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16/12/2014 | FRANCE | N°12/02676

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 16 décembre 2014, 12/02676


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N cp/ jc

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 02676.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de SAUMUR, décision attaquée en date du 23 Novembre 2012, enregistrée sous le no 11/ 00165

ARRÊT DU 16 Décembre 2014

APPELANTE :

L'ASSOCIATION POUR LA SAUVEGARDE DE L'ENFANCE ET DE L'ADOLESCENCE (ASEA) 46 Route du Plessis Grammoire BP 20104 49124 SAINT BARTHELEMY D'ANJOU

non comparante-représentée par Maître Gérard SULTAN de la SCP SULTAN-PEDRON-LUCAS-DE

LOGIVIERE-RABUT, avocats au barreau d'ANGERS
INTIME :
Monsieur Patrick Y...... 49260 ARTANNES SUR...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N cp/ jc

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 02676.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de SAUMUR, décision attaquée en date du 23 Novembre 2012, enregistrée sous le no 11/ 00165

ARRÊT DU 16 Décembre 2014

APPELANTE :

L'ASSOCIATION POUR LA SAUVEGARDE DE L'ENFANCE ET DE L'ADOLESCENCE (ASEA) 46 Route du Plessis Grammoire BP 20104 49124 SAINT BARTHELEMY D'ANJOU

non comparante-représentée par Maître Gérard SULTAN de la SCP SULTAN-PEDRON-LUCAS-DE LOGIVIERE-RABUT, avocats au barreau d'ANGERS
INTIME :
Monsieur Patrick Y...... 49260 ARTANNES SUR THOUET

comparant-assisté de Maître Nathalie BAUDRY, avocat au barreau de PARIS-No du dossier 410030
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Novembre 2014 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Clarisse PORTMANN, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller Madame Clarisse PORTMANN, conseiller

Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 16 Décembre 2014, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
******* FAITS ET PROCÉDURE :

Par lettre d'engagement en date du 23 juillet 2001, M. Patrick Y...a été embauché par l'association " Les quatre saisons ", qui gérait notamment un foyer de réinsertion de personnes majeures à Saumur, en qualité d'éducateur non diplômé ayant pour mission d'assurer l'encadrement des " sans domicile fixe " le soir et la nuit.
La convention collective applicable était celle des centres d'hébergement et de réadaptation sociale et des services d'accueil, d'orientation et d'insertion pour adultes (IDCC 783).
Le 7 janvier 2008, il a signé un avenant en application duquel il est devenu surveillant de nuit, au coefficient 399, 40.
Le 1er janvier 2001, l'association " Les quatre saisons " a fusionné avec l'association pour la sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence (ci-après dénommées l'ASEA). Le contrat de travail de M. Patrick Y...a été transféré à cette dernière. La convention collective applicable est celle des établissements pour personnes inadaptées et handicapées. (IDCC 413).
L'ASEA a proposé à M. Y...de signer un avenant prévoyant notamment :- article 1 : que ses fonctions consisteraient à " effectuer une surveillance éveillée pendant toute la durée de la nuit ",- article 2 : que son lieu de travail pourrait être déplacé à tout moment dans le même secteur géographique, c'est à dire dans un rayon de 30km,- article 4 : que sa rémunération serait de 1719, 47 euros brut pour une valeur du point de 3, 74 euros.

Par courrier du 6 avril 2011, M. Patrick Y..., qui avait refusé de signer cet avenant, a dénoncé la suppression, pendant ses congés, du lit se trouvant dans la chambre de veille, ainsi que la diminution de son indice de rémunération.
Un litige s'est alors cristallisé entre l'ASEA, qui exigeait la signature de l'avenant et maintenait que le poste de surveillant de nuit confié à M. Patrick Y...supposait une surveillance effective, la chambre de veille permettant seulement d'y prendre une pause de 20 minutes, et M. Patrick Y..., qui invoquait un usage tenant, selon ses premiers courriers, à l'existence d'un lit de repos, puis dans ses dernières missives, à la possibilité d'effectuer des " nuits dormantes " et se plaignait du harcèlement de son employeur.
Chaque partie restant sur sa position, l'ASEA a notifié à M. Patrick Y..., par lettre du 20 octobre 2011, un avertissement en raison de sa persistance à vouloir dormir pendant les nuits de garde et de la non signature de l'avenant proposé. M. Patrick Y...a saisi le conseil de prud'hommes de Saumur le 16 novembre 2011 d'une contestation à l'encontre de cet avertissement et d'une demande indemnitaire. Un nouvel avertissement lui a été notifié le 2 décembre 2011 pour les mêmes motifs.

