COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT N cp/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 02655.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 07 Novembre 2012, enregistrée sous le no 11/ 00720
ARRÊT DU 16 Décembre 2014
APPELANTE :
Madame Chantal X......72000 LE MANS (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/ 011390 du 04/ 01/ 2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)
non comparante-représentée par Maître Yves PETIT, avocat au barreau du MANS
INTIME :
Monsieur Driss Y.........72000 LE MANS
non comparant-représenté par Maître Alexandra REPASKA, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Novembre 2014 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne PORTMANN, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller Madame Clarisse PORTMANN, conseiller
Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 16 Décembre 2014, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
******* FAITS ET PROCÉDURE :
Suivant contrat à durée déterminée en date du 1er juillet 1999, M. Driss Y..., qui tient un hôtel situé au Mans, ..., a engagé Mme Chantal X...en qualité de femme de ménage jusqu'au 30 juin 2010, pour une durée de 10 heures par semaine, soit 43, 33 heures par mois, réparties " selon un planning ", moyennant une rémunération mensuelle brute de 382, 20 euros.
Le 7 juin 2010, Mme Chantal X...a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes du Mans aux fins d'obtenir le rappel des salaires dus pour la période de novembre et décembre 2009, mars, avril et mai 2010, les congés payés y afférents et la remise des bulletins de paye des mois considérés.
Par une ordonnance du 13 juillet 2010, le conseil de prud'hommes a dit n'y avoir lieu à référé et invité les parties à se pourvoir au fond.
Suivant requête parvenue au greffe de ladite juridiction le 1er décembre 2011, Mme Chantal X...a sollicité du conseil de prud'hommes du Mans, qu'il condamne son ancien employeur :- à lui payer les sommes suivantes : *299, 06 euros au titre du rappel de salaire d'octobre 2009, *382, 17 euros au titre du rappel de salaire de novembre 2009, *382, 17 euros au titre du rappel de salaire de décembre 2009, *328, 24 euros au titre du rappel de salaire de janvier 2010, *210, 56 euros au titre du rappel de salaire de février 2010, *272, 56 euros au titre du rappel de salaire de mars 2010, *383, 90 euros au titre du rappel de salaire d'avril 2010, *383, 90 euros au titre du rappel de salaire de mai 2010, *383, 90 euros euros au titre du rappel de salaire de juin 2010 ; *345, 51 euros au titre des congés payés, *345, 51 euros au titre de l'indemnité de fin contrat, *1000 euros à titre de dommages et intérêts,- à lui remettre, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, les bulletins de salaire des mois de mai et juin 2010, l'attestation pôle emploi et un certificat de travail.
Le conseil de prud'hommes a débouté Mme Chantal X...de l'ensemble de ses demandes par un jugement du 7 novembre 2012, dont la salariée a relevé appel par une lettre recommandée postée le 5 décembre 2012.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par son assignation du 24 février 2014, soutenue à l'audience, ici expressément visée et à laquelle il convient de se référer pour un plus ample exposé, Mme Chantal X...présente, devant la cour, les mêmes demandes que celles soumises au conseil de prud'hommes. Elle réclame en outre une indemnité pour frais irrépétibles d'un montant de 1500 euros. Elle fait valoir en effet, qu'à plusieurs reprises, l'hôtel tenu par M. Driss Y...a été fermé (notamment du 15 octobre 2009 au mois de janvier 2010 pour travaux) de sorte qu'elle n'a pu y accéder pour exécuter son contrat de travail. Contestant avoir eu les clefs de l'établissement, elle précise qu'elle se présentait tous les jours mais en vain, M. Driss Y...n'étant même pas là pour l'accueillir. Elle prétend donc que l'employeur a manqué à son obligation de lui fournir du travail. Elle soutient encore qu'elle a travaillé tout le mois de juin sans être payée.
