COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N
clm/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 00823.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de SAUMUR, décision attaquée en date du 28 Juillet 2011, enregistrée sous le no 10/ 00101
ARRÊT DU 25 Novembre 2014
APPELANTE :
LA SAS ANJOU VALORISATION ENERGIE DECHETS-VEOLIA (SAVED)
RD 139
Route de Mouliherne
49490 LASSE
représentée par Maître Emmanuelle SAPENE, avocat au barreau de PARIS
en présence de Madame X..., responsable d'agence
INTIME :
Monsieur Lionel Y...
...
49150 VAULANDRY
comparant-assisté de Maître Christian PRIOUX de la SCP PRIOUX SLADEK, avocats au barreau de SAUMUR
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Octobre 2014 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne JOUANARD, président chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller
Madame Anne LEPRIEUR, conseiller
Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 25 Novembre 2014, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DU LITIGE :
La société Anjou Valorisation Energie Déchets-Véolia (ci-après : la société SAVED) a pour activité l'incinération de divers déchets et leur valorisation sous forme de production électrique, et elle exploite à ce titre une usine d'incinération située à Lasse (49).
Son principal client est le syndicat mixte intercommunal de valorisation et de recyclage des déchets de l'Est Anjou, dénommé SIVERT.
Dans ses relations avec ses salariés, elle relève de l'application de la convention collective des activités du déchet.
Suivant lettre d'engagement du 30 avril 2004, elle a embauché M. Lionel Y...à compter du 24 mai 2004 en qualité de chef de quart de l'usine de Lasse, statut agent qualifié de centre de traitement de déchets, niveau 3, position3, coefficient 132 de la convention collective applicable, moyennant un salaire de base brut mensuel de 1 570, 80 ¿ pour 144, 43 heures de travail mensuel, outre les primes et indemnités conventionnelles liées à l'activité et un 13ème mois.
Après l'avoir, par courrier du 8 mars 2010, convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 19 mars 2010, par courrier du 24 mars 2010 réceptionné le lendemain, la société SAVED a notifié à M. Lionel Y...son licenciement " pour cause réelle et sérieuse " dans les termes suivants :
" Monsieur,
... Au cours de cet entretien, nous vous avons fait part des griefs que nous étions amenés à formuler à votre encontre à savoir :
Nous réceptionnons en date du 15 février 2010, un courrier de mise en demeure adressé par notre client principal : ce dernier invoque un défaut de traitement du dysfonctionnement sur le système d'alerte incendie depuis plusieurs semaines. Par ce courrier, notre client nous menace d'appliquer la pénalité contractuelle à hauteur de 1500 ¿ par jour de dysfonctionnement présumé.
La Direction interpelle alors le client à l'occasion d'une entrevue afin d'obtenir davantage de précisions sur les termes de son courrier, faute de comprendre l'allégation du client qui fait état d'un dysfonctionnement sur l'organe incendie depuis plusieurs semaines. Le client rétorque qu'il a obtenu l'information d'un chef de quart.
Le responsable de production questionne alors le chef de quart, et le 17 février, vous seul reconnaissez avoir communiqué des informations au client sur le dysfonctionnement du système d'alerte incendie en date du 10 février (sur vos temps et lieu de travail), soit 5 jours avant que nous réceptionnons le courrier de mise en demeure.
Lors de l'entretien, vous avez reconnu avoir donné des informations au client relatives à l'état de fonctionnement du dit système, en nous précisant avoir répondu aux seules questions du client. Nous vous avons rappelé qu'à l'occasion d'une réunion de novembre 2009, la Direction avait rappelé à l'ensemble du personnel, vous y compris, qu'il n'avait pas à communiquer au client d'informations concernant l'exploitation de l'usine, qu'au vu des enjeux commerciaux en cours, l'interlocuteur privilégié du client devait être la Direction. La Direction avait alors commandé au personnel lorsqu'il est sollicité par le client sur tel ou tel point, de l'inviter à soumettre ses questions directement à la Direction, et en aucune manière de répondre au client.
Nous constatons et déplorons que vous avez passé outre les ordres de votre hiérarchie ; pire vous avez communiqué des informations au client qui, ne relevant pas de votre compétence, ont induit le client en erreur quant à la lecture du dysfonctionnement du système d'alerte incendie. En effet, le 10 février, date à laquelle vous avez renseigné le client, le système d'alerte incendie était en panne, pour autant des mesures palliatives de sécurisation avaient été mises en place, et une équipe de maintenance était en train de traiter la panne en question, précisions que vous n'avez pas apportées au client (ce que vous avez reconnu lors de l'entretien).