Par courrier du 14 décembre 2011, M. Patrick Y...a été convoqué à un entretien prélable à une mesure de lienciement qui s'est tenu le 6 janvier 2012. Il a été licencié pour faute grave par une lettre du 12 janvier 2012 ainsi rédigée : " Vous avez affirmé que vous aviez un droit acquis à dormir pendant vos nuits de garde et qu'il s'agissait d'un usage depuis votre embauche. Vous avez affirmé que vous pouviez effectuer votre travail tout en dormant en précisant que de nombreuses associations du département permettaient aux surveillants de dormir. Bien évidemment, nous ne partageons pas cette analyse et nous avons fait preuve d'une grande patience en vous notifiant des avertissements sur ce comportement fautif et en vous mettant en demeure de remplir de façon effective votre fonction de surveillant de nuit.

Nous vous avons souligné que compte tenu de la spécificité de la population hébergée et de son caractère fragile et vulnérable, il n'était pas tolérable qu'un surveillant de nuit puisse dormir pendant son service. Manifestement vous ne voulez pas tenir compte des avertissements réitérés. Vous ne voulez pas entendre raison et vous persistez à interpréter l'exigence qui vous a été notifiée de remplir vos obligations comme " une menace, ou un harcèlement moral ". Lors de notre entretien, vous avez déclaré formellement que vous entendiez continuer à dormir pendant vos nuits de garde. Nous ne pouvons accepter que cette situation perdure avec le risque pour l'association d'engager sa responsabilité civile et pénale. Par la présente, nous sommes donc contraints de vous notifier un licenciement pour faute grave avec effet immédiat. Votre décision de continuer à dormir pendant votre service met en péril la sécurité de l'établissement et des personnes hébergées ".

Devant le conseil de prud'hommes, M. Patrick Y...a contesté les deux avertissements dont il avait fait l'objet, ainsi que son licenciement. Il a en outre réclamé un rappel de salaire et de congés payés.
Par un jugement du 23 novembre 2012, le conseil de prud'hommes de Saumur a :- dit qu'il n'existe aucun usage au sein du centre d'hébergement consistant à disposer d'un lit d'appoint dans le chambre de veille et de pouvoir y dormir,- dit qu'il n'y a pas lieu d'annuler les avertissements des 12 octobre et 2 décembre 2012,- dit qu'il convient de requalifier le licenciement pour faute grave en un licenciement avec cause réelle et sérieuse, avec les conséquences indemnitaires, En conséquence,- condamné l'ASEA à verser à M. Patrick Y...les sommes suivantes : *3698, 46 euros au titre de la période de préavis, *369, 84 euros au titre des congés payés afférents, *9630, 83 euros au titre de l'indemnité de licenciement, *3467, 36 euros au titre du rappel de salaire pour la période du 1er janvier 2008 au 3 décembre 2011, outre 346, 73 euros au titre des congés payés y afférents, *1200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,- condamné l'ASEA à délivrer à M. Patrick Y...les bulletins de salaires relatifs aux condamnations salariales outre les documents de fin de contrat, sous astreinte.

