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20/01/2015 | FRANCE | N°12/02771

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 20 janvier 2015, 12/02771


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N clm/ jc

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 02771.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de SAUMUR, décision attaquée en date du 22 Novembre 2012, enregistrée sous le no 11/ 00109
ARRÊT DU 20 Janvier 2015
APPELANTE :
L'EURL DUCHEMOL 10-12 Place Saint Pierre 49400 SAUMUR

non comparante-représentée par la SCP LAGOUCHE JEAN-MARC, avocats au barreau d'ANGERS
INTIME :
Monsieur Antoine X...... 79290 ST MARTIN DE SANZAY

comparant
COMPOSITION

DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N clm/ jc

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 02771.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de SAUMUR, décision attaquée en date du 22 Novembre 2012, enregistrée sous le no 11/ 00109
ARRÊT DU 20 Janvier 2015
APPELANTE :
L'EURL DUCHEMOL 10-12 Place Saint Pierre 49400 SAUMUR

non comparante-représentée par la SCP LAGOUCHE JEAN-MARC, avocats au barreau d'ANGERS
INTIME :
Monsieur Antoine X...... 79290 ST MARTIN DE SANZAY

comparant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Décembre 2014 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, président chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller

Greffier lors des plaidoiries : Madame GOUBET, greffier. Greffier lors du prononcé : Madame BODIN, greffier.

ARRÊT : prononcé le 20 Janvier 2015, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
EXPOSÉ DU LITIGE :
Courant 2009, l'EURL Duchemol a repris l'exploitation du café-bar " Le Why Not " situé 10, place Saint-Pierre à Saumur.
Dans la mesure où son gérant exploitait déjà un restaurant situé en face de ce bar, à compter du 1er novembre 2009, elle a embauché M. Antoine X... en contrat de travail à durée indéterminée en qualité de responsable de bar au coefficient IV échelon II de la convention collective nationale des personnels des Hôtels, Cafés, Restaurants (HCR) moyennant une rémunération brute mensuelle de 2 398, 80 ¿ pour 39 heures de travail effectif hebdomadaire, soit 151, 67 heures au taux normal et 17 h 33 au taux majoré de 10 %. Un contrat de travail a été établi dont il est versé aux débats un exemplaire signé de l'employeur, mais il n'a jamais été soumis à la signature du salarié.

Il ne fait pas débat que, le 30 juillet 2011 vers 19 heures, M. Antoine X... a été victime d'une chute dans l'escalier menant à la cave du bar, laquelle lui a occasionné une contusion chondro-costale gauche et a été à l'origine d'un arrêt de travail prescrit jusqu'au 28 août 2011 au titre d'un accident du travail. Lors de l'audience devant la cour, le conseil de l'EURL Duchemol a indiqué que cet accident a bien été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie au titre de la législation professionnelle.
Par courrier recommandé du 1er août 2011, l'EURL Duchemol a notifié au salarié une mise à pied conservatoire à compter du 31 juillet 2011 et elle l'a convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 12 août suivant. Par lettre recommandée du 10 août 2011, elle a de nouveau fait connaître au salarié qu'il était mis à pied à titre conservatoire à compter du 31 juillet précédent et elle a reporté l'entretien préalable au 23 août 2011.

Par courrier recommandé du 26 août 2011, M. Antoine X... s'est vu notifier son licenciement pour faute lourde dans les termes suivants :
" Monsieur, Au cours de l'entretien préalable en date du 23 août 2011, je vous ai demandé de vous expliquer sur les agissements dont vous avez été l'auteur, à savoir :

