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25/11/2014 | FRANCE | N°12/00303

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 25 novembre 2014, 12/00303


COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N
aj/

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 00303.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 18 Janvier 2012, enregistrée sous le no 10/ 00724

ARRÊT DU 25 Novembre 2014

APPELANTE :

Madame Estelle X...
...
49100 ANGERS
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/ 002840 du 30/ 03/ 2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)

non comparante-représentée pa

r Maître PAVET de la SCP LE DEUN-PAVET-VILLENEUVE-DAVETTE-BENOIST-DUPUY, avocats au barreau du MANS-No du dossier 20101755...

COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N
aj/

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 00303.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 18 Janvier 2012, enregistrée sous le no 10/ 00724

ARRÊT DU 25 Novembre 2014

APPELANTE :

Madame Estelle X...
...
49100 ANGERS
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/ 002840 du 30/ 03/ 2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)

non comparante-représentée par Maître PAVET de la SCP LE DEUN-PAVET-VILLENEUVE-DAVETTE-BENOIST-DUPUY, avocats au barreau du MANS-No du dossier 20101755

INTIMEES :

LA SARL SUD BONOBO
44 Place Dou Malet
83600 FREJUS

non comparante-non représentée

Madame Anne Z... commissaire à l'exécution du plan de la sarl SUD BONOBO
246 avenue du xv corps
Les terrasses du XV
83600 FREJUS

non comparante-non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Octobre 2014 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne PORTMANN, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anne JOUANARD, président
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller
Madame Clarisse PORTMANN, conseiller

Greffier : Madame BODIN, greffier.

ARRÊT : prononcé le 25 Novembre 2014, réputé contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE :

Suivant contrat de travail du 1er juin 2007, Mme Estelle X...a été embauchée par la société Sud Esprit, devenue par la suite la société Sud Bonobo, en qualité de responsable de magasin, affectée à La Flèche, moyennant une rémunération brute de 1450 euros à laquelle s'ajoutait un intéressement sur le chiffre d'affaire.

Par avenant du 28 avril 2008, il a été convenu que la société Sud Bonobo accorderait à sa salariée un forfait kilométrique de 0, 20 euros par km.

Par courrier en date du 5 mars 2010, la société Sud Bonobo a adressé à Mme Estelle X...une proposition de suppression de cette participation aux frais de déplacement, ce que la salariée a refusé le 3 avril 2010.
Elle a par suite été licenciée pour motif économique le 22 mai 2010.

L'exécution de son préavis a été rompue pour faute grave suivant courrier recommandé daté du 16 juin 2010.

Contestant ces deux mesures, Mme Estelle X...a saisi le conseil de prud'hommes du Mans le 28 décembre 2010.

Par un jugement du 18 janvier 2012, ladite juridiction a :
- confirmé le licenciement économique de Mme Estelle X...,
- dit que son licenciement repose bien sur une cause grave,
- débouté Mme Estelle X...de l'intégralité de ses demandes,
- débouté la société Sud Bonobo de sa demande reconventionnelle pour frais irrépétibles,
- condamné Mme Estelle X...aux entiers dépens.

Cette dernière a relevé appel du jugement.

L'affaire a été examinée à l'audience du 14 octobre 2014.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par ses conclusions parvenues au greffe le 30 août 2013, régulièrement notifiées à la société Sud Bonobo et à Me Z..., nommée aux fonctions de commissaire à l'exécution du plan adopté au profit de celle-ci, qui ont signé l'avis de réception de cet envoi les 2 et 9 septembre 2013, soutenues à l'audience, ici expressément visées, et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, Mme Estelle X...demande à la cour :
- de constater que le licenciement pour motif économique est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- de constater que la rupture du préavis pour faute grave est abusive,
- de condamner en conséquence la société Sud Bonobo à lui payer les sommes suivantes :

*3140 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
*314 euros au titre des congés payés y afférents,
*942 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
*les intérêts sur ces trois sommes à compter du 31 janvier 2011,
*18000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- d'ordonner la remise par la société Sud Bonobo d'un bulletin de salaire afférent aux condamnations salariales, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle Emploi rectifiée,
- de déclarer l'arrêt commun et opposable à Me Z....

