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18/11/2014 | FRANCE | N°12/02340

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 18 novembre 2014, 12/02340


COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N

clm/ jc

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 02340

numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 10 Octobre 2012, enregistrée sous le no 11/ 00435

ARRÊT DU 18 Novembre 2014

APPELANT :

Monsieur Johann X...
...
61260 CETON

non comparant-représenté par Monsieur Alain Y..., délégué syndical

ouvrier, muni d'un pourvoir

INTIMEE :

LA SEL CHERRE
Z. I. BP 4
88510 ELOYES CEDEX

non comparante-représentée par Maître ...

COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N

clm/ jc

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 02340

numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 10 Octobre 2012, enregistrée sous le no 11/ 00435

ARRÊT DU 18 Novembre 2014

APPELANT :

Monsieur Johann X...
...
61260 CETON

non comparant-représenté par Monsieur Alain Y..., délégué syndical ouvrier, muni d'un pourvoir

INTIMEE :

LA SEL CHERRE
Z. I. BP 4
88510 ELOYES CEDEX

non comparante-représentée par Maître Anne TOMINE de la SCP jacques BARTHELEMY et associés, avocats au barreau de RENNES

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 30 Septembre 2014 à 14H00 en audience publique et collégiale, devant la cour composée de :

Madame Anne JOUANARD, président
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, assesseur
Madame Isabelle CHARPENTIER, assesseur

qui en ont délibéré

Greffier : Madame BODIN, greffier

ARRÊT : du 18 Novembre 2014, contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Anne JOUANARD, Président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE :

La société d'Exploitation Logistique Cherré (ci-après : la SEL Cherré) a pour activité l'exploitation d'une des plates-formes de distribution du groupe Thiriet, entreprise agro-alimentaire spécialisée dans la production et la livraison de produits surgelés.
La convention collective applicable est la convention collective nationale des commerces de gros du 23 juin 1970.

Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 4 avril 2005, elle a embauché M. Johann X...en qualité d'opérateur logistique à temps complet niveau 2 échelon 1.
Aux termes de la fiche de " définition de fonction " signée le même jour, il lui incombait d'accomplir des travaux de magasinage en chambre froide et avait également des missions relevant de la gestion des stocks, de la maintenance des équipements, du respect de l'hygiène et de la sécurité, mais aussi de la " vie de l'entreprise ".

Par courrier du 23 avril 2007, M. Johann X...s'est vu notifier une " lettre d'observation " pour avoir, le 16 mars 2007 " agressé verbalement " un collègue et pour " comportement arrogant ".

Il a été placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 6 septembre 2007.

Après avoir été, par courrier du 25 juillet 2007, convoqué à un entretien préalable qui s'est déroulé le 21 août suivant, par courrier du 20 septembre 2007, alors qu'il était toujours en arrêt de maladie, il s'est vu notifier une mise à pied disciplinaire pour avoir " perturbé gravement le bon fonctionnement de la chaîne de production " et s'être " assis sur les rouleaux " de la chaîne à plusieurs reprise. En outre, il lui était reproché " une attitude agressive " envers ses collègues et sa hiérarchie.

M. Johann X...a repris le travail le 18 février 2008. Par courrier du 6 mars 2008, il s'est vu notifier les jours d'exécution de la mise à pied disciplinaire soit : du 1er au 3 avril 2008 inclus.

En juin 2008, il a été élu membre du CHSCT de la SEL Cherré puis secrétaire du CHSCT.

Il a été placé en arrêt de travail du 16 décembre 2008 au 8 mars 2009 suite à un accident du travail.

Par courrier du 16 juillet 2009, M. Johann X...a fait l'objet d'un avertissement pour avoir, le 11 juin 2009, fabriqué sur son lieu de travail, pour se distraire, un objet s'apparentant à une croix ou à une épée en carton, et pour être, le 12 juin 2009, resté en chambre froide au-delà de ses horaires de travail.

Après consultation de la délégation unique du personnel en qualité de comité d'entreprise, qui a émis un avis négatif, la SEL Cherré a saisi l'inspecteur du travail pour demander l'autorisation de licencier de M. Johann X....
Par décision du 1er mars 2010, confirmée par le ministre du travail le 6 septembre 2010, l'inspecteur du travail a refusé son licenciement.

Le 16 avril 2010, la commission des droits et de l'autonomie de l'Orne a reconnu M. Johann X...comme travailleur handicapé pour une durée de trois ans courant du 16 avril 2010 au 15 avril 2013.

Par courrier du 12 mai 2010, le salarié s'est vu notifier une mise à pied disciplinaire pour avoir, le 24 mars précédent, refusé d'effectuer son entretien annuel avec sa hiérarchie.

En février 2011, M. Johann X...a été désigné délégué syndical par la CFDT.

Par courrier du 18 avril 2011, il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 6 mai suivant. Le 20 mai 2011, la SEL Cherré lui a notifié une mise à pied disciplinaire d'une durée de trois jours (du 7 au 9 juin 2011) pour non-respect des consignes d'hygiène et de sécurité commis le 8 avril 2011.

Le 23 août 2011, M. Johann X...a saisi le conseil de prud'hommes du Mans. Dans le dernier état de la procédure de première instance, il sollicitait, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, l'annulation des mises à pied disciplinaires prononcées les 20/ 09/ 2007, 12/ 05/ 2010 et 20/ 05/ 2011, des rappels de salaire du chef de ces mises à pied et de son arrêt de travail pour accident du travail, la somme de 150 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ou, à titre subsidiaire, pour manquement de la SEL Cherré à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail.

Par jugement du 10 octobre 2012 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le conseil de prud'hommes du Mans a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- condamné la SEL Cherré à payer à M. Johann X...la somme de 195, 51 ¿ à titre de rappel de salaire du chef de la mise à pied disciplinaire du 20 septembre 2007 outre 19, 55 ¿ de congés payés afférents ;
- débouté M. Johann X...de ses autres prétentions et de sa demande formée au titre des frais irrépétibles ;
- débouté la SEL Cherré de sa demande formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné chacune des parties à supporter la moitié des dépens.

M. Johann X...a régulièrement relevé appel général de cette décision par lettre recommandée postée le 31 octobre 2012

Il a été licencié pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement le 9 septembre 2013.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Vu les conclusions et observations orales des parties à l'audience des débats du 30 septembre 2014 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés ;

Vu les conclusions enregistrées au greffe le 21 mars 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles M. Johann X...demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives à l'annulation de la sanction disciplinaire du 20 septembre 2007 au motif qu'elle est irrégulière pour ne pas mentionner le nombre de jours de mise à pied et qu'elle est mal fondée en ce que son comportement était la conséquence d'une provocation ;
- l'infirmer en ses autres dispositions ;
- annuler la sanction disciplinaire du " 10 et 12 mai 2010 ", au motif qu'elle n'est pas justifiée, son refus de participer à l'entretien annuel étant fondé compte tenu du fichier illégal constitué par l'employeur, en tout cas, qu'elle est disproportionnée ;
et celle du 20 mai 2011 motivée, d'une part, par le fait qu'il ne s'est pas identifié en qualité de visiteur en entrant dans l'entreprise alors qu'il était en formation CIF, d'autre part, par le fait qu'à la faveur d'une pause, il est sorti de la plate forme en tenue de travail ce qui est courant, cette sanction étant mal fondée et, s'agissant du second point, traduisant à tout le moins un acharnement à son égard ;

- condamner la SEL Cherré à lui payer les sommes suivantes :

¿ 347, 70 ¿ de rappel de salaire au titre de la mise à pied du 10 mai 2010 (5 jours) outre 34, 77 ¿ de congés payés afférents,
¿ 178, 43 ¿ au titre de la mise à pied du 20 mai 2011 (3 jours) outre 17, 84 ¿ au titre des congés payés afférents ;

¿ 749, 10 ¿ de rappel de salaire à la suite de son arrêt de travail pour accident du travail au cours de la période du 16 décembre 2008 au 31 mars 2009 outre 74, 91 ¿ de congés payés afférents au motif que la convention collective prévoit, en cas d'arrêt de travail lié à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, des dispositions de maintien de salaire moins favorables pour les ouvriers et les employés que pour les agents de maîtrise ou techniciens, d'une part, les cadres, d'autre part, ce qui caractérise une inégalité de traitement qui n'est justifiée par aucune considération objective et pertinente ;

¿ 150 000 ¿ de dommages et intérêts, à titre principal, pour harcèlement moral à l'origine d'une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé (dépression qui a justifié une prescription médicamenteuse), à titre subsidiaire, pour manquement de l'employeur à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail précision étant donnée à l'audience, à la demande de la cour, que le manquement invoqué tient au fait que l'employeur aurait dû lui fournir un autre emploi ;

- d'ordonner la remise des bulletins de salaire modifiés pour la période du 16 décembre 2008 au 31 mars 2009 (arrêt de travail pour accident du travail) ;
- de condamner la SEL Cherré au paiement des intérêts à compter de la demande en justice et à supporter les entiers dépens.

