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25/11/2014 | FRANCE | N°12/01641

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 25 novembre 2014, 12/01641


COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N
ic/ jc

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 01641.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 27 Juin 2012, enregistrée sous le no F 11/ 00680

ARRÊT DU 25 Novembre 2014

APPELANTE :

LA SARL COLOMBUS
18 Place Imbach
49100 ANGERS

représenté par Maître Cécile BERSOT, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS
en présence de Monsieur X..., gérant

INTIME :

Monsieur Vincent Z

...
...
49800 TRELAZE

non comparant-représenté par Maître Vincent MAUREL, avocat au barreau d'ANGERS-No du dossier 0303012

COMPOSI...

COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N
ic/ jc

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 01641.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 27 Juin 2012, enregistrée sous le no F 11/ 00680

ARRÊT DU 25 Novembre 2014

APPELANTE :

LA SARL COLOMBUS
18 Place Imbach
49100 ANGERS

représenté par Maître Cécile BERSOT, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS
en présence de Monsieur X..., gérant

INTIME :

Monsieur Vincent Z...
...
49800 TRELAZE

non comparant-représenté par Maître Vincent MAUREL, avocat au barreau d'ANGERS-No du dossier 0303012

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Octobre 2014 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne JOUANARD, président chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anne JOUANARD, président
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller
Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller

Greffier : Madame BODIN, greffier.

ARRÊT : prononcé le 25 Novembre 2014, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS et PROCEDURE

La Sarl Colombus exploite un bar-brasserie sous l'enseigne " La taverne de maître Kanter " situé à Angers 18 place de l'Imbach. Elle applique la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants.
La société emploie un effectif de plus de 10 salariés.

M. Z...a été engagé à compter du 10 septembre 2007 en qualité de chef de cuisine, avec le statut de cadre, niveau 5 échelon 1, par la société Colombus dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.
En dernier lieu, il percevait un salaire brut de 3 526 euros par mois pour un horaire de 169 heures par mois.

Le 8 septembre 2010, un autre chef de cuisine, Monsieur Y..., a été recruté en contrat à durée indéterminée avec une période d'essai de trois mois.

Le 13 septembre 2010, M. Z...a fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie en raison d'une opération chirurgicale au genou.
De retour dans le restaurant le 19 octobre 2010, M. Z...a indiqué qu'il ne souhaitait pas travailler avec l'autre chef de cuisine Monsieur Y..., évoquant un sentiment de rétrogradation et d'humiliation.
Le 22 octobre 2010, il a fait parvenir un certificat d'arrêt de travail jusqu'au 4 novembre suivant.

Par courrier daté du 29 octobre 2010, M. Z...a transmis à son employeur un courrier selon lequel il prenait acte de la rupture de son contrat de travail au motif qu'il " était désormais rétrogradé au rôle de simple employé cuisine, le nouveau chef Monsieur Y... occupant désormais les fonctions de chef de cuisine. "

Par courrier recommandé du 4 novembre 2010, la Sarl Colombus a fixé un rendez-vous à M. Z...pour le 8 novembre 2010.
Dans un courrier reçu le 8 novembre 2010, M. Z...confirmait à son employeur qu'il ne s'agissait pas d'une démission mais d'une prise d'acte imputable à la société Colombus. Il soutenait dans un courrier ultérieur du 15 décembre 2010 que ses fonctions avaient été modifiées.

Le 25 juillet 2011, M. Z...a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers pour voir dire que sa prise d ¿ acte de la rupture de son contrat de travail doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour obtenir diverses indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement injustifié.

Par jugement en date du 27 juin 2012, le conseil de prud'Hommes d'Angers a :
- dit que la prise d'acte de M. Z...s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamné la société Colombus à payer à M. Z...à lui verser :
- la somme de 11 017. 29 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- la somme de 1 101. 73 euros au titre des congés payés y afférents,
- la somme de 2 713. 12 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
- la somme de 23 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- ordonné la capitalisation des intérêts annuels,
- ordonné la délivrance de l'attestation de Pôle emploi et du bulletin de salaire rectifié sous le délai de 15 jours de la décision.

Les parties ont reçu notification de ce jugement les 7 et 9 juillet 2012..
La Sarl Colombus en a régulièrement relevé appel général par lettre recommandée postée le 23 juillet 2012 par son conseil.