Aux dires du client, il aurait été dit par notre salarié « informateur » que ce système d'alerte incendie était en panne depuis plusieurs semaines, ce qui reviendrait à dire que notre collaborateur aurait donné au client une information erronée puisque le système d'alerte incendie n'a été en panne seulement que quelques jours, en date du 8 février.
Lors de notre entretien, nous vous avons rappelé le lien de subordination qui caractérise la relation employé et employeur et qu'à ce titre vous vous devez d'exécuter votre travail sous l'autorité de votre employeur. Vous nous avez confirmé en avoir parfaite connaissance.
Par ailleurs, nous vous reprochons deux erreurs de conduite de l'usine, intervenues coup sur coup les 13/ 02/ 2010 et 02/ 03/ 2010 : à deux reprises, vous avez perdu le contrôle de l'incinération, provoquant une forte chute du débit vapeur et une interruption de la production d'électricité. Ces erreurs de conduite sont inacceptables compte tenu de votre expérience et de votre qualification. En plus de porter atteinte à la qualité de la production que les clients (collectivité et EDF) sont en droit d'attendre de notre entreprise, vous avez exposé l'usine à un risque environnemental.
Nous ne pouvons pas tolérer plus longtemps ni vos négligences de conduite, ni votre attitude indisciplinée consistant à vous opposer sans raison objective aux ordres de votre hiérarchie, ni votre attitude d'insubordination consistant à divulguer des informations ne relevant pas de votre compétence, au client, au risque de nuire à l'entreprise.
Les explications que vous nous avez fournies au cours de l'entretien préalable ne sont pas de nature à modifier notre appréciation quant à la gravité des faits qui vous sont reprochés.
Votre attitude, votre comportement et vos notions de la responsabilité ne nous permettent plus de vous accorder notre confiance, ni en tant que collaborateur, ni qui plus est en tant que chef de quart.
En conséquence, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse, la date de première présentation de la présente lettre recommandée fixant le point de départ de votre préavis de deux mois.
Nous vous dispensons de votre période de préavis qui vous sera néanmoins payée. ".
Il ressort des débats à l'audience et des déclarations mêmes de Mme Christelle X..., directrice d'agence, auteur de la lettre de licenciement, d'une part, que le matin du 24 mars 2010, cette dernière a téléphoné à M. Lionel Y...pour l'informer de ce qu'il était dispensé de quart ce jour-là (étant précisé qu'il devait normalement travailler l'après-midi) et lui demander de ne pas se présenter à l'entreprise, d'autre part que, lorsque le salarié s'est présenté à l'entreprise pour prendre son poste à 13 heures, Mme X...l'a invité à repartir chez lui, son remplacement étant assuré par le chef de production.
Le 23 juillet 2010, M. Lionel Y...a saisi le conseil de prud'hommes pour contester son licenciement.
A l'issue de l'audience du 26 mai 2011, par jugement avant dire droit du 28 juillet 2011, le conseil de prud'hommes a ordonné une mesure d'enquête qui a été diligentée dans les locaux de l'usine le 15 septembre 2011 et a donné lieu à un rapport établi par les conseillers rapporteurs le 28 octobre 2011.
Dans le dernier état de la procédure de première instance, la salarié sollicitait, à titre principal, sa réintégration, subsidiairement, des dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et des dommages et intérêts pour préjudice distinct.
Par jugement du 22 mars 2012 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le conseil de prud'hommes de Saumur a :
- jugé le licenciement de M. Lionel Y...dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
- condamné la société SAVED à lui payer les sommes suivantes :
¿ 41 800 ¿ de dommages et intérêts pour licenciement injustifié,
¿ 5 000 ¿ de dommages et intérêts pour préjudice distinct,
¿ 3 500 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société SAVED aux dépens, sa demande formée au titre des frais irrépétibles étant rejetée.
