COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N
clm/
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 01997.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 07 Septembre 2012, enregistrée sous le no 11/ 00598
ARRÊT DU 14 Octobre 2014
APPELANTS :
LA SARL URGENCE INFORMATIQUE EUROPE
82 rue de Provence
75009 PARIS
Maître Y..., es-qualité de mandataire judiciaire de la SARL URGENCE INFORMATIQUE EUROPE
...
27000 EVREUX
Maître Z..., en sa qualité d'administrateur judiciaire de la SARL URGENCE INFORMATIQUE EUROPE
...
27400 LOUVIERS
non comparants-représentés par Maître DEHORS avocat de la SCPA CABINET RAYMOND DEHORS et Associés, avocat au barreau de PARIS
Le Centre de Gestion et d'Etude de l'Association pour la Gestion du Régime de Garantie des Créances des Salariés intervenant par L'UNEDIC-CGEA de ROUEN
Immeuble Normandie 1
98 rue de Bretagne
76108 ROUEN CEDEX 1
non comparante-représentée par Maître CREN, avocat de la SELARL LEXCAP-BDH, avocat au barreau D'ANGERS
INTIME :
Monsieur Patrick X...
...
72000 LE MANS
comparant-assisté de Maître LALANNE de la SCP HAY-LALANNE-GODARD-HERON-BOUTARD-SIMON, avocats au barreau du MANS-No du dossier 20111068
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Septembre 2014 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, président chargé d'instruire l'affaire et Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller
Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller
Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 14 Octobre 2014, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
FAITS ET PROCÉDURE :
La société Urgence Informatique Europe, dont le siège social est situé à Evreux (27), exerce une activité d'ingénierie informatique, de traitement de données par procédés informatiques, de conseil et d'assistance technique informatique, de formation de personnels informatiques.
Elle a majoritairement une clientèle institutionnelle et/ ou de grandes organisations ou entreprises réparties sur l'ensemble du territoire national. Selon les indications fournies à l'audience par le conseil de l'employeur, le personnel cadre est systématiquement détaché chez le client pour lequel il travaille.
La société Urgence Informatique Europe emploie habituellement au moins onze salariés et relève de l'application de la convention collective nationale du personnel des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs conseils, et sociétés de conseils, dite SYNTEC.
Suivant contrat de travail à durée indéterminée des 15 et 17 décembre 2006 à effet au 21 décembre 2006, elle a embauché M. Patrick X...en qualité de chef de projet, statut cadre, position 3. 1 coefficient 170 selon un volume horaire de 220 jours par an moyennant une rémunération brute annuelle de 43 550 ¿ dont un treizième mois.
Dès son embauche, le salarié a été affecté sur le site des Mutuelles du Mans Assurance implanté au Mans où sa mission a perduré jusqu'au 31 décembre 2010, date à laquelle le contrat unissant la société Urgence Informatique Europe aux M. M. A a pris fin. Il avait un rôle de pilote pour la mise en place de projets informatiques.
A compter du 1er janvier 2011, il s'est trouvé en situation d'attente d'une nouvelle affectation, c'est à dire, selon la formule en usage au sein de l'entreprise, en situation d'inter-mission ou d'inter-contrat pendant laquelle le salarié demeure à son domicile.
Courant janvier et février 2011, la société Urgence Informatique Europe a proposé à la M. A. A. F et à la G. M. F de leur affecter M. Patrick X...en qualité de chef de projet. Aucun contrat n'étant finalement conclu entre ces deux clients et l'appelante, ces projets n'ont pas abouti.
Après l'avoir, par courrier du 11 avril 2011, convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 22 avril suivant, par lettre recommandée du 20 mai 2011, la société Urgence Informatique Europe a notifié à M. Patrick X...son licenciement pour motif économique en ces termes :
" Monsieur,
Nous avons été contraints d'engager à votre encontre une procédure de licenciement pour les motifs économiques suivants.
Depuis le 21 décembre 2006, date de votre entrée dans notre société, vous étiez détaché en tant que chef de projet chez un de nos clients au Mans.
Cette mission a pris fin le 31 décembre 2010. Dés lors, il a été demandé à l'ensemble des équipes commerciales de notre entreprise de vous replacer au plus vite sur une nouvelle affaire.
