COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N
aj/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 02438.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 10 Octobre 2012, enregistrée sous le no 11/ 00644
ARRÊT DU 25 Novembre 2014
APPELANTE :
Madame Isabelle X...
...
72100 LE MANS
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/ 010383 du 06/ 12/ 2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)
non comparante-représentée par Maître Aurélie DOMAIGNE, avocat au barreau du MANS
INTIMEE :
La Société DECA FRANCE NORMANDIE CENTRE LOIRE 1
Parc de Cerisé
Rue Marie Harel
61000 ALENÇON
non comparante-représentée par Maître GUYOMARD, avocat substituant Maître Thierry SABLE, avocat au barreau d'ALENCON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Octobre 2014 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller
Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller
Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 25 Novembre 2014, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS et PROCÉDURE,
La société DECA France Normandie Centre Loire dont le siège social est situé à Alençon (61), a pour activité tous types de services de la propreté.
Elle applique la convention collective nationale des entreprises de propreté.
La société emploie un effectif de plus de 10 salariés.
Madame X... a été engagée en qualité d'agent de service par la société DECA France Normandie Centre Loire :
- dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel (12 heures hebdomadaires) entre le 3 mars 2009 et le 5 juin 2009,
- puis à compter du 1er juillet 2009, en contrat à durée indéterminée sans régularisation d'un écrit..
En dernier lieu, elle percevait un salaire au taux horaire brut de 9. 08 euros.
La salariée a fait l'objet à partir du 30 août 2010 de plusieurs arrêts de travail pour maladie.
Lors de la visite de reprise du travail le 1er février 2011, le médecin du travail a établi une fiche d'inaptitude de Madame X... " à tous postes de l'entreprise car toute reprise de son activité professionnelle pourrait présenter un danger grave à sa santé et pour sa sécurité. "
Par courrier recommandé en date du 11 février 2011, Madame X... a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement pour inaptitude fixé au 21 février 2011.
Elle était absente à la date de l'entretien..
Par courrier du 24 février 2011, Madame X... a reçu notification de son licenciement pour inaptitude.
Par requête déposée au greffe le 18 novembre 2011, Madame X... a saisi le conseil de prud'Hommes du Mans pour voir dire nulle la mesure de licenciement et obtenir diverses indemnités de rupture, de rappels de salaires et de dommages et intérêts pour licenciement nul et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse, pour modification abusive du contrat de travail en février 2010 et pour défaut d'information sur le droit individuel à la formation.
Par jugement en date du 10 octobre 2012 auquel il est renvoyé pour un plus ample explosé, le conseil de prud'hommes a :
- dit que la modification du contrat de travail de Madame X... pour cause économique en février 2010 est irrégulière,
- dit que la procédure de licenciement de Madame X... est irrégulière,
- condamné la société DECA France Normandie Centre Loire à payer à Madame X... :
- la somme de 36 122. 10 euros au titre du rappel de salaires pour les mois de février, mars, juin 2010 et les mois d'août 2010 à février 2011,
- la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- la somme de 438. 28 euros au titre du rappel de l'indemnité de licenciement,
- la somme de 940 euros au titre de la procédure de licenciement irrégulière,
- la somme de 100 euros pour défaut d'information sur le droit individuel à la formation,
- la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- débouté la salariée du surplus de ses demandes,
Les parties ont reçu notification de ce jugement le 12 octobre 2012.
Madame X...en a régulièrement relevé appel général par lettre recommandée postée par son conseil le 12 novembre 2012.
PRÉTENTIONS et MOYENS des PARTIES
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 16 juin 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles Madame X.... demande à la cour :
- de confirmer le jugement du 10 octobre 2012 sauf en ce qu'il la déboute de ses demandes liées au licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- de l'infirmer sur ce point,
- dire que la société DECA France Normandie Centre Loire a manqué à son obligation de reclassement à son égard,
- condamner la société DECA France Normandie Centre Loire à lui verser :
- la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,
- la somme de 405 euros au titre de l'indemnité de préavis outre la somme de 40. 50 euros pour les congés payés y afférent,
- la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Madame X... a entendu limiter son appel au défaut de reclassement par l'employeur, même si elle est déclarée inapte à tous postes ou ne fait l'objet que d'une seule visite médicale ; elle rappelle que l'employeur doit rapporter la preuve de sa recherche effective, loyale et sérieuse en vue de reclasser sa salariée après l'avis d'inaptitude médicale, ce qui n'est pas le cas de l'espèce ; qu'à défaut, la rupture du contrat est considérée comme abusive et lui ouvre droit à une indemnisation
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 3 octobre 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience selon lesquelles la société DECA France Normandie Centre Loire demande à la Cour :
- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- de débouter Madame X... de toutes ses demandes et la condamner au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
- subsidiairement, de réduire le montant des dommages et intérêts accordés.
La société DECA France Normandie Centre Loire soutient que :
- le licenciement de Madame X... n'est pas nul puisqu'il satisfait aux prescriptions de l'article R 4624-31 du code du travail prévoyant une seule visite médicale en cas d'inaptitude de la salariée en situation de danger immédiat.
- elle a satisfait à son obligation de reclassement de la salariée inapte en procédant à des recherches infructueuses en interne et en externe en l'absence de poste compatible avec les conclusions du médecin du travail.
MOTIFS DE LA DECISION
Il convient de constater que Madame X... a entendu contester les dispositions du jugement du 10 octobre 2012 concernant exclusivement son licenciement sans cause réelle et sérieuse pour défaut de reclassement.