Cette dernière a régulièrement relevé appel général de cette décision par lettre recommandée postée le 12 avril 2012.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Vu les conclusions et observations orales des parties à l'audience des débats du 7 octobre 2014 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés ;
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 13 février 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles la société SAVED demande à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris ;
- de juger que le licenciement de M. Lionel Y...repose sur une cause réelle et sérieuse et de le débouter de toutes ses prétentions ;
- de le condamner à lui payer la somme de 4 000 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
L'employeur fait valoir essentiellement que :
1) s'agissant du licenciement :
- il n'y a pas eu de licenciement verbal le 24 mars 2010, le salarié ayant seulement été dispensé de l'exécution de son quart sans notification d'une rupture ; en tout état de cause, la lettre de licenciement a bien été expédiée le 24 mars 2010 de sorte que c'est à cette date que se situe la rupture ;
- les faits reprochés au salarié, à savoir :
1o) la fourniture, intervenue le 10 février 2010, d'informations inexactes sur l'exploitation de l'usine, en l'occurrence sur le dysfonctionnement du système d'alerte incendie, au SIVERT, principal client de l'entreprise et ce au mépris des instructions reçues de la direction,
2o) la réitération d'erreurs de conduite et de manipulation intervenues les 13 février et 2 mars 2010 lors des quarts de M. Lionel Y...et tenant à la surcharge de la grille d'incinération au mépris des consignes existantes, erreurs qui sont inacceptables au regard de la qualification et de l'expérience du salarié,
sont établis et justifient le licenciement ;
2) s'agissant de l'indemnité allouée pour licenciement injustifié :
- elle est excessive, le salarié ne justifie pas d'un tel préjudice ;
3) s'agissant de la demande de dommages et intérêts pour préjudice distinct :
- le licenciement de M. Lionel Y...ne présente aucun caractère brutal ou vexatoire ; le salarié ne justifie d'aucune faute à l'origine d'un préjudice distinct ; la condamnation prononcée de ce chef n'est pas fondée.
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 5 février 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles, formant appel incident, M. Lionel Y...demande à la cour :
- de lui donner acte de ce qu'il renonce à sa demande de réintégration ;
- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
- de condamner la société SAVED à lui payer la somme de 50 160 ¿ à titre d'indemnité pour licenciement injustifié, celle de 15 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct outre 7 500 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
L'intimé fait valoir essentiellement que :
1) sur le licenciement :
- il a fait l'objet d'un licenciement verbal le 24 mars 2010, dès le matin en tout cas dès 13 heures, heure de sa prise de poste en ce que, alors qu'il était de quart l'après-midi, la directrice d'agence, Mme Christelle X..., lui a téléphoné vers 9 heures pour lui dire qu'il était inutile qu'il se présente au travail et cette notification a été réitérée verbalement l'après-midi dans la mesure où, alors que, ne faisant pas l'objet d'une mise à pied conservatoire, il s'est présenté à son poste à l'heure d'embauche, Mme X...lui a dit de repartir chez lui, son remplacement étant assuré par le chef de production ;
- il conteste que les manquements invoqués à son encontre :
¿ s'agissant des faits du 10 février 2010, il n'a fait que répondre à une question technique d'un employé du SIVERT mais n'a en aucun cas donné une information erronée au client, ni révélé une information secrète ;
¿ s'agissant des faits des 13 février et 2 mars 2010, il n'a jamais perdu le contrôle de la conduite de la centrale mais il est au contraire parvenu à remettre cette centrale en situation stable dans les meilleurs délais sans assistance et sans conséquences polluantes pour l'environnement ; il n'a pas pu
surcharger la trémie de la grille d'incinération puisque c'est son collègue qui était au chargement ; les chutes de débit vapeur constituent des événements relativement fréquents et, dans la gestion d'un four d'incinération, il faut compter
avec l'inertie de celui-ci puisque le système ne réagit qu'au bout de 6 heures ; les 13 février et 2 mars 2010, c'est l'existence de terreau humide dans le mélange de déchets à traiter qui a entraîné une chute de débit vapeur ;
- le licenciement présente un caractère brutal, vexatoire et malveillant compte tenu du " cynisme " des arguments avancés par l'employeur pour tenter de se justifier.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur le licenciement :
Aux termes de l'article L. 1232-6 du code du travail, lorsque l'employeur décide de licencier le salarié, il doit lui notifier sa décision par une lettre de licenciement contenant l'énonciation du ou des motifs du licenciement, à défaut de quoi le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. Il incombe au salarié qui invoque un licenciement verbal d'en rapporter la preuve.