Au soutien de ses demandes, elle prétend que le motif économique qui justifierait son licenciement n'est pas avéré, ne pouvant être constitué par une simple baisse du chiffre d'affaire. Elle ajoute qu'en tout état de cause, il ne pourrait motiver la suppression du poste de responsable de magasin.

S'agissant de la faute grave qui lui est reprochée, elle soutient que le témoignage empreint de subjectivité produit par son adversaire en première instance, qui émane d'une jeune vendeuse placée sous la responsabilité de l'employeur, ne peut légitimer la rupture, soulignant qu'il ne pouvait lui être demandé de se montrer particulièrement zélée durant l'exécution de son préavis.

Elle fait observer que l'une de ses collègues, également en poste depuis 2007, a fait l'objet d'un licenciement pour faute grave dans le même trait de temps, ce qui démontre la volonté de la direction de vider de sa substance une grande partie du personnel du magasin.

Bien qu'ayant signé l'avis de réception de leur lettre de convocation, ni la société Sud Bonobo, ni Me Z... n'ont comparu.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Si le tribunal de commerce de Fréjus a, le 30 juillet 2012, ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Sud Bonobo, celle-ci bénéficie, depuis le 27 mai 2013, d'un plan de continuation, de sorte qu'elle est à nouveau in bonis.

Me Z..., nommée aux fonctions de commissaire à l'exécution du plan ayant été régulièrement convoquée, le présent arrêt lui sera déclaré opposable.

I-Sur le licenciement économique :

En application de l'article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique, le licenciement effectué pour un ou plusieurs motifs, non inhérents à la personne du salarié, qui repose sur une cause économique (notamment, des difficultés économiques ou des mutations technologiques, mais aussi, la réorganisation de l'entreprise, la cessation non fautive d'activité de l'entreprise), laquelle cause économique doit avoir une incidence sur l'emploi du salarié concerné (suppression ou transformation) ou sur son contrat de travail.

Il résulte d'un courrier établi le 3 avril 2010 par Mme Estelle X..., que son employeur lui a, par lettre recommandée du 5 mars 2010, non versée aux débats, fait part de son intention de modifier partiellement l'article 9 de son contrat de travail et de supprimer la participation à ses frais de déplacement, ce qu'elle a refusé.

Ce refus a conduit la société Sud Bonobo à notifier à sa salariée, par lettre du 22 mai 2010, une mesure de " licenciement pour motif économique à titre conservatoire ", ainsi rédigée : " Nous avons été contraints d'engager à votre encontre une procédure de licenciement suite à votre refus d'accepter les modifications de votre contrat pour les motifs économiques suivants : les résultats obtenus par le magasin depuis son ouverture sont inférieurs de 16 % en 2009 au regard de l'année précédente et de 18 % depuis le début de l'année 2010 en terme de chiffre d'affaire par rapport au seuil de rentabilité fixé par l'enseigne ".

Il appartient au juge d'apprécier la réalité du motif économique rendant nécessaire la modification du contrat de travail refusée.

Or, en l'espèce, la société Sud Bonobo, qui n'a pas comparu, n'a produit aucune pièce démontrant la réalité des chiffres qu'elle avance, ainsi que l'existence de difficultés économiques la contraignant à supprimer la prise en charge des frais de déglacement de sa salariée. La seule baisse du chiffre d'affaires, à la supposer réelle, ne serait pas suffisante à justifier cette mesure, en l'absence d'éléments plus précis d'une part sur la situation financière de l'entreprise et sur la manière dont le seuil de rentabilité a été fixé et, d'autre part, sur le montant que représentaient les frais de déplacement versés à Mme Estelle X.... Au surplus, il convient de relever que la société Sud Bonobo admet elle même dans la lettre de licenciement faire partie d'un groupe, et que c'est au niveau de celui-ci que les difficultés dont s'agit devaient être examinées. Or aucune pièce n'est produite de ce chef.
Par suite, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré comme fondé le licenciement économique de Mme Estelle X....

II-Sur la rupture du préavis pour faute grave :

Dès lors que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, Mme X...est en droit d'exiger le paiement de l'intégralité de l'indemnité de préavis telle que résultant des dispositions de l'article L. 1234-5 du code du travail.

Cette indemnité lui est d'autant plus due que la rupture de son préavis pour faute grave était injustifiée.

