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04/11/2014 | FRANCE | N°12/02280

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 04 novembre 2014, 12/02280


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N clm/

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 02280.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 10 Octobre 2012, enregistrée sous le no 11/ 00461

ARRÊT DU 04 Novembre 2014

APPELANT :

Monsieur Stephane X...... 72210 Chemiré le Gaudin (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/ 010100 du 30/ 11/ 2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)

non comparant-représenté par Maître

Alain GUYON de la SCP GUYON ALAIN-CAO PAUL, avocats au barreau d'ANGERS-No du dossier 12. 213A

INTIMEE :...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N clm/

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 02280.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 10 Octobre 2012, enregistrée sous le no 11/ 00461

ARRÊT DU 04 Novembre 2014

APPELANT :

Monsieur Stephane X...... 72210 Chemiré le Gaudin (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/ 010100 du 30/ 11/ 2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)

non comparant-représenté par Maître Alain GUYON de la SCP GUYON ALAIN-CAO PAUL, avocats au barreau d'ANGERS-No du dossier 12. 213A

INTIMEE :

LA SAS ST2M ZA le Tertre 72430 Noyen sur Sarthe

non comparante-représentée par Maître Thierry PAVET de la SCP LE DEUN-PAVET-VILLENEUVE-DAVETTE-BENOIST-DUPUY, avocats au barreau du MANS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Septembre 2014 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller Madame Anne LEPRIEUR, conseiller

Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 04 Novembre 2014, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
FAITS ET PROCÉDURE :
La société ST2M a pour activité le transport routier de fret interurbain. Elle emploie habituellement au moins onze salariés (19 au 31/ 12/ 2010 et 17 au moment de la rupture en cause).
Suivant contrat de travail à durée déterminée du 13 juillet 2010 conclu pour une durée de sept semaines prenant fin le 27 août suivant, motif pris d'" un accroissement temporaire d'activité découlant de l'activité saisonnière du transport ", elle a embauché M. Stéphane X...en qualité de conducteur routier à temps plein (35 heures hebdomadaires) groupe 4, coefficient 138M de l'annexe ouvriers de la convention collective nationale des Transports. Le contrat de travail s'est poursuivi au-delà du terme initialement convenu. Dans le dernier état de la relation de travail, le salaire mensuel brut de base s'élevait à la somme de 1 390, 81 ¿ auquel s'ajoutaient, certains mois, des heures d'équivalence et des heures supplémentaires, soit une moyenne mensuelle de 1 673, 14 ¿ au cours des six derniers mois.

Après avoir convoqué M. Stéphane X..., par lettre du 25 janvier 2011, à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique fixé au 4 février 2011, par lettre recommandée du 16 février suivant, la société ST2M lui a notifié son licenciement en ces termes :
" Monsieur, À la suite de notre entretien du vendredi 4 février 2011, nous sommes au regret de vous informer que nous sommes dans l'obligation de poursuivre notre projet de licenciement économique à votre égard. Comme nous vous l'avons indiqué lors de cet entretien, votre emploi est supprimé pour les motifs économiques suivants : · Baisse du chiffre d'affaires au cours du dernier semestre de l'exercice 2009/ 2010 (-6, 39 %), · Augmentation des coûts de carburants ayant entraîné une diminution importante de la rentabilité du résultat d'exploitation au cours du dernier exercice.

Ces motifs conduisent l'entreprise à supprimer un poste de chauffeur routier.... ".
La lettre de rupture se poursuit par les indications relatives à la convention de reclassement personnalisé proposée au salarié lors de l'entretien préalable, à l'exécution du préavis d'un mois, aux heures d'absence pour recherche d'emploi, à la priorité de réembauche, au droit à l'information sur l'ordre des licenciements et à l'absence de droits acquis au titre du droit individuel à la formation.
Le 12 septembre 2011, M. Stéphane X...a saisi le conseil de prud'hommes pour contester cette mesure et obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement du 11 octobre 2012 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le conseil de prud'hommes du Mans a retenu que son licenciement pour motif économique était justifié et il l'a débouté sa demande indemnitaire en le condamnant aux dépens, la société ST2M étant déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
M. Stéphane X...est régulièrement appelant de cette décision.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Vu les conclusions et observations orales des parties à l'audience des débats du 23 septembre 2014 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés ;
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 27 mars 2014, régulièrement communiquées, reprises et complétées oralement à l'audience aux termes desquelles M. Stéphane X...demande à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris ;
- de requalifier en contrat de travail à durée indéterminée le contrat de travail à durée déterminée conclu le 13 juillet 2010 aux motifs, d'une part, que le motif de recours au CDD est imprécis en ce qu'il n'énonce pas en quoi l'entreprise aurait été impactée par le surcroît d'activité invoqué, d'autre part, que l'employeur ne rapporte pas la preuve de la réalité du motif de recours ;
- de déclarer son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse aux motifs : ¿ tout d'abord, que la baisse de chiffre d'affaires invoquée dans la lettre de rupture ne peut pas constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, que les difficultés économiques alléguées ne sont pas justifiées en ce que le résultat est demeuré largement bénéficiaire et qu'elles ont, en tout cas, été de très courte durée puisque quatre mois après son licenciement, la société ST2M a embauché deux nouveaux chauffeurs ; ¿ en second lieu, que l'employeur, qui ne justifie d'aucune recherche de reclassement, a failli à son obligation de reclassement à son égard ;

