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25/11/2014 | FRANCE | N°12/01452

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 25 novembre 2014, 12/01452


COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N 14/
clm/

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 01452.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de SAUMUR, décision attaquée en date du 05 Juin 2012, enregistrée sous le no 11/ 00050

ARRÊT DU 25 Novembre 2014

APPELANT :

Monsieur Francky X...
...
...
49400 SAUMUR
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/ 007379 du 28/ 09/ 2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)

représenté par l

a SCP ORHAN NICOLAS ET DELORI FLORENT, avocats au barreau de SAUMUR

INTIMEE :

Société COOPERATIVE AGRICOLE FRANCE CHAMPIG...

COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N 14/
clm/

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 01452.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de SAUMUR, décision attaquée en date du 05 Juin 2012, enregistrée sous le no 11/ 00050

ARRÊT DU 25 Novembre 2014

APPELANT :

Monsieur Francky X...
...
...
49400 SAUMUR
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/ 007379 du 28/ 09/ 2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)

représenté par la SCP ORHAN NICOLAS ET DELORI FLORENT, avocats au barreau de SAUMUR

INTIMEE :

Société COOPERATIVE AGRICOLE FRANCE CHAMPIGNON
Chantemerle-BP 64
BAGNEUX
49427 SAUMUR CEDEX

représenté par Maître André FOLLEN, avocat au barreau D'ANGERS, substitué par Me TOUZET

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Octobre 2014 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, président chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anne JOUANARD, président
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller
Madame Anne LEPRIEUR, conseiller

Greffier : Madame BODIN, greffier.

ARRÊT :
prononcé le 25 Novembre 2014, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE :

M. Francky X...a été embauché par la société coopérative Agricole France Champignon le 13 avril 1993 en qualité de conducteur de machine. Un contrat de travail à durée indéterminée a été établi par écrit le 27 mai 2005 aux termes duquel les parties ont convenu qu'à compter du 23 mai suivant, le salarié occuperait un poste de conducteur de machine, qualification ouvrier, coefficient C2, moyennant une rémunération brute mensuelle de base outre une prime d'ancienneté de 6 %. Dans le dernier état de la relation de travail, le salaire mensuel brut de base de M. Francky X...s'élevait à la somme de 1 465, 13 ¿.
Ce dernier travaillait sur le site de Montreuil Bellay où il avait pour mission de conduire une fardeleuse.

La relation de travail était régie par la convention collective des conserveries coopératives et SICA du 10 mars 1970.

Au mois de septembre 2007, M. Francky X...a été victime d'un grave accident de la circulation à l'origine de lésions au niveau du membre supérieur gauche et qui a justifié un arrêt de travail jusqu'en septembre 2010. Selon un courrier adressé le 9 septembre 2010 par le médecin du travail à l'employeur, l'état de santé du salarié était alors caractérisé par " l'usage quasi exclusif du bras droit ".

Le 14 octobre 2010, à l'issue du second examen de visite de reprise, le médecin du travail a déclaré M. Francky X...inapte à son poste de travail de conducteur de machine " prasmatic " en précisant : " Mon courrier du 9 septembre 2010 reste la base des préconisations. Compte tenu de l'incapacité fonctionnelle du membre supérieur gauche, un poste de travail de type administratif ou de conduite de véhicule ou d'engin pourrait convenir moyennant des aménagements nécessaires (SAMETH). Un poste de surveillance ou de contrôle d'installation serait compatible ".

Après avoir, par courrier du 19 octobre 2010, convoqué M. Francky X...à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 27 octobre suivant, par lettre du 9 novembre 2010, la société coopérative Agricole France Champignon lui a notifié en ces termes son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement :

" Monsieur...
En date du 14 octobre 2010, le Médecin du Travail vous a déclaré : " inaptitude au poste. Mon courrier du 9 septembre 2010 reste la base des préconisations. Compte tenu de l'incapacité fonctionnelle du membre supérieur gauche, un poste de travail de type administratif ou de conduite de véhicule ou d'engin pourrait convenir moyennant des aménagements nécessaires. Un poste de surveillance ou de contrôle d'installation serait compatible ".
Face à cette situation, nous avons réexaminé les possibilités de reclassement, mais vous avez reconnu qu'aucun poste ne pouvait vous être offert tant dans l'établissement de Montreuil que dans les autres établissement du groupe.
Nos relations contractuelles prendront fin à la première présentation de ce courrier, sachant que face à votre inaptitude vous êtes dans l'impossibilité d'effectuer un quelconque préavis... ".