Dans ses conclusions parvenues au greffe le 27 octobre 2014, soutenues à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, M. Driss Y...demande à la cour de confirmer le jugement déféré, de débouter Mme Chantal X...de toutes ses demandes, fins et prétentions, et de la condamner à lui payer la somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre celle de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il prétend en effet que Mme Chantal X...ne rapporte pas la preuve, qui lui incomberait, en application de l'article 9 du code de procédure civile, qu'elle ne pouvait accéder à son lieu de travail. Il soutient au contraire qu'elle possédait les clefs de l'établissement ou qu'elle pouvait se les procurer dans le salon de coiffure voisin et que c'est elle qui, en réalité, n'est pas venue faire son travail. Il fait valoir que les demandes de congés payés et d'indemnité de fin de contrat ne sont pas justifiées dans leur quantum, le calcul auquel procède Mme Chantal X...n'étant pas explicité, et que l'existence d'un préjudice complémentaire n'est pas démontrée.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L'employeur est tenu de payer la rémunération et de fournir un travail au salarié qui se tient à sa disposition.
Par suite, l'employeur qui refuse de payer le salaire doit démontrer que le salarié a refusé d'exécuter son travail ou ne s'est pas tenu à sa disposition.
Les bulletins de salaire produits par l'employeur font mention des heures d'absence suivantes :- octobre 2009 : 31, 33 heures (276, 33 euros)- novembre et décembre 2009 : 43, 33 heures (382, 17 euros)- janvier 2010 : 35, 33 heures (313, 02 euros)- février 2010 : 18, 33 heures (162, 40 euros)- mars 2010 : 27, 33 heures (242, 14 euros)- avril 2010 : 43, 33 heures (383, 90 euros)
Pour démontrer que la salariée était en absence injustifiée, M. Driss Y...se prévaut des éléments suivants :- Mme Chantal X...aurait reconnu, dans son courrier du 16 avril 2010, avoir été rémunérée pour les heures effectuées en octobre 2009, mois pour lequel elle n'a d'ailleurs pas sollicité le paiement d'un salaire dans le cadre de la procédure de référé, et en janvier 2010,- elle n'a pas contesté les heures d'absence mentionnées sur les bulletins de salaire,- elle n'a pas non plus contesté la lettre du 27 mai 2010 l'avertissant qu'elle était en absence injustifiée depuis le 16 mars 2010,- elle ne prouve pas l'inaccessibilité de son lieu de travail, ayant la clef de celui-ci ou pouvant aisément se la procurer.
Sur le premier point, il convient de souligner qu'effectivement, dans son courrier du 16 avril2010, Mme Chantal X...ne réclame que le paiement des salaires dus à compter de février 2010. Dans sa lettre du 12 mai 2010, elle ajoute cependant ceux des mois de novembre et décembre 2009. Si elle admet avoir été payée pour les mois d'octobre 2009 et de janvier 2010, il ne saurait en être déduit qu'elle a alors, sans équivoque et en toute connaissance de cause, reconnu qu'elle était intégralement remplie de ses droits pour ces deux mois, alors même que ses demandes ont fluctué et qu'il résulte de la lettre envoyée le 11 mai 2010 à M. Driss Y...par l'inspection du travail, qu'elle s'est parallèlement plainte du non paiement desdits salaires. De même, le seul fait qu'elle n'ait pas réclamé le paiement du complément de salaire d'octobre 2009 dans le cadre de la procédure de référé ne saurait signifier qu'elle a entendu y renoncer.
L'absence de contestation des bulletins de salaire ne peut, au regard des deux courriers envoyés par Mme Chantal X...et de celui de l'inspection du travail, s'analyser en une reconnaissance par elle de ce que les heures d'absence doivent être déduites, et ce d'autant plus que les bulletins de paye étaient, de manière récurrente, remis avec retard.
Pour établir l'absence injustifiée de Mme Chantal X..., la cour ne saurait se satisfaire d'un courrier envoyé de manière très tardive (le 27 mai 2010) donc plus de deux mois après le début de cette prétendue absence, en la forme simple, qui n'est étayé par aucune autre pièce, les attestations produites concernant la qualité du travail de la demanderesse, et qui ne comporterait, pour des faits aussi graves, qu'un avertissement, non suivi, malgré leur prétendue persistance, d'une mesure de licenciement. C'est d'autant plus vrai que dans son courrier du 12 mai 2010, Mme Chantal X...indiquait se déplacer pour effectuer son travail, mais ne rencontrer personne pour l'accueillir.
