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13/01/2015 | FRANCE | N°12/02774

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 13 janvier 2015, 12/02774


COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N
cp/ jc

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 02774.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 28 Novembre 2012, enregistrée sous le no 11/ 00714

ARRÊT DU 13 Janvier 2015

APPELANTE :

La SAS LECLUSE AUTOMOBILE
ZAC des Hunaudières
72230 RUAUDIN

non comparante-représentée par Maître Amandine BOUEE, avocat au barreau de PARIS

INTIME :

Monsieur Olivier X...
...
72000 L

E MANS

comparant-assisté de Maître LALANNE de la SCP HAY-LALANNE-GODARD-HERON-BOUTARD-SIMON, avocats au barreau du MANS

COMPOSITION...

COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N
cp/ jc

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 02774.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 28 Novembre 2012, enregistrée sous le no 11/ 00714

ARRÊT DU 13 Janvier 2015

APPELANTE :

La SAS LECLUSE AUTOMOBILE
ZAC des Hunaudières
72230 RUAUDIN

non comparante-représentée par Maître Amandine BOUEE, avocat au barreau de PARIS

INTIME :

Monsieur Olivier X...
...
72000 LE MANS

comparant-assisté de Maître LALANNE de la SCP HAY-LALANNE-GODARD-HERON-BOUTARD-SIMON, avocats au barreau du MANS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Décembre 2014 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne PORTMANN, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anne JOUANARD, président
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller
Madame Clarisse PORTMANN, conseiller

Greffier : Madame BODIN, greffier.

ARRÊT : prononcé le 13 Janvier 2015, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE :

M. Olivier X... a été embauché par la société Robineau, aux droits de laquelle se trouve la société Lecluse automobiles, selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er juin 2004 en qualité de conseiller commercial.

Ce contrat a fait l'objet d'une " réécriture " le 14 juin 2010.

M. Olivier X... était plus spécifiquement chargé de la vente des véhicules Audi auprès des particuliers. Son salaire était composé d'une partie fixe, d'un montant de 955 euros brut par mois, et d'une partie variable liée à ses performances personnelles. Ainsi, pour l'année 2010, il a perçu une rémunération de l'ordre de 60000 euros.

Le 1er mars 2011, les parties régularisaient un avenant par lequel M. Olivier X... se voyait affecter à la vente de véhicules à des sociétés, sa rémunération fixe mensuelle étant portée à 1800 euros brut. Le 7 mars 2011, il recevait son " paie plan " pour l'année 2011.

Néanmoins, la société Lecluse automobiles a continué à lui verser un fixe mensuel de 955 euros. Elle lui a fait parvenir, par courrier recommandé du 14 octobre 2011, un avertissement pour lui reprocher son manque d'investissement et de dynamisme vis à vis de ses nouvelles fonctions, ainsi que le non respect de ses objectifs.

M. Olivier X... a été en arrêt de travail à compter du 24 novembre 2011.

Par requête du 20 décembre 2011, il a saisi le conseil de prud'hommes du Mans pour voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société Lecluse automobiles, et s'entendre, cette dernière, condamnée à lui payer des rappels de salaire, d'indemnité de préavis et de licenciement, outre des dommages et intérêts d'un montant de 64000 euros.

Aux termes de deux visites médicales en date des 31 janvier et 16 février 2012, M. Olivier X... était déclaré inapte à tout poste dans l'entreprise. Il était licencié pour ce motif par courrier du 15 mars 2012.

Suivant jugement en date du 28 novembre 2012, le conseil de prud'hommes du Mans a :
- dit que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de M. Olivier X... est bien fondée et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamné en conséquence la société Lecluse automobiles à payer à M. Olivier X... les sommes suivantes :
*8450 euros au titre du rappel de salaire sur l'année 2011,
*3415, 50 euros au titre du rappel de salaire sur l'année 2012,
*4044, 70 euros au tire du rappel de commissions pour l'année 2011,
*404, 47 euros au titre des congés payés y afférents,
*5665, 48 euros au titre du rappel de commissions sur les affaires traitées par lui avant le 24 novembre 2011 et exécutées postérieurement,
*566, 55 euros de congés payés y afférents,
*4770, 74 euros à titre de rappel sur l'indemnisé de préavis, à calculer sur la base du nouveau salaire de base et en tenant compte des rappels de commissions,
*477, 07 euros de congés payés afférents au rappel sur préavis,
*3076, 71 euros à titre de rappel sur l'indemnisé de licenciement,
*25000 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive,
*500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la société Lecluse automobiles de sa demande pour frais irrépétibles,
- ordonné l'exécution provisoire.

La société Lecluse automobiles a interjeté appel de cette décision suivant lettre recommandée postée le 14 décembre 2012.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, aux dernières conclusions respectivement :
- du 18 novembre 2014 pour la société Lecluse automobiles,
- du 15 octobre 2014 pour M. Olivier X...,
soutenues à l'audience, ici expressément visées et qui peuvent se résumer comme suit.