Le 12 avril 2011, M. Francky X...a saisi le conseil de prud'hommes de Saumur pour contester son licenciement et, dans le dernier état de la procédure de première instance, il sollicitait le paiement de dommages et intérêts pour licenciement abusif, d'une indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents et d'une indemnité de procédure.

Par jugement du 5 juin 2012 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le conseil de prud'hommes de Saumur l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et condamné aux éventuels dépens.

Les deux parties ont reçu notification de cette décision le 13 juin 2012. M. Francky X...en a régulièrement relevé appel général par déclaration formée au greffe de la cour le 10 juillet 2012.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Vu les conclusions et observations orales des parties à l'audience des débats du 7 octobre 2014 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés ;

Vu les conclusions enregistrées au greffe le 9 mai 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles M. Francky X...demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris ;
- de juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse pour manquement de l'employeur à son obligation de reclassement et de condamner la société coopérative Agricole France Champignon à lui payer les sommes suivantes :

¿ 35 200 ¿ de dommages et intérêts pour licenciement injustifié,
¿ 4 396 ¿ d'indemnité compensatrice de préavis outre 439, 60 ¿ au titre des congés payés afférents,
¿ 1 500 ¿ d'indemnités au titre des frais irrépétibles de 1ère instance en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
¿ 1 500 ¿ d'indemnité au titre des frais irrépétibles devant la cour d'appel en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- de condamner la société coopérative Agricole France Champignon aux entiers dépens.

L'appelant fait valoir essentiellement que :
- l'employeur ne justifie pas de recherches sérieuses de reclassement ;
- cette obligation ne se limitait pas aux établissements français et l'employeur ne justifie pas avoir procédé à des recherches auprès des filiales allemandes et polonaises du groupe ;
- compte tenu du court délai qui s'est écoulé entre l'avis d'inaptitude et la convocation à l'entretien préalable, l'employeur n'a pas pu procéder à des recherches exhaustives de reclassement ;
- de nombreux emplois étaient compatibles avec son état de santé et l'employeur ne lui a pas proposé un poste de palettiseur pour lequel il était apte et qui a été attribué à une autre salariée.

Vu les conclusions enregistrées au greffe le 7 octobre 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles la société coopérative Agricole France Champignon demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter M. Francky X...de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 2 500 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

Au soutien de sa position selon laquelle elle a satisfait à son obligation de reclassement, elle fait valoir essentiellement que :
- via le directeur des ressources humaines du groupe, elle a mené en faveur de M. Francky X...des recherches de reclassement conformes aux préconisations du médecin du travail et ce, sur l'ensemble de ses établissements français mais également auprès de l'ensemble des sociétés du groupe ;
- compte tenu de sa situation personnelle et de son attachement au territoire français, " il est évident " que le salarié n'envisageait pas de partir à l'étranger ;
- le délai de recherche a été suffisant étant précisé que la situation du salarié avait été examinée avec le médecin du travail dès le mois de juillet 2010 ;
- il n'existait aucun poste disponible compatible avec les préconisations du médecin du travail.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur le licenciement :

Aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail, " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. ".

Ce texte ajoute que la proposition doit prendre en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches dans l'entreprise, et que l'emploi proposé doit être aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.
Il suit de là que, même en présence d'une inaptitude physique d'origine non professionnelle régulièrement constatée par le médecin du travail, le licenciement n'est légitime que pour autant que l'employeur aura préalablement satisfait à l'obligation de reclassement mise à sa charge par ce texte.
Cette obligation de reclassement, qui doit être mise en oeuvre après le second avis d'inaptitude et avant le licenciement, s'analyse en une obligation de moyen renforcée, dont le périmètre s'étend à l'ensemble des sociétés du même secteur d'activité avec lesquelles l'entreprise entretient des liens ou compose un groupe, dont la localisation et l'organisation permettent la permutation de tout ou partie du personnel. Il appartient à l'employeur de démontrer par des éléments objectifs qu'il y a satisfait et que le reclassement du salarié par le biais de l'une des mesures prévues par la loi s'est avéré impossible, soit en raison du refus d'acceptation par le salarié d'un poste de reclassement adapté à ses capacités et conforme aux prescriptions du médecin du travail, soit en considération de l'impossibilité de reclassement à laquelle il se serait trouvé confronté.