Abandon de poste survenue le samedi 30 juillet 2011 s'accumulant a d'autres actes analogues, Suite au dépôt de plainte déposé le 16 juillet 2011 au commissariat de police vous réaffirmer aucune constance de la tenue des recettes et des pièces comptables auquel vient s'ajouter divers difficultés depuis quelques mois laissant paraître des incohérences financières, Suite à deux procès-verbaux suivis du tribunal vous maintenez le non-respect de la législation inhérent au débit de boisson avec licence 4, Suite aux différentes constatations d'un laxisme, vous maintenez votre renoncement obstiné à la maintenance de l'exploitation, Suite à votre indulgence sur les horaires, le non-respect de votre emploi du temps reste une satisfaction dans votre conscience, Suite à votre refus des politiques économiques et d'élargissement d'activités de l'entreprise vous laissez celle-ci dans la perplexité économique

Ces faits constituent une faute lourde. Je suis contraints de mettre fin à votre contrat de travail, votre attitude rendant impossible la poursuite de votre activité professionnelle au sein de notre entreprise.
Par la présente, il vous est donc notifié votre licenciement, sans préavis, ni indemnité de rupture. Vous ne ferez plus partie du personnel de l'entreprise, cette décision s'appliquera et prendra effet à la reprise issue de la validation de votre médecin.... ".
Le 2 septembre 2011, M. Antoine X... a saisi le conseil de prud'hommes pour contester cette mesure. Dans le dernier état de la procédure de première instance, il demandait au conseil de déclarer son licenciement nul en tout cas dépourvu de cause réelle et sérieuse et il sollicitait le paiement de diverses sommes à titre d'indemnités de rupture, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour privation injustifiée du DIF et pour absence de contrat de travail écrit ainsi qu'un rappel de salaire pour heures supplémentaires.
Par jugement du 22 novembre 2012 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le conseil de prud'hommes de Saumur a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire prévue par l'article 515 du code de procédure civile :
- condamné l'EURL Duchemol à payer les sommes suivantes à M. Antoine X... : ¿ 2 400 ¿ bruts d'indemnité compensatrice de préavis outre 240 ¿ de congés payés afférents, ¿ 1 760 ¿ nets à titre d'indemnité légale de licenciement, ¿ 562 ¿ au titre de l'indemnisation du droit individuel à la formation, ¿ 28 800 ¿ de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ¿ 1 500 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté M. Antoine X... de ses autres demandes et l'EURL Duchemol de l'ensemble de ses prétentions et condamné cette dernière aux dépens.
L'employeur a régulièrement relevé appel général de ce jugement par lettre recommandée postée le 13 décembre 2012.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Vu les conclusions et observations orales des parties à l'audience des débats du 2 décembre 2014 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés ;
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 25 novembre 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles l'EURL Duchemol demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de débouter M. Antoine X... de l'ensemble de ses prétentions, de le condamner à lui payer la somme de 2 500 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
L'appelante fait valoir en substance que le licenciement de M. Antoine X... pour faute lourde est bien fondé en ce que :
- le 30 juillet 2011, suite à sa chute dans l'escalier, il a commis un abandon de poste en quittant son travail avant l'heure prévue et ce, non pour se rendre chez un médecin afin de faire constater son état de santé, mais pour aller dîner à la terrasse d'un établissement concurrent où il est resté plusieurs heures et a fini la soirée ;- l'exécution du contrat de travail a été émaillée de manquements qui établissent que le salarié a failli à sa mission : ¿ laxisme dans la tenue de l'établissement, notamment par rapport à l'hygiène, non-respect de la loi sur l'interdiction de fumer dans l'établissement, non-respect des règles régissant un établissement recevant du public, servant de l'alcool et détenteur de la licence IV ; ¿ organisation de ses temps de pause selon son bon vouloir et dépassement de ces temps de pause à la faveur desquels il allait s'installer pour manger à la terrasse du kebab " CHARWANA " ou de " Chez Pommier " ou pour boire une consommation à la terrasse du bar " Aux tontons " d'où il surveillait l'établissement " Le Why Not ", n'hésitant pas à demander à une clientèle habituée de procéder aux encaissements à sa place ;