La société Lecluse automobiles demande à la cour d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes du Mans et de condamner M. Olivier X... à lui payer une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

S'agissant de la résiliation judiciaire du contrat, l'appelante prétend qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir versé à son salarié une rémunération brute de 1800 euros par mois à compter du 1er mars 2011, dès lors que celle-ci était subordonnée à ce que M. Olivier X... démarche des nouvelles sociétés clientes conformément à ses attributions. Or, dès le 1er juillet 2011, elle lui a fait part de ses inquiétudes, constatant qu'il était toujours présent sur le show-room alors qu'il se devait d'aller prospecter la clientèle. Elle soutient que son salarié ne respectait pas ses objectifs et que dès septembre 2011, il avait manifesté son souhait de quitter l'entreprise.
Elle ajoute qu'en tout état de cause, le seul fait qu'elle n'ait réglé que 955 euros brut par mois au lieu de 1800 euros n'a causé au salarié aucun préjudice de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, dès lors que cela ne représentait qu'une faible part de sa rémunération, qui était en moyenne de 4740 euros par mois.

En ce qui concerne le non paiement des commissions, elle fait valoir, d'une part, que M. Olivier X... ne démontre pas qu'elle a manqué à ses obligations, se bornant à produire des pièces qu'il a lui même établies, et, d'autre part qu'il n'avait pas présenté sa demande lorsqu'il a saisi le conseil de prud'hommes. Dans ces conditions, il n'y aurait pas lieu de prononcer la résiliation du contrat de travail pour ce motif, ni même de la condamner à payer ces sommes, non justifiées.

En tout état de cause, il ne saurait, selon la société Lecluse automobiles, être considéré que les manquements invoqués ont rendu impossible la poursuite du contrat de travail, dès lors que M. Olivier X... a attendu le 20 décembre 2011 pour agir et le mois de janvier 2012 pour invoquer le non paiement des commissions, ne contestant pas son salaire dans ce laps de temps.
Elle soutient qu'en réalité M. Olivier X... a prémédité son départ pour aller travailler chez un concurrent.

A titre subsidiaire, elle prétend que le licenciement pour inaptitude de M. Olivier X... est fondé et qu'elle a satisfait à son obligation de reclassement.

M. Olivier X... sollicite la confirmation du jugement du conseil de prud'hommes, sauf à ce que les dommages et intérêts qui lui ont été accordés soient portés à 64000 euros. Il demande également que son adversaire soit condamnée à lui verser une somme de 4000 euros au titre de ses frais irrépétibles.

Il soutient que la résiliation judiciaire de son contrat de travail était justifiée dès lors que la société Lecluse automobiles ne lui a pas payé la rémunération fixe convenue, alors que l'avenant du 1er mars 2011 n'opérait pas de modification dans les modalités d'exécution de son travail.
Il précise que si son employeur considérait qu'il ne respectait pas ses obligations contractuelles, il lui appartenait de mettre en oeuvre une procédure disciplinaire ou pour insuffisance professionnelle, mais non de lui infliger une sanction pécuniaire interdite.
Il prétend d'ailleurs avoir respecté ses objectifs.
Sur ses demandes de rappel de commissions, il souligne que la société Lecluse automobiles ne verse pas aux débats les dossiers clients qui permettraient de vérifier les ventes réalisées par lui.

A titre subsidiaire, il conteste le licenciement prononcé à son encontre en faisant valoir que la société Lecluse automobiles n'a pas respecté son obligation de reclassement et que son inaptitude n'est que la conséquence des agissements de son employeur.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

I-Sur la demande en résiliation du contrat de travail ;

Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits objectifs qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande en résiliation du contrat de travail était justifiée.

L'avenant du 1er mars 2011 ne comportait aucune modification des modalités d'exécution du travail de M. X... et ne subordonnait pas le paiement de la part fixe de sa rémunération à des démarchages ou des prospects de clientèle, seule la part variable étant fonction des performances personnelles. Il en est de même du " paie plan " du 7 mars 2011.

M. Olivier X... a certes signé, le 1er juillet 2011, un courrier lui signifiant que sa rémunération fixe serait maintenue à 955 euros au motif qu'il n'avait pas abordé la phase de rendez-vous extérieurs auprès des sociétés, mais cet émargement valait uniquement récépissé du document qui mentionne " lettre remise en main propre " et non acceptation de son contenu.

Si la société Lecluse automobiles estimait que M. Olivier X... ne remplissait pas correctement ses obligations, il lui appartenait de mettre en oeuvre une procédure disciplinaire ou pour insuffisance professionnelle. Elle ne pouvait en revanche procéder à une minoration de son salaire contractuellement défini, ce qui constitue une sanction pécuniaire prohibée par l'article L. 1331-2 du code du travail.

Il apparaît donc qu'en maintenant à 955 euros par mois la part fixe du salaire de M. Olivier X..., la société Lecluse automobiles a commis une faute.

