COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT N ic/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 00561.
Ordonnance Référé, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 02 Mars 2012, enregistrée sous le no 12/ 00008
ARRÊT DU 16 Décembre 2014
APPELANTE :
Mademoiselle Sarra X......72000 LE MANS
comparante-assistée de Monsieur Nicolas Y..., délégué syndical ouvrier
INTIMEE :
L'Association " LE JUSTE POUR TOUS " 28 rue des Vergnes 72000 LE MANS
INTERVENANT VOLONTAIRE :
Monsieur François Z... en son nom personnel et en qualité de Président de l'Association ...72230 ARNAGE
comparant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Novembre 2014 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller
Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 16 Décembre 2014, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS et PROCÉDURE,
Mlle Sarra X...a été recrutée le 16 mars 2011 en qualité de juriste par l'association Le Juste Pour Tous (LJPT), ayant pour objet l'aide à l'accès au droit et à la création d'entreprise, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.
Il s'agit d'un contrat aidé de type contrat unique d'insertion (CUI) établi sur " la base d'un temps partiel de 24 mois " qui prévoit une variation de la rémunération mensuelle brute :- du 16 mars au 31 mai 2011, de 915. 80 euros pour 101. 75 heures par mois,- du 1er juin au 31 août 2011 de 1 143 euros pour 127 heures par mois,- du 1er septembre au 31 décembre 2011, de 1 251 euros pour 139 heures par mois,- à partir du 1er janvier 2012, de 1 364 euros par mois indexé sur le SMIC.
L'association LJPT dont le siège social est situé à Arnage (72 230), 7 rue de l'Hôtel de Ville, applique la convention collective nationale des associations. Mlle X..., unique salariée de l'association, a travaillé à partir du mois de septembre 2011 dans les locaux annexes situés au Mans, au 5 rue du 33ème Mobile.
Le 17 janvier 2012, l'association a été expulsée des locaux annexes faute de paiement des loyers.
Le 9 février 2012, Mlle X...a saisi en référé le conseil de prud'hommes du Mans afin d'obtenir la condamnation sous astreinte de son employeur au paiement de provisions à valoir sur des salaires impayés à savoir :- la somme de 1 277. 41 euros au titre du salaire de décembre 2011- la somme de 1 397. 29 euros pour le salaire de janvier 2012,- la somme de 1 397. 29 euros pour le salaire de février 2012,- la somme de 890. 70 euros pour les congés payés du 16 mars 2011 au 29 février 2012. Elle a réclamé également la remise sous astreinte des bulletins de salaires de janvier, février et des mois à venir dus à terme.
Lors de l'audience du 28 février 2012, Mlle X...a maintenu ses demandes et expliqué qu'elle ne disposait plus, depuis l'expulsion du 17 janvier 2012, de local lui permettant d'assurer son travail.
L'association LJPT s'est opposée aux demandes en paiement aux motifs que la salariée ne se présente plus depuis le 2 février 2012 sur son lieu de travail fixé désormais au siège de l'association à ARNAGE, qu'elle aurait subi des détournements de la part de l'ancien trésorier avec la complicité présumée de Mlle X...; qu'une procédure de licenciement a été engagée pour faute grave à l'encontre de la salariée le 13 février 2012 avec mise à pied conservatoire ; que les salaires de Mlle X...versés par l'Etat dans le cadre du contrat aidé sont placés sur un compte séquestre dans l'attente de diverses procédures en cours pour éviter un détournement de fonds publics.
Par ordonnance de référé en date du 2 mars 2012, le conseil de prud'hommes du Mans a dit qu'il n'y avait pas lieu à référé et invité les parties à se pourvoir devant le juge du fond. Il a débouté Mlle X...de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux dépens.
Les parties ont reçu notification de l'ordonnance les 7 et 8 mars 2012. Mlle X...en a régulièrement relevé appel général par courrier posté le 8 mars 2012.