Malgré la mobilisation de tous, nous n'avons pas été en mesure de vous confier une nouvelle prestation. Sans que cette liste soit complète et à titre d'information, votre candidature a été présentée sur :
¿ Une consultation en tant que chef de projet à la MAAF à Niort le 21 janvier 2011. Cette proposition a débouché sur un entretien de présentation qui a échoué par manque de mobilité.
¿ Une consultation en tant que Chef de projet à la GMF, le 2 février 2011. Cette consultation a également débouché sur un entretien de présentation auprès de Madame A.... Celle-ci n'a pas retenu votre candidature, car elle a ressentie une fois de plus un manque de mobilité de votre part.
La détérioration constante de nos résultats tout au long de l'année 2010, le nombre important de collaborateurs en inactivité ou en passe de le devenir démontrent que notre société connaît aujourd'hui un sureffectif global dans le secteur de l'ingénierie auquel vous êtes rattaché.
Cette situation provoque des déséquilibres financiers dans notre société.
C'est la raison pour laquelle nous sommes contraints de supprimer votre emploi de Chef de Projet, que vous occupez depuis votre entrée dans notre Société.
Nous vous avons convoqué le 11 avril 2011, à un entretien préalable à un éventuel licenciement économique le 22 avril 2011.... ".
Le 18 octobre 2011, M. Patrick X...a saisi le conseil de prud'hommes pour contester son licenciement. Dans le dernier état de la procédure de première instance, il sollicitait essentiellement le paiement d'une indemnité pour licenciement abusif et d'une indemnité pour non respect de la clause de non concurrence.
Par jugement du 7 septembre 2012 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le conseil de prud'hommes du Mans a :
- jugé le licenciement de M. Patrick X...dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
- condamné la société Urgence Informatique Europe à lui payer les sommes suivantes :
¿ 21 000 ¿ de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
¿ 700 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté M. Patrick X...de ses autres demandes ;
- débouté la société Urgence Informatique Europe de sa demande formée au titre des frais irrépétibles ;
- ordonné l'exécution provisoire en application de l'article 515 du code de procédure civile, sauf indemnité de procédure et dépens, avec consignation de la somme de 21 000 ¿ à la caisse des dépôts et consignations " jusqu'à extinction des voies de recours " ;
- condamné la société Urgence Informatique Europe aux entiers dépens.
La société Urgence Informatique Europe a régulièrement relevé appel général de ce jugement par lettre recommandée postée le 21 septembre 2012.
Par jugement du tribunal de commerce d'Evreux du 20 mars 2014, elle a été placée en redressement judiciaire, la SELARL FHB, représentée par M. Emmanuel Z..., et la SCP B...-Y..., représentée par Mme Maud Y..., étant nommées respectivement, administrateur judiciaire et mandataire judiciaire.
Il ressort des débats à l'audience que la période d'observation a été prolongée jusqu'au mois de janvier 2015.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Vu les conclusions et observations orales des parties à l'audience des débats du 1er septembre 2014 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés ;
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 15 juillet 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles la société Urgence Informatique Europe, M. Emmanuel Z..., pris en qualité d'administrateur, et Mme Maud Y..., prise en qualité de mandataire judiciaire, demandent à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté M. Patrick X...de sa demande d'indemnité au titre du non respect de la clause de non concurrence ;
- de juger le licenciement régulier et fondé et de débouter le salarié de l'ensemble de ses prétentions ;
- de dire que la somme de 21 000 ¿ consignée sera restituée à la société Urgence Informatique Europe ;
- de condamner M. Patrick X...aux entiers dépens et à payer, en application de l'article 700 du code de procédure civile :
¿ à la Société Urgence Informatique Europe, la somme de 5 000 ¿, ¿ à chacun de M. Emmanuel Z...et de Mme Maud Y...ès qualités, la somme de 2000 ¿.
