COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N
ic/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 02870.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 06 Décembre 2012, enregistrée sous le no 11/ 00661
ARRÊT DU 27 Janvier 2015
APPELANT :
Monsieur Bruno X...
...
72700 ROUILLON
non comparant-représenté par Maître LALANNE, avocat substituant Maître CHARTIER-LABBE de la SCP WENTS ET ASSOCIES, avocats au barreau du MANS-No du dossier 11/ 649
INTIMEE :
LA SCOP SECOP
10, boulevard des Ravalières
72560 CHANGE
non comparante-représentée par Maître JACQUET, avocat au barreau du MANS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Décembre 2014 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne JOUANARD, président chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller
Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller
Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 27 Janvier 2015, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS et PROCÉDURE,
M. X...a été recruté le 28 février 1982 par la SCOP SECOP, coopérative en plomberie-sanitaire-chauffage-ventilation et climatisation, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.
Il occupait en dernier lieu un emploi de contremaître niveau E statut employé qualifié moyennant un salaire brut de 2 554 euros par mois.
La société dont le siège social est situé à CHANGE (72), applique la convention collective nationale du bâtiment et emploie un effectif de plus de 10 salariés.
Par courrier du 27 octobre 2011, M. X... a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement fixé au 9 novembre 2011. Le même jour, il a fait l'objet d'une mesure de mise à pied à titre conservatoire.
Par courrier du 16 novembre 2011, le salarié a reçu notification de son licenciement pour faute grave en raison " du détournement à son profit du bien d'autrui à trois reprises. "
Par requête déposée le 28 novembre 2011, M. X... a saisi le conseil de prud'hommes du Mans :
- pour contester son licenciement et voir condamner l'employeur au versement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
-pour obtenir le paiement du salaire au titre de la mise à pied, de l'indemnité de préavis et de l'indemnité conventionnelle de licenciement.
Par jugement en date du 6 décembre 2012, le conseil de prud'hommes du Mans a :
- rejeté l'exception de sursis à statuer soulevée par M. X...dans l'attente d'une procédure pénale en cours,
- dit que le licenciement reposait bien sur une faute grave,
- débouté M. X...de ses demandes,
- rejeté la demande de la société SECOP au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamné M. X...aux dépens.
Les parties ont reçu notification de ce jugement les 11 et 12 décembre 2012..
M. X... en a régulièrement relevé appel général par courrier électronique du 28 décembre 2012 de son conseil.
PRÉTENTIONS et MOYENS des PARTIES,
Vu les conclusions récapitulatives enregistrées au greffe le 27 octobre 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles M. X...demande à la cour :
- in limine litis, de rejeter les pièces adverses no1 à 4, correspondant à des avertissements qui lui ont été délivrés par son employeur,
- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- à titre principal, de constater que l'appropriation de biens provenant des chantiers par les salariés de la société SECOP était une pratique courante au sein de la société, de dire en conséquence qu'il n'a commis aucune faute grave,
- de dire que le licenciement ne repose ni sur une cause grave ni sur une cause réelle et sérieuse,
- de condamner la société SECOP à lui verser :
- la somme de 2 554 euros au titre de la perte de salaires durant la mise à pied,
- la somme de 5 108 euros au titre de l'indemnité de préavis,
- la somme de 17 878 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
- la somme de 25 000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure initiale ainsi que la somme de 2 500 euros en cause d'appel sur le même fondement.
Il fait valoir en substance que :
- sur l'absence de faute grave :
- sur le chantier de la Chasse Royale, il a effectué sur son temps personnel, les travaux de démontage de la chaudière entre le 22 et le 26 août 2011 après ses heures de travail et le week-end et a revendu la fonte pour son propre compte,
- il a agi conformément à une pratique connue au sein de la société et pratiquée par les supérieurs hiérarchiques,
- sur le même chantier, il a procédé au démontage de l'échangeur de cette chaudière dont il a seulement récupéré deux plaques en acier et a restitué le matériel à la SECOP,
- la société SECOP n'a subi aucun préjudice puisqu'elle a facturé lesdits travaux pour 2 616 euros HT, sans avoir rémunéré le salarié,
- sur l'indemnisation de son préjudice : il a subi un préjudice important lié au licenciement alors qu'il a travaillé 29 ans au sein de l'entreprise, sans précédent disciplinaire, que ses chances de reclassement sont limitées au regard de son âge avec des droits à retraite réduits.