¿ ouverture tardive de l'établissement motif pris d'obligations personnelles ou fermeture le soir avant l'heure normale ce qui a empêché d'atteindre les objectifs financiers prévus pour 2010 alors qu'il incombait à M. Antoine X... de relancer l'activité et de parvenir à terme à une situation de rentabilité ; ¿ le salarié a fait preuve de défaillances et de manquements dans la tenue de la caisse et a omis à plusieurs reprises de remettre la caisse journalière au dirigeant de l'entreprise ; ¿ il " n'a jamais rempli de manière précise ses obligations notamment sur les dernières semaines et les derniers mois d'activité " ; ¿ si un déficit était prévu pour l'exercice 2010, les marges réalisées sont " parfaitement incohérentes " au regard du ratio établi dans ce type d'activité ; les comptes étaient mal tenus, certains paiements ne trouvaient aucun justificatif, certaines dépenses étaient difficilement compréhensibles (achat d'une console de jeu WII) ; ¿ en résumé " les défaillances de Monsieur X... dans les multiples domaines qui relevaient de sa compétence n'ont pas permis la réalisation de son projet " et l'ont contrainte à procéder à son licenciement.

Vu les conclusions dites " en réponse " enregistrées au greffe le 1er décembre 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles M. Antoine X... demande à la cour de confirmer purement et simplement le jugement entrepris et de condamner l'EURL Duchemol à supporter les dépens et à lui payer la somme de 2 500 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'intimé fait valoir en substance que :
- l'EURL Duchemol qui ne rapporte même pas la preuve de la matérialité des faits invoqués, est a fortiori défaillante à établir tant son intention de nuire indispensable pour retenir une faute lourde que la gravité des faits invoqués ;- il n'a pas commis d'abandon de poste le 30 juillet 2011 mais son départ, après avoir accompli plus de 9 heures de travail, était justifié par la chute dans l'escalier de l'établissement et les douleurs, devenues insupportables qu'elle engendrait ;- les griefs ensuite énoncés dans la lettre de licenciement sont inintelligibles et leur lecture ne lui permet pas de comprendre exactement ce qui lui est reproché ; en tout état de cause, ils ne sont pas fondés et il conteste avoir commis le moindre manquement, la moindre irrégularité dans l'exercice de ses fonctions ; d'ailleurs, il n'a jamais fait l'objet d'une quelconque remarque ;- la plupart des griefs énoncés dans la lettre de licenciement doivent être écartés au motif encore qu'ils n'ont pas été évoqués lors de l'entretien préalable ;- il ressort du compte-rendu d'entretien préalable que l'employeur, qui lui a proposé de rester au sein de l'entreprise moyennant une baisse de salaire, n'avait, en réalité, aucun grief réel et sérieux à lui opposer, voulait continuer à travailler avec lui et que le véritable motif de la rupture réside dans sa volonté de diminuer le niveau de ses charges en personnel ;- en l'absence de faute grave démontrée à son encontre, son licenciement prononcé alors que son contrat de travail était suspendu du fait d'un arrêt de travail prescrit en raison d'un accident du travail ne peut qu'être déclaré nul en application des dispositions de l'article L. 1226-9 du code du travail.

MOTIFS DE LA DÉCISION :
Aux termes de l'article L. 1226-9 du code du travail, au cours des périodes de suspension du contrat de travail résultant d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie, soit d'une faute grave du salarié, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.
En application de l'article L. 1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement doit énoncer les motifs du licenciement et l'exigence de motivation est satisfaite à condition que la lettre énonce des griefs matériellement vérifiables, ces éléments matériels pouvant être apportés dans le cadre de l'instance prud'homale.
En l'espèce, le licenciement a été prononcé pour faute lourde pour les motifs repris dans la lettre de notification de la rupture ci-dessus reproduite.
La faute lourde est celle qui, comme la faute grave, résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Privative de toute indemnité, elle suppose, en outre, l'intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise, intention qui doit être appréciée strictement et résulter d'éléments objectifs de la cause. La preuve des faits constitutifs de la faute lourde incombe à l'employeur.
Il ressort suffisamment clairement des termes de la lettre de licenciement que sont reprochés à M. Antoine X... :- un abandon de poste commis le 30 juillet 2011 ;- un défaut de tenue des recettes et de la comptabilité ainsi que des incohérences financières dans cette comptabilité ;- le non-respect de la législation afférente aux débits de boissons exploitant une licence IV ;- un laxisme dans l'exploitation de l'établissement ;- le non-respect de ses horaires de travail.