Par courrier recommandé posté le 6 décembre 2012, l'ASEA a relevé appel de cette décision.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par ses dernières conclusions, déposées le 19 mai 2014, soutenues à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, L'ASEA demande à la cour :- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé qu'il n'existait aucun usage au sein du centre d'hébergement autorisant les surveillants de nuit à dormir pendant leur temps de travail et qu'il a refusé d'annuler les avertissements notifiés à M. Patrick Y...les 20 octobre et 2 décembre 2012,- d'infirmer le jugement pour le surplus, Statuant à nouveau et y ajoutant,- de dire et juger que le licenciement pour faute grave notifié à M. Patrick Y...est justifié,- de débouter M. Patrick Y...de ses demandes, sauf à réduire le rappel de salaires pour la période de novembre 2006 à décembre 2011 à la somme de 1475, 63 euros, outre celle de 147, 56 euros au titre des congés payés afférents,- de condamner M. Patrick Y...à lui payer une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

S'agissant du rappel de salaire, elle fait valoir, pour la période du 1er novembre 2006 au 31 décembre 2010, que M. Patrick Y...serait en droit de prétendre à une somme de 3638, 47 euros, de laquelle il convient néanmoins de déduire les régularisations opérées en fonction de son coefficient de classification et de la revalorisation du point, lorsque celle-ci a été portée à sa connaissance, soit une somme de 2771, 24 euros, de sorte qu'il ne lui reviendrait que 867, 23 euros. Pour la période du 1er janvier au 31 juillet 2011, l'ASEA admet sa réclamation à concurrence de 50, 70 euros par mois, soit un total de 354, 90 euros. En revanche, elle conteste qu'il puisse bénéficier du coefficient 442 à compter du 1er août 2011, soulignant qu'il n'appartient pas à la catégorie des agents polyvalents. Selon elle, il pouvait tout en plus bénéficier du coefficient 437, 4, ce qui lui ouvre droit à un rappel de salaire de 253, 50 euros.

En ce qui concerne les mesures disciplinaires qu'elle a prises à l'encontre de M. Patrick Y..., elle soutient que celui-ci ne rapporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, de l'existence de l'usage qu'il invoque. Elle fait valoir en effet que les attestations produites sont insuffisantes ou mensongères. Elle ajoute que si cet usage avait existé, il n'aurait pas été mentionné dans l'avenant signé le 7 janvier 2008 que la chambre de veille était destinée à effectuer une pause de 20 minutes, que la situation des surveillants de nuit, dès lors qu'ils sont payés pour un travail effectif, est différente de celle des éducateurs, qui bénéficient d'un système d'équivalence, que la convention collective appliquée par l'association " Les quatre saisons " et la fiche métier confirment qu'un surveillant doit être éveillé toute la nuit. Elle indique que dans son premier courrier, M. Patrick Y...n'invoquait d'ailleurs pas un usage lui permettant de faire des nuits dormantes. L'ASEA en déduit que tant les avertissements que le licenciement pour faute grave sont justifiés, et ce d'autant plus que M. Patrick Y...a persisté dans son comportement fautif, nonobstant le fait qu'elle ne l'a pas immédiatement licencié, son souhait étant qu'il ne perde pas son emploi.

L'ASEA ajoute que M. Patrick Y...n'établit aucun fait permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral, les mesures prises à son encontre étant justifiées, et ne démontrant pas le préjudice dont il demande réparation.
Par ses conclusions déposées le 7 octobre 2014, soutenues à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, M. Patrick Y...demande à la cour :- de dire irrecevable, subsidiairement mal fondée, l'ASEA en son appel et l'en débouter,- de le recevoir en son appel incident,- de constater que le fait de disposer d'un lit d'appoint dans la chambre de veille et de pouvoir y dormir constitue un usage en vigueur dans l'entreprise, faute d'avoir été dénoncé,- d'annuler les avertissements qui lui ont été notifiés,- de dire son licenciement pour faute grave dépourvu de cause réelle et sérieuse, A titre subsidiaire,- sur la demande de rappel de salaire : de condamner l'ASEA à lui payer la somme de 2642 euros au titre de la période de novembre 2006 à décembre 2011, outre 264, 20 euros à titre de congés payés,- sur la requalification de la procédure de licenciement pour faute en licenciement sans cause réelle et sérieuse, de condamner l'ASEA à lui payer les sommes suivantes : *4049, 66 euros au titre de la période de préavis, *404, 97 euros au titre des congés payés afférents, *10545, 94 euros au titre de l'indemnité de licenciement, *12148, 92 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, *10000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,- de condamner l'ASEA à lui délivrer les bulletins de salaires relatifs aux condamnations salariales outre les documents de fin de contrat, sous astreinte de 100 euros par jour de retard,- de condamner l'ASEA à lui payer une somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