Vu les conclusions enregistrées au greffe le 3 juin 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles la société d'Exploitation Logistique Cherré demande à la cour :

- de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a annulé la sanction du 20 septembre 2007 ;
- de débouter M. Johann X...de l'ensemble de ses demandes ;
- de le condamner à lui payer la somme de 2000 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

L'employeur fait valoir essentiellement :

- sur la mise à pied disciplinaire du 20 septembre 2007, qu'elle est justifiée, les témoignages produits démontrant que M. Johann X...est bien l'auteur des agressions ; qu'il s'en rapporte sur le défaut de mention du nombre de jours de mise à pied ;

- sur la mise à pied disciplinaire du 12 mai 2010 (5 jours) motivée par le " refus de participer à l'entretien annuel d'évaluation ", que ce refus caractérise un acte d'insubordination, la présence du salarié à ce type d'entretien étant indispensable ; que le prétexte tiré de l'existence d'un fichier illégal n'est pas fondé en ce que ce fichier a été établi à l'initiative du chef d'équipe, qu'il était inconnu de la hiérarchie laquelle a sanctionné ce chef d'équipe d'un licenciement pour faute grave dès qu'elle a eu connaissance de ce fichier dont la découverte par un salarié en février 2010 avait donné lieu à un débrayage de certains salariés dans l'attente d'explications de la part de la direction ;

- sur la mise à pied disciplinaire du 20 mai 2011 que :
- le fait de ne pas s'être identifié comme visiteur le 8 avril 2011 ou, à tout le moins de n'avoir pas signalé sa présence sur la plate-forme alors qu'il ne travaillait pas caractérise un manquement aux règles de sécurité clairement posées par le règlement intérieur ;
- le fait de rester en chambre froide sans en informer quiconque caractérise également un manquement aux règles de sécurité ;
- le fait de sortir de son lieu de travail en tenue de travail est interdit par le règlement intérieur pour des raisons d'hygiène ;

- sur la demande de rappel de salaire suite à l'accident du travail que :
- le salarié ne peut pas remettre en question une disposition de " la convention collective qui a été négociée globalement, cette comparaison entre les différentes catégories professionnelles devant se faire de manière globale " ;
- en matière de régimes de prévoyance, l'égalité de traitement ne s'applique qu'entre salariés relevant d'une même catégorie professionnelle ;
- ces dispositions conventionnelles différentes qui octroient certains avantages aux cadres et aux agents de maîtrise sont justifiées par la prise en compte des responsabilités qu'ils assument et des connaissances qu'ils mettent en application ;

- sur le harcèlement moral, les faits invoqués, soit ne sont pas établis dans leur matérialité, soit sont justifiés par des raisons objectives étrangères à tout harcèlement moral ; le salarié ne produit pas d'élément qui soit de nature à étayer une prétendue altération de son état de santé et il confond exercice normal du pouvoir de direction par l'employeur et harcèlement moral ; sa demande pécuniaire est aussi exorbitante qu'opportuniste ;

- sur la demande de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail que la preuve d'un tel manquement, notamment à l'obligation de garantir la santé et la sécurité du salarié en respectant les préconisations du médecin du travail, n'est pas rapportée.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1o) Sur la mise à pied disciplinaire du 20 septembre 2007 :

La mise à pied disciplinaire du 20 septembre 2007 est ainsi libellée : "... Le 02 Juillet 2007, plusieurs de vos collègues se sont plaints de votre attitude. Ainsi, nous avons pris connaissance du fait qu'à plusieurs reprises vous aviez perturbé gravement le bon fonctionnement de la chaîne de production et que vous vous étiez assis sur les rouleaux de celle-ci.
De plus, nous avons à déplorer une attitude agressive de votre part envers vos collègues et votre hiérarchie directe.
Un tel comportement est inadmissible et n'est pas acceptable au sein de notre établissement.
Lors de l'entretien, vous avez confirmé le fait de vous asseoir sur les rouleaux. Concernant votre comportement, vous n'avez produit aucun élément permettant de modérer la présente sanction.
En conséquence, nous sommes amenés à vous notifier par la présente une mise à pied disciplinaire qui figurera dans votre dossier.
Les dates de sa mise en ¿ uvre vous seront communiquées dès votre retour sur notre site. Nous notons qu'à ce jour et depuis le 08 Septembre 2007 vous êtes en arrêt maladie....
Nous insistons sur la gravité de vos agissements et sur leur incidence à l'égard de vos collègues et de votre hiérarchie.
Nous vous signalons que votre manque de professionnalisme porte préjudice à la gestion, à l'organisation du travail et à la bonne marche de notre établissement.
Votre comportement perturbe l'ensemble de vos collègues, génère une mauvaise ambiance de travail et déstabilise le climat social.
Nous vous demandons de respecter scrupuleusement les consignes et directives émanant de votre hiérarchie et ce, dans le respect de l'entreprise, de votre hiérarchie et de l'organisation du travail.
Nous vous demandons également de prendre conscience des risques encourus de part votre comportement.
Il vous appartient de prendre, immédiatement, toutes les mesures nécessaires afin que de telles situations ne se reproduisent plus. ".

Il convient de préciser que, pour la préparation des commandes passées par les clients, telle que décrite par l'employeur et non discutée par le salarié, les cartons à remplir circulent sur le convoyeur principal, lequel comporte 24 postes ou " gares " successifs et, selon le contenu de la commande, s'arrêtent ou non aux différents postes pour que le salarié affecté à la zone concernée (un opérateur prend en charge entre 3 et 6 postes selon le flux des commandes) complète le carton avec les produits figurant sur sa liste. Il résulte de ce fonctionnement que toute attitude de blocage de la chaîne (absence d'un salarié à son poste, défaut de composition de la commande avec les produits qu'il gère...) entraîne l'arrêt de la chaîne et place tous les salariés dans l'impossibilité de travailler.

Il ressort des témoignages concordants et circonstanciés de M. Antoine A..., de M. David B..., de Mme Katia C..., de M. Ludovic D...(pièces no 7 à 11 de l'intimée), collègues de travail de M. Johann X...que ce dernier bloquait très régulièrement la chaîne, notamment en s'asseyant dessus alors qu'il savait que son convoyeur à cartons bloquait ou en préparant des barquettes sans les envoyer, et qu'il agissait ainsi de façon volontaire, pour manifester son mécontentement et en se vantant de vouloir ennuyer la direction et le reste de l'équipe. Mme Katia C...précise qu'ayant constaté, en travaillant aux côtés de M. Johann Bourgeois, que sa chaîne avait bloqué à plusieurs reprises, elle lui a proposé son aide, ce à quoi celui-ci lui a répondu qu'il travaillait au rythme pour lequel il était payé.
Les témoins relatent également le comportement et les propos désobligeants, voire agressifs et vulgaires, du salarié, qui a notamment dit de Mme Héloïse F...qu'elle devrait " se racheter un cerveau ".

Ces témoignages établissent la matérialité des faits reprochés au salarié aux termes de la mise à pied disciplinaire, étant souligné que ce dernier reconnaît qu'il perturbait la chaîne de production mais fait valoir qu'il avait refusé de mettre ses barquettes à terre et que les conducteurs de ligne poussaient les barquettes vers son poste de travail en forçant les systèmes de sécurité, le chef de ligne et les conducteurs de ligne " lui mettant ", selon lui, " la pression " en lui disant qu'il était là pour travailler à 150 % et qu'ils se fichaient de sa fatigue. Ces allégations ne sont corroborées par aucun élément, notamment par aucun des témoignages produits par l'appelant, lesquels sont établis en termes très généraux, les témoins indiquant seulement " que son travail été toujours fait " (cf témoignage de Mme Elisabeth Breton pièce no 13) et qu'ils n'ont jamais remarqué ou constaté de sa part d'agressivité, de comportement insolent ou un manque de respect envers ses collègues ou de sa hiérarchie (pièces no 12 et 18), étant relevé que le témoignage de Mme Natacha H...(pièce no 11 de l'appelant), exclusivement relatif au fait que certains salariés sortaient sur le parking vêtus de leur tenue de travail, est sans rapport avec les faits objets de la mise à pied disciplinaire du 20 septembre 2007.