Par contre, la phrase : " Suite à votre refus des politiques économiques et d'élargissement d'activités de l'entreprise vous laissez celle-ci dans la perplexité économique " ne contient pas l'énonciation d'un grief suffisamment précis et matériellement vérifiable.
S'agissant tout d'abord de l'abandon de poste, il n'est pas discuté par l'employeur et il est établi par le témoignage circonstancié de Mme Angélique Y..., serveuse au sein du bar le " Why Not " en date du 11 août 2011 que, le samedi 30 juillet 2011 en fin d'après-midi, M. Antoine X... a fait une chute dans l'escalier menant à la cave du bar où il descendait pour aller chercher des recharges de boissons ; qu'il en est remonté en transpirant et en se tenant la poitrine et que son état de santé s'est dégradé au fil de la soirée, le responsable du bar se sentant de plus en plus fébrile. Le témoin relate avec précision le très mauvais état de cet escalier qui devait être remplacé et que presque plus personne n'acceptait d'emprunter. Ce très mauvais état est confirmé par l'ébéniste, intervenu le 6 septembre 2011, qui atteste de ce que toutes les marches de la partie basse étaient décalées vers l'intérieur, n'étaient plus maintenues et que l'exploitant ne lui a commandé qu'une réparation succincte qui ne permettait pas de solidifier l'ensemble de sorte que l'escalier est resté instable.
Cet accident du travail non discuté a été à l'origine d'un traumatisme costal gauche, médicalement constaté le lundi 1er août 2011 et qui a justifié un arrêt de travail immédiat pour une durée d'un mois.
Il résulte du témoignage de Mme Angélique Y... que, le 30 juillet 2011, M. Antoine X... a, du fait de la douleur croissante et alors que tous les autres salariés avaient déjà pris leur pause, quitté le bar vers 21 h 45/ 22 heures pour aller manger et s'asseoir, son responsable lui précisant qu'il demeurait joignable sur son téléphone mobile. L'appelant indique quant à lui être parti vers 21 h 30 et être allé s'installer dans le restaurant situé en face du bar pour y attendre que son épouse vienne le chercher. M. Antoine X... dont l'EURL Duchemol indique elle-même qu'il avait la responsabilité de la gestion de l'établissement, notamment de l'établissement des horaires, énonce sans être contredit qu'il avait pris son service à midi.
Ces éléments ne sont pas utilement contredits par les quatre témoignages (pièces no 21, 24, 25 et 26) produits par l'appelante, dont trois en cause d'appel établis le 25 novembre 2014, soit quelques jours avant l'audience, les témoins indiquant en substance avoir, le 30 juillet 2011, vu M. Antoine X... dîner avec des amis à la terrasse du restaurant " Le Canon " et s'être montré en grande forme et critique à l'égard de son employeur. Ces témoignages n'apparaissent pas probants au regard des multiples détails que leurs auteurs paraissent capables de relater plus de trois ans après les faits. Cette absence de caractère probant est confortée par les témoignages de Mme Angélique Y..., de M. Brandon Z..., ancien employé de cuisine de M. A..., gérant de l'EURL Duchemol, et de M. Jean-Léon Vincent, desquels il ressort que M. A... a tenté d'obtenir de la part de Mme Y... et de M. Z..., menaces sur leur emploi à l'appui, de faux témoignages contre M. Antoine X....
Ce dernier ayant, le 30 juillet 2011, quitté son poste de travail après avoir été victime d'un accident du travail lui ayant occasionné des blessures, après avoir accompli au moins 9 heures de travail, après avoir fait en sorte que tous les autres salariés du bar aient pu prendre leur pause avant son départ et en prenant toutes mesures utiles pour demeurer joignable, l'abandon de poste qui lui est reproché n'est pas caractérisé.
A l'appui du grief afférent aux manquements dans la tenue des recettes et de la comptabilité, l'EURL Duchemol verse aux débats les éléments suivants :
- des échanges de courriels intervenus entre le 20 et le 22 juin 2011 entre le cabinet comptable SOREGOR, M. A... à l'adresse électronique de l'Auberge Saint-Pierre et M. Antoine X... desquels il ressort que le comptable a sollicité la communication de la caisse du mois de mai 2011, que M. Antoine X... lui a déposé cette caisse et les éléments nécessaires à la déclaration de TVA le 21 juin 2011 et que le comptable a demandé qu'à l'avenir ils lui soient communiqués cinq jours ouvrés avant le délai impératif ;- des courriels échangés le 19 juillet 2011 entre le comptable, l'Auberge Saint-Pierre et M. Antoine X... desquels il ressort que le comptable a sollicité la communication de la caisse détaillée, que M. Antoine X... a indiqué à M. A... lui avoir déjà adressé les " caisses manquantes " et que ce dernier a transmis au comptable un courriel intitulé " TVA DUCHEMOL " comportant une pièce jointe ;- trois pages du Grand Livre Général de l'EURL Duchemol relatif à la période du 1er janvier au 31 juillet 2011 ;- ses pièces no 12 et 13 constitutives de notes manuscrites intitulées " Caisses manquantes " sur lesquelles figurent diverses dates entre le 10 juin et le 10 juillet sans précision de l'année concernée, le prénom de " Christian " en face de certaines dates et d'un point d'interrogation en face d'autres dates ainsi que les mentions manuscrites suivantes : " Du 1er juin au 4 juillet inclus = 3880 ¿ 20 " et : " 7 et 8 juillet = + 225 ¿ sans facture ".

