COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N
ic/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 02613.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de SAUMUR, décision attaquée en date du 09 Novembre 2012, enregistrée sous le no 11/ 00178
ARRÊT DU 02 Décembre 2014
APPELANTE :
Madame Adriana X...
...
49590 FONTEVRAUD L'ABBAYE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/ 011442 du 18/ 01/ 2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)
comparante-assistée de Maître CAO de la SCP ALAIN GUYON-PAUL CAO, avocats au barreau d'ANGERS
INTIMEE :
LE CENTRE INTERCOMMUNAL D'ACTION SOCIALE MAPAD MAISON DE RETRAITE ALIENOR D'AQUITAINE
19 place du grand clos l'abbaye
49590 FONTEVRAUD L'ABBAYE
non comparant-représenté par Maître TOUZET, avocat au barreau d'ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Octobre 2014 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller
Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller
Greffier lors des plaidoiries : Madame BODIN, greffier.
Greffier lors du prononcé : Madame COURADO, adjoint administratif faisant fonction de greffier.
ARRÊT : prononcé le 02 Décembre 2014, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame COURADO, adjoint administratif faisant fonction de greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS et PROCEDURE
Mme X...a travaillé pour le compte du centre intercommunal d'action sociale (CIAS) de la maison de retraite Aliénor d'Aquitaine, située à Fontevraud, dans le cadre de contrats successifs :
- en qualité d'agent de service au titre de contrats emploi consolidé,
- du 20 mai 2003 au 19 mai 2004, à temps partiel (30 heures hebdomadaires)
- puis du 20 mai 2004 au 20 mai 2005, interrompu le 25 octobre 2004 à la suite d'un congé parental de 3 ans,
- en qualité d'agent contractuel sous contrats relevant du statut de la fonction publique territoriale :
- du 27 octobre 2008 au 18 novembre 2008 (32 heures hebdomadaires), en remplacement d'un agent en congé maternité
-du 12 décembre au 31 décembre 2008 (30 heures hebdomadaires)
- du 1er janvier 2009 au 30 juin 2009 (20 heures hebdomadaires).
- en qualité d'agent de service à temps complet :
- au titre d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE) conclu le 26 juin 2009 pour la période du 1er juillet 2009 au 31 décembre 2009,
- au titre d'un contrat unique dinsertion (CUI) le 4 décembre 2009 pour la période du 1er janvier 2010 au 30 juin 2011.
Le dernier contrat a pris fin à l'échéance prévue du 30 juin 2011.
La maison de retraite emploie environ 40 salariés.
Par requête du 8 décembre 2011, Madame X...a saisi le conseil de prudhommes de Saumur pour voir :
- requalifier sa relation de travail en un contrat de droit commun à durée indéterminée,
- à titre principal, ordonner sa réintégration en son emploi d'agent social et obtenir un rappel de salaires et une indemnité de requalification,
- à titre subsidiaire, dire que la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir diverses indemnités de rupture et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement en date du 9 novembre 2012, le conseil de prud'hommes de Saumur a :
- dit que les contrats d'accompagnement dans l'emploi sont conformes à la réglementation applicable et que l'employeur a rempli ses obligations de formation à l'égard de Mme X...conformément aux dispositions de la convention signée avec Pôle emploi
-a débouté la salariée de sa demande de requalification en contrat de droit commun ainsi que de ses demandes subséquentes,
- a condamné Mme X...aux dépens.
Les parties ont reçu notification de ce jugement les 17 et 19 novembre 2012.
Mme X...en a régulièrement relevé appel général par courrier électronique du 5 décembre 2012 de son conseil.
PRETENTIONS et MOYENS des PARTIES
Vu les conclusions récapitulatives enregistrées au greffe le 3 octobre 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles Mme X...demande à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- de condamner la Mapad Aliénor d'Aquitaine à lui payer :
- la somme de 2 000 euros à titre d'indemnité de requalification des contrats en contrat de travail à durée indéterminée,
- la somme nette de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- la somme de 3 187. 44 euros au titre de l'indemnité de préavis, congés payés inclus,
- la somme de 2 318. 44 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
- la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique dont recouvrement au profit de l'avocat,
- de condamner la Mapad Aliénor d'Aquitaine à lui délivrer les bulletins de salaires rectificatifs sous astreinte de 1 200 euros par jour de retard, la cour se réservant le pouvoir de liquider l'astreinte.
