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18/11/2014 | FRANCE | N°12/01413

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 18 novembre 2014, 12/01413


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N al/ jc

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 01413.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de LAVAL, décision attaquée en date du 07 Juin 2012, enregistrée sous le no 11/ 00199
ARRÊT DU 18 Novembre 2014

APPELANT :

Monsieur Emmanuel X......53100 CONTEST

non comparant-représenté par Maître Hervé CHAUVEAU de la SARL ZOCCHETTO-RICHEFOU ET ASSOCIES, avocats au barreau de LAVAL
INTIMEE :
La Société LAVAL CLIM anciennement dénommée l'EURL Y...

-ENERGIE 56 rue Ludwig Van Beethoven 53000 LAVAL

représentée par Maître Marylin DEFRANCHI, avocat au bar...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N al/ jc

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 01413.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de LAVAL, décision attaquée en date du 07 Juin 2012, enregistrée sous le no 11/ 00199
ARRÊT DU 18 Novembre 2014

APPELANT :

Monsieur Emmanuel X......53100 CONTEST

non comparant-représenté par Maître Hervé CHAUVEAU de la SARL ZOCCHETTO-RICHEFOU ET ASSOCIES, avocats au barreau de LAVAL
INTIMEE :
La Société LAVAL CLIM anciennement dénommée l'EURL Y...-ENERGIE 56 rue Ludwig Van Beethoven 53000 LAVAL

représentée par Maître Marylin DEFRANCHI, avocat au barreau de LAVAL en présence de Monsieur Y..., gérant de la Société

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Septembre 2014 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne LEPRIEUR, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller Madame Anne LEPRIEUR, conseiller

Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 18 Novembre 2014, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******

FAITS ET PROCEDURE

M. Emmanuel X...a été engagé par la société Y...-Energie (dénommée depuis lors Laval Clim) à compter du 28 septembre 2009 en qualité d'installateur frigoriste.
Les relations entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment visées par le décret du 1er mars 1962 (c'est-à-dire occupant jusqu'à 10 salariés) du 8 octobre 1990.
Par lettre en date du 18 décembre 2010 reçue le 22 décembre 2010, une demande d'homologation de rupture conventionnelle du contrat conclu entre les parties était adressée à la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (la DIRECCTE). La DIRECCTE faisait savoir à l'employeur par lettre du 5 janvier 2011 que la demande d'homologation était refusée aux motifs, d'une part, que la date de fin du délai de rétractation indiquée sur le formulaire, soit le 17 décembre 2010, n'était pas " exacte du fait d'une date de signature par les deux parties le 18/ 12/ 2010 " et que " ceci ne permet pas d'apprécier si le délai légal de rétractation a été respecté " et, d'autre part, que deux sommes distinctes figuraient quant au montant de l'indemnité spécifique de rupture convenue. Elle invitait les parties à déposer le cas échéant une nouvelle demande.
Par lettre reçue le 19 janvier 2011, un second formulaire de rupture conventionnelle était adressé à la DIRECCTE. Cet accord de rupture, daté du 2 décembre 2010, mentionnait un délai de rétractation expirant le 18 décembre 2010, une date de rupture envisagée au 9 février 2011 ainsi qu'une indemnité spécifique de rupture conventionnelle d'un montant de 525 ¿. Cette convention était homologuée le 7 février 2011.
Le 26 octobre 2011, le conseil du salarié saisissait la juridiction prud'homale de demandes en paiement d'indemnités de rupture, indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et indemnité pour frais irrépétibles.
Par jugement du 7 juin 2012, le conseil de prud'hommes de Laval a jugé la rupture du contrat de travail valide, débouté le salarié de toutes ses demandes et condamné celui-ci aux dépens. Il a en outre débouté la société de sa demande en paiement d'une somme au titre des frais irrépétibles.
Le conseil du salarié a régulièrement interjeté appel.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Le salarié, dans ses conclusions régulièrement communiquées et parvenues au greffe le 4 septembre 2014, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, sollicite l'infirmation du jugement, le prononcé de la nullité de la rupture conventionnelle et la condamnation de la société à lui payer les sommes de : * 21 955 ¿ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; * 457, 50 ¿ à titre d'indemnité de licenciement ; * 1 829, 58 ¿ à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 182, 95 ¿ de congés payés afférents ; * 3 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Au soutien de ses prétentions, il affirme qu'à compter du 22 décembre 2010, M. Y..., le gérant de l'entreprise, lui a demandé de ne plus venir travailler. A deux reprises, l'employeur n'a pas respecté la procédure de rupture conventionnelle, le salarié n'ayant reçu aucun exemplaire des conventions successives, de sorte qu'il était dans l'impossibilité d'user de sa faculté de rétractation, ce dont il résulte que la rupture est nulle. La rupture du 2 décembre 2010 est nécessairement antidatée, puisqu'elle est forcément postérieure au courrier du 5 janvier 2011 par lequel la DIRECCTE a demandé que soit établie une nouvelle demande conforme. Au demeurant, le salarié n'a bénéficié d'aucun entretien préalable et n'a pas été mis en mesure de donner son consentement de manière éclairée en étant informé notamment de ce qu'il avait la possibilité de se faire assister, alors même qu'un important litige de nature commerciale existait entre les parties.

