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25/11/2014 | FRANCE | N°12/00917

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 25 novembre 2014, 12/00917


COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N

clm/ jc

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 00917

numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance
Jugement Au fond, origine Conseil de prud'hommes-Formation de départage d'ANGERS, décision attaquée en date du 23 Mars 2012, enregistrée sous le no 10/ 01360

ARRÊT DU 25 Novembre 2014

APPELANTE :

La Société VEOLIA PROPRETE, anciennement dénommée SARP OUEST MARCILLE
ZA de Lanserre
49610 JUIGNE SUR LOIRE



non comparante-représentée par Maître Laurent LE BRUN de la SCPA CALVAR et ASSOCIES, avocats au barreau de NANTES

INTI...

COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N

clm/ jc

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 00917

numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance
Jugement Au fond, origine Conseil de prud'hommes-Formation de départage d'ANGERS, décision attaquée en date du 23 Mars 2012, enregistrée sous le no 10/ 01360

ARRÊT DU 25 Novembre 2014

APPELANTE :

La Société VEOLIA PROPRETE, anciennement dénommée SARP OUEST MARCILLE
ZA de Lanserre
49610 JUIGNE SUR LOIRE

non comparante-représentée par Maître Laurent LE BRUN de la SCPA CALVAR et ASSOCIES, avocats au barreau de NANTES

INTIME :

Monsieur Alain-yves X...
...
49330 CHATEAUNEUF SUR SARTHE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2013/ 000720 du 08/ 02/ 2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)

non comparant-représenté par Maître CADORET, avocat substituant Maître Bertrand CREN de la SARL LEXCAP-BDH, avocats au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 28 Octobre 2014 à 14H00 en audience publique et collégiale, devant la cour composée de :

Madame Anne JOUANARD, président
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, assesseur
Madame Anne LEPRIEUR, assesseur

qui en ont délibéré

Greffier : Madame BODIN, greffier

ARRÊT : du 25 Novembre 2014, contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Anne JOUANARD, Président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Veolia Propreté a pour objet la maintenance de réseaux d'assainissement, toutes prestations de nettoyage industriel et de gestion de déchets dangereux.

Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 14 novembre 2003 à effet au 1er décembre suivant, M. Alain X...a été embauché en qualité d'opérateur chauffeur, niveau 2, échelon 2, coefficient 185 par la société SARP Ouest Marcillé aux droits de laquelle se trouve désormais la société Veolia Propreté et ce, moyennant une rémunération brute mensuelle d'un montant global de 1 182, 57 ¿ outre un treizième mois.
Il avait pour mission de réaliser des opérations d'assainissement pour le compte de particuliers ou de professionnels (pompage de fosses etc...).

La relation de travail était régie par la convention collective de l'assainissement et de la maintenance industrielle.

Le salarié a été victime de deux accidents du travail :
- le premier, du 6 septembre 2004 qui a entraîné une entorse de la cheville gauche et justifié un arrêt de travail jusqu'au 24 septembre 2004 ;
- le second, du 22 octobre 2004, à l'origine d'une lombo-sciatique gauche ayant justifié un arrêt de travail jusqu'au 6 décembre 2004.

Le 16 août 2005, l'employeur a notifié à M. Alain X...une mise à pied disciplinaire de 3 jours pour les motifs suivants :
- refus d'exécution d'une prestation de travail,
- dissimulation d'un sinistre à sa hiérarchie,
- manque de professionnalisme dans l'exécution des prestations accomplies ayant conduit à des contestations des clients.

Le salarié a contesté cette sanction par courrier du 22 août 2005.

Convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 2 décembre 2005, par lettre du 20 décembre 2005, M. Alain X...s'est vu notifier son licenciement en ces termes :
"... Ainsi que nous vous l'avons exposé lors de l'entretien, les motifs de licenciement sont les suivants :
- Le 17 novembre 2005 vous n'avez pas effectué le balisage de votre véhicule conformément aux règles élémentaires de sécurité. Ce balisage aurait pu entraîner des risques importants d'accidents routiers.
- Par ailleurs, ce même jour il a été constaté que vous ne respectiez pas l'obligation qui vous est faite de porter le casque et d'utiliser les équipements de protection individuels mis à votre disposition et ce malgré les différents rappels et remarques qui vous ont été effectués.
Votre comportement irresponsable et dangereux présentant des risques graves pour l'entreprise et vous-même, nous considérons que ces faits constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement.... ".