Ni les échanges de courriels ci-dessus rapportés ni les autres pièces ne permettent de faire preuve d'un manquement, d'une quelconque faute commise par M. Antoine X... dans la tenue de la caisse, la comptabilisation des recettes ou, à supposer même qu'elle lui ait incombé, dans la tenue de la comptabilité. Il n'est pas justifié de dépenses inexpliquées ou anormales imputables au salarié et l'employeur ne justifie pas l'avoir jamais mis en garde en garde sur ce point ou au sujet de la tenue de la caisse ou des éléments comptables.
Il ressort du témoignage de Mme Claudine B..., déléguée du salarié qui a assisté l'intimé lors de l'entretien préalable, que l'employeur en la personne de M. Pascal A... a reconnu avoir été à l'origine de difficultés relatives à la restitution de la caisse journalière, notamment lorsque M. Antoine X... était en congé.
A l'appui du grief tiré du laxisme dans l'exploitation de l'établissement et du non-respect par le salarié de ses horaires et temps de pause, l'employeur verse aux débats les témoignages d'un client indiquant lui-même qu'il venait occasionnellement et de trois clientes dont l'une indique être venue trois fois environ. Ces témoignages rédigés en termes vagues et non circonstanciés ne permettent pas, à eux seuls, de caractériser une attitude fautive du salarié dans l'exploitation de l'établissement, s'agissant, notamment, de l'hygiène ou du respect par le salarié de ses horaires de travail et temps de pause. Il n'en ressort aucun manquement relativement au respect de l'interdiction de fumer à l'intérieur du bar ou au respect de l'horaire d'ouverture.
Les griefs tirés d'un laxisme dans l'exploitation de l'établissement et d'un non-respect de ses horaires de travail par le salarié n'apparaissent donc pas fondés. Les reproches de l'employeur sont contredits par le témoignage de M. Daniel C..., propriétaire du restaurant " Le Bistrot de la Place " situé place Saint-Pierre à Saumur, lequel vante le dynamisme de M. Antoine X... dans l'exploitation du bar et souligne que, sous sa direction, la clientèle et l'ambiance du bar sont devenues plus agréables et qu'il a su établir un bon relationnel avec les autres commerçants de la place Saint-Pierre.
S'agissant du non-respect de la législation afférente aux débits de boissons exploitant une licence IV, l'appelante verse aux débats deux procès-verbaux de police établis respectivement le 4 mars 2010 pour des faits du 17 janvier précédent et le 6 juin 2010. Il en ressort que, le 17 janvier 2010 après deux heures du matin sans plus de précision de l'horaire, les services de police ont constaté que la porte du bar le " Why Not " " s'ouvrait et se fermait de temps en temps ". Entendu par les services de police, M. Antoine X... a expliqué que les locaux étaient partiellement éteints, que la caisse était fermée, que les derniers clients étaient tous à l'extérieur, que seuls les musiciens allaient et venaient pour ranger leur matériel et l'embarquer et qu'il a seulement offert un jus de fruit à un musicien. Ces explications ne sont pas utilement contredites.