En l'espèce, il résulte des explications fournies à l'audience devant la cour par Mme Christelle X..., directrice d'agence, auteur de la lettre de licenciement que :
- le 24 mars 2010 en tout début de matinée, elle a en effet téléphoné à M. Lionel Y..., dont il ne fait pas débat qu'il était ce jour là de quart l'après-midi, de sorte qu'il prenait son travail à 13 heures, afin de lui faire connaître qu'il était dispensé de quart ce jour là ;
- quand le salarié s'est malgré tout présenté à son poste à 13 heures pour prendre son travail, il était remplacé par l'adjoint de Mme X..., M. Eric Z..., le chef de production, et elle a invité M. Lionel Y...à repartir chez lui.
Le cahier de quart du 24 mars 2010 (pièce no 25 de l'intimé) mentionne d'ailleurs comme équipe de quart de 13 h à 21 h M. Bertrand A...et M. Eric Z...alors qu'il est constant que le planning en vigueur jusqu'à ce que M. Lionel Y...quitte son travail à 13 h le 23 mars 2010 le désignait comme co-équipier de M. A...pour le quart du 24 mars après-midi.
Lors de l'audience, Mme Christelle X...a expliqué qu'elle avait agi ainsi le 24 mars 2010 à l'égard du salarié car, la lettre de licenciement étant déjà rédigée et " même postée ", il était " difficile " pour elle " d'avoir M. Y...dans l'entreprise ".
Or, il résulte de la pièce no 5 produite par l'intimé (lettre de licenciement et imprimé de pli recommandé-avis de présentation et de réception) que la lettre de licenciement datée du 24 mars 2010 n'a été remise au bureau de poste de Baugé (49) et expédiée ce jour là qu'à 16 heures, soit trois heures après que le salarié ait été invité à repartir chez lui.
Il suit de là qu'en faisant, le 24 mars 2010 à 13 heures, soit à un moment où la lettre de licenciement n'avait pas encore été remise à la poste pour être expédiée, obstruction à sa prise de poste et à l'accomplissement de sa prestation
de travail par le salarié en l'invitant à rentrer chez lui alors qu'aucune mise à pied conservatoire ne lui avait été notifiée mais qu'il lui avait seulement été indiqué le matin même, sans explication et en contradiction avec le planning de la veille, qu'il était dispensé de l'exécution de son quart, la société SAVED a clairement manifesté sa volonté de rompre le contrat de travail.
La preuve du licenciement verbal ainsi intervenu le 24 mars 2010 dès 13 heures, avant l'expédition de la lettre de licenciement, est donc suffisamment rapportée et ce premier motif tenant à l'absence de notification écrite du ou des motifs du licenciement justifie que la rupture soit déclarée sans cause réelle et sérieuse.
En tout état de cause, comme l'ont exactement retenu les premiers juges, le licenciement apparaît mal fondé.
Aux termes de la lettre de rupture, l'employeur reproche tout d'abord au salarié d'avoir, le 10 février 2010, en violation des consignes données à l'ensemble des salariés relativement à la manière de communiquer avec les clients, fourni au SIVERT des informations erronées relatives au dysfonctionnement du système de détection incendie, ces informations ne relevant pas de sa compétence.
Il convient d'observer que, par lettre du 10 février 2010, le SIVERT a fait connaître à la société SAVED que, suite à une visite du jour même, l'un de ses préposés avait constaté que la détection incendie du bâtiment de stockage de balles était " toujours hors service " alors que cette situation avait déjà été constatée plusieurs semaines auparavant et, devant le risque sérieux d'incendie créé par l'importante quantité de balles stockées, il la mettait en demeure de procéder à la remise en état du système de détection incendie sous quinzaine. Contrairement à ce que soutient l'appelante, ce courrier ne comporte aucune menace pécuniaire.
Il résulte des explications fournies par la société SAVED que des incidents s'étaient déjà produits au mois de novembre 2009 au niveau du système de détection incendie du local de stockage des balles, que ces difficultés avaient été réglées en janvier 2010 (ce qui n'est pas établi), qu'un nouveau dérangement s'était déclaré le 4 février 2010 pour la résolution duquel elle avait, le jour même, sollicité la société Chubb, ce dont elle justifie par ses pièces no 6 et 7.