Par lettre du 13 janvier 2006, le salarié a été dispensé de l'exécution de son préavis.

Le 19 janvier 2006, M. Alain X...a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers pour contester la mise à pied disciplinaire ainsi que son licenciement et obtenir le paiement de diverses sommes à titre indemnitaire et de rappel de salaire pour heures supplémentaires.

Par ordonnance du 20 février 2006, le bureau de conciliation a ordonné à la société SARP Ouest Marcillé, sous astreinte, de remettre à M. Alain X...les relevés d'heures correspondant à la période du 1er décembre 2003 au 20 décembre 2005.

Le 25 octobre 2006, l'affaire a été radiée pour défaut de diligence des parties.

Elle a été réinscrite au rôle le 11 août 2008. Elle a donné lieu, le 16 novembre 2009, à un procès-verbal de partage de voix du bureau de jugement et l'affaire a été appelée à l'audience du 5 mars 2010 présidée par le juge départiteur. A cette date, à demande des parties, l'affaire a fait l'objet d'un retrait du rôle.
Elle a été réinscrite sur conclusions déposées pour le compte de M. Alain X...le 24 décembre 2010. L'audience de départage s'est tenue le 20 janvier 2012.

Dans le dernier état de la procédure de première instance, M. Alain X...sollicitait, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, l'annulation de la mise à pied disciplinaire, un rappel de salaire de ce chef outre les congés payés afférents, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour harcèlement moral, la mise en oeuvre, aux frais avancés de l'employeur, d'une expertise des disques d'enregistrement horaires pour établir les horaires effectués du 1er décembre 2003 au 13 janvier 2006.

Par jugement du 23 mars 2012 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le conseil de prud'hommes d'Angers statuant en formation de départage a :

- annulé la mise à pied disciplinaire prononcée le 16 août 2005 ;
- jugé le licenciement de M. Alain X...dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société Veolia Propreté à lui payer les sommes suivantes :
¿ 135, 62 ¿ de rappel de salaire au titre de la mise à pied disciplinaire outre 13, 56 ¿ de congés payés afférents avec intérêt aux taux légal à compter du 23 janvier 2006,
¿ 7 997, 15 ¿ de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
¿ 600 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné, si besoin était, le remboursement par la société Veolia Propreté aux organismes sociaux concernés, de la totalité des indemnités de chômage versées à M. Alain X...du jour du licenciement au jour du jugement entrepris dans la limite de 6 mois d'indemnités ;
- rappelé l'exécution provisoire de droit prévue à l'article R. 1454-28 du code du travail et dit n'y avoir lieu à exécution provisoire en application de l'article 515 du code de procédure civile ;
- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à 1 332, 86 ¿ bruts ;
- débouté les parties de leurs autres prétentions ;
- condamné la société Veolia Propreté aux dépens et dit qu'ils seraient recouvrés conformément aux dispositions relatives à l'aide juridictionnelle.

La société Veolia Propreté a régulièrement relevé appel général de cette décision par lettre recommandée postée le 27 avril 2012.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Vu les conclusions et observations orales des parties à l'audience des débats du 28 octobre 2014 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés ;

Vu les conclusions enregistrées au greffe le 23 octobre 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles la société Veolia Propreté demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives à la mise à pied disciplinaire, au licenciement, aux dépens et aux frais irrépétibles et de le confirmer en ses autres dispositions ;
- de juger la mise à pied disciplinaire valable et le licenciement bien fondé ;
- de débouter M. Alain X...de l'ensemble de ses prétentions ;
- de le condamner à lui payer la somme de 2 000 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

L'employeur fait valoir essentiellement que :

- s'agissant de la mise à pied disciplinaire, la matérialité des faits fautifs et leur imputabilité à M. Alain X...est établie et ces faits justifiaient la sanction prononcée ;

- s'agissant du licenciement,

la lettre de licenciement répond à l'exigence de motivation,
la matérialité des faits est établie par le témoignage de Mme A..., responsable prévention et sécurité au sein de l'entreprise qui les a constatés lors d'un contrôle inopiné sur le chantier ; le salarié était bien en intervention ; le témoignage qu'il produit émane d'un autre salarié qui n'a pas été témoin direct,
la sanction est proportionnée et il aurait même pu prononcer un licenciement pour faute grave ;

- s'agissant du harcèlement moral : le salarié n'établit pas de faits précis et concordants permettant de laisser présumer un harcèlement moral.