M. Francky X...ne discute ni le principe de l'avis d'inaptitude au poste de conducteur de machine fardeleuse qu'il occupait au moment de son arrêt de travail ni la régularité de cette déclaration d'inaptitude.

Il ressort du courrier adressé le 9 septembre 2010 par le médecin du travail à l'employeur que, le 13 juillet précédent, au sein de l'établissement de Montreuil Bellay où travaillait M. Francky X..., une rencontre s'est déroulée entre ce dernier, le médecin du travail, l'employeur et un représentant du SAMETH dont le rôle consiste à faciliter le maintien des personnes handicapées dans l'emploi.
Aux termes de ce courrier, le médecin du travail indique qu'à l'issue de cette rencontre, les participants ont conclu qu'un maintien du salarié dans l'emploi au sein de l'usine pouvait être envisagé sur un poste de conduite de dépalettiseur de boîtes en étant vigilant aux contraintes de cadence, en fournissant au salarié une formation sous forme de tutorat interne et ce, dans le cadre, tout d'abord, d'une reprise à mi-temps, une demande de reconnaissance de la lourdeur du handicap permettant à l'entreprise d'obtenir une subvention pour compenser la perte éventuelle de productivité. Il était souligné que les possibilités de réintégrer M. Francky X...nécessitaient une réorganisation de l'activité et une modification de l'affectation des actuels titulaires du poste.

A l'issue de la réunion du 9 septembre 2010, les membres du CHSCT ont, à l'unanimité, émis d'importantes réserves quant aux capacités physiques du salarié à occuper un poste de conduite de dépalettiseur et, relevant qu'une telle affectation impliquerait obligatoirement le transfert d'un titulaire du poste vers celui de conducteur de fardeleuse, ils ont conclu à l'impossibilité de lui proposer un tel poste sur le site de Montreuil Bellay.

En connaissance de cet avis du CHSCT, aux termes de l'avis d'inaptitude émis le 14 octobre 2010, le médecin du travail a indiqué qu'un poste de travail de type administratif ou de conduite de véhicule ou d'engin pourrait convenir à l'état de santé de M. Francky X...moyennant les aménagements nécessaires et qu'un poste de surveillance ou de contrôle d'installation serait compatible. Il suit de là que l'état de santé du salarié était compatible avec un nombre de postes non négligeable.

Au soutien de sa position selon laquelle elle a satisfait à son obligation de reclassement, la société coopérative Agricole France Champignon verse tout d'abord aux débats un courrier adressé au directeur de l'établissement de Montreuil Bellay le 20 octobre 2010 par le directeur des ressources humaines du groupe France Champignon, lequel indique que, muni de la lettre du médecin du travail du 9 septembre 2010 et de l'avis d'inaptitude du 14 octobre suivant, il a procédé à des recherches de reclassement en faveur de M. Francky X...au sein du " Groupe " et qu'il s'avérait dans l'impossibilité de répondre favorablement à sa demande dans la mesure où " les types de postes préconisés par Monsieur le Médecin du Travail sont en réduction importante depuis des années. ".

Il ressort des pièces versées aux débats qu'à l'époque des faits, le Groupe France Champignon était composé des sociétés suivantes : la société coopérative Agricole France Champignon, la société EUROMYCEL, la société Champignonnières des Roches, la société Champiland, la société Champiloire, la société France Champignon GMBH implantée en Allemagne et la société Interchamp implantée en Pologne.
Selon les pièces no 9, 11 et 13 à 18 produites par l'intimée, elle disposait d'établissements situés à Longué (49), Loudun, Montreuil Bellay, Douai la Fontaine, Thouars, Falaise et d'un établissement en un lieu que le pièce 14 ne permet pas de déterminer.