Les propos désagréables et agressifs tenus par M. Johann X...envers ses collègues et son attitude, adoptée dans le dessein d'ennuyer sa hiérarchie et ses collègues de travail, ayant pour effet de perturber le travail de tous les autres salariés de la chaîne en l'arrêtant et, par voie de conséquence, de nuire à la production, justifiaient une sanction disciplinaire et une mesure de mise à pied disciplinaire apparaissait adaptée.

Toutefois, la durée de la mise à pied disciplinaire doit être fixée et connue du salarié au moment où elle lui est notifiée et, au cas d'espèce, la circonstance que M. Johann X...ait été en arrêt de maladie au moment où cette sanction lui a été adressée n'empêchait pas de lui préciser cette durée. Or le courrier du 20/ 09/ 2007 est muet sur ce point et c'est seulement par la lettre du 6 mars 2008 lui notifiant les dates d'exécution de la sanction que le salarié a pu en connaître la durée, à savoir, trois jours.

C'est en conséquence à juste titre que les premiers juges ont considéré que ce vice de forme justifiait l'annulation de la mise à pied disciplinaire dont s'agit et lui ont alloué, à titre de rappel de salaire, la somme de 195, 51 ¿ indûment retenue sur la paie du mois d'avril 2008, outre 19, 55 ¿ de congés payés afférents. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point. Il convient de dire en outre que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 29 août 2011, date à laquelle l'employeur a accusé réception de la convocation à comparaître à l'audience de conciliation.

2o) Sur la mise à pied disciplinaire du 12 mai 2010 :

La mise à pied disciplinaire du 12 mai 2010 (annulant et remplaçant celle du 10 mai précédent), d'une durée de cinq jours, est motivée par le fait que, quoique régulièrement convoqué trois semaines auparavant, M. Johann X...a refusé d'effectuer son entretien individuel annuel le 24 mars 2010 et a remis à sa hiérarchie son document d'entretien non renseigné.

Le salarié reconnaît ce refus et il ne discute pas les explications de l'employeur selon lesquelles il avait été préparé à cet entretien individuel, d'une part, en suivant, le 29 janvier 2010, une formation intitulée : " Mener son entretien professionnel annuel ", d'autre part, à la faveur d'un entretien individuel qui s'était déroulé trois semaines auparavant.

Il estime que son refus est justifié par le fait qu'à la fin du mois de février 2010, un collègue de travail avait découvert un document concernant 23 salariés dont lui-même répertoriant pour chacun, sous la forme d'un tableau, des appréciations relatives aux points suivant : " l'entraide ", le " comportement ", la " rapidité ", " l'autonomie ", les sorties abusives et le respect des pauses, le " non-respect des procédures " et les " initiatives " de sorte que l'entretien était, selon lui, inutile puisque la hiérarchie connaissait d'ores et déjà l'évaluation effectuée par son chef d'équipe à son sujet.

Il est établi par le témoignage de M. Saïd G..., délégué syndical CFTC, et par le compte-rendu de la réunion du CHSCT du 16 mars 2010 tout d'abord que, dès la découverte de ce document à 5h30, les salariés ont décidé de débrayer pour manifester leur mécontentement et obtenir des explications, en second lieu que, des investigations réalisées et des déclarations faites par le chef d'équipe lui-même aux salariés, il est ressorti que ce dernier avait établi ce document de sa seule initiative, que son existence était inconnue de la direction et qu'il s'agissait d'un acte isolé. Ce chef d'équipe a été sanctionné par le biais d'un licenciement pour faute grave qui a donné lieu par la suite à une transaction.

Le refus de renseigner le document en vue de l'entretien et le refus d'effectuer l'entretien individuel annuel pour lequel il avait été formé et préparé caractérise une insubordination.
En outre, ce refus ne peut pas être légitimement justifié par l'existence du document litigieux dans la mesure où, avant le 24 mars 2010, la direction y avait apporté une réponse par le biais d'une sanction et le CHSCT en avait été informé et avait délibéré sur ce point lors de sa réunion du 16 mars 2010 à laquelle M. Johann X...participait en sa qualité de membre du CHSCT de sorte qu'il était parfaitement éclairé sur le caractère isolé de ce document, sur le fait qu'il ne s'agissait pas d'une demande de la hiérarchie et que celle-ci avait désapprouvé ce comportement en le sanctionnant.
En outre, aucun manque d'objectivité ne pouvait être soupçonné a priori puisque l'entretien devait se dérouler avec une autre personne que le chef d'équipe auteur du document litigieux.

Il suit de là que, comme l'ont retenu les premiers juges, la mise à pied disciplinaire du 12 mai 2010 était justifiée et proportionnée. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. Johann X...de sa demande d'annulation de cette sanction et de rappel de salaire y afférent.

3o) Sur la mise à pied disciplinaire du 10 mai 2011 :

Aux termes de cette mise à pied disciplinaire d'une durée de trois jours, il est tout d'abord reproché à M. Johann X...d'avoir été présent le 8 avril 2011 vers 7 heures du matin dans les locaux de la plate-forme alors qu'il n'avait pas à s'y trouver puisqu'il était en CIF du 6 au 8 avril 2011inclus, soit en formation à l'extérieur et ce, alors que, contrairement aux règles de sécurité en vigueur au sein de l'entreprise, il ne s'était pas identifié lors de son arrivée sur le registre " visiteurs " et n'en avait pas informé sa hiérarchie.
L'employeur relève qu'il ne s'agit pas de faits isolés puisqu'il avait reçu un avertissement le 16 juillet 2009 pour des faits similaires.

Le salarié reconnaît ces faits qui sont confirmés par deux témoins qui déclarent l'avoir vu dans les locaux du comité d'entreprise à 7 heures le 8 avril 2011 alors qu'il ne s'était pas identifié (pièces no 15 et 16 de l'intimée) mais il oppose qu'ils ne peuvent pas donner lieu à sanction dans la mesure où il était délégué syndical et où l'employeur ne peut pas interdire à un délégué syndical de venir dans l'entreprise tant durant ses heures de délégations qu'en dehors des heures habituelles de travail.

Comme l'explique la SEL Cherré, l'obligation de signaler sa présence au sein de l'entreprise répond à des règles de sécurité en cas de nécessité d'évacuation puisqu'il est alors impératif que les personnes présentes sur le site puissent être répertoriées. Le salarié ne conteste ni l'existence du registre " visiteurs " ni l'obligation de le renseigner et d'informer la hiérarchie lors d'une venue au sein de l'entreprise en dehors des horaires de travail ce qui est justifié par la circonstance que le salarié ne figure pas alors sur les plannings.
Contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le fait que M. Johann X...ait, le jour concerné, badgé lors de son arrivée dans les locaux de l'entreprise, ne permet pas d'informer efficacement de sa présence en cas de problème de sécurité et ne peut pas se substituer à l'obligation de signer le registre " visiteurs " et de signaler sa présence à la hiérarchie.

Ce premier fait constitue un manquement aux règles de sécurité en vigueur au sein de l'entreprise.

En second lieu, il est reproché à M. Johann X...d'être, le 12 avril 2011, lors de sa pause de 1 h 55 à 2 h 25, sorti de la plate-forme en tenue de travail afin de se rendre à son véhicule stationné sur le parking de l'entreprise et ce, en contravention aux dispositions du règlement intérieur.

L'article 2 du règlement intérieur de la SEL Cherré est consacré à l'" Hygiène ". Aux termes de l'article 2. 5 relatifs aux " vêtements de travail ", il est indiqué : " Il est interdit de sortir des locaux vêtu de ces vêtements de travail et notamment sur les parkings de l'entreprise. ".

Cette interdiction s'explique par le fait que les vêtements de travail sont destinés à garantir une hygiène optimale dans une entreprise où l'activité du salarié consistait à préparer des commandes de denrées alimentaires surgelées à destination des clients.

Le salarié reconnaît être sorti de la plate-forme en vêtements de travail pour aller sur le parking de l'entreprise. Pour contester la sanction prise à son encontre de ce chef, il oppose que le conducteur de ligne qui l'a dénoncé a vu d'autres salariés sortir comme lui sur le parking en tenue de travail mais qu'il a laissé faire.