S'agissant du rappel de salaire, il fait valoir que de la date du transfert de son contrat de travail à l'ASEA jusqu'à l'expiration d'un délai de quinze mois, il pouvait se prévaloir de la convention collective la plus favorable. Or, selon lui, il pouvait bénéficier, à compter du 30 juillet 2008 du coefficient 418, 40, à compter du 30 juillet 2010 du coefficient 437, 40 et à compter du 1er janvier 2011, du coefficient 448, d'où un rappel de salaire de 5386, 24 euros, dont à déduire les régularisations effectuées pour 2744, 24 euros.
En ce qui concerne les sanctions disciplinaires qui lui ont été appliquées, il fait valoir qu'il existait dans l'établissement géré par l'association " Les quatre saisons " un usage selon lequel les salariés du foyer bénéficiaient d'un lit dans la salle du personnel et pouvaient effectuer " des nuits dormantes ", le souhait de la structure étant de responsabiliser les personnes hébergées en ne leur infligeant pas une surveillance. Cet usage n'ayant pas été dénoncé dans les formes prescrites par la loi, l'ASEA doit le respecter. Par suite, il ne peut être sanctionné en raison du respect de cet usage. Il souligne que son licenciement constitue la réitération d'une sanction pour les mêmes faits que ceux justifiant, selon l'ASEA, les deux avertissements.

Subsidiairement, il ne pourrait lui être reproché une faute grave, alors que son employeur a laissé perduré la situation pendant plus d'un an et a pris la peine de lui notifier deux avertissements. Il calcule ses demandes indemnitaires en tenant compte du rappel de salaire qui lui est dû pour l'année 2011.
Il réclame en outre la condamnation de son ancien employeur à lui verser une somme de 10000 euros en réparation de son préjudice moral, en faisant valoir qu'il a fait l'objet d'un véritable harcèlement destiné à le pousser à accepter à renoncer à ses droits, lequel s'est traduit par deux avertissements et une rupture abusive et brutale.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

I-Sur le rappel de salaire :
L'ASEA ne conteste pas qu'en application de l'article L2261-14 du code du travail, M. Patrick Y...pouvait, pendant le cours de l'année 2011, continuer à se prévaloir de la convention en vigueur dans l'association " les quatre saisons ", à charge pour lui de choisir la plus favorable.
- Pour la période du 1er novembre 2006 au 31 décembre 2010 : l'ASEA est d'accord sur le tableau établi par le salarié, qui fait apparaître un solde dû de 3638, 37 euros. Il convient d'en déduire, comme le fait l'employeur, les rappels de salaire perçus sur cette période, qui s'élèvent à 2771, 24 euros selon les bulletins de salaire versés aux débats, M. Patrick Y...ne justifiant pas pour quelle raison il n'a retenu que 269, 79 euros pour le mois de novembre 2009, alors que son bulletin de paye mentionne une somme de 296, 79 euros. Le solde restant dû pour cette période est donc de 867, 13 euros.
- Pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2011 : M. Patrick Y...prétend qu'il pouvait alors bénéficier, selon la convention collective applicable à l'ASEA, du coefficient 448, ce qui donne un salaire brut de 1813, 03 euros. En revanche, l'employeur prétend qu'il devait continuer à bénéficier du coefficient 437, 40. Il résulte du bulletin de salaire du demandeur, qu'au 31 décembre 2010, il exerçait l'emploi de surveillant de nuit, groupe 3, coefficient 418, 40. Les parties admettent qu'il devait en fait être au coefficient 437, 40. Au sein de l'ASEA, il a été classé dans la catégorie " Agent de service intérieur ", au coefficient 399 jusqu'au 31 juillet 2011 et 409 ensuite. L'article 51 de la convention collective 413 prévoit : " Pour chacun des emplois prévus à la présente convention, ces intégrations seront prononcées selon le principe général du reclassement :- dans l'emploi similaire ou correspondant à l'emploi tenu à la date d'application,