L'employeur fait valoir en substance que :
- il n'a nullement entendu invoquer à l'appui du licenciement de M. Patrick X...un motif personnel tenant à un manque ou à un refus de mobilité, cette question de mobilité étant seulement évoquée par référence à la position que ses clients, notamment la M. A. A. F et la G. M. F, ont adoptée vis à vis de la candidature de l'intimé " dans le cadre des recherches de reclassement " qu'il a effectuées ;
- le licenciement de M. Patrick X...est justifié par des difficultés économiques dont la réalité est établie par les documents comptables produits et qui ont, notamment, eu un impact sur le secteur ingénierie de l'entreprise auquel le salarié était rattaché et qui souffrait de sureffectifs ;
- les démarches qu'il a accomplies auprès de ses clients, notamment, courant janvier et février 2011 auprès de la M. A. A. F et de la G. M. F démontrent qu'il a rempli son obligation de reclassement, étant observé qu'il ne peut pas être tenu pour responsable du fait que ces clients n'ont, en définitive, pas souhaité retenir la candidature de M. Patrick X...;
- le poste de M. Patrick X...a bien été supprimé ;
- les six embauches auxquelles il a procédé ne pouvaient pas utilement le concerner soit parce que les emplois en cause ne correspondaient pas à ses compétences professionnelles, soit parce que le " client spécifique " concerné, auprès duquel le salarié avait déjà été détaché, ne souhaitait pas " la poursuite de relations " ;
- subsidiairement, le salarié ne justifie d'aucun préjudice lié à la rupture ;
- si la lettre libérant M. Patrick X...de son obligation de non-concurrence est formellement datée du " 19 août 2011 ", il s'agit d'une erreur et le bordereau d'expédition établit que cette lettre a, en réalité, été envoyée le 24 août 2011 et distribuée le 29 août suivant, d'où il suit que l'obligation de non-concurrence a bien été levée dans le délai contractuellement prévu.
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 16 mai 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles, formant appel incident, M. Patrick X...demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
- l'infirmer s'agissant du montant de l'indemnité allouée de ce chef et des dispositions relatives à la clause de non-concurrence ;
- fixer sa créance au redressement judiciaire de la société Urgence Informatique Europe aux sommes suivantes :
¿ 50 000 ¿ de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
¿ 16 590 ¿ au titre de la contrepartie pécuniaire de la clause de non concurrence,
¿ 2 500 ¿ d'indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable au C. G. E. A ;
- condamner la société Urgence Informatique Europe aux entiers dépens.
Il fait valoir en substance que :
- il n'a jamais refusé la mise en oeuvre de sa clause de mobilité, notamment auprès de la M. A. A. F et de la G. M. F, mais ce sont ces clients qui ont choisi un prestataire autre que la société Urgence Informatique Europe ;
- le motif économique est exprimé en termes généraux dans le courrier de rupture qui ne répond donc pas à l'exigence d'énonciation du motif économique ;
- les pièces produites par l'employeur ne permettent pas de justifier de l'existence de difficultés économiques au jour du licenciement et l'existence d'un résultat d'exploitation négatif de l'ordre de 70 000 ¿ ne permet pas de caractériser de telles difficultés ;
- en outre, la démonstration du lien de causalité fait défaut en ce que l'employeur n'établit pas en quoi ce résultat d'exploitation négatif le contraignait à supprimer son poste, alors surtout que, durant la période de son licenciement, il a offert 32 postes de recrutement et régularisé six contrats de travail ;
- l'employeur a failli à son obligation de reclassement et ne justifie pas de recherches loyales de reclassement à son égard ; les démarches accomplies en janvier et février 2011 auprès de la M. A. A. F et de la G. M. F ne relèvent pas de recherches de reclassement ; l'employeur a régularisé six contrats de travail sur des postes qui pouvaient lui être proposés en ce qu'ils sont relatifs à des fonctions qui étaient identiques à celles définies dans son contrat de travail ;
- en vertu des dispositions contractuelles, l'employeur aurait dû lever la clause de non-concurrence dans les quinze jours de la date de notification de son licenciement, laquelle constitue la rupture effective du contrat de travail ; ce délai n'ayant pas été respecté il est en droit d'obtenir la contrepartie convenue.