Enfin, s'agissant de l'accessibilité aux locaux, il convient de relever qu'il s'agit d'un élément dénué de pertinence, la question n'étant pas de savoir si Mme Chantal X...pouvait pénétrer dans l'hôtel, mais si M. Driss Y...lui donnait du travail à effectuer.
Au regard des éléments qui précèdent, il apparaît que M. Driss Y...ne démontre pas que Mme Chantal X...a refusé d'exécuter le travail confié ou ne s'est pas tenue à sa disposition. Il y a lieu, par suite, d'infirmer le jugement entrepris, et de condamner M. Driss Y...à payer à son ancienne salariée les sommes retenues sur les bulletins de salaire qui lui ont été remis, la demanderesse ne produisant aucune pièce de nature à démontrer qu'elle est en droit de percevoir des sommes supérieures.
S'agissant de l'indemnité de congés payés et de l'indemnité de fin de contrat, chacune d'elle est équivalente à 10 % de la rémunération brute du salarié. Cette dernière ayant été de 382, 20 euros au départ puis de 383, 90 euros ensuite, les sommes réclamées, soit 345, 51 euros pour chaque indemnité, sont inférieures à celles auxquelles Mme Chantal X...pouvait prétendre. M. Driss Y...ne justifiant pas les avoir payées, ce qu'il ne soutient d'ailleurs même pas, il sera donc fait droit aux demandes présentées de ce chef, que la cour ne peut excéder.
Mme Chantal X...ayant été privée de sa rémunération pendant plus de quatre ans, elle a subi un préjudice complémentaire, lequel sera justement évalué, au vu de l'ancienneté des impayés, et de la situation de la demanderesse, qui bénéficie de l'aide juridictionnelle totale, à la somme de 500 euros.
M. Driss Y...sera également tenu de remettre à Mme Chantal X...ses bulletins de salaire des mois de mai et juin 2010, ainsi que les documents de fin de contrat dans les quinze jours de la notification de cette décision, à peine d'une astreinte dont le montant est fixé provisoirement à 20 euros par jour de retard et par document.
Les prétentions de Mme X...ayant été accueillies, son action ne peut être qualifiée d'abusive. Par suite, la demande de dommages et intérêts présentée à son encontre sera rejetée.
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles, de sorte que les demandes présentées de ce chef seront rejetées.
Partie succombante, M. Driss Y...supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant en matière sociale, publiquement et en premier ressort,
- Infirme le jugement du 7 novembre 2012 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau :
- Condamne M. Driss Y...à payer à Mme Chantal X...les sommes suivantes : *276, 33 euros au titre du rappel de salaire d'octobre 2009, *382, 17 euros au titre du rappel de salaire de novembre 2009, *382, 17 euros euros au titre du rappel de salaire de décembre 2009, *313, 02 euros au titre du rappel de salaire de janvier 2010, *162, 40 euros au titre du rappel de salaire de février 2010, *242, 14 euros au titre du rappel de salaire de mars 2010, *383, 90 euros au titre du rappel de salaire d'avril 2010, *383, 90 euros au titre du rappel de salaire de mai 2010, *383, 90 euros euros au titre du rappel de salaire de juin 2010 ; *345, 51 euros au titre des congés payés, *345, 51 euros au titre de l'indemnité de fin contrat, *500 euros à titre de dommages et intérêts,
- Rappelle que les créances salariales produisent des intérêts au taux légal à compter de la date à laquelle la demande faite en justice a été portée à la connaissance de l'employeur, soit en l'espèce le 21 février 2012, et que la créance de dommages et intérêts sera productive d'intérêts au même taux à compter du prononcé de cet arrêt,
- Ordonne à M. Driss Y...de remettre à Mme Chantal X...les bulletins de salaire des mois de mai et juin 2010, ainsi que les documents de fin de contrat, dans les quinze jours de la notification de cette décision, délai passé lequel il sera fait application d'une astreinte provisoire d'un montant de 20 euros par jour de retard et par document non remis,
- Rejette les demandes pour le surplus,
- Condamne M. Y...aux dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux textes sur l'aide juridictionnelle.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
V. BODINAnne JOUANARD