Il ne produit aucune pièce venant corroborer ses déclarations selon lesquelles d'autres salariés seraient sortis en même temps que lui et n'auraient pas été sanctionnés. Il verse aux débats les témoignages de Mme Natacha H...et de M. Saïd G...qui déclarent avoir vu, à plusieurs reprises, des salariés ainsi que le conducteur de ligne, M. Benoît I..., sortir sur le parking en tenue de travail pendant les pauses, surtout la nuit et ajoutent qu'" à leur connaissance ", ces salariés n'auraient pas été sanctionnés. Ces attestations ne sont pas probantes en ce qu'elles ne sont pas circonstanciées pour ne pas permettre, notamment, de situer les faits dans le temps et d'identifier les salariés concernés et en ce qu'elles n'établissent pas avec certitude l'absence de sanction à l'égard des autres salariés.

Ce second fait caractérise un manquement aux règles d'hygiène expressément édictées par le règlement intérieur.

En considération de ces deux faits, la mise à pied disciplinaire de trois jours apparaît justifiée et proportionnée d'autant que, comme cela sera démontré ci-après, le salarié avait déjà été sanctionné le 16 juillet 2009 pour un manquement aux règles de sécurité lié à ses déplacements au sein de l'entreprise. Le jugement sera confirmé de ce chef.

4o) Sur la demande de rappel de salaire au titre du maintien de salaire suite à l'arrêt de travail pour accident du travail du 16 décembre 2008 au 5 mars 2009 :

La convention collective du Commerce de gros dont relève la SEL Cherré prévoit le versement d'un complément de salaire en cas d'arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle.

S'agissant d'un ouvrier ou d'un employé, elle prévoit que l'intéressé, à condition qu'il ait une ancienneté supérieure à trois ans, percevra un complément de salaire équivalent à 90 % de son salaire pendant 40 jours et à 2/ 3 de son salaire pendant 40 autres jours, alors qu'en faveur des agents de maîtrise et techniciens, elle prévoit un maintien de salaire de 100 % pendant 2, 5 mois et que les cadres bénéficient d'un maintien de salaire de 100 % pendant quatre mois.

A l'appui de sa demande de rappel de salaire, M. Johann X...qui relève de la catégorie ouvrier fait valoir que cette différence de traitement entre les ouvriers ou employés et les agents de maîtrise et les cadres n'est justifiée par aucune raison objective et pertinente.
Cependant, en raison des particularités des régimes de prévoyance couvrant les risques maladie, incapacité, invalidité, décès et retraite, qui reposent sur une évaluation des risques garantis en fonction des spécificités de chaque catégorie professionnelle, qui prennent en compte un objectif de solidarité et qui requièrent dans leur mise en oeuvre la garantie d'un organisme extérieur à l'entreprise, l'égalité de traitement ne s'applique qu'entre salariés relevant d'une même catégorie professionnelle.
Le moyen tiré de l'inégalité de traitement n'étant pas fondé, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de rappel de salaire.

5o) Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L. 1154-1 du même code, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

A l'appui du harcèlement moral dont il estime avoir été victime, M. Johann X...invoque les faits suivants :

1) les mises à pied disciplinaires des 20/ 09/ 2007, 12/ 05/ 2010 et 20/ 05/ 2011 qui, selon lui, sont injustifiées ;
2) l'avertissement selon lui injustifié prononcé le 16 juillet 2009 ;
3) l'acharnement manifesté par son directeur s'agissant de la prise des congés payés prévus pour les mois de juillet et août 2009 ;
4) la suspension du contrat de mutuelle complémentaire obligatoire de l'entreprise suite à son accident du travail ;

5) la mise en demeure que l'employeur lui a adressée le 20 août 2008 pour qu'il justifie de son absence du 10 au 13 août 2008 alors qu'il avait fourni les justificatifs nécessaires et que l'autorisation d'absence lui avait été donnée ;
6) la décision prise unilatéralement par l'employeur en février 2009 de changer de secrétaire du CHSCT et d'inscrire cette question à l'ordre du jour ;
7) le non-respect des préconisations du médecin du travail suite à son accident du travail du 15 décembre 2008, ce qui a rendu nécessaire la saisine de l'inspection du travail ;
8) la surveillance accrue dont il a fait l'objet de la part de sa hiérarchie dans la nuit du 24 au 25 novembre 2009 ;
9) la mise en demeure qui lui a été adressée le 28 octobre 2009 pour justifier de son absence à la formation CAP2, absence qui était fondée en raison du défaut d'adaptation de ses horaires de travail à cette formation, mise en demeure qui a été suivie de l'engagement d'une procédure de licenciement qui s'est heurtée au refus de l'autorité administrative ;
10) ladite procédure de licenciement engagée le 30 novembre 2009 ;
11) la saisine du médecin du travail par l'employeur afin de vérifier si son état de santé lui permettait d'accomplir une certaine activité sportive, de sorte qu'il a été convoqué par le médecin du travail le 15/ 09/ 2011 dans un cadre indéterminé et que ce dernier a délivré un avis d'aptitude à certains postes (opérations de filmage et de conduite de chariot) qui n'a pas été respecté puisqu'il a été affecté au balayage de la cour et de l'intérieur de l'usine, au nettoyage des postes de travail de ses collègues et, pour le reste du temps, a été " placé " en salle de repos.

Il se prévaut en outre des éléments suivants :
- la dégradation des conditions de travail au sein de la SEL Cherré a justifié un tract établi par la CFDT le 13 mai 2011 ;
- une attestation de son épouse qui indique que l'accumulation des mises à pied, des arrêts de travail, des pertes de salaire subies et des lettres que lui a adressées l'employeur ont eu des répercussions sur l'état moral de son conjoint et sur l'équilibre familial ;
- une prescription médicale du 21 décembre 2011 que le salarié indique correspondre au traitement d'épisodes dépressifs et de manifestations anxieuses sévères ;
- une déclaration d'inaptitude temporaire émise par le médecin du travail le 4 janvier 2012.

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Les faits dont la matérialité n'est pas établie :

Fait no 3- M. Johann X...soutient que, s'agissant des congés payés relatifs aux mois de juillet et août 2009, il a été victime d'un acharnement de la part de son directeur en ce qu'il a été dans l'obligation d'adresser un courrier à son responsable de site le 23 mars 2009 dans la mesure où, alors qu'il avait demandé d'être en congés les semaines 33, 34 et 35 du mois d'août 2009, l'employeur lui avait demandé de se rapprocher de ses collègues de travail pour pouvoir bénéficier de cette période.
Il a saisi l'inspectrice du travail de cette difficulté, laquelle, par courrier du 1er avril 2009, a demandé à l'employeur de lui justifier de la bonne application de l'article L. 3141-14 du code du travail au sein de l'entreprise.
Ce texte prévoit qu'" A l'intérieur de la période des congés et à moins que l'ordre des départs ne résulte des stipulations des conventions ou accords collectifs de travail ou des usages, cet ordre est fixé par l'employeur après avis, le cas échéant, des délégués du personnel. ".

Il résulte des pièces produites, notamment du procès-verbal du comité d'entreprise du 19 mai 2009 qu'au sein de la SEL Cherré, l'employeur détermine les périodes de prise de congés après consultation de la délégation unique du personnel mais que l'ordre des départs en congés est réglé amiablement entre les salariés, par concertation, l'employeur n'intervenant que s'il s'avère nécessaire de départager deux voeux incompatibles et ce, en prenant notamment en considération la situation de famille et l'ancienneté. Le procès-verbal fait ressortir que les membres de la DUP estimaient que la solution consistant à définir des critères précis était trop rigide. L'appelant ne conteste pas que tel était bien le système en vigueur au sein de l'entreprise, lequel respecte les dispositions légales. Par lettre du 29 mai 2009 qui n'a donné lieu à aucune remarque, le responsable de site a informé l'inspectrice du travail de ces modalités de détermination de l'ordre des départs en congés en vigueur au sein de l'entreprise.