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 21 novembre 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience selon lesquelles la SCOP Anonyme à capital et personnel variable dénommée SECOP, demande à la cour :
- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- de dire le licenciement fondé sur une faute grave,
- de le débouter de toutes ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance outre la somme de 2 000 euros pour la seconde instance ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle soutient essentiellement que :
- M. X...s'est approprié les matériaux relatifs aux chantiers de démolition confiés à la société SECOP sans l'accord de son employeur ce qui constitue une faute grave
-le fait que les salariés puissent revendre à leur profit personnel les matériaux de démolition en vertu d'une pratique courante au sein de l'entreprise est inexact,
- le travail de démontage sur le chantier de la Chasse Royale a été exécuté durant les heures de travail de M. X...et non pas durant les périodes de repos en RTT,
- la perte subie par elle a réduit la participation aux bénéfices de l'ensemble des salariés,
- M. X... ayant créé au printemps 2011 une entreprise de travaux d'installation d'eau et de gaz, cette entreprise personnelle est sans doute à l'origine du désintérêt de M. X... pour les chantiers qui lui ont été confiés par elle à la même période.
MOTIFS DE LA DÉCISION,
Sur la demande de rejet des pièces no1 et 4,
M. X...sollicite le rejet des débats des avertissements qui lui ont été notifiés par son employeur le 4 décembre 2008 (pièce no1) et le 24 mai 2011 (pièce no4) au motif que les griefs contenus dans ces avertissements ne sont pas établis et qu'ils ne sont pas en rapport avec les motifs de son licenciement.
Toutefois, M. X...disposait du temps nécessaire pour contester la validité de ces pièces produites régulièrement en appel déjà soumises aux premiers juges et qui ne sont pas sans lien avec le litige.
La demande de M. X...sera en conséquence rejetée.
Sur le licenciement pour faute,
Aux termes de la lettre de licenciement du 16 novembre 2011 qui fixe les limites du litige, l'employeur reproche à M. X... les manquements suivants :
- Lors de l'exécution du chantier de la Chasse royale durant la semaine du 22 au 26 août 2011, alors que vous aviez procédé à la dépose de la chaudière avec l'aide d'un tiers pendant votre temps de travail et avec les moyens de l'entreprise, vous vous en êtes approprié les 2 900 kg de fonte que vous avez revendus à votre profit personnel le 31 août 2011 pour le prix de 725 euros.
Sur ce même chantier, vous vous êtes également approprié un échangeur de chaleur en inox et fonte à des fins personnelles et à votre seul profit.
Il en a été de même pour la chaudière provenant du chantier de Mme Y...le 19 octobre 2011.
Ainsi à trois reprises, vous avez détourné le bien d'autrui à votre profit personnel.
Vos responsabilités et votre ancienneté dans l'entreprise vous imposent un comportement exemplaire et ne peuvent excuser de telles indélicatesses.
Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l'entreprise.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il incombe à l'employeur d'en rapporter la preuve.
La société SECOP verse aux débats :
- la copie de l'audition de son directeur général, M. Z..., le 10 novembre 2011 auprès des services de police du Mans dans le cadre de la plainte pour vol déposée à l'encontre de M. X...pour vol de matériaux.
- l'attestation de M. A..., plombier chauffagiste salarié de la SECOP selon lequel " le 21 octobre 2011, j'ai informé le directeur de ce que M. X... avait récupéré pour son compte une chaudière provenant du chantier de Mme Y..., "
- l'attestation de M. B..., plombier de la SECOP : " j'ai travaillé sur le chantier de remplacement de la chaudière à la résidence de la Chasse Royale. J'ai déposé la production d'eau chaude avec un échangeur de chaleur entre le 17 et le 21 octobre 2011, le conducteur de travaux du chantier, M. X..., m'a dit qu'il récupérait cet échangeur pour lui, qu'il l'utiliserait comme échangeur de chaleur chez son frère. "
- l'attestation de M. C..., gardien du chantier de la Chasse Royale : " J'ai vu le responsable du chantier de la société SECOP sortir la chaudière dans la semaine du 22 au 26 août, une benne était présente, il a été transporté les morceaux de la chaudière avec le véhicule de la SECOP, deux personnes étaient présentes. "
- une facture en date du 31 août 2011 de la société de recyclage Passenaud qui a acheté 2 900 kg de fonte auprès de M. X...pour un montant de 725 euros
L'employeur rapporte ainsi la preuve de ce que M. X...a procédé au démontage de la chaudière provenant du chantier de la Chasse Royale et qu'il a tiré de la vente de la fonte un profit personnel de 725 euros.
