COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N
ic/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 01297.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 16 Mai 2012, enregistrée sous le no 11/ 00338
ARRÊT DU 14 Octobre 2014
APPELANT :
Monsieur Claude X...
...
72530 YVRE L'EVEQUE
comparant-assisté de Maître Aurélie DOMAIGNE, avocat au barreau du MANS
INTIMEE :
LA SARL ELECTRONIC SERVICE
261 Boulevard Carnot
72000 LE MANS
non comparante-représentée par Maître Luc LALANNE de la SCP HAY-LALANNE-GODARD-HERON-BOUTARD-SIMON, avocats au barreau du MANS
en présence de Monsieur Y..., gérant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Septembre 2014 à 14h00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller chargé d'instruire l'affaire et Madame LECAPLAIN-MOREL, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller
Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller
Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 14 Octobre 2014, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS et PROCÉDURE,
Monsieur X...a été engagé à compter du 10 mai 1977 en qualité de technicien vidéo audio par Monsieur Michel Y...dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet.
A la suite de la cession du fonds de commerce en 2002, le contrat de travail de Monsieur X...a été repris par l'acquéreur l'EURL Electronic Service, dirigé par Monsieur François Y....
La société Electronic Service dont le siège social est situé au MANS, a pour activité la réparation de produits électroniques grand public. Elle dispose d'un seul établissement au MANS.
Elle employait en octobre 2010 quatre salariés.
Le 2 octobre 2009, Monsieur X...a été victime d'un accident de travail à la suite d'une chute d'échelle en cours d'intervention chez un client. Il a fait l'objet de plusieurs arrêts de travail successifs jusqu'au 1er septembre 2010.
Lors de la visite médicale de reprise le 2 septembre 2010, le médecin du travail a délivré au salarié la fiche suivante :
" Inaptitude au poste d'antenniste, avec contre indication de travail en hauteur et nécessitant un port de charges lourde ; serait apte à un poste sédentaire au sol. A revoir le 17 septembre ".
Le 17 septembre 2010, lors de la seconde visite, le médecin du travail a établi la fiche suivante :
" Après rencontre dans l'entreprise le 13 septembre 2010 et proposition de poste :- Confirmation de l'inaptitude au poste d'antenniste et au travail en hauteur, limitation du port de charges manuel 15 kg.
- Apte au poste polyvalent au sol qui est proposé de technicien vidéo. "
Le 21 septembre 2010, le médecin du travail a confirmé la compatibilité du poste proposé avec l'état de santé actuel de Monsieur X...sous les restrictions suivantes :
"- Contre-indication au port manuel de charges lourdes et volumineuses supérieures à 15 kg (en situation = travailler en binôme ou utiliser un diable motorisé ou un transpalette),
- s'assurer que le plan de travail soit à hauteur des hanches afin d'éviter les postures contraignantes ou proposer un siège assis/ debout.
Le médecin préconisait d'alterner si possible les différentes tâches de travail (position assise, debout, travail administratif et technique..). "
Par courrier recommandé du 4 octobre 2010, l'EURL Electronic Service a adressé à Monsieur X...la proposition de reclassement d'un poste de technicien vidéo conforme aux préconisations du médecin du travail et avec maintien de sa rémunération actuelle.
Par courrier du 8 octobre 2010, Monsieur X...a refusé la proposition de ce poste de reclassement.
Par courrier en date du 14 octobre 2010, Monsieur X...a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement fixé au. 22 octobre 2010.
Par courrier du 26 octobre 2010, Monsieur X...a reçu notification de son licenciement pour inaptitude physique à son poste et pour son refus abusif d'accepter le poste de reclassement. Le préavis n'a pas été rémunéré en raison de ce refus.
Le 4 novembre 2010, Monsieur X...a contesté le solde de tout compte du fait de l'inexactitude de l'indemnité de licenciement en l'absence de l'indemnité de préavis.
Le 14 juin 2011, Monsieur X...a saisi le Conseil de Prud'Hommes du MANS : pour contester la mesure de licenciement et obtenir diverses indemnités de licenciement, de préavis et des rappels d'heures supplémentaires.
Par jugement en date du 16 mai 2012, le Conseil de Prud'Hommes a :
- dit que le refus de Monsieur X...du poste de reclassement est abusif et débouté Monsieur X...de toutes ses demandes,
- débouté l'EURL Electronic Service de ses demandes reconventionnelles,
- condamné Monsieur X...aux dépens
Les parties ont reçu notification de ce jugement le 18 mai 2012.