En l'occurrence, M. Johann X...était en arrêt de maladie pour accident du travail lorsque ses collègues se sont positionnés sur leurs congés d'été et, à son retour, il est apparu que les dates de congés restantes ne lui convenaient pas. En lui demandant de se rapprocher dans un premier temps de ses collègues de travail-ce à quoi le salarié a répondu qu'il ne pouvait pas le faire pour être à mi-temps thérapeutique et intervenir dans une autre équipe que ses collègues-, l'employeur n'a fait que mettre en oeuvre le système de concertation en vigueur au sein de l'entreprise.
L'objection avancée par le salarié ne permet pas de caractériser une situation l'empêchant de se rapprocher de ses collègues de travail. En tout état de cause, il ressort de la pièce no 21 de l'intimée que l'employeur a finalement lui-même mis en oeuvre ce rapprochement et cette concertation qui a abouti et a permis d'exaucer les souhaits de M. Johann X...puisque l'un de ses collègues de travail a consenti à déplacer ses congés.
L'existence d'une attitude de l'employeur caractérisant un " acharnement " ou même un simple manquement à l'égard du salarié à dessein de lui nuire dans la prise des congés d'été 2009 n'est donc pas établie.

Fait no 4- M. Johann X...fait valoir que, par courrier du 12 mars 2009, l'organisme de mutuelle santé de l'entreprise- " Prévadiès " l'a informé de la suspension de son contrat de mutuelle alors que dans le cadre de son arrêt de maladie suite à l'accident du travail dont il a été victime le 16 décembre 2008, " l'employeur aurait pu prélever les cotisations sur les sommes dues au titre de la prise en charge 100 % du salaire ".
Il ressort des termes du courrier de l'organisme Prévadiès en date du 12 mars 2009 (pièce no 29 de l'appelant) qu'en réalité, il n'a pas été informé de la suspension de son contrat de mutuelle mais de son inscription, au titre de sa couverture complémentaire santé, dans le groupement " THIRIET Suspension contrat de travail ", contrat obligatoire, et que l'organisme lui demandait d'établir une autorisation de prélèvement relativement à la part salariale de la cotisation (8, 40 ¿ par mois pour l'option de base).
Contrairement à ce qu'indique le salarié, sa couverture complémentaire santé obligatoire n'a pas été suspendue ou remise en cause et la mise en oeuvre d'un prélèvement direct auprès de lui de la part salariale de la cotisation ne procède d'aucune action de l'employeur qui serait singulière à son égard. En effet, pour assurer le maintien de la couverture complémentaire santé obligatoire, cette procédure est instaurée à l'égard de tout salarié dont le contrat de travail est suspendu dans le cadre d'une maladie, d'un accident du travail, d'un congé maternité ou congé parental d'éducation et qui ne reçoit plus de complément de prévoyance. En l'absence de salaire ou de complément de salaire sur lequel précompter les cotisations, comme tel était le cas (cf les bulletins de salaire produits

-pièce no 22 de l'appelant) le recouvrement des cotisations est effectué par la mutuelle directement auprès de l'employeur pour la part patronale et directement auprès du salarié pour la part salariale.
Il suit de là que M. Johann X...n'a pas subi de traitement défavorable particulier, qui plus est de la part de son employeur, aucun fait de ce dernier n'étant établi dans le cadre de la mise en oeuvre de la procédure critiquée qui, en tout cas, est justifiée par les règles de fonctionnement de la mutuelle en cause et par la situation de suspension de son contrat de travail dans laquelle se trouvait le salarié, et s'avère étrangère à toute attitude de harcèlement moral.

Fait no 6- M. Johann X...a été élu secrétaire du CHSCT le 2 juin 2008. Le point suivant était notamment inscrit à l'ordre du jour établi en vue de la réunion du CHSCT du 11 mars 2009 : " changement de secrétaire CHSCT ". Aux termes de l'article L. 4614-8 du code du travail, " L'ordre du jour de chaque réunion est établi par le président et le secrétaire ". En l'espèce, le courrier du 19 février 2009 portant convocation des membres du CHSCT à la réunion du 11 mars suivant avec mention détaillée des questions inscrites à l'ordre du jour a été signé par M. Johann X...en sa qualité de secrétaire (pièce no 22 de l'intimée). Il ressort du procès-verbal de la réunion du CHSCT du 11 mars 2009, à laquelle l'appelant participait ainsi que l'inspectrice du travail, qu'il a présenté sa candidature ainsi que M. Pierre-Yves J...et que c'est ce dernier qui a été élu par trois voix contre une (pièce no 38 de l'appelant).
Par courrier du 11 mars 2009 (pièce no 37 de l'appelant), M. Johann X...a fait connaître à son employeur qu'ayant été élu pour deux ans le 2 juin 2008 et n'ayant jamais démissionné, il " entendait conserver son poste " et, pour ce faire, saisir les instances compétentes si cela s'avérait nécessaire. Par lettre du même jour (pièce no 38 de l'appelant), il a saisi l'inspectrice du travail afin qu'elle intervienne auprès de son employeur qui voulait le remplacer " illégalement " de son poste de secrétaire du CHSCT. Par lettre du 27 mars 2009 (pièce no 39 de l'appelant), l'employeur lui a répondu que le point litigieux avait été inscrit à l'ordre du jour à la demande de plusieurs membres élus du CHSCT et que l'ordre du jour avait été élaboré conjointement avec lui et signé par lui.

Au soutien de sa position selon laquelle ce changement de secrétaire procède d'une attitude de harcèlement moral à son égard, l'appelant affirme qu'" il ne fait aucun doute que M. K...le directeur du site a manipulé les membres du CHSCT pour pouvoir l'écarter lui-même " car il " lui causait des problèmes en qualité de secrétaire du CHSCT ".
Or il ne produit pas la moindre pièce à l'appui de cette allégation de manipulation, étant souligné qu'il ne conteste pas que la question du changement de secrétaire pouvait être inscrite à l'ordre du jour avant l'expiration de son mandat, qu'il a lui-même signé l'ordre du jour et participé au vote sans que le procès-verbal de séance fasse état de la moindre protestation élevée sur le point litigieux.
La matérialité de la manipulation invoquée n'est donc pas établie.

Fait no 7- A l'issue de la visite de reprise du 9 avril 2009 faisant suite à l'arrêt de travail pour accident du travail survenu le 15 décembre 2008, le médecin du travail a déclaré M. Johann X...apte à la reprise du travail sous réserve de port de charges de moins de 10 kilogrammes et diversification des postes de travail (pièce no 40 de l'appelant).
Le 8 octobre 2009, le salarié a adressé à son employeur et à l'inspectrice du travail une réclamation relative à l'absence de prise en compte des préconisations du médecin du travail relativement à l'adaptation de son poste de travail. Par courrier du 20 octobre 2009, l'inspectrice du travail a demandé à la SEL Cherré de l'informer des aménagements mis en oeuvre, ce que cette dernière a fait par lettre circonstanciée du 3 novembre 2009 adressée au salarié et en copie à l'inspectrice du travail (pièce no 44 de l'appelant), emportant description détaillée " gare par gare " et allée par allée des tâches à accomplir, notamment des poids à soulever, et expliquant que l'allée C SO3 était le seul endroit adapté aux préconisations du médecin du travail, le poids moyen à porter étant de 700 grammes, et que le chef d'équipe veillait à modifier régulièrement sa position dans l'allée par passage d'une gare à l'autre, pour lui permettre d'alterner les mouvements. Il ressort de ces explications dont la réalité n'est pas discutée que, comme l'ont retenu les premiers juges, l'employeur a respecté les préconisations du médecin du travail. Aucune suite n'a d'ailleurs été donnée à ces explications par l'inspectrice du travail et M. Johann X...n'a jamais saisi le médecin du travail pour arguer d'un manquement de l'employeur à son obligation de respecter ses prescriptions.
Au soutien du harcèlement moral qu'il invoque, il fait valoir que " l'employeur aurait pu le faire bénéficier d'une autorisation de conduite de chariot ainsi que de l'obtention du CACES 1 ".
Cependant, dès lors que l'employeur a satisfait à son obligation relative à l'adaptation du poste de travail du salarié, il n'était pas tenu d'exaucer son voeu d'obtenir une autorisation de conduite de chariot élévateur.
L'appelant n'établit aucun manquement imputable à l'employeur dans le cadre de l'adaptation de son poste de travail.

Fait no 10- Le 30 novembre 2009, M. Johann X...a écrit à l'inspectrice du travail pour dénoncer la surveillance accrue mise en oeuvre à son égard au cours de la nuit de travail du 24 au 25 novembre 2009 et les propos désobligeants dont il indiquait avoir alors été victime. Il ajoutait que ces faits avaient porté atteinte à son état de santé et eu un retentissement sur le plan familial.