M. X..., qui ne conteste pas la réalité des faits, soutient qu'il a réalisé les travaux sur son temps personnel avec l'aide de son fils, en se rendant les soirs de la semaine du 22 au 26 août 2011 après ses heures de travail dans la société SECOP ainsi que le week-end précédent.
Toutefois, cette version des faits est contredite par les témoins et par la preuve que M. X...a procédé à la vente des 2 900 kg de fonte le vendredi 26 août 2011 à 12 heures 07 selon l'heure de la pesée, qu'il a utilisé pour le transport des matériaux un camion et une benne de la société SECOP et qu'il n'était pas en congé RTT ce vendredi-là.
Si M. Lilian X..., fils de l'appelant, a confirmé les dires de son père, cette attestation succincte, établie le 21 octobre 2014, soit plus de trois ans après les faits, est en totale contradiction avec les autres éléments du dossier ce qui permet de douter de son impartialité au regard du temps écoulé et de son lien de parenté avec M. X....
Contrairement aux allégations de M. X..., il est d'usage que l'entreprise chargée de la dépose et de l'évacuation du matériel récupère, sauf accord contraire des parties, les matériaux provenant de la démolition et en tire le bénéfice éventuel en cas de revente.
M. Vaidie, technicien d'exploitation, a confirmé s'agissant du chantier de la Chasse Royale, que " la prestation de la SECOP incluait l'évacuation de la chaudière " et que " cette chaudière n'avait jamais été donnée à titre personnel à M. X.... "
La société SECOP justifie par ailleurs que la revente des produits de démontage lui procure un revenu complémentaire habituel au vu des factures établies par la société de recyclage.
M. X...soutient qu'il a juste récupéré des pièces pour son usage personnel (deux plaques en acier) sur l'échangeur de la chaudière de la Chasse Royale et qu'il n'a rien prélevé, après démontage par ses soins, sur l'échangeur de chaleur de la chaudière de Mme Y...le 19 octobre 2011. A l'issue de ce démontage, il aurait restitué les restes des chaudières à la SECOP.
L'employeur n'a pas répondu sur le montant de son préjudice, à l'exception de le revente des 2 900 kg de fonte, reprochant à M. X...de s'être approprié les matériaux appartenant à la SECOP.
A supposer que M. X...n'ait tiré aucun bénéfice financier à la suite du démontage de la chaudière du chantier Y..., il ne justifie aucunement de l'usage invoqué au sein de l'entreprise selon lequel l'employeur autoriserait les salariés à prélever " un bout de métal " sur les matériaux récupérés. Cet " usage " apparaît au surplus incompatible avec les règles applicables au sein d'une société coopérative et participative instaurant le partage des bénéfices entre tous les salariés.
En dépit de son ancienneté acquise au sein de l'entreprise coopérative, M. X...n'a manifestement pas tenu compte des précédents avertissements de son employeur et notamment du dernier notifié le 24 mai 2011, soit quelques mois avant le licenciement. S'il conteste la réalité des griefs figurant dans les avertissements, il ne justifie d'aucune protestation écrite et contemporaine à réception desdits courriers.
Au vu de l'ensemble des éléments, M. X...en détournant à des fins personnelles du matériel destiné à son employeur, a commis des actes répétés de nature frauduleuse au préjudice de la société SECOP, constitutifs d'une faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise même pendant la durée de son préavis.
Il sera en conséquence débouté de ses demandes en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l'indemnité conventionnelle de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis et du rappel de salaire durant la période de mise à pied, le jugement étant confirmé de ces chefs.
Sur les autres demandes
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la SECOP les frais non compris dans les dépens. M. X... sera condamné à lui payer la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions relatives de l'article 700 du code de procédure civile.
M. X...sera débouté de ses demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile et condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant, publiquement et contradictoirement, en matière sociale et en premier ressort,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Et y ajoutant :
CONDAMNE M. X...à payer à la société SECOP la somme de 800 euros en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
REJETTE le surplus des demandes de la société SECOP.
DÉBOUTE M. X...de ses demandes.
CONDAMNE M. X...aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
V. BODINAnne JOUANARD