- de condamner la société ST2M à lui payer les sommes suivantes : ¿ 1 500 ¿ d'indemnité de requalification du CDD en CDI, ¿ 15 000 ¿ d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ¿ 1 500 ¿ de dommages et intérêts pour violation des dispositions de l'article R. 4624-10 du code du travail en ce qu'il n'a pas bénéficié d'une visite médicale d'embauche ;

- de la condamner à lui payer la somme de 2 500 ¿ au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 dont recouvrement au profit de Maître Alain Guyon, avocat au barreau d'Angers.

Vu les conclusions enregistrées au greffe le 1er septembre 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles la société ST2M demande à la cour :

- de débouter M. Stéphane X...de son appel et de toutes ses prétentions, et de confirmer le jugement entrepris ;- de le condamner à lui payer la somme de 2 000 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

L'employeur fait valoir essentiellement :
- s'agissant de la demande indemnitaire pour absence de visite médicale d'embauche, que le salarié ne justifie d'aucun préjudice en tout cas pas à la hauteur de la somme réclamée ;
- s'agissant du recours au CDD, que le contrat conclu le 13 juillet 2010 est parfaitement régulier en la forme, le motif de recours mentionné étant valable et précis ;- s'agissant du licenciement, que : ¿ la baisse du chiffre d'affaires ainsi que la diminution importante du résultat d'exploitation et de la rentabilité de l'entreprise liée à une augmentation du prix des carburants constituent, en eux-mêmes, une cause économique valable, objective et vérifiable ; ¿ ces difficultés économiques sont corroborées par les pièces comptables produites ; ¿ aucun manquement à son obligation de reclassement ne peut lui être reproché puisqu'il n'existait aucun poste disponible au moment de la rupture, étant précisé que l'entreprise dispose d'un seul établissement.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l'absence de visite médicale d'embauche :
L'article R. 4624-10 du code du travail prévoit que « le salarié bénéficie d'un examen médical avant l'embauche ou au plus tard avant l'expiration de la période d'essai par le médecin du travail ». Tenu d'une obligation de sécurité de résultat, l'employeur doit assurer l'effectivité de la visite médicale d'embauche.

Au cas d'espèce, la société ST2M ne discute pas l'absence de visite médicale d'embauche et ne justifie d'aucune diligence pour la faire réaliser. Le manquement de l'employeur qui a fait travailler M. Stéphane X...pendant toute la relation de travail sans s'assurer de la réalisation, par le médecin du travail, d'une visite médicale d'embauche permettant de vérifier l'aptitude du salarié à occuper son poste de conducteur routier cause nécessairement à ce dernier un préjudice qui sera réparé par l'allocation de la somme de 500 ¿.

Sur la demande de requalification du CDD en CDI :

