf dans certains cas, le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification.

En l'espèce, la société CAZ ne justifie pas, et même n'allègue pas être dans l'une des situations dérogatoires visées par l'article L. 1224-2 du code du travail. Dès lors, Marie Madeleine X... est bien fondée à diriger sa demande à son encontre.

Or, force est de constater que l'intimée ne justifie aucunement qu'au mois de mars 1995, la société Marques Associées se trouvait confrontée à un surcroît d'activité, alors que trois mois plus tard, l'emploi ainsi pourvu était un emploi permanent et durable.

Par suite, la relation de travail instaurée à compter du 6 mars 1995 sera requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée.

En conséquence de la requalification, Marie Madeleine X... peut prétendre à une indemnité de requalification. En application de l'article L. 1245-2 du code du travail, elle sera fixée à 3407 euros, montant de son dernier salaire. Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.

II-Sur les demandes relatives aux heures supplémentaires et aux temps de trajet :

A/ sur les heures supplémentaires et l'indemnité pour travail dissimulé :

En l'absence de convention écrite de forfait, Marie Madeleine X... est fondée à réclamer le paiement de ses heures supplémentaires, nonobstant la mention figurant sur ses bulletins de paye " appointement forfaitaire en jours ".

En application de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accompli, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

En l'espèce, Marie Madeleine X... verse notamment aux débats :
- l'original de son passeport, lequel fait apparaître les visas apposés pour ses voyages à l'étranger,
- les attestations de M. et Mme A..., qui affirment que lorsqu'elle était à Macao, elle effectuait de très longues journées de travail, le samedi compris,
- un décompte de ses heures supplémentaires (effectuées au delà de 35 heures et distinctes des temps de trajet) faisant apparaître 50 heures en 2006, 67 heures en 2007 et 47, 50 heures en 2008, soit 164, 50 heures effectuées à l'occasion de déplacements internationaux.

Ces pièces étayent suffisamment la demande de Marie Madeleine X.... L'employeur ne produit, pour sa part, aucun élément de nature à remettre en cause la réalité des heures ainsi effectuées. Par suite, il convient de retenir que Marie Madeleine X... a bien réalisé 164, 50 euros et de confirmer, de ce chef, la décision du conseil de prud'hommes d'Angers dont le calcul n'est pas contesté.

Dès lors que l'employeur ne pouvait ignorer l'absence de convention de forfait, mais aussi l'accomplissement de nombreuses heures supplémentaires accomplies à l'occasion de voyages lointains, il apparaît que c'est sciemment qu'il ne les a pas de mentionnées sur les bulletins de salaire de Marie Madeleine X..., et ce d'autant plus qu'à tout le moins à deux reprises, dans ses courriers des 21 janvier 2005 et 7 octobre 2008, elle s'est plainte de l'absence de contrepartie pour les heures effectuées lors de ses déplacements. La salariée est donc fondée à réclamer le paiement de l'indemnité pour travail dissimulé prévue à l'article L. 8223-1, soit en l'espèce, 20442 euros.

B/ Sur le temps de trajet :

En ce qui concerne les temps de trajet, il convient de remarquer que de même, le passeport de Marie Madeleine X..., ses fiches d'hôtel et de transport et le tableau récapitulatif qu'elle produit étayent suffisamment sa demande relative à 538, 36 heures pour les années 2006 à 2008, correspondant à des déplacements à l'étranger. L'employeur ne produisant aucune pièce de nature à remettre en cause ces calculs, auxquels il pouvait répondre, il convient de les retenir.

Or, aux termes de l'article L. 3121-4 du code du travail : " Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du travail n'est pas un temps de travail effectif.
Toutefois, lorsqu'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière. Cette contrepartie est déterminée par convention ou accord collectif de travail, ou, à défaut, par décision unilatérale de l'employeur prise après consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel. "

En l'espèce, les déplacements dont s'agit excédaient le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail de Madame X....

L'employeur ne démontre pas qu'il avait été prévu, dans les conditions édictées à l'article L. 3121-4 précité, une contrepartie sous forme de jours de repos. Par suite, il n'y a pas lieu de déduire, comme l'a fait le conseil de prud'hommes, des heures effectuées, les jours de RTT accordés par la société CAZ.

Lorsque, comme en l'espèce, aucun document ne fixe la contrepartie financière accordée au salarié, il appartient au juge de la déterminer, étant rappelé que ce temps de trajet n'est pas du temps de travail effectif. Au regard des éléments de la cause, il convient de la fixer en l'espèce à 5500 euros.