Monsieur X...en a régulièrement relevé appel général par lettre recommandée de son conseil postée le 5 juin 2012.
PRÉTENTIONS et MOYENS des PARTIES
L'affaire appelée à l'audience du 18 février 2014 a été renvoyée à la demande des parties à l'audience du 1er septembre 2014.
Vu les conclusions en réponse enregistrées au greffe le 18 février 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles Monsieur X...demande à la Cour :
- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- de dire que le refus par Monsieur X...de l'offre de reclassement n'était pas abusif,
- de condamner la société Electronic Service à régler à Monsieur X...:
- la somme de 19 640. 90 euros au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement,
- la somme de 3 997. 48 euros au titre de l'indemnité de préavis, outre la somme de 399. 75 euros au titre des congés payés y afférents,
- la somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation d'information sur le droit individuel à la formation,
- la somme de 6 636. 15 euros au titre du rappel d'heures supplémentaires dues entre le mois de juin 2006 et le mois de septembre 2010, outre la somme de 663. 61 euros au titre des congés payés y afférents,
- la somme de 11 425 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail
dissimulé,
- la somme de 2 000 euros d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- dire que les sommes allouées porteront intérêt au taux légal à compter de la demande pour les créances salariales et à compter du jugement pour les créances indemnitaires
-ordonner à la société Electronic Service de délivrer le bulletin de salaire récapitulatif, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard.
Monsieur X...soutient que son refus de la proposition de reclassement du poste de technicien vidéo n'était pas abusif en ce que la fiche du poste offert n'était pas suffisamment précise sur la durée hebdomadaire du temps de travail, sur le maintien de primes ; qu'enfin, le salarié ne s'est vu proposer aucune formation ou adaptation à ce poste administratif, faute de maîtrise de l'outil informatique et de formation de contact direct avec la clientèle. Le salarié en déduit que ce nouveau poste entraînait une modification de son contrat de travail et que son refus du poste ne pouvait pas être qualifié d'abusif.
Monsieur X...réclame des heures supplémentaires sur la base de 3 heures hebdomadaires dues et non réglées sur une période de juin 2006 à septembre 2010.
Il présente une nouvelle demande en appel au titre du travail dissimulé sur la base de l'horaire hebdomadaire de 38 heures réalisé par son salarié.
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 27 janvier 2014, reprises oralement à l'audience selon lesquelles la société Electronic Service demande à la Cour :
- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- de débouter Monsieur X...de toutes ses demandes et le condamner au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
- à titre subsidiaire, de limiter à un euro le montant des dommages et intérêts pour défaut d'information du droit individuel à la formation.
MOTIFS DE LA DÉCISION,
Sur l'indemnité spéciale de l'article L 1226-14 du code du travail et sur l'indemnité compensatrice de préavis,
L'article L 1226-14 du code du travail dispose que la rupture du contrat de travail du salarié déclaré inapte à son poste à la suite d'un accident de travail ouvre droit au profit du salarié, à défaut de reclassement, à une indemnité spéciale de licenciement qui est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L 1234-9 du même code et à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L 1234-5 du même code.
Toutefois, ces indemnités ne sont pas dues par l'employeur qui établit que le refus du salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif.
L'employeur a présenté, le 4 octobre 2010, une offre de reclassement à Monsieur X...sur un poste de technicien vidéo dans les mêmes locaux au MANS avec maintien de la rémunération.
Dans un courrier daté du 8 octobre 2010, Monsieur X...a refusé ce poste sans motif particulier. Par la suite, il a exprimé ses craintes d'être soumis à un horaire de travail de 38 heures hebdomadaires, au lieu de 35 heures, et de ne plus percevoir la partie variable de sa rémunération.
Toutefois, aucun élément ne permet de conforter les craintes de Monsieur X...à propos de la durée de travail effectué par un technicien " sédentaire ".
S'agissant du niveau de rémunération, il apparaît que l'employeur a proposé à Monsieur X...un maintien de la rémunération antérieure (1 753 euros brut par mois).
Si l'employeur a mis en place un système de primes versées à tous les techniciens de l'entreprise, dont l'usage est attesté par l'expert-comptable de l'entreprise et par les autres techniciens, il s'agit de primes non prévues par le contrat de travail de sorte que Monsieur X...ne peut pas se prévaloir de la modification éventuelle de son contrat de travail.