Vu les conclusions enregistrées au greffe le 7 mars 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles, formant appel incident, M. Alain X...demande à la cour :

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a annulé la mise à pied disciplinaire du 16 août 2005 et jugé son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
- de l'infirmer pour le surplus ;
- de condamner la société Veolia Propreté à lui payer les sommes suivantes :
¿ 12 000 ¿ de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
¿ 10 000 ¿ de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
¿ 2500 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le salarié fait valoir essentiellement que :

- sur le harcèlement moral :
¿ il a subi des agissements répétés de harcèlement moral de la part de M. B..., son supérieur hiérarchique, qui est arrivé au sein de la société le 6 décembre 2004 alors que lui-même se trouvait toujours en arrêt de maladie suite à son second accident du travail, et qui l'a pris " en grippe " en multipliant les attitudes pour le voir partir ;
¿ leur matérialité est établie par les témoignages de M. C...et de M. D..., collègues de travail, et l'atteinte à son état de santé ressort du certificat médical établi par le Dr Marc E...le 23 janvier 2006 ;

- sur la mise à pied disciplinaire : la matérialité des faits n'est pas établie ;

- sur le licenciement :
¿ la matérialité des faits n'est pas établie en ce qu'il a correctement effectué le balisage du véhicule, l'employeur ne justifie pas des dispositions et des circonstances obligeant les salariés à porter un casque et, en l'occurrence, le port du casque n'était pas nécessaire ; il était très scrupuleux dans le port des équipements de protection individuelle et il n'a jamais fait l'objet du moindre rappel à l'ordre ;
¿ son licenciement procède d'un acharnement à son égard, l'employeur voulant se débarrasser de lui.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1) Sur la demande d'expertise :

M. Alain X...ne reprend pas en cause d'appel sa demande tendant à voir ordonner une expertise des disques d'enregistrement de ses horaires afin de les faire traduire et d'établir les horaires effectivement réalisés du 1er décembre 2003 au 13 janvier 2006 et il n'élève aucune critique à l'égard des dispositions du jugement qui l'ont débouté de ce chef de prétention.
La cour n'étant saisie d'aucune demande ni d'aucun moyen de ce chef, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'expertise.

2) Sur la mise à pied disciplinaire :

La mise à pied disciplinaire du 16 août 2005 est fondée sur les faits suivants :

- " Refus de vous rendre sur un débouchage à Angers le 12 juillet, alors que vous étiez d'astreinte ; il aura fallu l'assistance du Responsable d'Exploitation et du Directeur d'Agence pour que vous vous rendiez finalement sur le chantier.
- Avoir dissimulé un sinistre à votre hiérarchie lors de votre astreinte le 9 juillet.
- Manque de professionnalisme des prestations effectuées, ayant conduit à des réclamations de clients. ".

En conclusion de cette lettre, l'employeur a invoqué le renouvellement de telles observations auprès de M. Alain X...par sa hiérarchie depuis de nombreux mois et considéré qu'il ne pouvait plus les accepter.

Au soutien de cette mise à pied disciplinaire, la société Veolia Propreté produit uniquement une attestation établie par M. Jean-Loup B..., responsable d'exploitation du site.

