La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/11/2014 | FRANCE | N°12/02408

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 18 novembre 2014, 12/02408


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N al/ jc

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 02408.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 25 Octobre 2012, enregistrée sous le no 11/ 00954
ARRÊT DU 18 Novembre 2014
APPELANTE :
LA CLINIQUE SAINT JOSEPH 51 rue de la Foucaudière 49800 TRELAZE

non comparante-représentée par Maître SULTAN, avocat de la SCP SULTAN-PEDRON-LUCAS-DE LOGIVIERE-RABUT, avocats au barreau d'ANGERS
INTIMEE :
Madame Cécile Y...... 49100

ANGERS

comparante-assistée de Maître RAIMBAULT, avocat au barreau d'ANGERS
COMPOSITION DE LA C...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N al/ jc

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 02408.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 25 Octobre 2012, enregistrée sous le no 11/ 00954
ARRÊT DU 18 Novembre 2014
APPELANTE :
LA CLINIQUE SAINT JOSEPH 51 rue de la Foucaudière 49800 TRELAZE

non comparante-représentée par Maître SULTAN, avocat de la SCP SULTAN-PEDRON-LUCAS-DE LOGIVIERE-RABUT, avocats au barreau d'ANGERS
INTIMEE :
Madame Cécile Y...... 49100 ANGERS

comparante-assistée de Maître RAIMBAULT, avocat au barreau d'ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Septembre 2014 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne LEPRIEUR, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller Madame Anne LEPRIEUR, conseiller

Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 18 Novembre 2014, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCEDURE

Mme Cécile Y...a été engagée à compter du 1er mars 1975 par la clinique Saint Joseph en qualité d'agent de service hospitalier. En dernier lieu, elle exerçait en qualité d'" ESH bloc " (employé du service hospitalier, filière soignante et concourant aux soins) et percevait un salaire brut mensuel de base de 1 474 ¿.
Les relations entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002.
La salariée, après avoir été convoquée à un entretien préalable fixé au 15 octobre 2008 auquel elle ne s'est pas présentée, a été licenciée pour faute grave le 22 octobre 2008 selon lettre ainsi motivée : " Il a été porté à notre connaissance, fin août 2008, du fait que vous vous étiez rendu coupable, le 25 juin dernier, de vols à l'encontre d'une de vos collègues de service dans les locaux de la Clinique. Vous avez ainsi soustrait frauduleusement, à Madame Z..., de l'argent en liquide ainsi que trois chèques bancaires. En forçant la porte de son vestiaire, vous avez pu extraire son sac à main et ainsi procéder aux vols précités. La gravité des faits est telle, qu'elle rend impossible votre maintien au sein de l'entreprise. "

Contestant le bien-fondé de son licenciement et soutenant avoir été victime de harcèlement moral, la salariée a saisi la juridiction prud'homale le 5 janvier 2009.
Par jugement du 25 octobre 2012, le conseil de prud'hommes d'Angers a jugé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse mais par sur une faute grave et condamné en conséquence l'employeur au paiement, avec intérêts légaux à compter de l'introduction de l'instance et anatocisme, et sous le bénéfice de l'exécution provisoire totale, des sommes suivantes : * 17 051 ¿ au titre de l'indemnité de licenciement ; * 2 976, 30 ¿ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 297, 63 ¿ de congés payés afférents ; * 1 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il a en outre ordonné à la clinique de remettre à la salariée un certificat de travail, une attestation Assédic et un solde de tout compte rectifiés sous astreinte, dont il s'est réservé la liquidation, et condamné la clinique aux dépens. Il a par contre débouté la salariée de ses demandes en paiement d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en réparation d'un préjudice moral distinct sur le fondement des articles 1382 du code civil et L. 1152-1 du code du travail. Il a également débouté la clinique de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive et d'indemnité pour frais irrépétibles.