La nullité de la rupture conventionnelle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La société, dans ses conclusions régulièrement communiquées et parvenues au greffe le 19 septembre 2014, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, sollicite la confirmation du jugement, le débouté du salarié de toutes ses demandes et sa condamnation à lui payer la somme de 1 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens. A titre subsidiaire, pour le cas où la nullité de la rupture conventionnelle serait prononcée, elle sollicite qu'il soit jugé que la moyenne des salaires bruts ne peut être fixée à la somme de 1 829, 58 ¿, que le salarié soit débouté de toutes ses demandes et condamné au paiement de la somme de 1 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que la rupture conventionnelle a été initiée à la demande expresse du salarié et que celui-ci a manifesté son accord, clair et non équivoque, par deux fois, en signant deux formulaires distincts. Il avait été convoqué auparavant à un entretien, l'absence de délai entre l'entretien et la signature du formulaire n'entachant pas la rupture conventionnelle de nullité. Il s'est déplacé postérieurement pour venir chercher les documents établis en fin de contrat sans émettre la moindre réclamation. Il a d'ailleurs reçu de la DIRECCTE un formulaire signé, qui lui a permis de percevoir des indemnités de Pôle emploi. Si un contentieux a opposé les parties, le litige est né après la rupture. Dans ces conditions, la rupture est valide et le salarié irrecevable en ses demandes.
A titre subsidiaire, la société observe d'abord que le calcul du montant mensuel de salaire n'est pas justifié. Le salarié, qui a perçu des indemnités de chômage et créé son entreprise, ne justifie d'aucun préjudice. Il a perçu, dans le cadre de la rupture conventionnelle, une somme correspondant à l'indemnité légale de licenciement. Du fait de l'homologation de la rupture, le préavis n'est pas dû. En outre, les congés payés ne sont pas payés directement par l'employeur mais par la caisse de congés payés du bâtiment.

MOTIFS DE LA DÉCISION

-Sur la nullité de la rupture conventionnelle :
La remise d'un exemplaire de la convention de rupture au salarié est nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander l'homologation de la convention, dans les conditions prévues par l'article L. 1237-14 du code du travail, et pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d'exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause ; à défaut, la convention de rupture est atteinte de nullité.
Or, en l'espèce, il n'est ni allégué par l'employeur ni établi que le salarié ait reçu un exemplaire de la convention de rupture avant son homologation et donc dans le délai d'exercice de la faculté de rétractation. Ni la convention de rupture, ni aucun autre document produit ne portent mention d'une telle remise ou de la rédaction de la convention en plusieurs originaux dont l'un aurait été destiné au salarié.
Force est en conséquence de prononcer la nullité de la convention conclue entre les parties.
- Sur les conséquences financières de la nullité de la rupture conventionnelle :
La rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Dès lors, le salarié est en droit de prétendre aux indemnités de rupture.
L'article 10. 3 de la convention collective ne prévoit pas d'indemnité de licenciement en cas d'ancienneté inférieure à 2 ans. Il convient donc de faire application des dispositions légales : sur la base d'une ancienneté de 1 an et 4 mois et d'un salaire brut moyen de 1 968, 71 ¿ (cette somme correspond tant à la moyenne des 12 derniers mois qu'à celle des 3 derniers mois précédant le licenciement et inclut les indemnités de congés payés versées par la caisse de congés payés), on aboutit à une somme de 524, 98 ¿. Le salarié ayant déjà perçu la somme de 525 ¿ à titre d'indemnité spécifique de rupture conventionnelle, laquelle, selon les dispositions de l'article L. 1237-13 du code du travail, ne peut pas être inférieure à l'indemnité de licenciement, il sera débouté de sa demande par voie de confirmation du jugement.
L'inexécution du préavis résultant du fait de l'employeur, ce dernier est redevable de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents. L'article 10. 11 de la convention collective applicable prévoit, dans le cas d'un licenciement, un délai de préavis d'une durée d'un mois pour une ancienneté comprise entre 6 mois et 2 ans, comme en l'espèce. L'indemnité compensatrice de préavis due au salarié est égale au salaire brut, assujetti au paiement par l'employeur, des cotisations sociales, que le salarié aurait reçu s'il avait travaillé pendant la durée du délai-congé. Il doit être pris en compte par conséquent le salaire brut dit " abattu " par application des dispositions de la loi dite TEPA du 21 août 2007, c'est à dire servant de base au calcul des cotisations sociales, tel que figurant sur les bulletins de paie, soit 1 771, 84 ¿ ; la société sera condamnée au paiement de cette somme, outre celle de 1 77, 18 ¿ de congés payés afférents, par voie d'infirmation du jugement.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge (36 ans), de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle (l'intéressé a créé son entreprise de plomberie en février 2012) et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L. 1235-5 du code du travail, une somme de 3 000 ¿ à titre d'indemnité pour licenciement abusif, par voie d'infirmation du jugement.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement, en matière sociale, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en celles ayant débouté M. Emmanuel X...de sa demande en paiement d'une indemnité de licenciement ainsi que la société Y...-Energie (dénommée depuis lors Laval Clim) de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Prononce la nullité de la convention de rupture en date du 2 décembre 2010 ;
Juge que la nullité de la convention produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société Laval Clim à payer à M. Emmanuel X...les sommes suivantes : * 3 000 ¿ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; * 1 771, 84 ¿ à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 177, 18 ¿ de congés payés afférents ; * 2 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Confirme le jugement déféré pour le surplus ;
Déboute la société Laval Clim de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Condamne la société Laval Clim aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

V. BODINAnne JOUANARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/01413
Date de la décision : 18/11/2014
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2014-11-18;12.01413 ?
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