- à un salaire majoré pour ancienneté, égal ou à défaut immédiatement supérieur à celui dont l'intéressé bénéficiait dans son emploi d'origine, compte tenu du fait que la nouvelle dénomination ne saurait procurer un avantage inférieur à celui qui aurait résulté de la promotion d'échelon (ou majoration d'ancienneté) de l'intéressé dans son ancien grade ". M. Patrick Y...ne démontant pas avoir suivi la formation spécialisée lui permettant de bénéficier, en application de cette convention collective, du titre de surveillant qualifié et donc de dépendre de la catégorie " ouvrier qualifié ", il ne peut contester la classification opérée par son nouvel employeur, à savoir " agent de service intérieur ". En application du principe de reclassement ci-dessus exposé, et dans la mesure où le coefficient 437, 4 n'existait pas, il devait bénéficier du coefficient immédiatement supérieur, soit 445. En retenant une valeur du point non contestée de 3, 74 euros, son salaire de base devait s'élever à 1664, 30 euros, outre une indemnité de sujétion spéciale calculée au taux non contesté de 8, 21 % soit 136, 64 euros, soit un total de 1800, 94 euros. Il indique avoir perçu 1693, 29 euros (pièce 41), ce qui est en réalité supérieur à ce que les bulletins de paye font apparaître, soit un différentiel de 107, 65 euros par mois. Au titre de l'année 2011, il lui revient donc une somme de 1291, 80 euros.

Au total, le montant du rappel de salaire que devra lui payer l'ASEA s'élève donc à 2158, 93 euros, outre 215, 89 euros de congés payés.

II-Sur les sanctions prises à l'encontre de M. Patrick Y...:

L'usage consiste en un avantage reconnu à un salarié ou une catégorie de salariés. Il se caractérise par sa généralité, sa fixité et sa constance. Il doit être distingué de la simple tolérance de l'employeur. Il incombe à celui qui se prévaut de l'existence d'un usage d'en rapporter la preuve.

Pour établir que dans l'établissement géré par l'association " Les quatre saisons ", et depuis le 1er janvier 2011, par, l'ASEA, existait le double usage que les surveillants de nuit bénéficiaient d'un lit de repos et pouvaient faire des nuits dormantes, M. Patrick Y...verse aux débats six attestations.
Parmi elles, celles de Mme Z...et de M. A...font mention de la présence d'un lit dans la chambre d'appoint, sans faire référence expressément à des " nuits dormantes ". Quant à M. B..., il évoque la possibilité de dormir " entre 23 heures et 6 heures ", sans indiquer qu'il pouvait dormir durant toute cette période. En outre, il doit être observé que Mme Z...et M. B...font partie du personnel éducatif, pouvant, à ce titre, être d'astreinte de nuit, sans pour autant avoir nécessairement les mêmes fonctions qu'un surveillant de nuit.
M. C...indique " avoir travaillé au foyer des quatre saisons comme surveillant de nuit en chambre de veille et en nuit dormie ", mais ne précise pas à quelle période, il se réfère.
M. D..., devenu surveillant de nuit comme M. Patrick Y...en 2008, déclare quant à lui : " J'ai exercé le poste de moniteur éducateur, puis de surveillant de nuit, en accord avec mes différentes directions, en effectuant comme depuis la création du foyer des nuits dormantes en chambre de veille jusqu'en mars 2011, sans que cela ne cause aucun problème... En 2008, M. Patrick Y...et moi même avons en accord avec notre direction accepté de passer sur un poste de surveillant de nuit et maintenant les mêmes conditions de travail à savoir notamment le maintien des nuits dormantes sur un lit en chambre de veille comme depuis la création du foyer il y a presque 30 ans. Le tout étant validé par le conseil d'administration. "
Enfin, Mme E..., directrice de l'association du 1er septembre 2005 au 7 décembre 2009, atteste que lors de son arrivée, " il était d'usage que toutes les nuits effectuées par les salariés l'étaient en nuits dormantes ". Elle précise que pendant l'exercice de ses fonctions, " en plein accord avec le conseil d'administration ", elle a maintenu cet usage.
Cependant, force est de constater :- que dans une lettre adressée à son employeur le 12 mai 2011, M. D...indique " Suite à votre courrier recommandé du 19 avril 2011, j'attire votre attention sur le fait qu'il ne m'est jamais arrivé comme vous l'affirmez, d'avoir installé un lit dans la chambre de veille afin d'y passer la nuit ",- que M. F..., qui a participé au conseil d'administration de l'association " Les quatre saisons " pendant sept ans, de 2003 à 2010, indique que ledit conseil n'a jamais eu à valider " une disposition selon laquelle les surveillants de nuit auraient été autorisés à exercer leur mission de veille en étant endormis dans un lit mis à disposition par leur employeur ",- que dans son premier courrier du 6 avril 2011, M. Patrick Y...n'invoque pas un usage tenant à la possibilité de faire des nuits dormantes mais uniquement à la présence d'un lit dans la chambre de veille.