-
Mme X...fait valoir en substance que :
- elle ne sollicite plus la réintégration dans l'entreprise privilégiant des demandes indemnitaires,
- les contrats à durée déterminée conclus en application de l'article L 1242-3 du code du travail relatif aux contrats aidés doivent être requalifiés en contrat de droit commun dès lors que l'employeur na pas respecté les actions de formation, d'orientation professionnelle et de validation des acquis pour chacun des contrats souscrits,
- la maison de retraite ne justifie d'aucune action spécifique de formation à son profit pour chacun des contrats souscrits,
- les neuf contrats visaient en réalité à pourvoir un emploi lié à l'activité durable et permanente de l'entreprise ce qui constitue un autre motif de requalification en contrat à durée indéterminée.
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 12 septembre 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience selon lesquelles le CIAS maison de retraite Aliénor dAquitaine demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions.
Le CIAS maison de retraite Aliénor d'Aquitaine soutient que :
- les contrats supposant la mise en place par l'employeur d'actions de formation correspondent en fait aux derniers contrats CAE-CUI conclus le 26 juin 2009 et le 4 décembre 2009 puisque les contrats à durée déterminée de 2008 et de 2009 ne sont pas des contrats aidés et ne comportent aucune obligation de formation à la charge de l'employeur.
- Mme X...a bénéficié en 2009 et en 2010 de formations sous la forme de stages auprès d'un organisme extérieur et grâce à un accompagnement en interne, et à l'issue dune formation, a obtenu un certificat de sauveteur secouriste du travail.
- les contrats aidés parfaitement réguliers n'entrent pas dans la catégorie des emplois permanents et ne peuvent pas donner lieu à une requalification en contrat de droit commun : il est admis qu'ils soient conclus pour pourvoir temporairement des postes liés à l'activité permanente de l'entreprise.
Subsidiairement, l'employeur a demandé la limitation du montant de l'indemnité de requalification à son dernier mois de salaire étant précisé que Mme X..., qui ne justifie pas de sa situation actuelle, aurait retrouvé un emploi.
MOTIFS DE LA DECISION,
Sur la demande de requalification des contrats successifs en contrat de travail à durée indéterminée
Il convient de constater que :
- Mme X...ne présente plus de demande de réintégration au sein de l'établissement de la Mapad Aliénor d'Aquitaine,
- elle limite ses demandes à la requalification des contrats de travail successifs en un contrat à durée indéterminée et au versement d'indemnités de rupture du contrat.
L'article L 1245-1 du code du travail dispose que tout contrat de travail conclu en méconnaissance notamment des articles L 1242-1 à L 1242-4, est réputé à durée indéterminée.
Le premier contrat emploi consolidé (CEC) conclu le 19 mai 2003 entre Mme X...et la Mapad Aliénor d'Aquitaine est un contrat aidé à durée déterminée de 12 mois, défini dans le décret 98-1109 du 9 décembre 1998, destiné à la réinsertion professionnelle de certaines catégories de personnes sans emploi relevant des dispositions de l'article L 1242-3 du code du travail.
En contrepartie de la prise en charge par l'Etat de tout ou partie de la rémunération, l'employeur devait prévoir des actions de formation destinées à faciliter le retour à l'emploi de la salariée dans le cadre de la convention passée avec l'Etat.
Larticle L 322-4-8-1 du code du travail, dans sa rédaction alors en vigueur, précisait que la convention devait comporter la mention des actions d'orientation professionnelle et de validation des acquis en vue de construire et de faciliter la réalisation dun projet professionnel.
L'obligation pour l'employeur d'assurer des actions de formation, d'orientation professionnelle et de validation des acquis destinées à la réinsertion durable de la salariée constitue ainsi l'une des conditions essentielles d'existence du contrat emploi consolidé à défaut de laquelle le contrat doit être requalifié en contrat à durée indéterminée.
En l'espèce, le CIAS Maison de retraite Aliénor dAquitaine, signataire des deux contrats CEC successifs, ne justifie d'aucune action de formation et d'orientation professionnelle au profit de Mme X...ni durant la première période de 12 mois ni durant la seconde période (5 mois).
L'employeur n'a donc pas satisfait à l'obligation de formation mise à sa charge dans le cadre du premier contrat emploi consolidé.