En effet si l'employeur peut, pour éviter d'avoir à le rémunérer jusqu'à son terme, interrompre le préavis c'est à la condition de rapporter la preuve d'une faute contractuelle de la salariée qui soit suffisamment grave pour rendre impossible sa poursuite.

Or en l'espèce alors qu'aux termes du courrier du 16 juin 2010 l'employeur a justifié la rupture du préavis de Mme Estelle X...en lui reprochant divers manquements, force est de constater qu'il ne comparait pas en appel et n'offre donc pas de rapporter la preuve des griefs invoqués à l'encontre de Mme X...dans cette lettre.

Par ailleurs l'attestation de Melle Y..., vendeuse retenue par le premier juge aux termes de laquelle " Concernant Madame X..., elle n'avait plus envie de travailler et ne faisait presque plus rien, car elle savait qu'elle devait partir, elle jouait à un jeu de carte sur les coupes des jeans avec les stagiaires pendant les heures d'ouverture du magasin et devant les clients " émane d'une personne encore salariée de la société Sud Bonobo lorsqu'elle l'a rédigée, est unique et ne saurait à elle seule suffire à établir que le comportement de Mme Estelle X...était en deçà de celui qu'un employeur est en droit d'attendre d'un salarié en période de préavis.

Par suite, il convient d'infirmer de ce chef également le jugement du Conseil de Prud'hommes.

- Sur les conséquences du caractère non fondé du licenciement :

En application des articles L. 1234-9, sauf s'il est licencié pour faute grave, le salarié a droit à une indemnité de licenciement dès lors qu'il a un année d'ancienneté ininterrompue au service de l'employeur. Il doit aussi bénéficier d'une indemnité compensatrice de préavis.

Le calcul de Mme X...n'étant pas contesté, ses demandes seront, de ce chef, accueillies. Les sommes ainsi allouées porteront intérêt au taux légal à compter du 31 janvier 2011, date de la réception par la société Sud Bonobo de sa lettre de convocation devant le Conseil de Prud'hommes.

Il résulte des articles L. 1235-3 et L. 1235-5 du code du travail, que sauf s'il a moins de deux ans d'ancienneté ou s'il travaille dans une entreprise employant habituellement moins de onze personnes, le salarié licencié sans cause réelle et sérieuse peut prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure au salaire des six derniers mois.

Mme Estelle X..., en poste depuis trois ans, était âgée de 33 ans lors de la rupture de son contrat de travail, lequel est intervenu dans des conditions particulières puisque son préavis a été interrompu pour faute grave. Eu égard à ces éléments, et en retenant un salaire brut mensuel de 1570 euros, il convient de condamner la société Sud Bonobo à lui verser la somme de 13 000 euros à titre de dommages et intérêts, en l'absence d'éléments plus précis sur l'évolution de sa situation après son licenciement.

Il y a lieu, par application de l'article 1235-4 du code du travail, d'ordonner d'office le remboursement par la société Sud Bonobo des indemnités qui ont pu être versées par Pôle Emploi dans la limite de six mois ainsi qu'ils sera dit au dispositif.

Partie succombante, la société Sud Bonobo supportera les entiers dépens de première instance et d'appel et sera condamnée à verser à son adversaire une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par décision réputée contradictoire et en premier ressort,

- Infirme le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes du Mans le 18 janvier 2012,

- Dit et juge le licenciement pour motif économique de Mme Estelle X...dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- Dit et juge la rupture du préavis pour faute grave injustifiée,

- En conséquence, condamne la société Sud Bonobo à payer à Mme Estelle X...les sommes suivantes :
*3140 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
*314 euros au titre des congés payés y afférents,
*942 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de préavis,
*les intérêts sur ces trois sommes à compter du 31 janvier 2011,
*13000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Ordonne la remise par la société Sud Bonobo des documents légaux,

- Ordonne le remboursement par la société Sud Bonobo des indemnités versées par Pôle Emploi arrêtées la date de la présente décision et dans la limite de six mois,

- Condamne la société Sud Bonobo à payer à Mme Estelle X...la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la société Sud Bonobo aux dépens de première instance et d'appel,

- Déclare le présent arrêt commun et opposable à Me Z..., commissaire à l'exécution du plan.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

V. BODINAnne JOUANARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/00303
Date de la décision : 25/11/2014
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2014-11-25;12.00303 ?
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