Parallèlement, l'association LJPT a notifié le 24 février 2012 à Mlle X...un licenciement pour faute grave.
Par délibération de l'assemblée générale extraordinaire de l'association MJPT du 17 mars 2012, le bureau présidé par M. Z..., président de l'association, a été destitué et le président remplacé par M. A...avec changement du siège social de l'association au Mans.
L'affaire a été appelée devant la cour à l'audience du 10 décembre 2012 et a été renvoyée sur la demande de M. Z..., intervenant volontaire comme membre de l'association et se " considérant président de l'association ", dans l'attente du jugement du Tribunal de Grande Instance du Mans saisi d'une demande d'annulation des délibérations de l'assemblée générale du 17 mars 2012.
L'affaire a été renvoyée à l'audience du 11 février 2013.
Par arrêt du 30 avril 2013, la cour a ordonné la réouverture des débats à l ¿ audience du 17 juin 2013 aux fins de convocation de l'association LJPT, représentée par son nouveau président M. A...non avisé du renvoi de l'affaire au 11 février 2013.
Par jugement définitif en date du 5 novembre 2013, le Tribunal de Grande Instance du Mans a annulé les délibérations prises lors de l'assemblée générale de l'association AJTP en date du 17 mars 2012, dont celle destituant le bureau et le président M. Z....
L'affaire a été successivement renvoyée au 20 janvier 2014, 10 avril, 6 octobre, 13 octobre et au 13 novembre 2014 sur la demande du conseil de l'association et sur celle de M. Z..., pour régulariser la procédure à l'égard du président en exercice et permettre à l'association LJPT de répliquer.
Lors de l'audience du 13 novembre 2014, l'association MJPT était représentée par son représentant légal M. Z... et n'avait plus de conseil.
PRÉTENTIONS et MOYENS des PARTIES
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 22 octobre 2012 complétées par celles du 25 janvier 2013, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles Mlle X...demande à la cour :- d'infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,- de condamner l'association LJPT à lui verser, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la date de l'arrêt, la somme provisionnelle de 4 072 euros brut à valoir sur des salaires impayés, correspondant à :- salaire de décembre 2011 : 1277. 41 euros brut,- salaire de janvier 2012 : 1397. 29 euros-salaire du 1er au 13 février 2012 : 698. 65 euros brut-salaire du 14 février au 29 février 2012 : 698. 65 euros brut,- d'enjoindre à l'association, sous astreinte de 100 euros par jour d'établir les bulletins de salaire de janvier et de février 2012, l'attestation Pôle Emploi conforme à la décision,- de dire que la cour se réservera la liquidation de l'astreinte,- de condamner l'association à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Mlle X...fait valoir en substance que :- le principe du respect du contradictoire n'a pas été respecté lors de l'audience de référé du conseil de prud'hommes faute de communication des pièces transmises par l'association et prises en compte dans l'ordonnance critiquée,- le juge de référé a tranché sur le fond en dénaturant les propos de la salariée à l'audience et au vu de la seule version des faits de l'employeur,- les accusations portées par le président M. Z... à son encontre pour échapper à l'obligation de payer les salaires dont la majeure partie est versée par l'Etat et bloquée sur les comptes de l'association sont inexactes :
- elle n'est pas complice des agissements éventuels du trésorier de l'association,- elle ne travaille pas pour le compte d'une société R3J dont elle est seulement actionnaire,- elle n'a pas emporté l'ordinateur de l'association ni " détourné " de quelque manière que ce soit la " clientèle " ou les adhérents de l'association.- de telles accusations infondées ne constituent pas une contestation sérieuse au paiement par l'employeur d'une créance salariale alors qu'elle a travaillé pour lui jusqu'au 17 janvier 2012 puis s'est tenue à sa disposition en l'absence de local et d'outils de travail-le juge des référés est compétent pour lui allouer une provision en application de l'article R 1455-7 du code du travail en l'absence d'une contestation sérieuse de l'employeur de l'obligation de payer les salaires depuis décembre 2010,- subsidiairement, même en présence d'une contestation sérieuse, le juge des référés doit faire cesser un trouble manifestement illicite sur le fondement de l'article R 1455-6 du même code, ce qui est le cas pour une salariée dont le contrat de travail n'est pas rompu et qui ne perçoit plus ses salaires.