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 22 juillet 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles l'Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (l'AGS) intervenant par l'UNEDIC-CGEA de Rouen déclare s'associer pour l'essentiel aux développements de l'employeur et demande à la cour de :
- lui donner acte de son intervention ;
- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré le licenciement de M. Patrick X...dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
- subsidiairement, dire que les dommages et intérêts alloués en première instance réparent l'entier préjudice de M. Patrick X...et qu'elle ne sera pas tenue de faire l'avance de cette somme compte tenu du montant bloqué à la caisse des dépôts et consignations ;
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence au motif qu'il faut considérer que c'est la fin du préavis qui a marqué la rupture effective du contrat de travail et fait courir le délai de levée de l'obligation de non-concurrence ;
- subsidiairement, dire que le salarié ne peut pas réclamer plus que la somme de 1 035 ¿ au titre de la contrepartie financière de la clause de non concurrence au motif qu'à compter du 3 octobre 2011, il est entré au service d'une société concurrente et, encore plus subsidiairement, qu'il ne peut pas réclamer plus de 8 280 ¿, la clause n'ayant qu'une durée d'un an et non de deux ;
- de juger qu'elle ne garantira les créances éventuellement fixées au passif du redressement judiciaire que dans les limites prévues par les articles L. 3253-8 du code du travail et les plafonds fixés par les articles L. 3253-17 et D 3253-5 du même code.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur le licenciement :
Il ressort des termes de la lettre de licenciement que la rupture est bien fondée sur un motif économique et non sur un motif personnel, le manque de mobilité y étant seulement énoncé à titre de rappel de la raison, au demeurant non objectivement justifiée, que la M. A. A. F et la G. M. F auraient avancée pour ne pas donner suite aux propositions que la société Urgence Informatique Europe leur avait faites, courant janvier et février 2011, de répondre à leur demande de prestation en leur affectant M. Patrick X...comme chef de projet.
Par ailleurs, en ce qu'il vise " la détérioration constante des résultats tout au long de l'année 2010 ", " un nombre important de collaborateurs en inactivité ou en passe de le devenir ", " un sureffectif global dans le secteur de l'ingénierie " et " des déséquilibres financiers ", ce courrier énonce une cause économique suffisamment précise qui tient en des difficultés économiques. La conséquence sur l'emploi du salarié, à savoir sa suppression, y est également clairement énoncée.
Outre le fait que cette situation procède des seules affirmations de l'employeur sans être corroborée par aucune pièce objective, comme le souligne le salarié, l'existence d'un nombre important de collaborateurs en inactivité ou en passe de le devenir et un sureffectif global ne permettent pas, en soi, de caractériser des difficultés économiques.
La seule pièce produite aux débats par l'employeur à l'appui des difficultés économiques invoquées tient dans le bilan et le compte de résultat arrêtés au 31 décembre 2010 dont il ressort que, entre le 31 décembre 2009 et le 31 décembre2010 :
- le montant total des produits d'exploitation est passé de 11 398 159 ¿ à 10 504 974 ¿,
- le résultat d'exploitation est passé de + 20 842 ¿ à-110 054 ¿ en dépit d'une baisse, notamment, de la charge représentée par les salaires et traitements,
- le résultat net est passé d'un bénéfice de 62 902 ¿ à une perte de 73696 ¿.
S'il est exact que ces données comptables reflètent une dégradation importante du résultat d'exploitation et du résultat net entre l'exercice 2009 et l'exercice 2010, alors pourtant que, au regard du montant total des produits d'exploitation, l'activité n'apparaît pas s'être notablement dégradée entre les deux exercices, force est de constater que l'employeur est défaillant à produire la moindre pièce propre à justifier de la situation économique de l'entreprise à l'époque du licenciement, c'est à dire à la fin du premier semestre 2011. Or, c'est à cette date que les difficultés économiques doivent être appréciées.
En l'absence de pièces justificatives de la situation économique de l'entreprise au moment du licenciement, de données comptables intermédiaires entre décembre 2010 et mai 2011, du rapport de l'expert comptable-commissaire aux comptes expliquant le résultat d'exploitation et le résultat net enregistrés au 31 décembre 2010, les données comptables produites ne permettent pas, à elles seules, de caractériser des difficultés économiques structurelles seules propres à justifier le licenciement et ce, d'autant qu'il s'avère qu'entre le 16 mars et le 25 août 2011, la société Urgence Informatique Europe a diffusé 32 offres d'emploi (cf pièce no 11 de l'intimé) et qu'entre le 17 janvier et le 5 mai 2011, elle a procédé à six embauches, dont quatre en contrat de travail à durée indéterminée, sur des postes de " collaborateur support technique ", d'ingénieur systèmes et réseaux, de technicien support, d'analyste programmeur, d'ingénieur d'affaires et d'analyste d'exploitation (pièces no 23 à 27 de l'appelante).
En tout état de cause, en application de l'article L. 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que son reclassement ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel elle appartient. Il incombe à l'employeur de justifier, par des éléments objectifs, des recherches qu'il a effectuées en ce sens et de l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de procéder au reclassement du salarié dans un emploi équivalent, de même catégorie, voire de catégorie inférieure.