Par courrier du 30 novembre 2009 rappelant une précédente convocation à un entretien préalable fixé au 9 novembre 2009 et invoquant la commission de nouveaux faits fautifs depuis cet entretien, la SEL Cherré a convoqué M. Johann X...à un nouvel entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 10 décembre 2009.
Il résulte des pièces versées aux débats par l'appelant (extrait de procès-verbal de réunion extraordinaire de la délégation unique du personnel prise en qualité de comité d'entreprise du 28 décembre 2009 pièce no 4, de la décision de l'inspectrice du travail en date du 1er mars 2010 pièce no 5 et de la décision du ministre du travail du 6 septembre 2010 pièce no 6) que ce licenciement était envisagé pour les faits suivants : deux retards des 15 et 17 octobre 2009, refus de participer à la formation CAP2 du 23 octobre 2009 et d'avoir, au cours de la nuit du 24 au 25 novembre 2009 quitté son poste de travail pour se déplacer à plusieurs mètres de la gare à laquelle il était affecté. L'employeur n'a pas obtenu l'autorisation de licencier M. Johann X....
Ce dernier soutient que cette procédure de licenciement constitue un harcèlement moral à son égard en ce qu'elle s'explique par le fait que l'employeur était mécontent du courrier qu'il avait adressé à l'inspecteur du travail le 30 novembre 2009 et en ce que l'employeur a formé un recours devant le ministre du travail car il était mécontent de la décision de refus motivée rendue par l'inspectrice du travail.

Cependant, aucun élément objectif ne vient démontrer que, lorsqu'il a établi et expédié la convocation à l'entretien préalable le 30 novembre 2009, l'employeur était informé du courrier rédigé le même jour par M. Johann X...à l'intention de l'inspectrice du travail. Aucun lien ne peut donc être objectivement fait entre ces deux actes.

En second lieu, la circonstance que la décision de l'inspectrice du travail ait été précisément motivée n'était pas de nature à limiter le droit de l'employeur d'exercer le recours qui lui était ouvert étant observé que le licenciement envisagé était fondé sur des faits précis dont la matérialité était établie et non discutée, seul restant à apprécier leur caractère fautif.
Le salarié n'établit donc pas que l'engagement de la procédure de licenciement procéderait de la part de l'employeur d'un mécontentement et s'inscrirait en réaction à son courrier adressé à l'inspecteur du travail le 30 novembre 2009. Il n'établit pas plus que l'exercice de la voie de recours procéderait d'un mécontentement.

Les faits établis :

Au regard des pièces versées aux débats et des explications fournies, M. Johann X...établit la matérialité des faits suivants :

Fait no 1- les mises à pied disciplinaires prononcées à son encontre les 20/ 09/ 2007, 12/ 05/ 2010 et 20/ 05/ 2011 ;
Fait no 2- l'avertissement prononcé le 16 juillet 2009 ;
Fait no 5- la lettre recommandée du 20 août 2008 par laquelle, soulignant qu'il ne s'était pas présenté à son poste de travail du 10 au 13 août 2008 sans apporter d'explication ni de justificatif, la SEL Cherré l'a mis en demeure de lui fournir un justificatif faute de quoi, elle pourrait envisager une sanction disciplinaire ;
Fait no 8- la surveillance accrue mise en oeuvre au cours de la nuit du 24 au 25 novembre 2009 est reconnue par l'employeur et relatée par divers témoins ;
Fait no 9- la mise en demeure du 28 octobre 2009 aux termes de laquelle l'employeur lui a demandé de lui fournir tout justificatif au titre de son absence à la formation CAP 2 du 23 octobre précédent, programmée en dehors des horaires de travail, faute de quoi une sanction serait envisagée à son encontre ;
Fait no 11- courant juillet 2011, au vu d'un article du journal local mettant en évidence que M. Johann X...était inscrit dans un club de handball et pratiquait ce sport en équipe, l'employeur a sollicité le médecin du travail au sujet de la conformité du poste occupé par le salarié aux restrictions émises le 9 avril 2009 et sur le point de savoir si celles-ci étaient toujours justifiées ;
Fait no 11 bis-le salarié reproche à la SEL Cherré de l'avoir finalement affecté sur un poste dans le cadre duquel il effectuait des tâches de balayage, de vidage des poubelles et, pour le reste du temps, attendait en salle de pause et l'employeur reconnaît qu'ensuite de l'avis du médecin du travail du 25 octobre 2011, des tâches de nettoyage lui ont été occasionnellement confiées.

Ces faits pris dans leur ensemble laissent présumer une attitude de harcèlement moral.

L'employeur soutient qu'ils étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Fait no 1- S'agissant des mises à pied disciplinaires prononcées les 20/ 09/ 2007, 12/ 05/ 2010 et 20/ 05/ 2011, nonobstant la nullité de la première de ces sanctions justifiée par le défaut d'indication de la durée de la mise à pied, comme il a été précédemment démontré et jugé, elles étaient, au fond, justifiées par des attitudes fautives réitérées et elles étaient proportionnées au regard des manquements commis. Les sanctions ainsi prononcées constituent donc des décisions justifiées par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Fait no 2- L'avertissement prononcé le 16 juillet 2009, que M. Johann X...n'a jamais contesté et dont il n'a pas poursuivi la nullité, est ainsi motivé : "... Nous vous rappelons ci-dessous les motifs ayant conduit à cette rencontre :
En date du 11 juin 2009 au matin, nous avons trouvé un objet fabriqué avec du carton et du papier adhésif ressemblant à une épée ou une croix, en gare 1, où vous étiez affecté quelques heures auparavant. Nous étions alors inquiets, une personne mal intentionnée aurait pu vouloir vous intimider en plaçant une croix à votre poste de travail.
Le 11 juin au soir, Monsieur Frank L..., responsable d'exploitation, et Monsieur Bruno M..., Adjoint au Responsable de Plate-forme, se sont entretenus avec vous de vos congés payés et ont profité de cette occasion pour vous interroger quant à l'objet trouvé.
Vous avez reconnu avoir fabriqué, pour vous distraire, cet objet que vous avez qualifié d'épée. Vous nous avez précisé, d'un ton désinvolte, que cela ne vous semblait pas bien grave.
Nous ne pouvons tolérer de tels agissements, d'autant que l'objet en question est sujet à interprétation (signe religieux ou épée) de la part de vos collègues de travail.
...
En date du 12 juin 2009, Monsieur Jérôme N..., Chef d'équipe, lors de sa prise de poste, vous a trouvé dans la chambre froide S03. Vous n'aviez informé personne de cela et vous n'avez badgé qu'à 5h48 au lieu de 5h30, horaire de fin de votre journée de travail.
Vous avez indiqué à Monsieur N...être membre du CHSCT et que c'était en cette qualité que vous étiez resté afin de vérifier si les consignes évoquées lors de la dernière réunion du CHSCT étaient bien respectées.
Nous tenons tout d'abord à souligner que le fait de rester en chambre froide sans en informer quiconque est dangereux. Vous n'avez donc pas respecté les règles élémentaires de sécurité et avez donc mis en danger votre santé. Cela est tout à fait regrettable d'autant que vous êtes membre du CHSCT.
De plus, au delà de cela, nous vous rappelons que préalablement à tout déplacement dans les locaux de travail et a fortiori en chambre froide, vous devez en aviser votre hiérarchie.
D'autre part, nous vous rappelons que, conformément à l'accord collectif en vigueur que d'ailleurs vous respectez habituellement, préalablement à toute prise d'heure de délégation et dans le respect du délai de prévenance, un bon de délégation doit être remis à votre hiérarchie. Or, vous n'avez établi aucun bon de délégation.
Enfin, vous n'avez pas respecté les consignes concernant les badgeages puisque vous n'avez pas pointé à la fin de votre travail.
Lors de notre entretien du 03 juillet 2009, vous avez reconnu les faits susvisés, mais ne nous avez fourni aucune explication satisfaisante, nous précisant simplement que vous aviez oublié de pointer. Vous nous avez aussi confirmé que vous n'aviez pas informé votre chef d'équipe que vous restiez en chambre froide car vous estimiez que vous étiez en droit de circuler dans les locaux sans l'accord ou l'annonce préalable à votre hiérarchie.
Nous tenons à souligner que tout représentant du personnel est libre de circuler dans les locaux de travail, sous réserve de ne pas nuire au fonctionnement de l'entreprise et dans le respect des règles de sécurité.
Compte tenu des faits susvisés et des éléments recueillis lors de l'entretien, nous vous notifions par la présente un avertissement qui figurera dans votre dossier. ".