La rémunération dont M. Olivier X... a été privé correspond à pratiquement la moitié de la part fixe de son salaire, qui est celle sur laquelle le salarié peut compter quelque soit le contexte économique, de sorte qu'elle revêt un caractère important. Même rapportée à sa rémunération globale, elle n'est aucunement négligeable, puisqu'elle en représente plus de 17 %.

Il ne peut être déduit du fait que le salarié a attendu le mois de décembre 2011 pour se plaindre de cette situation en sollicitant la résiliation de son contrat, que la faute de l'employeur n'était pas suffisamment grave pour empêcher la poursuite de la relation de travail, alors, qu'il ne s'est rendu compte de la situation qu'après versement du salaire de mars, soit en avril 2011, qu'il a pu légitimement croire à une erreur, et que les courriers comminatoires qui lui ont été adressés les 1er juillet 2011, 14 et 26 octobre 2011 tentaient de lui faire porter la responsabilité du maintien de sa part fixe à 955 euros et donc l'inciter à ne rien faire.

Au regard de ce qui précède, il apparaît que le manquement commis empêchait la poursuite de la relation de travail. C'est donc à juste titre que le conseil de prud'hommes du Mans a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. Olivier X... et dit qu'elle produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il sera rappelé que la résiliation prend effet à la date du licenciement.

En conséquence, il n'y a pas lieu d'examiner le caractère fondé ou non de la mesure de licenciement prise le 15 mars 2012.

II-Sur les rappels de salaire et de commissions :

Au titre des rappels de salaire, il est dû à M. Olivier X..., pour l'année 2011, une somme de 8450 euros (845x10) et pour l'année 2012 une somme de 3415, 50, la part fixe du salaire ayant été portée à 1041 euros et la relation de travail ayant cessé le 15 mai 2012 (759x4, 5).

Le jugement du conseil de prud'hommes sera donc confirmé sur ce point, étant relevé qu'il n'a pas accordé les congés payés afférents et que M. Olivier X... se borne à demander la confirmation de la décision.

Pour démontrer qu'il peut prétendre à des commissions s'élevant à 4044, 70 euros brut au titre des voitures d'occasion vendues en 2011 et à des commissions sur des affaires traitées avant le 24 novembre 2011 mais exécutées après, pour un montant de 5665, 48 euros, M. Olivier X... verse aux débats les pièces suivantes :
- ses bulletins de salaire dont certains comportent en annexe un état détaillé des commissions versées,
- un récapitulatif des ventes de voitures neuves 2011, comportant le nom des clients et le numéro de commande,
- un récapitulatif des commissions voitures d'occasion 2011, comportant le numéro du dossier et le nom du client,
- le tableau statistique de ses ventes du 1er novembre 2011 au 11 mai 2012, avec les numéros de dossier, les numéros de châssis, de facture et les dates de facture,
- un cahier manuscrit, qui émane selon lui de la société Lecluse, comportant le nom de tous les acquéreurs et des vendeurs.

La société Lecluse automobiles se borne à indiquer que ces documents sont insuffisants pour établir le bien fondé de la demande. Cependant, force est de constater qu'elle ne produit aucune pièce récapitulant les ventes réalisées par M. Olivier X..., ni aucune des factures ou commandes mentionnées dans les états récapitulatifs établis par ce dernier et qui permettraient d'en remettre en cause la fiabilité.

Par suite, il apparaît que les pièces susvisées établissent suffisamment le bien fondé des prétentions de M. Olivier X.... Le jugement entrepris sera donc également confirmé sur ce point.

Il en sera de même pour les rappels d'indemnité de préavis, de congés payés afférents et d'indemnité de licenciement, les calculs des juges de première instance n'étant pas contestés.

III-Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Compte tenu de l'âge de M. Olivier X..., né en 1973, de son ancienneté dans l'entreprise (7 ans), mais aussi du fait qu'il a retrouvé très rapidement un emploi identique, il convient de condamner la société Lecluse automobiles à lui payer une somme de 38000 euros à titre de dommages et intérêts.

IV-Sur les autres demandes :

Le jugement du conseil de prud'hommes du Mans sera confirmé dans ses dispositions relatives aux dépens et à l'indemnité pour frais irrépétibles ;

Il n'apparaît pas inéquitable de mettre à la charge de la société Lecluse automobiles une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non répétibles d'appel exposés par son adversaire.

Partie succombante, elle supportera les dépens et sera déboutée de sa demande pour frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant en matière sociale, publiquement et contradictoirement,

- Confirme le jugement rendu le 28 novembre 2012 par le conseil de prud'hommes du Mans, sauf en ce qu'il a fixé à 25000 euros le montant des dommages et intérêts alloués à M. Olivier X... pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau du seul chef infirmé et y ajoutant,

- Condamne la société Lecluse automobiles à payer à M. Olivier X... la somme de 38000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Condamne la société Lecluse automobiles à payer à M. Olivier X... la somme de 2000 euros au titre de ses frais non répétibles d'appel,

- Rejette les demandes pour le surplus,

- Condamne la société Lecluse automobiles aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

V. BODINAnne JOUANARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/02774
Date de la décision : 13/01/2015
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2015-01-13;12.02774 ?
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