Aux termes de l'attestation qu'il a établie le 22 avril 2010 (pièce no 22 de l'intimé), M. Johan B..., technicien supérieur territorial du SIVERT qui a procédé à la visite d'inspection du 10 février 2010, relate que, lors de son passage, il a lui-même constaté, par la présence d'un témoin rouge, que la centrale incendie était en défaut, situation qui, selon lui, était surveillée depuis plusieurs semaines car les équipes du SIVERT avaient déjà constaté des dysfonctionnement, qu'il a demandé au chef de quart, M. Lionel Y..., de pouvoir constater quelles étaient les zones en défaut, qu'il a relevé deux zones en anomalie à savoir, la zone de stockage de balles et le local groupe turbo alternateur, et n'a eu aucun autre échange avec le chef de quart, le témoin précisant que la suite de la procédure a été traitée en interne au SIVERT sur la base d'éléments dont ce dernier disposait déjà, des échanges ayant eu lieu à ce sujet en novembre 2009 entre les directeurs des deux structures suite à une affichette placée sur la centrale incendie et qui précisait que la détection incendie du local de stockage de balles était hors service. Le témoin ajoute que ce dysfonctionnement avait été relevé tant par le personnel du SIVERT que par les magistrats de la Chambre régionale des comptes des Pays de la Loire qui en avaient fait part au président et au directeur du SIVERT.
Tout d'abord, l'employeur est parfaitement défaillant à démontrer qu'il aurait donné à l'ensemble de son personnel et à M. Lionel Y...en particulier
des consignes de communication avec les clients, emportant interdiction de leur fournir des informations concernant l'exploitation de l'usine et consistant à les inviter à se rapprocher directement de la direction.
En effet, elle se prévaut à cet égard d'une note de service (sa pièce no 20) et d'une réunion d'information qui s'est déroulée le 10 novembre 2009 (sa pièce no 22).
La note de service ayant pour objet : " Rappel-Communication avec le SIVERT " est ainsi libellée : " Je rappelle qu'il est formellement interdit de communiquer toute information concernant de près ou de loin la vie de l'usine (fonctionnement, apports de déchets, procédures panne etc...) " signé " C. X...". Cette note n'est pas datée et aucun élément objectif ne permet de la situer dans le temps et de justifier de sa communication effective au personnel, notamment à M. Lionel Y.... Elle ne saurait donc faire preuve de la consigne invoquée.
Quant à la journée de formation du 10 novembre 2009 à laquelle le salarié a effectivement participé, il ressort du support produit qu'elle avait pour thème " La sécurité " et plus spécifiquement la capacité d'un salarié à adopter un comportement adapté devant un collègue en situation de danger. Ce support ne contient pas la moindre référence à la question relative à la communication avec les clients, notamment avec le SIVERT, et la société SAVED ne justifie pas que cette journée de formation à la sécurité ait été l'occasion d'aborder le thème de la communication et de délivrer des consignes sur ce point.
En second lieu, il ressort du témoignage de M. Johan B...que M. Lionel Y...ne lui a livré aucune information particulière le 10 février 2010, encore moins une information erronée, mais qu'il lui a seulement permis, en sa qualité de chef de quart présent sur le site, de mieux cerner la localisation du dysfonctionnement du système de détection incendie, dysfonctionnement qu'il avait été à même de constater seul par la présence d'un voyant rouge et qu'il savait être récurrent.
Aucun élément ne permet de retenir que le salarié aurait dû, alors surtout qu'il s'agissait d'une visite d'inspection, s'opposer à la demande formée par le technicien supérieur territorial du SIVERT procédant à cette visite.
L'employeur est mal fondé à reprocher au salarié de ne pas avoir informé ce technicien du fait que la panne était en cours de traitement par la société Chubb. En effet, aucun élément ne permet de considérer que M. Lionel Y...aurait détenu cette information.
Les termes de la lettre de licenciement selon lesquels le SIVERT lui aurait dit que " le salarié informateur " avait fait état auprès de son technicien d'une panne perdurant depuis plusieurs semaines ne sont corroborés par aucun élément, le témoin indiquant au contraire expressément que M. Lionel Y...s'est contenté de répondre à sa demande très ciblée.
Comme l'ont exactement retenu les premiers juges, la preuve de la matérialité du premier grief fait donc défaut, aucune violation de consigne ni divulgation d'information erronée ne relevant pas de sa compétence n'étant établies contre M. Lionel Y....
En second lieu, aux termes de la lettre de licenciement, la société SAVED reproche au salarié " deux erreurs de conduite de l'usine " intervenues les 13 février et 2 mars 2010 caractérisées selon elle par une perte de contrôle de l'incinération provoquant une forte chute du débit vapeur et une interruption de la production d'électricité. Elle soutient que ces erreurs de conduite ont porté atteinte à la qualité de la production et exposé l'usine à un risque environnemental ce dont elle ne justifie en rien.