M. Johann X...ne discute pas la matérialité des faits qui ont motivé cet avertissement.
Le fait d'avoir, le 11 juin 2009, sur son temps de travail et pour se distraire, fabriqué, avec du carton et du papier adhésif, un objet figurant une épée voire une croix religieuse constitue un manquement à l'obligation de consacrer son temps de travail à l'exécution des tâches confiées par l'employeur et de fournir le travail contrepartie de la rémunération perçue.
Comme l'a souligné l'inspectrice du travail aux termes de la note qu'elle a établie le 18/ 09/ 2009 sur saisine du salarié, si le code du travail contient des dispositions expresses relativement à la liberté de déplacement pour les membres du comité d'entreprise, les délégués du personnel et les délégués syndicaux, tel n'est pas le cas pour les membres du CHSCT à l'égard desquels l'administration du travail considère toutefois qu'ils doivent pouvoir se déplacer

librement comme les autres représentants du personnel, droit qui, au sein de la SEL Cherré a d'ailleurs été entériné aux termes de l'accord d'entreprise conclu le 15 mai 2003 (pièce no 28 de l'intimée).
Toutefois, si l'employeur ne peut pas entraver la liberté de déplacement des représentants du personnel, pendant le temps de travail et en dehors, dans tous les locaux de l'entreprise où sont occupés les salariés, il peut cependant imposer des conditions de déplacement pour des raisons de sécurité à condition que les modalités de contrôle mises en place n'aient pas pour effet de limiter l'exercice du droit syndical et d'entraver les fonctions exercées.
Au cas d'espèce, le salarié ne conteste pas qu'il aurait dû informer sa hiérarchie, notamment, son chef d'équipe, du fait qu'il entendait, en sa qualité de membre du CHSCT se rendre dans une chambre froide pour y opérer un contrôle. Une telle mesure de simple information n'était pas de nature à limiter ou entraver l'exercice de ses fonctions et le salarié ne le soutient d'ailleurs pas. Elle est pleinement justifiée par des raisons de sécurité tenant à la dangerosité d'un séjour en chambre froide, étant rappelé que l'employeur est responsable de la sécurité et de la bonne marche de l'entreprise.
En outre, conformément aux dispositions de l'accord d'entreprise susvisé, le salarié devait, au moins 48 heures à l'avance " sauf circonstances exceptionnelles et urgentes " permettant de ne pas respecter ce délai mais qui ne sont pas invoquées en l'espèce, établir un bon de délégation seul moyen pour l'employeur de procéder au contrôle, légitime, de l'utilisation des heures de délégation.

Les attitudes fautives cumulées des 11 et 12 juin 2009 sont donc établies et elles justifiaient un avertissement, sanction tout à fait proportionnée au regard des faits commis.
L'avertissement litigieux constitue donc une décision justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Fait no 5- Par lettre recommandée du 20 août 2008, soulignant qu'il ne s'était pas présenté à son poste du 10 au 13 août 2008 sans apporter d'explication ni de justificatif, la SEL Cherré a mis M. Johann X...en demeure de lui fournir un justificatif faute de quoi, elle pourrait envisager une sanction disciplinaire (pièce no 30 de l'appelant).
Soutenant que cette absence correspondait à un congé de naissance, avoir fourni les justificatifs nécessaires, à savoir l'extrait d'acte de naissance de sa fille Victoire née le 4 juillet 2008, et obtenu l'autorisation d'absence, le salarié estime que ce courrier procède d'une attitude de harcèlement moral à son égard.
Comme l'ont exactement retenu les premiers juges, l'autorisation d'absence produite, délivrée le 10 juin 2008, jour où le salarié déclare s'être présenté à l'entreprise et avoir remis l'extrait d'acte de naissance, étant observé que sa fille est née postérieurement de sorte que l'on voit mal comment il aurait pu produire un acte de naissance dès le 10 juin 2008, a été délivrée exclusivement pour le 14 août 2008, l'employeur reconnaissant dans sa lettre du 26 septembre 2008 que cette date correspond à la nuit du 13 au 14 août 2008 s'agissant d'une demande de jour de RTT sur heures de nuit. Comme il l'avait fait aux termes de son courrier du 21 août 2008, le salarié soutient que, le 10 juin 2008, l'autorisation d'absence pour la période du 10 au 12 août lui aurait été donnée verbalement. Toutefois, il ne rapporte pas la preuve d'une telle autorisation verbale étant relevé qu'il n'est pas cohérent que le même jour, à savoir, le 10 juin 2008, il ait pu solliciter une autorisation écrite d'absence pour la nuit du 13 au 14 août et se contenter d'une formulation et d'une autorisation verbales pour la période du 10 au 12 août ; qu'il est encore plus incohérent de soutenir qu'une autorisation d'absence pour congé parental aurait pu lui être donnée alors que la naissance de l'enfant n'était pas encore intervenue.

Il apparaît ainsi que cette mise en demeure était justifiée par des circonstances objectives exclusives de toute attitude de harcèlement puisque le salarié a été absent pendant trois jours sans avoir requis ni obtenu d'autorisation.

Fait no8- M. Johann X...soutient que, mécontent de la saisine de l'inspectrice du travail, pendant la nuit du 24 au 25 novembre 2009, l'employeur l'a soumis à des pressions en le faisant surveiller étroitement sur le lieu de travail.
Cette surveillance accrue est reconnue par l'employeur et relatée par divers témoins.

Le salarié produit une seule attestation établie par Mme Eilsabeth O...(sa pièce no71), laquelle indique que, pendant 7 heures le chef d'équipe, M. P..., et le conducteur de ligne, M. D...étaient postés derrière lui et qu'ils le gênaient dans son travail sans lui apporter d'aide ce qui a généré une pression. Cette version d'une surveillance postée et gênante n'est corroborée par aucune autre pièce et M. Johann X...ne l'a pas avancée lorsqu'il a été entendu le 28 décembre 2009 par la délégation unique du personnel.
L'employeur verse quant à lui aux débats le témoignage de Mme Tatiana Q...(sa pièce no 25), salariée de la SEL Cherré, duquel il ressort que la surveillance mise en place à l'égard de M. Johann X...sur décision de M. P..., d'une part, était liée au fait que, le soir en question, l'intéressé se déplaçait dans l'atelier et quittait donc son poste de travail pour aller discuter avec un salarié posté à une gare distante de 20 mètres environ, d'autre part, qu'elle a seulement consisté à demander aux conducteurs de ligne de le prévenir si le salarié se déplaçait à nouveau. Le témoin indique que ce dernier a, en effet, réitéré ses déplacements en dépit de la demande que lui avait faite le chef d'équipe de rester à son poste et du rappel qu'il lui avait fait des règles de travail et il ajoute que M. Johann X...a fait comprendre qu'il se fichait de ce qui lui était dit, opposant qu'il n'était pas interdit de se déplacer dès lors que la ligne ne bloquait pas.
Devant la délégation unique du personnel, M. Johann X...a reconnu qu'il s'était déplacé en dépit de l'interdiction formulée, a opposé que c'était une attitude générale, soutenu qu'il avait effectué ces déplacements dans le cadre de sa délégation CHSCT (il est toutefois constant qu'il n'avait pas posé d'heure de délégation ce jour là) et il a ajouté : " Vu mes problèmes de dos, je n'attends plus rien de l'entreprise, je suis obligé à terme de prendre des dispositions personnelles pour pouvoir partir de l'entreprise dans de bonnes conditions en raison de mes problèmes de santé. " (PV du 28 décembre 2009- pièce no 4 de l'appelant).
Il ressort de ces éléments que la surveillance litigieuse, d'une part, n'a pas donné lieu à une pression stressante et gênante pour le salarié, d'autre part, était justifiée par son attitude d'insubordination consistant à effectuer des déplacements fréquents et lointains par rapport à son poste de travail ce qui est contraire aux règles en vigueur comme de nature à perturber le travail de la " gare " concernée.
Cette surveillance était justifiée par des circonstances objectives exclusives de toute attitude de harcèlement.

Fait no 11- Les contre-indications émises par le médecin du travail le 9 avril 2009 étant toujours en vigueur, au vu d'un article du journal local mettant en évidence que M. Johann X...était inscrit dans un club de handball et pratiquait ce sport en équipe, le 12 juillet 2011, la SEL Cherré a fait part à l'inspectrice du travail de ce qu'elle avait sollicité le médecin du travail au sujet de la conformité du poste occupé par le salarié aux restrictions émises le 9 avril 2009 et sur le point de savoir si celles-ci étaient toujours justifiées.
Le médecin du travail est venu au sein de l'établissement et a examiné le salarié les 15 et 26 septembre 2011 et le 25 octobre 2011.