Marie Madeleine X... ne démontre pas que le non respect par l'employeur de lui accorder une contrepartie de ce chef lui a causé un préjudice autre que moral, aucun lien n'étant en particulier établi entre cette faute et l'arrêt de travail dont elle a fait l'objet en 2008. Par suite, la décision du conseil de prud'hommes sera de ce chef confirmée.

III-Sur le licenciement de Marie Madeleine X... :

A l'issue de la période de suspension du contrat de travail due à une maladie ou à un accident d'origine non-professionnelle, le salarié, s'il est déclaré apte par le médecin du travail, retrouve son emploi, ou si cet emploi n'existe plus ou n'est plus vacant, un emploi similaire assorti d'une rémunération équivalente.

Il convient dès lors et en premier lieu de rechercher quel était l'emploi occupé par Marie Madeleine X... au moment de son arrêt de travail, ce qui nécessite de déterminer quelles étaient ses fonctions réelles, sans s'arrêter aux intitulés figurant sur son contrat de travail ou ses bulletins de salaire, à savoir " agent qualité maille ", dont les deux parties conviennent qu'il ne s'agissait plus de la qualification de l'appelante.

En effet, la société CAZ admet dans ses écritures qu'elle était " acheteuse ", et qu'elle était chargée à ce titre de chercher et sélectionner des fournisseurs (établir un plan de développement de produit, mettre en adéquation le produit et le panel fournisseur, affecter la charge de travail à chaque fournisseur), de développer les collections (chercher et proposer des produits correspondants aux besoins de la marque, suivre les dossiers techniques, mettre au point des produits et prototypes en relation avec le bureau de style et les fournisseurs), négocier avec les fournisseurs et superviser la livraison des marchandises.

Les attestations que la salariée produit, émanant de collègues (M. B...), mais aussi de fournisseurs étrangers (M. et Mme A...et Melle Y...) confirment ces attributions pour les marques Jean Bourget, One Step et Chipie, et la considèrent comme " acheteuse responsable " du bureau maille négoce, qualification qui apparaît d'ailleurs sur l'avis d'aptitude établi par le médecin du travail. Les parties sont en désaccord sur ce titre de " responsable ", ce qui importe peu, dès lors qu'il est constant que Marie Mad X... n'était pas, contrairement à Melle C...qui l'a remplacée, une acheteuse junior, et qu'il est tout aussi constant qu'elle avait une supérieure hiérarchique en la personne de Mme Z.... En outre, les attestations et courriels qu'elle produit, démontrent qu'elle avait trois assistants dans son bureau, à savoir Mme C..., M. B...et M. ou Mme D..., qu'elle disposait d'une certaine autonomie pour négocier les prix et calculer les marges et enfin qu'elle effectuait de nombreux déplacements à l'étranger. Elle avait d'ailleurs la qualité de cadre.

Il résulte des écritures des parties et des attestations produites par Marie Mad X..., à savoir celle de M. B...et celle de M. E..., directeur de la société Ultramaille, que pendant l'absence de l'appelante, ses fonctions d'acheteuse ont été partagées entre Mme F..., pour la marque One Step et Chipie et Mme C...pour la marque Jean Bourget, laquelle a, selon M. B..., repris les attributions de Marie Madeleine X... et également une partie de ses déplacements à l'étranger. L'attestation de Mme Z...confirme qu'il y avait eu une organisation différente de l'entreprise, afin qu'il soit moins fait recours aux déplacements à l'étranger, les bureaux ouverts par le groupe en Chine étant plus sollicités.

Au regard de ce qui précède, il apparaît donc que le poste de Marie Madeleine X... n'était plus vacant au moment de son retour.

Dès lors, l'employeur devait lui proposer un emploi similaire, c'est à dire comportant le même niveau de rémunération, la même qualification et les mêmes perspectives de carrière.

Or, ce que proposait la société CAZ à sa salariée, dans son courrier du 19 mars 2010 consistait à :
"- Pour la licence Kenzo, en relation avec le département style et Madame Magali G...:
*A partir des dossiers pull réalisés par les graphistes : traduire les graphismes de manière technique (exemple choix des techniques jacquard ou intarsia, print ou broderie...), déterminer techniquement la réalisation des styles demandés (exemple choix des fils, choix des jauges),
*A la réception des échantillons, réaliser les commentaires techniques,
*sur la production, faire les commentaires des sizes set et Pps de production,
- Pour la marque One Step, en relation avec le département style et l'équipe de Madame Marie Hélène F...:
*A partir des dossiers pull réalisés par les graphistes : traduire les graphismes de manière technique (exemple choix des techniques jacquard ou intarsia, print ou broderie...), déterminer techniquement la réalisation des styles demandés (exemple choix des fils, choix des jauges),
*A la réception des échantillons, réaliser les commentaires techniques,
*sur la production, faire les commentaires des sizes set et Pps de production,
*réaliser une bibliothèque de fils,
*mettre à jour les bibliothèques existantes,
*proposer des matières et des fils tenant compte de la concurrence et des besoins du style,
*réaliser un benchmark des pratiques de la concurrence ".