PRÉTENTIONS et MOYENS des PARTIES

Vu les conclusions récapitulatives enregistrées au greffe le 16 août 2013, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles la Société Colombus demande à la Cour :
- d'écarter des débats les attestations produites par M. Z..., non-conformes aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile,
- de constater que M. Z...ne rapporte pas la preuve d'une modification de son contrat de travail ayant conduit à une rétrogradation,
- de dire que les griefs invoqués par M. Z...ne sont pas suffisamment graves pour être imputables à l'employeur,
- en conséquence d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- de qualifier la rupture du contrat en une démission,
- de débouter M. Z...de ses demandes
-à titre reconventionnel, de condamner M. Z...à lui payer :
- la somme de 12 119. 02 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents,
- la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- de condamner M. Z...aux dépens de première instance et d'appel.

La société Colombus fait valoir en substance que :
- M. Z...ne rapporte pas la preuve d'une rétrogradation et d'une modification de son contrat de travail avec perte de ses attributions au profit du nouveau chef de cuisine Monsieur Y...,
- ce seul grief, à l'origine de la prise d'acte de M. Z..., est infondé et inexact alors que ce dernier a travaillé peu de temps, moins d'une semaine avec son nouveau collègue qui était en période d'essai,
- le recrutement d'un second chef de cuisine était devenu nécessaire au regard de l'amplitude horaire de la brasserie et de l'augmentation de la clientèle,.
- M. Z...n'a laissé aucune chance au binôme de fonctionner en moins d'une semaine de sorte que sa prise d'acte était hâtive et non imputable à son employeur,
- le salarié a retrouvé un nouvel emploi dès le 15 novembre 2010.

Vu les conclusions enregistrées au greffe le 3 décembre 2012, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience selon lesquelles M. Z...demande à la Cour :
- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- de faire droit à son appel incident en portant à la somme de 45 000 euros les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec capitalisation des intérêts annuels,
- d'assortir d'une astreinte de 150 euros par jour de retard la condamnation de l'employeur à délivrer l'attestation Pôle emploi et le bulletin de salaire rectifié dans un délai de 8 jours,
- de condamner la société Colombus au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

M. Z...soutient que :
- le 19 octobre 2010, il a découvert à sa reprise de travail que le nouveau chef de cuisine n'avait pas été recruté pour son simple remplacement mais dans le cadre d'un emploi à durée indéterminée,
- le personnel de cuisine avait reçu pour consigne de suivre les seules instructions de Monsieur Y... assumant l'ensemble des tâches inhérentes au poste de chef tandis que M. Z...se trouvait relégué au rang de simple employé,
- la société Colombus estimant qu'elle ne pouvait pas compter sur lui en raison de ses arrêts maladie, a manifestement recruté un nouveau chef afin de forcer M. Z...au départ,
- M. Z...tirant les conséquences de la perte de ses attributions et d'une situation devenue humiliante, a quitté l'établissement dont l'activité ne nécessitait pas la présence de deux chefs.

En cours de délibéré, les parties ont été autorisées sur la demande de la cour à produire le nouveau contrat de travail de M. Z...ainsi que le registre du personnel de la Sarl Colombus. Elles ont déféré à ces demandes et présenté leurs observations par courriers des 24 octobre et 3 novembre 2014.

MOTIFS DE LA DECISION,

Sur la prise d'acte.
Il résulte de la combinaison des articles L 1231-1, L 1237-2 et L 1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur en empêchant la poursuite du contrat de travail.
La charge de la preuve incombe au salarié.
En cas de prise d'acte, cette rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient sinon dans le cas contraire, les effets d'une démission.

En l'espèce M. Z...produit aux débats :
- son courrier du 29 octobre 2010, reçu le 2 novembre suivant par son employeur :
" Je suis contraint de prendre acte de ma rupture de mon contrat de travail puisque vous ne me permettez plus de faire le travail pour lequel j'ai été embauché... depuis mon retour d'arrêt maladie du 19 octobre, la personne qui m'a remplacé dans mes fonctions durant mon absence, Monsieur Y..., est toujours en poste et exerce ses fonctions de chef de cuisine. Vous avez d'ailleurs donné pour instruction au personnel de suivre ses consignes et non les miennes.
J'ai tenté à différentes reprises d'évoquer avec vous ces difficultés sans que vous ne daigniez me recevoir de sorte que vous m'empêchez totalement d'exercer les fonctions de chef de cuisine et que je suis désormais rétrogradé au rôle d'un simple employé cuisine.
Cette situation est évidemment inadmissible et intenable pour moi et a du reste conduit mon médecin à me placer en arrêt maladie.
Votre comportement s'oppose à la poursuite de mon contrat de travail. Je vous remercie de bien vouloir m'adresser mes documents de fin de contrat et mon solde de tout compte. "
- un second courrier du 15 décembre 2010 adressé à l'employeur : ".. Je n'ai pas retrouvé les fonctions à la suite de mon arrêt de travail et c'est bien Monsieur Y... qui avait pris mon poste et qui avait l'autorité hiérarchique sur les salariés de la cuisine outre la gestion des marchandises, les contacts avec les fournisseurs, le planning du personnel.. "

Ainsi pour justifier sa prise d'acte et imputer la rupture de son contrat de travail à son employeur M Z... lui reproche une perte de ses attributions en tant que chef de cuisine et une rétrogradation. Il convient d'apprécier si ce grief invoqué par le salarié est établi étant précisé qu'à le supposer établi il constitue indiscutablement un manquement suffisamment grave pour caractériser une rupture imputable à l'employeur.