De plus, l'employeur a proposé à son salarié, de lui verser en compensation de la perte d'une prime individuelle sur le chiffre d'affaires, une " participation au montant des devis établis ". Cette offre a été confirmée par Monsieur A..., conseiller assistant le salarié lors de son entretien préalable.
Il est établi que Monsieur X...a occupé au sein de l'entreprise un poste d'un technicien vidéo entre 1977 et 2003 avant d'être affecté sur un poste d'antenniste jusqu'a son accident de travail en 2009. Il a travaillé au sein de l'entreprise au MANS depuis 33 ans.
Il n'est donc pas fondé à invoquer un manque de formation et d'expérience pour occuper le poste de technicien proposé par la société Electronic Service.
L'ensemble de ces éléments permet de conclure que le refus de monsieur X...du poste de reclassement est abusif, s'agissant d'un poste conforme à l'état de santé actuel du salarié selon le médecin du travail.
Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le refus de monsieur X...du poste de reclassement était abusif et privatif de l'indemnité spéciale de licenciement mais également de l'indemnité compensatrice de préavis.
Sur les heures supplémentaires,
Si aux termes de l'article L 3171-4 du code du travail, la preuve des heures effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salariés, il appartient toutefois au salarié, en cas de litige, d'étayer sa demande en paiement d'heures supplémentaires par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur d'y répondre en fournissant ses propres éléments.
En l'espèce, Monsieur X...a produit des calendriers annotés au cours des années 2007 à 2009 selon lesquels il a effectué des horaires de travail de 38 heures hebdomadaires à savoir : le lundi, de 8h 30 à 12 heures puis de 14 heures à 16 h 30, soit 6 heures, et du mardi au vendredi de 8 h30 à 12 heures puis de 14 heures à 18 h 30, soit 8 h X 4 jours.
Toutefois, les décomptes fournis par le salarié sur la base d'un horaire stéréotypé de 38 heures hebdomadaires sont contredits par l'employeur qui verse aux débats les " calendriers d'intervention " de Monsieur X...détaillant la nature des travaux effectués, le nom des clients et les horaires de travail au cours des années 2006 à 2009.
La société Electronic Service rapporte la preuve que Monsieur X...était en arrêt maladie durant certaines périodes allant de plusieurs journées à deux mois d'absence au cours de l'année 2008 alors que le salarié a décompté ces périodes comme journées de travail effectif. Les allégations de Monsieur X...selon lesquelles il arrivait le matin systématiquement dès 8 h30 sur son lieu de travail avant l'ouverture de l'atelier à 9 heures sont vivement contestées par l'employeur et ne sont corroborées par aucun élément ou témoignage.
Au vu de ces éléments, Monsieur X...n'établit pas la preuve de l'accomplissement des heures supplémentaires qui auraient été demandées par l'employeur sans être payées ou rémunérées.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires.
Sur le travail dissimulé,
Il n'est pas établi que l'employeur ait volontairement dissimulé de quelque manière que ce soit une partie du temps de travail de Monsieur X....
En conséquence, la demande formée en appel par Monsieur X...en paiement d'indemnités en application de l'article L 8223-1 du code du travail n'est pas fondée et doit être rejetée.
Sur les autres demandes
L'employeur n'a pas contesté le défaut dans la lettre de licenciement de la mention relative à l'information sur le droit individuel à la formation. Il sera en conséquence condamné à verser à Monsieur X...une indemnité de 250 euros en réparation du préjudice et le jugement sera réformé de ce chef.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Monsieur X...sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de monsieur X...d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais non compris dans les dépens. Les demandes respectives en cause d'appel fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant, publiquement et contradictoirement,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions SAUF en ce qu'il a débouté M X...de sa demande à titre d'indemnité pour défaut d'information du droit individuel à la formation
STATUANT à nouveau du chef et Y AJOUTANT,
CONDAMNE la société Electronic Serviceà payer à Monsieur X.... la somme de 250 euros à titre d'indemnité pour défaut d'information du droit individuel à la formation, avec intérêt au taux légal à compter du jugement.
DÉBOUTE Monsieur X...de sa demande au titre du travail dissimulé et de sa demande d'indemnité pour frais irrépétibles en cause d'appel.
DÉBOUTE la société Electronic Service de sa demande en paiement d'indemnité au titre des frais irrépétibles.
CONDAMNE Monsieur X...aux entiers dépens de première instance et d'appel
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
V. BODINAnne JOUANARD