Elle se voyait donc confier des fonctions purement techniques, alors que précédemment elle négociait des produits, sans pouvoir de décision (seulement de proposition) et sans aucun déplacement à l'étranger, étant souligné que si dans certains courriers elle s'était plainte de la fatigue engendrés par ces derniers c'était pour déplorer l'absence de contrepartie. En outre, elle ne se voyait plus confier l'encadrement d'assistants. Dès lors, si la rémunération de Marie Mad X... restait la même, l'amoindrissement de ses missions ainsi que de son niveau d'autonomie et la perte de ses fonctions d'encadrement, constituaient une modification de son contrat de travail.

Par suite, Marie Madeleine X... ne pouvait se voir licencier pour avoir refusé cette modification. Dès lors, il convient d'infirmer la décision du conseil de prud'hommes d'Angers et de dire que le licenciement de Marie Mad X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Agée de soixante ans lors de son licenciement, Marie Madeleine X... avait quinze ans d'ancienneté. Elle indique, sans être contredite, qu'elle n'a pas retrouvé de travail. Eu égard à ces éléments et son dernier salaire, il convient de condamner la société CAZ à lui payer une somme de 50000 euros à titre de dommages et intérêts.

Il y a lieu, par application de l'article 1235-4 du code du travail, d'ordonner d'office le remboursement par la société CAZ des indemnités qui ont pu être versées par Pôle Emploi dans la limite de six mois ainsi qu'ils sera dit au dispositif.

IV-Sur les autres demandes :

L'article L. 6321-1 du code du travail impose à l'employeur d'assurer l'adaptation de ses salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi.

Or, il n'est pas contesté par la société CAZ, qu'en 15 ans, elle n'a pas proposé une seule action de formation à Marie Madeleine X..., peu important à cet égard que celle-ci ait réussi à assumer malgré tout ses fonctions.
Pourtant, elle n'a pas hésité à lui confier, par son courrier du 19 mars 2010, une mission impliquant " une bonne maîtrise de l'anglais ", compétence que n'avait pas sa salariée.

Il en résulte pour elle un préjudice distinct de celui découlant de la rupture de son contrat de travail et qui sera justement évalué à 1000 euros.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera donc également infirmé de ce chef.

Il sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles exposés en première instance et aux dépens.

Il n'apparaît pas inéquitable de mettre à la charge de la société CAZ une somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par son adversaire en cause d'appel.

Partie succombante, l'employeur supportera également les dépens d'appel. Il sera subséquemment débouté de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant en matière sociale, publiquement et contradictoirement,

- Infirme le jugement du 6 juin 2012, sauf en ce qu'il :
*a requalifié le contrat de travail à durée déterminée du 6 mars 1995 en contrat à durée indéterminée et condamné la société CAZ à payer à Marie Madeleine X... une somme de 3407 euros à titre d'indemnité de requalification,
*condamné la société CAZ à payer à Marie Madeleine X... la somme de 4619 euros au titre des heures supplémentaires outre 461, 90 euros de congés payés afférents, 100 euros de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de contrepartie de temps de trajet,
*ordonné à la société CAZ de remettre à Marie Madeleine X... une attestation pôle emploi conforme à la décision sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard à compter de 30 jours à partir de la notification de la décision, se réservant la liquidation de l'astreinte,
*condamné la société CAZ à payer à Marie Madeleine X... une somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens,

Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés et y ajoutant,

- Dit que le licenciement de Madame X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- Condamne la société CAZ à payer à Marie Madeleine X... les sommes suivantes :
*50000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*5500 euros à titre de contrepartie aux temps de trajet,
*20442 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
*1000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement par la société CAZ à son obligation de formation,

- Condamne la société CAZ à payer à Marie Madeleine X... la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés en cause d'appel,

- Rejette les demandes pour le surplus,

- Condamne la société CAZ aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

V. BODINAnne JOUANARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/01273
Date de la décision : 17/02/2015
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2015-02-17;12.01273 ?
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