S'agissant du refus d'aller procéder à un débouchage le 12 juillet 2005, comme l'ont exactement retenu les premiers juges, aux termes du courrier de protestation qu'il a adressé le 22 août 2005 à son employeur, M. Alain X...a expliqué de façon circonstanciée qu'il n'avait pas refusé d'aller exécuter cette prestation de travail mais qu'il avait refusé d'y aller seul et demandé l'assistance d'un autre opérateur en raison du danger qu'elle représentait en ce que, pour accomplir ce débouchage de deux siphons disconnecteurs dont l'un se trouvait à une hauteur de 1, 50 mètre à 2 mètres du sol, il devait monter sur une échelle et se trouvait contraint de manier ainsi, avec une seule main, un tuyau soumis à une pression de 150 à 200 bars. Ces explications sont confirmées par le témoignage de M. Francky D..., collègue de travail de M. Alain X.... Aux termes de sa lettre de protestation, ce dernier a également précisé qu'en dépit de ces explications fournies à sa hiérarchie, il avait reçu l'ordre d'aller sur les lieux pour constater la situation, ce qu'il avait fait et que, sur ses indications données téléphoniquement selon lesquelles il n'y avait pas de débordement et que l'intervention nécessitait l'assistance d'un autre collègue, il lui avait été répondu qu'elle serait planifiée pour la semaine suivante.
Par courrier du 30 août 2005, la société Veolia Propreté a accusé réception de cette lettre de protestation et, sans en discuter les termes ni remettre en cause la réalité des explications fournies par le salarié, elle s'est contentée d'y répondre de façon très laconique en indiquant que les éléments fournis ne lui permettaient pas de changer d'avis.
Dans le cadre de l'instance prud'homale, elle se contente de produire une attestation de M. Jean-Loup B..., responsable d'exploitation, qui affirme que l'intervention litigieuse, très quotidiennement réalisée par l'ensemble des opérateurs, ne nécessitait pas de conditions d'intervention particulières. Dans la mesure où la réponse de l'employeur du 30 août 2005 ne comporte aucune dénégation des propos du salarié et où le témoignage de M. B...n'est corroboré par aucun autre élément, il ne permet pas, à lui seul, de faire preuve du refus d'intervention injustifié allégué du chef de la journée du 12 juillet 2005.

S'agissant de la prétendue dissimulation d'un sinistre, il ressort de l'attestation établie par M. Jean-Loup B...que le sinistre en question consistait en l'accrochage d'un rétroviseur du véhicule que M. Alain X...utilisait un jour d'astreinte. Or, comme l'ont relevé les premiers juges, il n'est pas discuté que ce dernier a informé de ce sinistre le mécanicien de la société employeur. En outre, la directrice de la maison de retraite où se sont produits les faits atteste de ce qu'il a signalé l'incident auprès du service administratif.
Aux termes de son attestation, M. B...indique que M. Alain X...aurait dû lui téléphoner en personne pour lui signaler cet accrochage. Toutefois, la société Veolia Propreté ne justifie d'aucune consigne donnée à ses salariés en général et à M. Alain X...en particulier selon laquelle le responsable d'exploitation du site devrait être dérangé au cours d'une fin de semaine pour être informé de ce type d'incident mineur.
Outre le caractère bénin de l'accrochage en cause, comme l'ont exactement retenu les premiers juges, aucune intention de dissimulation n'est établie à l'égard du salarié puisqu'il a signalé les faits sans délai.

Enfin, pas plus qu'elle ne le faisait en première instance, en cause d'appel, la société Veolia Propreté n'explique en quoi aurait consisté le manque de professionnalisme de M. Alain X...et, ne produisant strictement aucune pièce à cet égard, elle ne justifie d'aucun fait permettant de le caractériser ni d'aucune protestation ou réclamation de client relative à des prestations fournies par lui. Il n'est pas plus justifié d'observations renouvelées depuis de nombreux mois auprès du salarié en raison de manquements du même type. Sur ces points, l'appelante se contente de produire l'attestation de M. B...qui procède par affirmation au sujet de ces prétendues plaintes de clients et observations renouvelées auprès de M. Alain X.... La preuve de la matérialité de ce troisième grief fait donc radicalement défaut.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu'il a estimé la mise à pied disciplinaire injustifiée, en a prononcé l'annulation et a condamné la société Veolia Propreté à payer à l'intimé la somme de 135, 62 ¿ à titre de rappel de salaire outre 13, 56 ¿ de congés payés afférents.

3) Sur le licenciement :

Il est reproché au salarié d'avoir, le 17 novembre 2005, manifesté un comportement irresponsable et dangereux présentant des risques graves pour l'entreprise et pour lui-même, tout d'abord, en omettant d'effectuer le balisage de son véhicule conformément aux règles élémentaires de sécurité, en second lieu, en ne portant pas de casque et en n'utilisant pas les équipements de protection individuelle mis à sa disposition et ce, malgré de précédents rappels et remarques.

La lettre de licenciement ne donne pas lieu à critique de la part du salarié, notamment du point de vue de sa motivation.