Mme Y...a perçu la somme de 21 064, 94 ¿ au titre de l'exécution provisoire dudit jugement.
La clinique a régulièrement interjeté appel.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La clinique, dans ses conclusions régulièrement communiquées et parvenues au greffe le 22 juillet 2014, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, sollicite l'infirmation du jugement et la condamnation de la salariée à lui payer la somme de 5 000 ¿ de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 4 000 ¿ par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à lui restituer la somme de 21 064, 94 ¿ payée au titre de l'exécution provisoire.
Au soutien de ses prétentions, elle expose que le vol commis au préjudice d'une collègue de travail, de condition modeste, constitue une faute grave rendant impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise. Les excuses présentées et le remboursement de la somme dérobée n'ont aucune influence sur la qualification civile de la faute.
Par ailleurs, la salariée se borne à des affirmations gratuites qui ne sont étayées par aucun élément objectif quant au harcèlement moral dont elle aurait fait l'objet, alors même qu'elle n'a jamais exprimé aucune doléance auprès de son employeur, ni du médecin du travail, ni encore des délégués du personnel et ne cite aucun fait précis.
La salariée, qui n'a pas hésité, pour tenter d'obtenir de substantielles indemnités, à porter des accusations graves et surtout diffamatoires de harcèlement moral, a intenté une action abusive et doit être condamnée à réparer le préjudice en résultant pour la clinique.
La salariée, dans ses conclusions régulièrement communiquées et parvenues au greffe le 12 septembre 2014, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, sollicite que son licenciement soit jugé dénué de cause réelle et sérieuse et que la clinique soit condamnée, par voie de conséquence, à lui payer, avec intérêts légaux depuis l'introduction de l'instance et anatocisme, les sommes suivantes : * 17 051 ¿ au titre de l'indemnité de licenciement ; * 2 976, 30 ¿ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 297, 63 ¿ de congés payés afférents ; * 142 862 ¿ pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; * 17 857 ¿ en réparation du préjudice moral distinct sur le fondement des articles 1382 du code civil et 1152-1 du code du travail ; * 3000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel. A titre subsidiaire, elle demande la confirmation du jugement en toutes ses dispositions.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir avoir été une employée exemplaire et dévouée durant 33 ans. Elle a dès 1982 officié au bloc opératoire, exerçant en réalité des fonctions d'aide soignante et non d'agent hospitalier. Supportant dès février 2002 une surcharge de travail et des fonctions en inadéquation avec sa qualification, elle a subi des conditions de travail dégradées. Ayant sombré dans une grave dépression, elle s'est trouvée en arrêt de travail du 21 décembre 2007 au 15 mars 2008, puis a repris son travail à mi-temps thérapeutique jusqu'au 15 juin 2008. La reprise du travail à temps plein la replongera dans un enfer et c'est dans ce contexte qu'interviendront les faits du 25 juin 2008. Après un entretien très déstabilisant avec le directeur de la clinique le 25 août 2008, elle s'est trouvée à nouveau en arrêt de travail pour dépression à compter du 26 août 2008.
Ainsi, doivent être pris en compte pour écarter l'absence de cause réelle et sérieuse, l'ancienneté de la salariée, son état de santé, sa fragilité psychologique, les circonstances de commission des faits, l'environnement professionnel ainsi que les excuses présentées.
Par ailleurs, la salariée a été contrainte durant de nombreuses années, du fait de sa hiérarchie, d'effectuer des tâches qui ne relevaient pas de ses fonctions ni de ses compétences, puis s'est trouvée confrontée à des remarques désobligeantes de ses collègues de travail, ce qui a provoqué une intense souffrance psychologique. Elle a ainsi été victime de harcèlement moral.

MOTIFS DE LA DECISION

-Sur le harcèlement moral :
S'il est établi que la salariée a été suivie, notamment à compter de mars 2008, pour un état dépressif ayant justifié un arrêt de travail, et si elle souffrait indéniablement de troubles psychologiques, elle n'établit aucun fait matériel précis susceptible de laisser présumer l'existence d'une situation de harcèlement, n'indiquant même pas qui en serait l'auteur et se bornant à de vagues allégations. Le médecin du travail l'a déclarée apte à la reprise du travail selon mi-temps thérapeutique, à la suite d'un examen du 18 mars 2008, puis a indiqué qu'il convenait d'envisager la reprise du travail à temps plein à l'issue d'un examen du 10 juin 2008. Il n'est allégué aucun manquement de l'employeur aux préconisations du médecin du travail.