En l'absence de justificatif de l'envoi, à chacune des sept sociétés du groupe et à chacun des six établissements de la société coopérative Agricole France Champignon, autres que celui de Montreuil Bellay, d'un courrier personnalisé comportant à tout le moins le nom du salarié, sa classification, la nature de son emploi avec transmission de la teneur de l'avis du médecin du travail, le courrier du DRH du Groupe ne permet pas, à lui seul, de faire la preuve de recherches de reclassement réelles, personnalisées et sérieuses de la part de l'employeur.
A supposer avéré que le DRH du Groupe ait mené des recherches de reclassement, il apparaît en outre, le 14 octobre 2010, date de l'avis d'inaptitude, étant un jeudi, qu'il y a consacré tout au plus quatre jours ouvrables en tenant compte du jour d'établissement de son courrier. Un délai aussi court est incompatible avec des recherches sérieuses et personnalisées de reclassement à mener auprès de six filiales dont deux implantées à l'étranger et de six autres établissements de la société coopérative Agricole France Champignon, au sein d'un groupe employant 1123 salariés en octobre 2010, alors surtout que, selon l'avis du médecin du travail, M. Francky X...était en mesure d'occuper des postes de reclassement variés.

En outre, l'employeur n'a même attendu la réponse du DRH du Groupe pour engager la procédure de licenciement puisque la convocation à l'entretien préalable est en date du 19 octobre 2010.

Enfin, il ne ressort pas des termes du courrier du DRH du Groupe qu'il n'aurait existé, à l'époque concernée, au sein du périmètre de reclassement, aucun poste disponible qui ait été compatible avec les prescriptions du médecin du travail. En effet, le DRH indique seulement qu'il est dans l'impossibilité de répondre favorablement à la demande d'une " solution " à proposer au salarié et que les types de poste préconisés sont en réduction importante depuis plusieurs années, ce qui ne signifie pas qu'aucun poste compatible n'aurait été disponible au sein de l'ensemble du périmètre de reclassement.

Pour tenter de faire la preuve de l'absence de poste de reclassement disponible, la société coopérative Agricole France Champignon verse également aux débats ses pièces 9 à 18 qu'elle présente comme étant les registres d'entrée et de sortie du personnel.
Toutefois, la plupart de ces pièces ne permettent pas de faire cette preuve dans la mesure où il s'agit d'extraits de registre tout à fait parcellaires qui ne permettent pas de vérifier s'il existait des postes disponibles et dans l'affirmative, pour quel (s) type (s) d'emploi (s).
Ainsi, s'agissant de l'établissement de Montreuil Bellay où travaillait l'appelant, sont produits seulement deux feuillets concernant des salariés entrés dans l'établissement entre le 28 avril 2010 et le 25 mars 2011. Le nom de M. Francky X...ne figure donc pas sur cet extrait de registre qui ne permet nullement de vérifier l'existence ou non de poste (s) disponible (s).
Ce même caractère parcellaire rend non probantes les pièces no 16 et 17 que l'employeur désigne comme correspondant aux registres des entrées et sorties du personnel de ses établissements de Doué la Fontaine et Thouars.
La pièce no 14 consiste en un feuillet de registre d'entrée et de sortie du personnel dont aucun élément ne permet de déterminer à quelle société du groupe ou à quel établissement de la société coopérative Agricole France Champignon a il se rapporte.
S'agissant de la société Champiland qui est implantée à Herm (Landes) et à Rungis, l'employeur produit, non pas le registre des entrées et sorties du personnel, mais la liste des salariés en poste aux 31 juillet, 31 août, 30 septembre, 31 octobre, 30 novembre et 31 décembre 2010 avec simple mention de la catégorie professionnelle à laquelle appartient chaque salarié à l'exclusion de l'indication des emplois occupés. Une telle pièce ne permet pas de vérifier l'existence ou non de postes disponibles compatibles avec les prescriptions du médecin du travail.