La salariée rappelle qu'elle s'est retrouvée sans lieu ni moyen de travail, ni directives de son employeur à la suite de l'expulsion de l'association des locaux du Mans, le 17 janvier 2012 et que :- le chèque du salaire du mois de décembre 2011, établi le 15 janvier 2012, a été rejeté et les salaires des mois de janvier et de février 2012 sont restés impayés,- elle a interrogé son employeur silencieux dans un courrier du 3 février 2012 sur les conditions de poursuite de son contrat de travail,- l'employeur tout en refusant de lui verser les salaires depuis décembre 2010 lui a demandé par courrier reçu le 13 février 2012 d'exercer son activité au domicile privé du président, en dehors des locaux de l'association, ce qu'elle a refusé,- la procédure de licenciement a été engagée dès le 13 février 2012, avec mise à pied conservatoire pour des motifs fallacieux et mensongers à son égard.
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 13 novembre 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience selon lesquelles l'association " Le Juste pour Tous ", représentée par son président en exercice, et M. Z..., intervenant volontaire, demandent à la cour :- de confirmer l'ordonnance de référé en toutes ses dispositions,- de débouter Mlle X...de toutes ses demandes et la condamner au paiement de la somme de 1 500 euros au profit de l'association et de la somme de 800 euros au profit de M. Z... sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Ils soutiennent essentiellement que :- l'intervention à la procédure de M. Z..., à la fois en sa qualité de membre et de président de l'association, est régulière et bien fondée au regard de son intérêt légitime à l'échec des prétentions de Mlle X...,- les demandes de la salariée doivent être rejetées en ce qu'elles se heurtent à de multiples contestations sérieuses en ce que :- Mlle X...ne s'est plus présentée à son poste de travail depuis le 1er janvier 2012 et travaillait pour le compte de la société R3J dont le président est son compagnon,- la salariée reconnaît elle-même avoir refusé de travailler dans les nouveaux locaux de l'association en janvier 2012,- la société R3J, dont le siège social est au Mans, est proche des anciens locaux de l'association et se livre au détournement des adhérents de l'association avec la complicité de Mlle X...,- le chèque de salaire remis à la salariée pour le mois de décembre 2011, revenu impayé, a été signé le 15 janvier 2012 par le M. C..., qui avait démissionné de ses fonctions de trésorier de l'association, ce qui explique que M. Z... ait fait opposition au paiement de chèque,
- Mlle X...a emporté l'ordinateur de l'association avec tous les fichiers des adhérents et ses logiciels et a détourné l'adresse électronique de l'association en changeant le code d'accès.,- les salaires versés par l'Etat dans le cadre du contrat aidé ont été placés sur un compte séquestre dans l'attente de l'issue des procédures au pénal.
Lors de l'audience, les parties ont précisé que l'affaire au fond venait d'être réenrôlée devant le conseil de prud'hommes du Mans le 1er octobre 2014.
MOTIFS DE LA DÉCISION,
Suivant l'article R 1455-5 du code du travail, la formation de référés peut, dans la limite de la compétence du conseil de prud'hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. L'article R1455-6 précise que dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, elle peut accorder une provision au créancier.
Il est établi que :- l'association LJPT a engagé par courrier notifié le 13 février 2012 la procédure de licenciement avec mise à pied conservatoire de la salariée,- les salaires dus pour les mois de décembre 2011, janvier 2012 et février 2012 n'ont pas été réglés à Mlle X...,- l'association a émis un bulletin de salaire pour le mois de décembre 2011,- le chèque de 991, 14 euros correspondant au salaire de décembre 2011 et établi le 15 janvier 2012 a été rejeté en raison de l'opposition faite par l'employeur,- l'employeur a déclaré sur l'attestation Pôle emploi remise lors de la rupture du contrat avoir versé les salaires dus jusqu'au 31 janvier 2012 (pièce no26 appelante).