Il résulte des pièces produites que :
- M. Y...a été recruté le 8 septembre 2010 en qualité de chef de cuisine, statut cadre,
- M. Z...et M. Y...ont travaillé en " binôme " durant deux courtes périodes :
5 jours avant son arrêt de travail (du 8 au 12 septembre 2010) et 3 jours avant un autre arrêt de travail (du 19 au 21 octobre 2010).
- M. Z..., placé en arrêt maladie dès le 22 octobre, a décidé de rompre immédiatement son contrat de travail dans un courrier du 29 octobre.
Il n'est pas contesté que M. Z...a retrouvé dès le 15 novembre 2010, soit deux semaines plus tard, un emploi dans un restaurant à Brissac sur la base de 35 heures hebdomadaires.

Pour justifier le grief allégué, M. Z...se fonde sur les attestations de plusieurs membres du personnel :
- M. D..., ancien second de cuisine au sein de la Sarl Colombus,
- M. E..., ancien pâtissier,
- M. A..., cuisinier,
- Mme B..., commis de cuisine,
- M. C..., cuisinier.

Or si ces témoins attestent du fait que le personnel de cuisine avait reçu la consigne de respecter les ordres du nouveau chef M. Y..., les attestations produites sont cependant rédigées de manière stéréotypée sans référence à des faits précis.
Aucun d'entre eux ne relate des faits ou incidents auxquels il aurait assisté personnellement entre le 19 et le 21 octobre 2010, après le retour de M. Z...en cuisine.

S'agissant de M. D...et M. E..., il est établi qu'ils ont des liens étroits avec M. Z...sous les ordres duquel ils travaillent désormais dans le même restaurant. M. D...a " suivi " M. Z...en démissionnant de la société Colombus en novembre 2010, un mois plus tard, et M. E...a fait de même en septembre 2011. Ces témoins se sont gardés de mentionner leur lien de subordination dans leurs attestations des 5 et 6 avril 2012.
De telles attestations sont insuffisantes à établir la preuve des faits allégués.

Ces témoignages sont par ailleurs contredits par le directeur de la brasserie, M. F..., selon lequel " M. Y... n'a jamais donné d'ordre ou agi en tant que chef supérieur envers M. Z... ".

Les faits reprochés à l'employeur par M. Z..., et notamment le fait qu'il ait été rétrogradé et relégué au rang de " simple employé de cuisine ", ne sont
pas établis.
Les éléments ainsi recueillis ne permettent pas d'établir la réalité d'un manquement suffisamment grave de la part de l'employeur pour justifier la prise d'acte du salarié dès le 29 octobre 2010.

La prise d'acte de M. Z...doit produire les effets d'une démission. Il convient en conséquence de débouter le salarié de toutes ses demandes.

Le jugement sera en conséquence être infirmé en toutes ses dispositions.

Sur les autres demandes

La société Colombus a sollicité à titre reconventionnel le versement par M. Z...de l'indemnité compensatrice de préavis correspondant à trois mois de préavis que le salarié n'a pas effectué.
Toutefois, les parties ont entendu déroger aux dispositions de la convention collective prévoyant un préavis de trois mois en cas de démission du salarié : un préavis d'un mois est fixé dans le contrat de travail en cas de démission du salarié ayant plus de 2 ans d'ancienneté, ce qui est le cas de l'espèce.
Il sera alloué à la société Colombus la somme de 3 526 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis correspondant au mois de préavis non effectué par M. Z.... Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de l'employeur au titre des congés payés y afférent.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la société Colombus les frais non compris dans les dépens. La somme de 500 euros lui sera allouée en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. Z..., partie perdante au litige, sera débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant, publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

DIT que la prise d'acte de M. Z...s'analyse en une démission,

DÉBOUTE M. Z...de l'ensemble de ses demandes.

CONDAMNE M. Z...à payer à la société Colombus. :
- la somme de 3 526 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis avec intérêt au taux légal à compter du présent arrêt.
- la somme de 500 euros en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE M. Z...aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

V. BODINAnne JOUANARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/01641
Date de la décision : 25/11/2014
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2014-11-25;12.01641 ?
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