Or, la société Urgence Informatique Europe est défaillante à justifier de la moindre recherche de reclassement en faveur de M. Patrick X.... En effet, les démarches qu'elle a accomplies en janvier et février 2011 auprès de la M. A. A. F et de la G. M. F (ses pièces no 16 à 19), puis en avril 2011 auprès des M. M. A (cf sa pièce no 15) ne s'inscrivent pas dans la mise en oeuvre de son obligation de tenter de reclasser, sur un autre poste que celui occupé, le salarié dont le licenciement aurait été envisagé, mais consistent uniquement en une recherche de nouvelle mission pour ce salarié en situation d'inter-mission ou d'inter-contrat, payé à rester à son domicile.
Le sens de ces démarches ressort d'ailleurs clairement tant du début de la lettre de licenciement qui énonce que, malgré la mobilisation de l'employeur, notamment auprès de la M. A. A. F et de la G. M. F, il n'a pas " été en mesure de lui confier une nouvelle prestation ", que du courrier adressé le 29 septembre 2011 par l'employeur au conseil du salarié, aux termes duquel la société Urgence Informatique Europe indique que " Le poste de Monsieur X...a été supprimé en raison de notre incapacité à lui retrouver une mission, pendant plus de 7 mois. ".
Le manquement de l'employeur à son obligation de reclassement est d'autant plus caractérisé qu'il est établi, d'une part, qu'entre le 16 mars et le 13 mai 2011, la société Urgence Informatique Europe a diffusé dix offres d'emploi (pièce no 11 de l'intimé) concernant, notamment, des postes de " développeur PHP-administrateur réseau ", de concepteur, d'ingénieur développement, d'administrateur technique-ingénieur études, de concepteur IARD, d'administrateur qui auraient pu être proposés à M. Patrick X..., d'autre part, qu'elle a embauché en contrat de travail à durée indéterminée, le 4 mars 2011, un ingénieur systèmes et réseaux avec le statut cadre, le 26 avril 2011, un analyste programmeur avec le statut ETAM, et le 5 mai 2011, un analyste d'exploitation avec le statut cadre, dont les fonctions correspondent à celles définies aux termes du contrat de travail de l'intimé.
C'est donc à juste titre que les premiers juges ont déclaré le licenciement de M. Patrick X...dépourvu de cause réelle et sérieuse ; le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Justifiant d'une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés, M. Patrick X...peut prétendre à l'indemnisation de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail, selon lequel l'indemnité à la charge de l'employeur ne peut pas être inférieure aux salaires des six derniers mois précédant la rupture, lesquels se sont élevés en l'espèce à la somme de 22 425 ¿.
En considération de la situation personnelle du salarié, notamment, de son âge (47 ans) et de son ancienneté (4 ans et 5 mois) au moment de la rupture, de sa faculté à retrouver un emploi, étant précisé qu'il justifie avoir retrouvé, à compter du 3 octobre 2011, un emploi d'ingénieur-concepteur en contrat de travail à durée indéterminée au sein de la société SOGETI France moyennant un salaire brut mensuel de base de 3 538, 47 ¿, avec une affectation à Niort où il expose les frais de location d'un studio, de sorte que, durant la semaine, M. Patrick X...est séparé de sa famille demeurée au Mans, la cour dispose, par voie d'infirmation du jugement déféré, des éléments nécessaires pour fixer à 30 000 ¿ le montant de l'indemnité propre à réparer son préjudice.
Cette créance sera fixée au passif du redressement judiciaire de la société Urgence Informatique Europe.
Par application des dispositions combinées des articles L. 622-21 et L. 625-1 du code de commerce et L. 1235-4 du code du travail, il convient de fixer, au passif du redressement judiciaire de la société Urgence Informatique Europe, la créance de Pôle emploi au titre du remboursement des indemnités de chômage versées au salarié licencié à deux mois d'indemnités.
Sur la contrepartie financière de la clause de non-concurrence :
Le contrat de travail unissant les parties comportait une clause de non-concurrence faisant interdiction à M. Patrick X...:
- d'entrer, pour quelque fonction que ce soit, au service d'un client de l'employeur (client pour lequel l'employeur a effectué une prestation avec la contribution du salarié dans les deux ans précédant la fin du contrat de travail) ou d'une société ayant un objet similaire à celui de la société Urgence Informatique Europe ;
- de créer, directement ou indirectement, une autre exploitation de même objet ou d'une partie seulement de l'objet social de la société Urgence Informatique Europe ;
- de participer à l'activité d'une telle exploitation sous quelque forme que ce soit.