Bien plus, le salarié a régularisé, le 7 janvier 2008, un avenant à son contrat de travail, dont l'article 2 était ainsi rédigé : " D'un commun accord, M. Patrick Y...et ce à compter du 7 janvier 2008, passera surveillant de nuit et conservera sa rémunération actuelle ainsi que son coefficient. M. Patrick Y...conservera l'usage de la chambre de veille, ce qui lui permettra d'effectuer le temps de pause de 20 minutes dans l'article R. 314-203-2 ".

Eu égard à ce qui précède, il apparaît que les attestations produites par M. Patrick Y...sont insuffisantes pour démontrer l'existence d'un usage permettant aux surveillants de nuit, comme les éducateurs, d'effectuer leur service en nuits dormantes, contrairement à ce que la convention collective prévoit (article 4. 13 : " le surveillant de nuit a une durée de travail de 39 heures par semaine. Ce personnel travaillant la nuit n'a pas d'équivalence car il doit être éveillé toute la nuit "). A supposer que cela ait pu arriver, il s'agissait d'une simple tolérance de l'employeur.
Quant au problème du lit d'appoint, il convient de relever qu'il est dénué de pertinence, puisque ce n'est pas ce qui a motivé les sanctions prises par l'employeur.
En l'absence d'usage établi, les avertissements donnés à M. Patrick Y...les 20 octobre et 2 décembre 2011 étaient justifiés.
S'agissant du licenciement, il convient, de relever que l'envoi de deux avertissements ne privaient pas l'employeur de son pouvoir de prendre à l'égard de son salarié une sanction plus importante, dès lors que celui-ci persistait dans son comportement fautif.
Cependant la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en oeuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire. Or, en l'espèce, l'ASEA ne peut, d'une part, invoquer le danger que le comportement de M. Patrick Y...ferait courir aux personnes fréquentant le centre d'hébergement et, d'autre part, attendre six mois avant d'engager des sanctions disciplinaires, lesquelles se sont limitées, pendant près de trois mois, à des avertissements.
Dès lors, si M. Patrick Y...a bien commis une faute, celle-ci ne peut être qualifiée de " grave ". Elle justifie en revanche suffisamment, par sa persistance, la mesure de licenciement du 12 janvier 2012.
En conséquence de ce qui précède, il convient de débouter M. Patrick Y...de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement du 23 novembre 2012 étant de ce chef confirmé.