Aux termes du contrat de travail à durée déterminée conclu entre les parties le 13 juillet 2010, le recours au CDD est motivé par " un accroissement temporaire d'activité découlant de l'activité saisonnière du transport ".
L'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise est l'un des cas de recours au contrat de travail à durée déterminée prévu par l'article L. 1242-2 du code du travail. Le motif de recours est suffisamment précis en ce que le contrat de travail énonce que l'accroissement temporaire d'activité justifiant l'embauche de M. Stéphane X...est lié à l'activité saisonnière du transport.
Toutefois, la société ST2M, qui ne produit pas la moindre pièce sur ce point, étant défaillante à rapporter la preuve de la réalité de l'accroissement temporaire d'activité invoqué aux termes du contrat de travail, il convient de faire droit à la demande de requalification du CDD en CDI et, en application de l'article L. 1245-2 du code du travail, d'allouer à M. Stéphane X...la somme de 1500 ¿ à titre d'indemnité de requalification.
Sur le licenciement :
Il résulte des termes de la lettre du 16 février 2011 que la cause économique invoquée à l'appui du licenciement pour motif économique de M. Stéphane X...tient en des difficultés économiques qui seraient caractérisées par la baisse du chiffre d'affaires, évaluée à-6, 39 %, au cours du dernier semestre de l'exercice 2009/ 2010 et par une diminution importante de la rentabilité de l'entreprise et du résultat d'exploitation au cours du dernier exercice provoquée par l'augmentation du prix des carburants.
Il résulte des documents comptables produits que l'exercice comptable de la société ST2M court du 1er décembre de l'année N au 30 novembre de l'année N + 1. Il en ressort que le chiffre d'affaires net s'est élevé à 2 521 761 ¿ au 30/ 11/ 2008, à 2 223 772 ¿ au 30/ 11/ 2009 et à 2 169 660 ¿ au 30/ 11/ 2010 soit une diminution de 54 112 ¿ entre les deux derniers exercices, très inférieure à la baisse de 6, 39 % invoquée dans la lettre de rupture.

S'agissant du résultat d'exploitation, la lecture des documents comptables révèle qu'il est passé de 6 803 ¿ au 30/ 11/ 2008 à 11 057 ¿ au 30/ 11/ 2009 et à 24 400 ¿ au 30/ 11/ 2010 de sorte que, loin de diminuer, il n'a pas cessé d'augmenter et a même plus que doublé entre l'exercice 2009 et l'exercice 2010, tandis que le résultat net de l'entreprise était constitué par un bénéfice d'un montant de 45 615 ¿ au 30/ 11/ 2008, de 79 702 ¿ au 30/ 11/ 2009 et de 46 129 ¿ au 30/ 11/ 2010.
La société ST2M ne fournit aucune explication et ne produit aucune pièce de nature à caractériser la diminution importante de rentabilité de l'entreprise invoquée dans la lettre de licenciement.
De l'ensemble de ces éléments, il découle que la preuve des difficultés économiques alléguées à l'appui du licenciement de M. Stéphane X...pour motif économique n'est pas rapportée. Pour ce seul motif, sans qu'il y ait lieu à examen du moyen tiré du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement, par voie d'infirmation du jugement déféré, ce licenciement doit donc être déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le salarié comptant moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise au jour de son licenciement, trouvent à s'appliquer les dispositions de l'article L. 1235-5 du code du travail aux termes duquel, en cas de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi. En considération de la situation particulière de M. Stéphane X..., notamment de son âge (42 ans) et de son ancienneté au moment de la rupture (7 mois), de sa capacité à retrouver un emploi compte tenu de sa formation (il a travaillé du 11 avril au 2 septembre 2011 comme conducteur courte distance en tant que salarié de la société AVNVI et justifie avoir perçu des revenus salariaux d'un montant total de 20 643 ¿ au titre de l'année 2001, puis il a suivi un stage de formation continue " Transport de marchandises " du 19 au 23 décembre 2011 et il a créé son entreprise, la SARL " Retour aux Sources " qui ne lui a pas permis de se rémunérer au cours de l'exercice 2012) et des circonstances du licenciement, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer le préjudice résultant pour lui du licenciement injustifié à la somme de 5 000 ¿.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, en matière sociale, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société ST2M de sa demande formée au titre des frais irrépétibles ;
L'infirme en toutes ses autres dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Requalifie en contrat de travail à durée indéterminée le contrat de travail à durée déterminée conclu entre les parties le 13 juillet 2010 ;
Déclare le licenciement de M. Stéphane X...dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société ST2M à payer à M. Stéphane X...les sommes suivantes :-500 ¿ de dommages et intérêts pour absence de visite médicale d'embauche,-1 500 ¿ d'indemnité de requalification du CDD en CDI,-5 000 ¿ d'indemnité pour licenciement injustifié ;

En application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, condamne la société ST2M à payer à Maître Alain Guyon, avocat de M. Stéphane X..., inscrit au Barreau d'Angers, la somme de 2 500 ¿ au titre des frais et honoraires de première instance et d'appel, non compris dans les dépens, que M. Stéphane X...aurait exposés s'il n'avait pas bénéficié de l'aide juridictionnelle, et rappelle que Maître Alain Guyon, s'il recouvre cette somme, devra renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat ;
Déboute la société ST2M de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
La condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

V. BODINAnne JOUANARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/02280
Date de la décision : 04/11/2014
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2014-11-04;12.02280 ?
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