La durée de cette obligation de non-concurrence était fixée à un an à compter du jour de la fin normale du préavis payé, que celui-ci soit effectué ou non, et la contrepartie financière de la clause de non-concurrence était fixée à 20 % du salaire mensuel moyen des dix mois d'appartenance à l'entreprise.
Enfin, l'employeur avait la faculté de libérer le salarié de l'obligation de non-concurrence sous réserve de lui notifier sa renonciation à l'application de la clause " dans le délai de quinze jours qui suivra la rupture effective du contrat de travail. ".
La rupture du contrat de travail se situant à la date où l'employeur a manifesté sa volonté d'y mettre fin et non à la fin du préavis, en l'espèce, comme le soutient l'intimé, le délai de quinze jours convenu entre les parties pour permettre à l'employeur de renoncer à l'application de la clause de non-concurrence a commencé à courir le 20 mai 2011 pour expirer le 4 juin suivant. La société Urgence Informatique Europe ayant libéré M. Patrick X...de l'obligation de non-concurrence par lettre recommandée datée du 26 mai 2011 mais expédiée le 24 août suivant et réceptionnée le 29 août 2011, la renonciation est intervenue hors délai. M. Patrick X...a donc droit à l'indemnité compensatrice tant qu'il a respecté son obligation de non-concurrence.
A compter du 3 octobre 2011, il a été embauché par la société SOGETI France dont le siège social est situé à Issy-les-Moulineaux (92) et qui est spécialisée dans le secteur d'activité du conseil en systèmes et logiciels informatiques, en qualité d'ingénieur-concepteur, statut cadre, position 3. 1, coefficient 170 de la convention collective SYNTEC, " pour exercer le rôle de chef de projet application au sein de la profession " Application Développement et Management Services ". La société SOGETI France ayant le même objet et exerçant la mêmeactivité que la société Urgence Informatique Europe, il apparaît que, comme le fait exactement observer l'AGS, M. Patrick X...n'a respecté son obligation de non-concurrence que pendant 45 jours, soit du 19 août 2011 (date de fin de son préavis payé) au 2 octobre 2011 inclus.
Par voie d'infirmation du jugement déféré, il convient en conséquence de lui allouer la somme de 1 035 ¿ bruts à titre d'indemnité compensatrice de l'obligation de non-concurrence.
Sur l'intervention de l'AGS :
Le présent arrêt sera déclaré opposable à l'AGS intervenant par l'UNEDIC-C. G. E. A de Rouen, laquelle ne sera tenue à garantir les sommes allouées à M. Patrick X...que dans les limites et plafonds définis aux articles L. 3253-8 à L. 3253-17, D. 3253-2 et D. 3253-5 du code du travail.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière sociale et en dernier ressort ;
Confirme le jugement entrepris seulement en ce qu'il a déclaré le licenciement de M. Patrick X...dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles sauf, désormais, à fixer de ce chef la créance de M. Patrick X...au redressement judiciaire de la société Urgence Informatique Europe ;
Infirme le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Fixe la créance de M. Patrick X...au passif du redressement judiciaire de la société Urgence Informatique Europe aux sommes suivantes :
-30 000 ¿ de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-1 035 ¿ bruts à titre de contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence,
-700 ¿ au titre de ses frais irrépétibles de première instance ;
Déclare le présent arrêt opposable à l'AGS intervenant par l'UNEDIC-C. G. E. A de Rouen et dit qu'elle ne sera tenue à garantir les sommes allouées à M. Patrick X...que dans les limites et plafonds définis aux articles L. 3253-8 à L. 3253-17, D. 3253-2 et D. 3253-5 du code du travail ;
Fixe, au passif du redressement judiciaire de la société Urgence Informatique Europe, la créance de Pôle emploi au titre du remboursement des indemnités de chômage versées au salarié licencié à deux mois d'indemnités ;
Condamne la société Urgence Informatique Europe à payer à M. Patrick X...la somme de 1 800 ¿ au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;
Déboute la société Urgence Informatique Europe, la SELARL FHB ès-qualités et la SCP B...-Y...ès-qualités de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Condamne la société Urgence Informatique Europe aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
V. BODINAnne JOUANARD