Les divers griefs invoqués par l'employeur à l'appui de la procédure de licenciement sont inopérants dans le cadre d'une demande en paiement d'une provision ayant trait à l'exécution du contrat de travail en cours.
Il convient d'observer que M. Z..., représentant légal de l'association, a déclaré auprès de Pôle Emploi, avoir effectivement payé les salaires au profit de Mlle X...jusqu'au 31 janvier 2012, alors que cela n'était pas le cas.
Contrairement à ses allégations, le president de l'association ne rapporte pas la preuve du dépôt d'une plainte dirigée contre Mlle X...pour abus de biens sociaux. La seule pièce produite correspond à la copie de l'audition de M. Z... le 21 février 2012 par la gendarmerie de Monce en Belin (pièce no 6 intimé) concernant une procédure " pour menace de mort le 18 janvier 2012 " dont M. Z... n'a jamais prétendu que sa salariée en était l'auteur. A titre surabondant, à supposer qu'une plainte soit en cours, la règle selon laquelle le criminel tient le civil en l'état ne peut pas être invoquée utilement par l'employeur puisque cette règle n'est pas applicable devant le juge des référés dont les décisions de caractère provisoire sont dépourvues au principal de l'autorité de la chose jugée.
L'obligation pour l'employeur de payer les salaires en application du contrat de travail n'est donc pas sérieusement contestable pour la période ayant précédée le licenciement et la mise à pied conservatoire notifiée le 13 février 2012. En revanche, pour la période suivant le 13 février 2012, le juge des référés n'est pas compétent pour statuer sur la validité de la mise à pied conservatoire notifiée à cette date au risque de trancher une contestation sérieuse relevant du juge du fond.
L'association est donc redevable de manière non contestable envers la salariée, en application des dispositions contractuelles, d'une provision à valoir sur les rémunérations prévues au contrat de travail :
- pour le mois de décembre 2011 et sur la base de 139 heures, la somme de 1277. 41euros bruts.- pour le mois de janvier 2012 à temps complet, la somme de 1 397. 29 euros-pour la période du 1er au 13 février 2012, la somme de 698. 65 euros brut, ce qui représente une provision de 3 373. 35 euros.
L'ordonnance de référé du 2 mars 2012 doit être infirmée.
Il incombe à l'employeur de remettre à la salariée les bulletins de salaire et l'attestation Pôle Emploi conformes au présent arrêt dans le délai de 15 jours suivant la notification du présent arrêt.
Une astreinte de 50 euros par jour de retard limitée à 30 jours sera ordonnée pour garantir l'exécution de ces obligations, sans toutefois qu'il y ait lieu de déroger à la compétence de droit commun pour l'éventuelle liquidation de celle-ci.
Il est inéquitable de laisser à la charge de Mlle X.... les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens. Il lui sera alloué de ce chef la somme de 800 euros.
L'association LJPT ainsi que M. Z... seront déboutés de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'association sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant, publiquement en matière sociale par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
- INFIRME l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau et y ajoutant :
- CONDAMNE l'association MJPT à payer à Mlle X...:- la somme de 3 373. 35 euros à titre de provision à valoir sur les salaires impayés,- la somme de 800 euros en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
-ORDONNE à l'association MJPT de délivrer à. Mlle X...les bulletins de salaires et l'attestation Pôle Emploi conformes aux dispositions du présent arrêt et ce au plus tard dans les 15 jours de la notification du présent arrêt sous astreinte de 50 euros par jour de retard pendant 30 jours.
- DÉBOUTE Mlle X...du surplus de ses demandes.
- DEBOUTE l'association MJPT et M. Z... de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
- CONDAMNE l'association MJPT aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
V. BODINAnne JOUANARD