La salariée ne produit par ailleurs aucune pièce probante quant au fait qu'elle aurait été contrainte durant de nombreuses années, du fait de sa hiérarchie, d'effectuer des tâches qui ne relevaient pas de ses fonctions ni de ses compétences. Elle n'énonce pas les tâches qui lui étaient confiées et qui relèveraient d'une classification différente au regard de dispositions conventionnelles précises. On observera en outre qu'elle n'a présenté aucune demande de rappel de salaires au titre de la classification, ne serait-ce que dans le cadre de la présente procédure.
La salariée sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts présentée au titre du harcèlement moral, par voie de confirmation du jugement déféré.
- Sur le licenciement :
Il résulte des pièces produites que Mme Z...a déposé plainte auprès du commissariat d'Angers le 1er juillet 2008, après avoir constaté le 25 juin 2008 que du numéraire, soit 60 ¿, et trois chèques, lui avaient été volés dans son sac, lequel se trouvait dans son placard implanté dans le vestiaire de la clinique ; la plaignante indiquait que ledit placard était fermé par un cadenas, mais que la porte en était voilée et qu'en forçant un peu, il était possible à un tiers de le fouiller. Trois chèques ont été émis le 27 juin 2008 pour un montant total de 230, 24 ¿.

Mme Y..., suite à son audition par les services de police le 8 août 2008, a été convoquée devant le délégué du Procureur de la République afin que soit envisagé un classement, sous condition de la régularisation du préjudice. Elle a adressé le 14 août 2008 à Mme Z...une lettre d'excuses, dans laquelle elle prétendait avoir trouvé le portefeuille de sa collègue à l'extérieur de son placard, accompagnée d'un chèque d'un montant de 294, 24 ¿.

Les faits de vol et de falsification de chèques et usage de chèques falsifiés commis au préjudice d'une collègue de travail et de commerçants sont établis. Ces faits rendaient impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise et ce en dépit de son ancienneté, des troubles psychologiques dont elle souffrait et du remboursement intervenu suite à l'engagement d'une procédure pénale.
La faute grave étant caractérisée, le jugement, en ce qu'il a condamné l'employeur au paiement des indemnités de rupture, sera réformé.
- Sur les demandes reconventionnelles de la clinique :
Sauf circonstances particulières, une action en justice ne peut constituer un abus de droit lorsque sa légitimité a été reconnue par la juridiction du premier degré, malgré l'infirmation dont sa décision a été l'objet. N'étant pas établies de circonstances ayant fait dégénérer en abus le droit d'agir de la salariée, et notamment pas la mauvaise foi de la salariée dans la dénonciation de faits de harcèlement moral, la demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive sera rejetée, par voie de confirmation du jugement.
Par ailleurs, le présent arrêt, infirmatif, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, les sommes devant être restituées portant intérêts au taux légal à compter de la notification ou de la signification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution ; il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la clinique.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort,
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a jugé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, condamné la clinique Saint Joseph au paiement à Mme Cécile Y...d'indemnités de rupture et d'une indemnité pour frais irrépétibles, à la remise de documents rectifiés sous astreinte, ainsi qu'en ses dispositions relatives aux dépens et à l'anatocisme ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant,
Juge le licenciement fondé sur une faute grave ;
Déboute Mme Cécile Y...de ses demandes en paiement d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, d'une indemnité pour frais irrépétibles ainsi que de sa demande tendant à la remise de divers documents sous astreinte ;
Confirme le jugement pour le surplus ;
Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Condamne Mme Cécile Y...aux entiers dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

V. BODINAnne JOUANARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/02408
Date de la décision : 18/11/2014
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2014-11-18;12.02408 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award