Au soutien des griefs invoqués à l'appui du licenciement, la société Veolia Propreté verse aux débats la même attestation de M. Jean-Loup B...que précédemment citée, trois attestations établies par Mme Isabelle A..., responsable prévention hygiène et sécurité de l'entreprise, successivement les 26 février 2009, 20 janvier 2012 et 21 octobre 2014, cette dernière étant expressément destinée à " compléter et préciser " les deux précédentes et une pièce no 42, non datée, non signée, qu'elle indique correspondre au rapport d'intervention du 17 novembre 2005 et qui mentionne : " Alain X...: ¿ rappel oral sur le respect du port du casque systématiquement en intervention (acquérir les bons réflexes) ¿ négligence volontaire ou involontaire, camion garé à demi sur la chaussée sans balisage ni gyrophare ¿ action immédiate demandée à l'opérateur : garer le véhicule (place suffisante en dehors de la chaussée) ".
Ce feuillet non daté ni signé ne saurait valoir comme rapport d'intervention ou procès-verbal de contrôle dressé par Mme Isabelle A....

Aux termes de sa première attestation, cette dernière déclare que, lors de la journée internationale Véolia Propreté qui s'est déroulée le 17 novembre 2005, M. Alain X...n'a pas respecté les consignes de sécurité relatives, d'une part, au " balisage du véhicule positionné sur la chaussée " et le témoin d'expliquer en quoi consiste ces règles de balisage sans donner la moindre explication concrète relative à la manière dont le véhicule de M. Alain X...était stationné le jour des faits et en quoi ce stationnement aurait caractérisé un manquement aux règles de balisage, d'autre part, au port du casque et le témoin d'expliquer que le port du casque est obligatoire pour éviter les risques de heurt, notamment en cas de chute d'objet, sans indiquer les circonstances qui faisaient que le salarié aurait dû porter son casque au moment du contrôle ni donner le moindre élément propre à caractériser le manquement invoqué.
Aux termes de sa seconde attestation, Mme Isabelle A...se contente d'indiquer que M. Alain X..." était bien en opération lors du contrôle du 17 novembre 2005 ".
Comme l'ont exactement retenu les premiers juges, en l'absence en outre d'un procès-verbal de contrôle qui aurait été établi le 17 novembre 2005, ces attestations non circonstanciées et imprécises ne permettent pas de faire la preuve des manquements reprochés au salarié et que celui-ci conteste.

Pour la première fois aux termes de son attestation du 21 octobre 2014, soit près de neuf ans après les faits et sept jours avant l'audience, Mme Isabelle A...vient préciser les circonstances de fait et expliquer que, le 17 novembre 2005, elle a effectué un contrôle chantier en présence de M. Jean-Loup B...et que, lorsqu'ils sont arrivés sur le chantier, elle a pu constater que M. Alain X...avait garé son véhicule de travers sur la route et commencé à installer les tuyaux de pompage sans baliser son chantier, ce qui occasionnait une gêne pour les usagers de la route. Le témoin ajoute : " Nous lui avons notifié cette première faute de sécurité et lui avons demandé de corriger. ". Il ressort de la suite de son récit qu'elle et M. B...sont ensuite revenus sur le chantier et qu'ils ont " suivi le déroulement de l'intervention " ; qu'en dépit de leur présence, le salarié ne portait pas ses équipements de protection individuelle, notamment, son casque.

Cette attestation n'est pas probante, tout d'abord en raison de son caractère très tardif et isolé, mais aussi en ce qu'elle est contredite par celle établie par M. Jean-Loup B..., lequel ne se livre à aucune description des faits relatifs au balisage ou au défaut de port du casque, ne dit pas avoir participé au contrôle du 17 novembre 2005 et indique au contraire expressément qu'il n'a pas personnellement constaté le défaut de balisage du véhicule de nature à porter atteinte à la sécurité des autres usagers de la route mais qu'il l'a été par Mme A.... S'agissant du second grief, il relève seulement que, compte tenu des formations reçues, le salarié ne pouvait pas ignorer les règles relatives au port des EPI, notamment du casque.

Il suit de là que, comme l'ont exactement retenu les premiers juges, le licenciement de M. Alain X...doit être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse en ce que la preuve de la matérialité des faits invoqués fait défaut et qu'en tout cas, en l'état des éléments soumis à la cour, le défaut de port du casque ne saurait constituer à lui seul une cause sérieuse de licenciement, étant observé qu'il n'est justifié d'aucun rappel à l'ordre adressé au salarié, notamment au sujet du port des EPI, que son collègue, M. Francky D..., atteste de ce qu'il était sérieux et scrupuleux quant au respect des règles de sécurité et que le 15 juillet 2005, un autre salarié s'est vu notifié un simple avertissement pour défaut de port du casque et " manque de balisage " de son véhicule.