Dans la lettre de licenciement, l'employeur ne précise pas en quoi auraient consisté concrètement les erreurs de conduites alléguées. C'est seulement dans le cadre de l'instance prud'homale qu'il précise que le reproche fait au salarié est d'avoir surchargé la grille d'incinération en y mettant une quantité de déchets supérieure à 17 tonnes/ heure, en l'occurrence jusqu'à 21 et 22 tonnes ce qui, selon lui, serait nécessairement à l'origine des deux incidents.
Il convient d'expliquer sur le plan pratique que le four d'incinération de l'usine de Lasse fonctionne 7 jours sur 7 et 24 h sur 24 h avec six équipes de quart de deux personnes chacune-un adjoint de quart et un chef de quart, fonction qu'occupait M. Lionel C...qui l'alimentent et le font fonctionner en relais.
Les déchets ménagers et industriels sont apportés à l'usine d'incinération par des camions et sont déversés pèle mêle dans une grande fosse. Il s'agit donc de déchets très hétérogènes qui sont mélangés continuellement par l'adjoint de quart au moyen d'un grappin actionné par commandes électriques. Ce mélange est plus ou moins humide selon la nature des déchets et selon qu'il s'est imbibé plus ou moins longtemps du jus rendu par les déchets stockés. Sur ordre du chef de quart, l'adjoint de quart alimente la trémie ; sous la trémie, les déchets arrivent sur un tapis roulant (plan de grille), ils sont séchés, puis incinérés dans le four et recyclés en fin de combustion. (Cf rapport des conseillers rapporteurs). La production de vapeur régule automatiquement l'approvisionnement des déchets.
Pour la bonne exploitation du four et garantir une bonne combustion, il faut respecter une corrélation entre le tonnage de déchets incinérés, le pouvoir calorifique inférieur (PCI) des déchets manipulés et la production de vapeur.
Les 13 février et 2 mars 2010 est survenue une chute importante du débit vapeur de sorte que M. Lionel Y...a dû passer en mode manuel pour agir sur l'approvisionnement, ce qui a permis une reprise progressive du débit vapeur.
Comme l'ont relevé les premiers juges, il ressort des pièces versées aux débats que les chutes de débit vapeur ne sont pas des incidents exceptionnels mais surviennent relativement régulièrement (par exemple : cinq sur une période de quinze jours) pour des raisons diverses. Il résulte du rapport des conseillers rapporteurs qu'une telle chute importante du débit vapeur est survenue lors de leur visite à l'usine et ils ont pu la constater sur les écrans de contrôle.
Aucun élément objectif ne permet d'accréditer l'affirmation de l'employeur selon laquelle la surcharge de la grille d'incinération a été, les 13 février et 2 mars 2010, de façon certaine et exclusive à l'origine de la chute du débit vapeur. En effet, M. Bertrand A...qui était, ces jours là, l'adjoint de poste faisant équipe avec M. Lionel Y...atteste, comme il l'a déclaré aux conseillers rapporteurs le 15 septembre 2011, qu'à l'époque des faits, l'usine recevait du compost, sorte de terreau très humide, substance qui " tombait en mottes " et nuisait à la combustion, ce dont, selon lui, les salariés s'étaient plaints, et il explique que les chutes du débit vapeur survenues aux dates litigieuses étaient liées à un mauvais pouvoir calorifique inférieur des déchets manipulés ou mauvais PCI, étant souligné, d'une part, que l'employeur reconnaît (cf page 12 de ses écritures) que, compte tenu du caractère hétérogène des déchets traités par une usine d'incinération, il s'agit d'un combustible dont le PCI est, par définition, variable, d'autre part, qu'il n'a pas fourni le PCI des déchets incinérés aux dates litigieuses.
En outre, M. Bertrand A...confirme que c'est bien lui qui alimentait le four et que le chef de poste ne peut pas influer sur cette alimentation.