En revanche, M. Patrick Y...est fondé à réclamer le paiement d'une indemnité de licenciement calculée sur la base d'un demi mois de salaire par année d'ancienneté, dans la limite de six mois de salaire et sur la base du salaire moyen des trois derniers mois (article 17 de la convention collective du 15 mars 1966), l'indemnité de préavis et les congés payés afférents, ce qui conduit la cour à condamner l'ASEA à lui payer, en fonction de son salaire 2011 tel que déterminé en tenant compte du rappel ci-dessus opéré, soit 2012, 70 euros (22860, 55 + 1291, 80/ 12) :- préavis : 4025, 40 euros-congés payés y afférents : 402, 54 euros-indemnité de licenciement : 10482, 81 euros

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné, l'ASEA, sous astreinte, à remettre à M. Patrick Y...des bulletins de salaire et des documents de fin de contrat rectifiés, sauf à limiter la durée de l'astreinte ainsi qu'il sera dit au dispositif.

III-Sur les dommages et intérêts complémentaires :

M. Patrick Y...ne peut fonder sa demande sur les sanctions disciplinaires prises à son encontre, puisque celles-ci ont été considérées comme justifiées.
S'agissant d'un prétendu harcèlement moral, il lui incombe, en application de l'article L. 1152-1 du code du travail d'apporter des éléments permettant d'en présumer l'existence.
Il invoque à cet égard la dégradation de ses conditions de travail, l'impossibilité d'utiliser le lit d'appoint et les mises en demeure que lui a adressées son employeur pour l'amener à signer un avenant qu'il refusait. Il ajoute qu'il est le seul à avoir fait l'objet de sanctions.
Si la matérialité de la dégradation des conditions de travail n'est pas démontrée, mis à part le problème du lit d'appoint, les autres faits allégués sont avérés. Cependant, il apparaît que l'employeur démontre que ces agissements sont étrangers à tout harcèlement moral :- en effet et en premier lieu, l'impossibilité d'utiliser le lit d'appoint est la conséquence de la contestation par l'ASEA de l'usage invoqué par M. Patrick Y...et s'est appliquée également à M. D...,- en deuxième lieu, si ce dernier n'a pas été sanctionné, c'est qu'il a fini par accepter de rester éveillé, ainsi qu'il l'indique dans son courrier du 12 mai 2011,- en troisième lieu, les demandes réitérées de signature de l'avenant soumis à M. Patrick Y..., manifestaient également la volonté de ce dernier de voir son salarié renoncer à une pratique jusqu'ici tolérée. Si une clause prévoyant une possible mobilité de 30 km était insérée dans cet avenant, elle n'était que le rappel du pouvoir de direction de l'employeur et avait vocation à s'appliquer, que l'avenant soit ou non signé.

Par suite, il convient de débouter M. Patrick Y...de sa demande de dommages et intérêts.

VI-Sur les demandes accessoires :

La décision du conseil de prud'hommes étant pour l'essentiel confirmée, il convient de condamner l'ASEA aux dépens d'appel, de la débouter de sa demande pour frais irrépétibles et de la condamner à payer à M. Patrick Y...la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant en matière sociale, contradictoirement et publiquement,
- Infirme le jugement rendu le 23 novembre 202 par le conseil de prud'hommes de Saumur, en ce qui concerne les sommes allouées à M. Patrick Y...au titre du rappel de salaire et de congés payés, de l'indemnité de préavis, des congés payés y afférents, et de l'indemnité de licenciement,
- Le confirme pour le surplus de ses dispositions,
- Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés,
- Condamne l'ASEA à payer à M. Patrick Y...les sommes suivantes : *4025, 40 euros au titre de la période de préavis, *402, 54 euros au titre des congés payés afférents, *10482, 81 euros au titre de l'indemnité de licenciement, *2158, 93 euros au titre du rappel de salaire pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2011, outre 215, 89 euros au titre des congés payés y afférents, *1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Déboute les parties de leurs autres demandes.
- Condamne l'ASEA aux dépens d'appel,
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

V. BODINAnne JOUANARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/02676
Date de la décision : 16/12/2014
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2014-12-16;12.02676 ?
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