Justifiant d'une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés, M. Alain X...peut prétendre à l'indemnisation de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail, selon lequel l'indemnité à la charge de l'employeur ne peut pas être inférieure aux salaires des six derniers mois, lesquels se sont élevés en l'espèce à la somme de 8 709, 29 ¿.
Compte tenu de la situation particulière du salarié, notamment de son âge (37 ans) et de son ancienneté (2 ans et 20 jours) au moment de la rupture, de sa capacité à retrouver un emploi, des circonstances du licenciement, la cour dispose des éléments nécessaires pour porter à 10 000 ¿ le montant de l'indemnité propre à réparer son préjudice.

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives au remboursement ordonné en faveur de Pôle emploi par application de l'article L. 1235-4 du code du travail.

4) Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L. 1154-1 du même code, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

A l'appui de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral, M. Alain X...invoque les faits suivants qu'il impute à M. Jean-Loup B...:

- un " avertissement injustifié " (en réalité la mise à pied disciplinaire du 16 août 2005),
- une mise à l'écart de ses collègues,
- des insultes répétées et des humiliations,
ainsi qu'une dégradation de son état de santé ressortant, selon lui, du certificat médical établi le 23 janvier 2006 par le Dr Marc E....

L'intimé verse aux débats les témoignages de ses collègues de travail, M. Francky D...et M. Mickaël C.... Il ne décrit pas lui-même de faits permettant de caractériser la mise à l'écart qu'il invoque, M. D...ne fait pas état de tels comportements à son égard et M. C...procède de façon laconique, imprécise et non circonstanciée pour affirmer que M. Alain X...aurait été " ignoré ". En l'état des éléments soumis à la cour, des agissements de mise à l'écart, notamment de la part de M. B..., ne sont pas établis.

De même, le salarié ne fournit aucun exemple circonstancié s'agissant des insultes et humiliations qu'il allègue et les témoins procèdent de façon laconique et non circonstanciée pour affirmer que M. B...aurait dit à M. Alain X...qu'il était " un bon à rien, un mauvais à tout " et qu'il pouvait s'en aller, qu'il le rabaissait sans expliquer en quoi consistaient ces prétendues attitudes et qu'il aurait dit à la cantonade qu'il lui " en ferait voir des vertes et des pas mûres ". En l'état de ces éléments soumis à la cour, le salarié n'établit pas la matérialité d'insultes et d'humiliations émanant de M. B....

Les premiers juges ont exactement relevé en outre que la période citée par le témoin C...pour situer dans le temps les faits imputés à M. B...n'est pas cohérente en ce qu'il indique qu'il se sont déroulés de " février 2004 à la fin de l'année " alors que le responsable d'exploitation du site n'a été embauché que le 6 décembre 2004.
S'agissant du Dr E..., il relate seulement avoir vu en consultation " à plusieurs reprises " M. Alain X...qui présentait " des troubles psychologiques à type d'anxiété et d'instabilité qu'il attribuait à l'ambiance de travail qui régnait alors dans l'entreprise, fin 2004- début 2005 ".

Seuls sont donc établis la mise à pied disciplinaire injustifiée du 16 août 2005 et la constatation médicale d'une anxiété et d'une instabilité attribuée par le salarié à ses conditions de travail fin 2004/ début 2005.
En l'absence d'agissements répétés établis, ces seuls éléments ne permettent pas de laisser présumer un harcèlement moral subi par M. Alain X.... Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande indemnitaire de ce chef.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, en matière sociale, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Infirme le jugement entrepris s'agissant du montant de l'indemnité allouée à M. Alain X...pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Le confirme en toutes ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau du chef infirmé et ajoutant,

Condamne la société Veolia Propreté à payer à M. Alain X...la somme de 10 000 ¿ à titre d'indemnité pour licenciement injustifié et celle de 1 500 ¿ au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;

Déboute la société Veolia Propreté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

La condamne aux dépens d'appel qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Viviane BODINAnne JOUANARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/00917
Date de la décision : 25/11/2014
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2014-11-25;12.00917 ?
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