Il ressort par ailleurs de l'enquête réalisée que le chef de quart et l'adjoint de quart sont les deux seuls intervenants présents pour alimenter le four d'incinération et le faire fonctionner. Les premiers juges ont relevé à juste titre qu'étant appelés à diverses tâches, rondes et petites interventions il leur est impossible d'être en permanence devant les écrans de surveillance pour veiller à la bonne gestion des trois paramètres ci-dessus rappelés.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que :
- rien ne permet d'imputer à M. Lionel Y...seul la surcharge de tonnage puisque l'adjoint de quart, M. A..., alimentait le four ;
- rien ne permet d'établir que ce tonnage ait été la cause certaine et exclusive de la chute du débit vapeur survenue les 12 février et 4 mars 2010 et que le PCI, dont l'employeur ne justifie pas, n'ait joué aucun rôle étant souligné que l'équipe de quart ne peut pas influer sur cette donnée ;
- les incidents de chute de débit vapeur ne sont pas exceptionnels et l'état des effectifs de quart ne permet pas une surveillance constante des écrans de contrôle de déroulement des opérations ;
- il n'est justifié ni d'une atteinte à la production ni d'un incident de pollution survenus aux dates litigieuses.
Comme l'ont exactement retenu les premiers juges, la preuve d'erreurs de conduite de l'usine imputables à M. Lionel Y...les 13 février et 2 mars 2010 n'est donc pas rapportée.
Les griefs avancés dans la lettre de licenciement n'étant pas établis, pour ce second motif, le licenciement doit être déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement sera confirmé sur ce point.
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M. Lionel Y..., auquel il sera donné acte qu'il renonce à sa demande de réintégration, justifiant d'une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés, il peut prétendre à l'indemnisation de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail, selon lequel l'indemnité à la charge de l'employeur ne peut pas être inférieure aux salaires des six derniers mois, lesquels se sont élevés en l'espèce à la somme de 14 718, 17 ¿.
Compte tenu de la situation particulière du salarié, notamment de son âge (47 ans) et de son ancienneté (5 ans et 10 mois) au moment du licenciement, du fait qu'il est resté au chômage du mois de juin 2010 au mois de février 2013 période au cours de laquelle il a obtenu un diplôme de technicien de maintenance des équipements thermiques, qu'il a d'abord retrouvé du travail en intérim avant d'être embauché en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er juin 2013, du fait que cet emploi situé à 120 kilomètres de son domicile lui impose de louer un pied à terre meublé et implique un éloignement familial, par voie d'infirmation du jugement entrepris quant au montant de l'indemnité allouée, la cour dispose des éléments nécessaires pour fixer à 35 000 ¿ le montant de l'indemnité destinée à réparer le préjudice subi.
Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice distinct :
A l'appui de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice distinct, M. Lionel Y...invoque le " cynisme " des arguments avancés par l'employeur pour tenter de justifier son licenciement et soutient qu'il " paie le fait d'avoir été délégué syndical et d'avoir soutenu ses collègues de travail ".
Aucun élément ne vient accréditer sa thèse selon laquelle ses fonctions de délégués du personnel, dont il a d'ailleurs démissionné le 27 octobre 2008, soit 18 mois environ avant le licenciement, auraient un lien avec la décision de le licencier. En tout état de cause, cette circonstance ne serait pas de nature à permettre de caractériser une attitude fautive de l'employeur dans les circonstances ayant entouré la rupture du contrat de travail qui soit à l'origine d'un préjudice distinct de celui résultant de la perte de l'emploi.
De même, nonobstant le caractère non fondé des griefs invoqués, les termes de la lettre de licenciement ne permettent pas de caractériser une attitude fautive, notamment vexatoire, de la part de l'employeur.
Par voie d'infirmation du jugement déféré, M. Lionel Y...sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice distinct.
PAR CES MOTIFS ;
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort ;
Donne acte à M. Lionel Y...de ce qu'il abandonne sa demande de réintégration ;
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il lui a alloué des dommages et intérêts pour préjudice distinct en application des dispositions de l'article 1382 du code civil et s'agissant du montant de l'indemnité allouée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Statuant à nouveau de ces chefs,
Déboute M. Lionel Y...de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice distinct ;
Condamne la société Anjou Valorisation Energie Déchets-Véolia (SAVED) à lui payer la somme de 35 000 ¿ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la société Anjou Valorisation Energie Déchets-Véolia (SAVED) à payer à M. Lionel Y...la somme de 2 000 ¿ au titre de ses frais irrépétibles d'appel et la déboute elle-même de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Anjou Valorisation Energie Déchets-Véolia (SAVED) aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
V. BODINAnne JOUANARD