Quant au 6 juin 2010, il apparaît qu'à 2 h 25, les policiers ont constaté qu'assis à l'extérieur du bar à une table en terrasse, quatre clients consommaient un alcool de type " Baileys ".
Ces faits, dont il ne ressort aucune intention de nuire, ne permettent, à eux-seuls, de caractériser, ni une faute lourde ni même une faute grave de nature, ni même une cause réelle et sérieuse de nature à justifier le licenciement de M. Antoine X....
Il convient de relever qu'il résulte du témoignage de Mme Claudine B..., déléguée du salarié qui a assisté l'intimé lors de l'entretien préalable, qu'au cours de cet entretien, aux objections opposées par le salarié aux grief formulés, l'employeur en la personne de M. Pascal A... a reconnu que M. Antoine X... était " courageux ", qu'il avait largement dépassé ses objectifs, qu'il était un excellent barman, qu'il n'avait aucun soupçon sur son honnêteté, qu'il était lui-même à l'origine de difficultés comptables et de caisse, que les locaux étaient vétustes et qu'à la fin de l'entretien préalable, il a déclaré qu'il n'entendait plus vendre son bar mais voulait le restaurer intégralement et il a demandé à M. Antoine X... s'il était prêt à continuer de travailler avec lui moyennant une diminution de salaire.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la preuve de l'intention de nuire n'est pas rapportée et les pièces et documents versés aux débats ne permettent de caractériser à l'encontre de M. Antoine X... ni une faute grave ni même une cause réelle et sérieuse de licenciement. En application de l'article L. 1226-13 du code du travail, par voie d'ajout au jugement entrepris, le licenciement de ce dernier doit être déclaré nul pour avoir été prononcé en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1226-9 du même code.
Victime d'un licenciement nul et ne demandant pas sa réintégration, l'intimé a droit aux indemnités de rupture et à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à celle prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail.
Les premiers juges ayant fait une exacte appréciation des droits du salarié quant aux indemnités de rupture et du préjudice résultant pour lui du caractère illicite de son licenciement, le jugement entrepris sera confirmé purement et simplement s'agissant des sommes qui lui ont été allouées de ces chefs et qui ne sont pas discutées. Le licenciement de M. Antoine X... ne reposant pas sur une faute lourde, il a été injustement privé de son droit individuel à la formation. Le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il lui a alloué de ce chef la somme de 562 ¿.

L'intimé ne révèle pas appel incident du jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires et de sa demande de dommages et intérêts pour absence de contrat de travail écrit. La cour n'étant saisie d'aucune demande ni d'aucun moyen de ces chefs, il y a également lieu à confirmation sur ces points.
PAR CES MOTIFS ;
La Cour, statuant publiquement, en matière sociale, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
Ajoutant au jugement entrepris, déclare nul le licenciement de M. Antoine X... ;
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant, condamne l'EURL Duchemol à payer à M. Antoine X... la somme de 1 500 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute elle-même de ce chef de prétention ;
La condamne aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
V. BODIN Anne JOUANARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/02771
Date de la décision : 20/01/2015
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2015-01-20;12.02771 ?
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