Elle n'a pas maintenu en cause d'appel sa demande tendant à la nullité du licenciement, ce dont il convient de lui donner acte
La société DECA France Normandie Centre Loire a reconnu être redevable de la somme de 90. 56 euros au titre du solde de l'indemnité de licenciement.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
S'agissant de l'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement, les premiers juges ont relevé à juste titre que la lettre de convocation de madame X... à l'entretien préalable au licenciement n'était pas conforme aux prescriptions impératives de l'article L 1232-4 du code du travail. En effet, le courrier du 11 février 2011 ne comportait pas la possibilité pour la salariée de recourir à un conseiller lors de cet entretien ni l'adresse des services dans lesquels la liste de ces conseillers est tenue à sa disposition.
La procédure de licenciement n'ayant pas été respectée, madame X... est bien fondée à obtenir une indemnité en application de l'article L1235-2 du code du travail, dont le montant a été justement fixé à la somme de 405 euros par le jugement.
L'employeur n'a pas contesté le principe ni le quantum de l'indemnité allouée au titre du défaut d'information sur le DIF.
Le jugement sera également confirmé sur ce point.
Sur le licenciement et l'obligation de reclassement
La lettre de licenciement datée du 24 février 2011 qui fixe les limites du litige est ainsi libellée :
" Depuis le 30 août 2010, vous êtes en arrêt maladie. Lors de votre visite médicale le 1er février 2011, le Docteur Z...vous a déclaré inapte à tous les postes dans l'entreprise, danger immédiat.
Le maintien à votre poste de travail entraîne un danger immédiat pour votre santé, votre sécurité et celle de tiers. En application de l'article R 4624-31 code du travail, il n'y aura pas de deuxième examen dans deux semaines. Vous êtes donc inapte aux autres postes de travail de l'entreprise et aucun reclassement n'est possible. A l'issue de cette visite médicale, il vous a donc été notifié votre inaptitude. En conséquence, nous ne pouvons vous conserver au sein de l'effectif de l'entreprise. Votre contrat de travail prend fin à la date d'envoi de cette lettre. Au regard de votre inaptitude, aucun préavis ne peut être exécuté. "
L'article L. 1226-2 du Code du travail impose à l'employeur une obligation de reclassement à l'égard de la salariée déclarée inapte à son poste de travail.
Cette obligation doit être remplie de manière loyale et sérieuse par l'employeur, qui doit rechercher un reclassement en fonction des aptitudes résiduelles du salarié dans un emploi approprié à ses capacités et aussi proche que possible de l'emploi précédemment occupé.
L'employeur doit établir la réalité de ses recherches effectives de reclassement qui s'étendent aux entreprises à l'intérieur du Groupe auquel il appartient : il lui incombe de proposer au salarié tout poste disponible, libre à ce dernier d'accepter ou de refuser.
Cette obligation de moyens persiste même lorsque l'avis du médecin du travail vise l'inaptitude du salarié à tout poste dans l'entreprise. Il doit en effet étudier les possibilités de modifier les postes de travail au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagement du temps de travail.
En l'espèce, Madame X..., âgée de 37 ans au moment du licenciement, a exercé la profession d'agent de service pour le compte de la société DECA FRANCE depuis mars 2009. Sa formation et son expérience professionnelle sont ignorées.
L'employeur s'est borné à relever dans le courrier de licenciement la mention de l'avis du médecin du travail selon lequel Madame X... est inapte à tous postes dans l'entreprise.
Contrairement à ses allégations, la société DECA France Normandie Centre Loire ne justifie ni des recherches de reclassement effectuées en interne et au sein du groupe DECA France auquel elle appartient ni des réponses négatives qu'elle aurait reçues.
Le manquement ainsi avéré par l'employeur à son obligation de reclassement préalable au licenciement prive celui-ci de cause réelle et sérieuse et ouvre droit au profit de la salariée au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les demandes d'indemnisation,
En application de l'article L 1235-5 du code du travail, la salariée ayant moins de deux ans d'ancienneté peut prétendre en cas de licenciement abusif à une indemnité correspondant au préjudice subi.
Madame X..., âgée de 37 ans au moment du licenciement, percevait un salaire moyen de 404. 20 euros par mois à temps partiel. Après une période de chômage, elle n'a pas retrouvé d'emploi et perçoit le RSA.
Au vu de ces éléments, il sera alloué à Madame X...la somme de 2000 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
Madame X... est également fondée à réclamer une indemnité compensatrice de préavis dans le cadre d'une procédure pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de la somme principale de 405 euros brut outre la somme de 40. 50 euros pour les congés payés y afférent.
Sur les autres demandes,
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de madame X..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, les frais non compris dans les dépens. Sa demande sera rejetée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société DECA France Normandie Centre Loire, partie perdante au litige, sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant, publiquement et contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort
CONSTATE que Mme X... ne maintient pas en appel sa demande en nullité de son licenciement.
INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame X... de sa demande tendant à voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse.
STATUANT de nouveau de ce chef et y AJOUTANT :
DIT que le licenciement de Madame X... est sans cause réelle et sérieuse.
CONDAMNE la SAS DECA France Normandie Centre Loire à payer à Madame X... :
- la somme de 2 000 euros net à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- la somme de 405 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 40. 50 euros pour les congés payés y afférent,
- DIT que les sommes allouées produiront intérêt au taux légal à compter de la date de la saisine du 18 novembre 2011 pour les créances salariales et à compter du présent arrêt pour les créances indemnitaires.
CONFIRME le jugement entrepris en ses autres dispositions,
DÉBOUTE Madame X... du surplus de ses demandes.
CONDAMNE la société la SAS DECA France Normandie Centre Loire aux dépens de l'appel qui seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
V. BODINAnne JOUANARD