Enfin aucun élément n'est produit pour tenter de justifier de l'état des effectifs et d'occupation des postes au sein des deux filiales allemande et polonaise qui entrent dans le périmètre de reclassement, étant observé que l'employeur ne pouvait pas se dispenser de procéder à des recherches en direction de ces structures en considérant a priori que le salarié refuserait d'envisager un départ à l'étranger.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la société coopérative Agricole France Champignon est défaillante à rapporter la preuve de ce qu'elle a procédé en faveur de M. Francky X...à des recherches de reclassement réelles, complètes, sérieuses et personnalisées et de ce qu'il n'existait au sein du périmètre de reclassement aucun poste disponible compatible avec les prescriptions du médecin du travail.

En conséquence, par voie d'infirmation du jugement entrepris, le licenciement de l'appelant doit être déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences pécuniaires du licenciement :

Dès lors que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement, nonobstant l'incapacité physique dans laquelle se trouvait le salarié d'exécuter son préavis, il a droit à l'indemnité compensatrice de préavis.
En considération de sa rémunération et d'un délai congés, non pas de trois mois comme revendiqué, mais de deux mois comme en justifie l'employeur au regard des dispositions conventionnelles s'agissant d'un ouvrier ayant plus de deux ans d'ancienneté, M. Francky X...a droit à une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 2 930, 26 ¿ outre 293, 03 ¿ de congés payés afférents.

M. Francky X...justifiant d'une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés, elle peut prétendre à l'indemnisation de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail, selon lequel l'indemnité à la charge de l'employeur ne peut pas être inférieure aux salaires des six derniers mois lesquels se sont élevés à la somme de 8 769, 54 ¿.

En considération de la situation particulière de M. Francky X..., notamment, de son âge (39 ans) et de son ancienneté (17 ans et presque 7 mois) au moment de la rupture, de sa capacité à retrouver un emploi, la cour dispose des éléments nécessaires pour lui allouer la somme de 32 000 ¿ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il convient de rappeler que les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère salarial à compter de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation, soit en l'espèce, le 15 avril 2011, et qu'ils courent sur les sommes à caractère indemnitaire, en l'occurrence, à compter du présent arrêt.

Sur les documents de fin de contrat :

Il convient d'ordonner à la société coopérative Agricole France Champignon de remettre à M. Francky X...un bulletin de paie rectificatif, une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un solde de tout compte conformes aux dispositions du présent arrêt et ce, au plus tard dans le mois de sa notification.
En l'état, aucune circonstance ne justifie que cette mesure doive être assortie d'une astreinte pour en garantir l'exécution.

Sur les dépens et frais irrépétibles :

Il serait inéquitable de laisser à M. Francky X...la charge des frais non compris dans les dépens et engagés tant en première instance qu'en cause d'appel. Il convient de lui allouer à ce titre une indemnité globale (première instance et appel) d'un montant de 2 500 ¿ qui sera recouvrée conformément aux dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

La société coopérative Agricole France Champignon sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, en matière sociale, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Confirme le jugement entrepris seulement en ce qu'il a débouté la société coopérative Agricole France Champignon de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

L'infirme en toutes ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare le licenciement de M. Francky X...dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société coopérative Agricole France Champignon à lui payer les sommes suivantes :
-2 930, 26 ¿ d'indemnité compensatrice de préavis outre 293, 03 ¿ de congés payés afférents et ce, avec intérêts au taux légal à compter du 15 avril 2011 ;
-32 000 ¿ d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et ce, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Ordonne à la société coopérative Agricole France Champignon de remettre à M. Francky X...un bulletin de paie rectificatif, une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un solde de tout compte conformes aux dispositions du présent arrêt et ce, au plus tard dans le mois de sa notification ;

Dit n'y a avoir lieu à mesure d'astreinte ;

Condamne, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, la société coopérative Agricole France Champignon à payer à Maître Nicolas Orhan, avocat au barreau d'Angers, conseil de M. Francky X..., la somme globale (du chef de la première instance et de l'instance d'appel) de 2 500 ¿ au titre des frais et honoraires que M. Francky X...aurait exposés s'il n'avait pas bénéficié de l'aide juridictionnelle, et rappelle que Maître Nicolas Orhan, s'il recouvre cette somme, devra renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat ;

Déboute la société coopérative Agricole France Champignon de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

La condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

V. BODINAnne JOUANARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/01452
Date de la décision : 25/11/2014
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2014-11-25;12.01452 ?
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