L'appelant considère que l'organisation de ces visites, dont la matérialité, est établie procède d'une attitude de harcèlement moral à son égard.

Il ressort des pièces produites que :
- à l'issue de la première visite, le médecin du travail a confirmé l'aptitude avec maintien de la contre-indication relative au port de charges supérieures à 10kg et des préconisations de diversification des postes de travail avec fixation d'un nouvel examen le 23 septembre 2011 ;
- à cette date, le médecin du travail a confirmé les restrictions relatives au port de charges supérieures à 10 kg et les préconisations de diversification en ajoutant, pendant un mois, une contre-indication aux gestes de préhension répétés de charge du membre supérieur gauche et en indiquant que le poste de type " filmage en SO2 " semblerait répondre à ces préconisations médicales ; une nouvelle visite a été prévue dans le délai d'un mois ;
- suite à l'indication fournie par l'employeur selon laquelle le poste " filmage en SO2 " n'existait pas en tant que tel et que ces tâches faisaient partie d'un poste comportant des tâches incompatibles avec les aptitudes du salarié s'agissant, notamment, du port de charges, le 28 septembre 2011, le médecin du travail s'est rendu dans l'entreprise et y a observé le poste en SO2 en concluant que seules, dans ce poste, les opérations strictes de filmage et de conduite de chariot étaient compatibles avec la préservation de l'état de santé du salarié ;
- à l'issue de la visite du 25 octobre 2011, le médecin du travail a confirmé la limitation du port de charges à 10 kg, la diversification des tâches et indiqué que M. Johann X...restait médicalement apte aux tâches de filmage et de conduite du chariot sur le poste SO2, aux tâches de nettoyage des locaux et aux tâches de type administratif.

Au regard de ces éléments, la demande adressée par l'employeur au médecin du travail de revoir M. Johann X...apparaît justifiée par son souci de s'assurer de ses aptitudes et de l'affecter sur un poste de travail compatible et elle s'inscrit dans l'exécution de son obligation de garantir la santé et la sécurité du salarié.
Elle était donc justifiée par des éléments objectifs exclusifs de toute attitude de harcèlement.

Fait no 11 bis-Le salarié reproche à la SEL Cherré de l'avoir finalement affecté sur un poste dans le cadre duquel il effectuait des tâches de balayage, de vidage des poubelles et, pour le reste du temps, attendait en salle de pause. Il ne rapporte toutefois pas la preuve de l'affectation exclusive qu'il allègue à de telles tâches. Il est en outre mal fondé à reprocher à l'employeur de ne pas l'avoir affecté sur le poste SO2 puisqu'une partie des tâches attachées à ce poste étaient incompatibles avec son état de santé.
L'employeur reconnaît que des tâches de nettoyage ont été occasionnellement confiées à M. Johann X...(notamment, balayage de la seule zone fumeur). Une telle affectation était justifiée comme conforme aux préconisations du médecin du travail. Comme l'ont retenu les premiers juges, en l'état des éléments produits, il apparaît que la SEL Cherré a respecté ces préconisations et son obligation relative à la garantie de la santé et de la sécurité du salarié.
L'affectation critiquée est donc justifiée par des éléments objectifs exclusifs de toute attitude de harcèlement.

Fait no 9- Le 15 octobre 2009, l'employeur a affiché le planning des formations CAP2 mentionnant que M. Johann X...devait participer à la formation du 23 octobre 2009 de 13 h à 16 h. Le 19 octobre, le salarié a fait connaître à son employeur qu'il n'y participerait pas.

Il verse aux débats la mise en demeure que la SEL Cherré lui a adressée le 28 octobre 2009 de lui fournir tout justificatif d'absence faute de quoi une sanction serait envisagée à son encontre.
L'appelant soutient que cette mise en demeure constitue un harcèlement moral à son égard dans la mesure où son refus était légitimé par le fait que, contrairement aux dispositions de l'article R. 4141-5 du code du travail, cette formation ne se déroulait pas pendant l'horaire normal de travail et qu'il était le seul salarié concerné par cette formation à n'avoir pas bénéficié d'une adaptation d'horaires, ce qu'il a rappelé dans sa lettre de protestation du 16 novembre 2009 et qui n'est pas utilement discuté, étant observé qu'il résulte de la décision de l'inspectrice du travail du 1er mars 2010 que la formation en cause concernait huit salariés dont trois faisaient partie de l'équipe 13 h- 20h30 de sorte qu'elle se déroulait pendant leur horaire de travail, et dont quatre faisant partie de l'équipe de nuit (21 h-5 h 30 ou 22 h-5 h30) ont vu leurs horaires aménagés de 8 h 30 à 16 h.

La réalité de la mise en demeure (pièce no 48 de l'appelant) est établie et le fait d'avoir adressé au salarié une telle mise en demeure alors qu'il apparaît que la formation litigieuse d'une durée de trois heures se déroulait dans la suite immédiate de sa journée de travail dont l'horaire était 5 h 30-13 h et non, conformément aux dispositions de l'article R. 4141-2 du code du travail, " pendant l'horaire normal de travail ", et qu'il n'avait bénéficié d'aucun aménagement d'horaires laisse présumer une attitude de harcèlement moral.

Contrairement à ce qu'avance l'employeur, qui était parfaitement à même de réaliser que la formation se situait en dehors des horaires de travail du salarié et dans suite immédiate d'un travail de nuit d'une durée de 7 h 30 et auquel il appartenait d'assurer le respect des dispositions légales, il n'incombait pas particulièrement au salarié de solliciter cet aménagement d'horaires.
Ce fait n'est donc pas justifié par un élément objectif exclusif de toute attitude de harcèlement.

S'agissant des éléments médicaux produits, ils ne permettent pas de caractériser une atteinte précise à l'état de santé du salarié, encore moins en lien avec un harcèlement moral. En effet, l'avis du médecin du travail du 4 janvier 2012 est ainsi libellé : " Inapte temporaire-Doit consulter médecin traitant " et la prescription médicale du 21 décembre 2011 est relative à un médicament prescrit pour un mois et à la délivrance d'un " flacon " s'agissant d'un autre produit, les indications thérapeutiques de ces médicaments n'étant pas justifiées.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a débouté M. Johann X...de sa demande indemnitaire formée au titre du harcèlement moral dès lors que, un seul fait de harcèlement moral étant établi, fait défaut la preuve d'agissements répétés.

6o) Sur la demande de dommages et intérêts fondée, à titre moyen subsidiaire, sur le manquement de l'employeur à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail :

Aux termes de ses écritures, M. Johann X...n'articule aucun manquement précis à l'appui de cette prétention. A la demande de la cour à l'audience, il a fait valoir que, dans le cadre des préconisations et restrictions émises par le médecin du travail, la SEL Cherré aurait dû lui fournir un autre emploi.

Cependant, comme la cour l'a précédemment relevé, il ressort des éléments du dossier que, tant après l'avis d'aptitude avec réserves du 9 avril 2009 que postérieurement à la visite du 25 octobre 2011, l'employeur a affecté le salarié sur un poste respectant les préconisations et restrictions émises par le médecin du travail, étant observé que le poste en allée C SO3 attribué après l'avis du 9 avril 2009 était le seul compatible avec l'état de santé du salarié et que, dès lors qu'il fournissait un poste adapté, l'employeur n'avait aucune obligation de satisfaire le désir de M. Johann X...consistant à être affecté sur une partie des tâches du poste SO2, à savoir, les seules opérations de filmage et de conduite du chariot.

Plus amplement, comme l'ont exactement retenu les premiers juges, il résulte des éléments de la cause que, si les relations de travail étaient à l'évidence dégradées entre les parties, il apparaît que, pendant plus de huit années, l'employeur a exécuté de bonne foi le contrat de travail, l'inscription à une formation à la sécurité en dehors des heures de travail et la mise en demeure adressée pour absence à cette formation n'étant pas, à elles seules, de nature à caractériser un manquement à cette obligation.

Le jugement déféré sera dès lors confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, en matière sociale, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Dit que les sommes de 195, 51 ¿ et 19, 55 ¿ porteront intérêts au taux légal à compter du 29 août 2011 ;

Condamne M. Johann X...à payer à la SEL Cherré la somme de 1200 ¿ au titre de ses frais irrépétibles d'appel et à supporter les dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Viviane BODINAnne JOUANARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/02340
Date de la décision : 18/11/2014
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2014-11-18;12.02340 ?
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