Mme X...est en conséquence bien fondée à obtenir la requalification de sa relation de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 19 mai 2003 et le jugement entrepris sera infirmé en toutes ses dispositions.
Selon l'article L 1245-2 du code du travail, en cas de requalification de son contrat en contrat en contrat à durée indéterminée, le salarié est fondé à réclamer une indemnité qui ne peut pas être inférieure à un mois de salaire.
Le salaire pris en compte est le dernier salaire mensuel perçu avant la saisine de la juridiction de premier degré, ce qui correspond pour Mme X...à la somme brut de 1465. 50 euros.
La relation de travail ayant pris fin le 30 juin 2011, il sera alloué à Mme X...à ce titre, compte tenu de son ancienneté (8 ans) et des circonstances de l'espèce, une indemnité de 2 000 euros.
Sur les conséquences de la rupture du contrat
Le relation de travail entre les parties a pris fin au 30 juin 2011, le CIAS Maison de retraite Aliénor d'Aquitaine ayant cessé de fournir du travail à Mme X....
La rupture de cette relation de travail étant imputable à l'employeur doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Mme X...percevait un salaire moyen brut de 1 444. 27 euros par mois et justifiait d'une ancienneté de 8 ans.
Ce licenciement ouvre donc droit au paiement à Mme X...de :
- la somme de 2 888. 54 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis représentant deux mois de salaire en application des articles L 1234-1 et L 1234-5 du code du travail,
- la somme de 288. 85 euros pour les congés payés afférent à l'indemnité de préavis,
- la somme de 2 310. 83 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement selon les dispositions de l'article L 1234-9 du code du travail.
En application de l'article L 1235-3 du code du travail applicable en l'espèce, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse et s'il n'y a pas réintégration de la salariée dans l'entreprise, il est alloué au salarié et à la charge de l'employeur une indemnité qui peut pas être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Au regard des circonstances de la rupture, de l'ancienneté et de l'âge (45 ans) de la salariée au moment du licenciement, il sera accordé à Mme X...la somme de 10 000 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse étant précisé que la salariée a connu des périodes de chômage et a retrouvé un emploi d'aide soignante dans un hôpital dans le cadre de contrats à durée déterminée depuis le 7 octobre 2013.
Sur les autres demandes
Il y a lieu d'enjoindre à l'employeur de délivrer à Mme X...les bulletins de paie conformes aux dispositions du présent arrêt dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la décision sans qu'il soit nécessaire d'assortir l'injonction d'une astreinte.
Les conditions d'application de l'article L 1235-4 du code du travail étant réunies, il convient dordonner le remboursement par l'employeur des indemnités de chômage payées à la salariée du jour de son licenciement et ce à concurrence de quatre mois.
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mme X...les frais non compris dans les dépens. Il sera fait droit à la demande de son avocat de condamner le CIAS Mapad Aliénor d'Aquitaine à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement en matière sociale par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau et y ajoutant :
REQUALIFIE la relation de travail entre les parties en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 20 mai 2003.
DIT que la rupture du contrat de travail intervenue le 30 juin 2011 doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
CONDAMNE le CIAS Mapad Aliénor dAquitaine à payer à Mme X...:
- la somme de 2 000 euros à titre d'indemnité de requalification,
- la somme de 2 888. 54 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- la somme de 288. 85 euros brut pour les congés payés afférent à l'indemnité de préavis,
- la somme de 2 310. 83 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
- la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- la somme de 2 000 euros en cause d'appel au titre des frais irrépétibles au profit de son avocat Me Cao en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à laide juridique.
DIT que les sommes allouées porteront intérêt au taux légal à compter du 8 décembre 2011 pour les créances salariales et à compter du présent arrêt pour les créances indemnitaires.
ORDONNE le remboursement par le CIAS Mapad Aliénor d'Aquitaine aux organismes les ayant servies, des indemnités de chômage versées à la salariée du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé dans la limite de quatre mois d'indemnités de chômage.
ENJOINT au CIAS Mapad Aliénor d'Aquitaine de délivrer à Mme X...les bulletins de paie conformes aux dispositions du présent arrêt dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la décision.
CONDAMNE le CIAS Mapad Aliénor d'Aquitaine aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridique.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
J. COURADOAnne JOUANARD