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07/10/2014 | FRANCE | N°12/02064

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 07 octobre 2014, 12/02064


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N 14/ aj/ vb

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 02064.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 13 Septembre 2012, enregistrée sous le no 11/ 00855

ARRÊT DU 07 Octobre 2014

APPELANTE :

ASSOCIATION D'AIDE AUX HANDICAPES MENTAUX (AAHMA) ZA Les Sources BP 41 49120 MELAY

représenté par la SCP SULTAN-SOLTNER-PEDRON-LUCAS, avocats au barreau d'ANGERS En présence de Mr Y..., Président

INTIME :
Mons

ieur Romain X......49660 TORFOU

Présent, assisté de Maître Jean-Pierre BOUGNOUX, avocat au barreau d'ANGERS
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COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N 14/ aj/ vb

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 02064.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 13 Septembre 2012, enregistrée sous le no 11/ 00855

ARRÊT DU 07 Octobre 2014

APPELANTE :

ASSOCIATION D'AIDE AUX HANDICAPES MENTAUX (AAHMA) ZA Les Sources BP 41 49120 MELAY

représenté par la SCP SULTAN-SOLTNER-PEDRON-LUCAS, avocats au barreau d'ANGERS En présence de Mr Y..., Président

INTIME :
Monsieur Romain X......49660 TORFOU

Présent, assisté de Maître Jean-Pierre BOUGNOUX, avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Septembre 2014 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne JOUANARD, président et Madame Clarisse PORTMANN, conseiller chargées d'instruire l'affaire.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, conseiller Madame Clarisse PORTMANN, conseiller

Greffier : Madame BODIN, greffier.

ARRÊT : prononcé le 07 Octobre 2014, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
FAITS ET PROCEDURE, M Romain X...a été embauché à compter du 1er mars 2010 par l'association d'aide aux handicapés mentaux adultes-A. A. H. M. A-en contrat à durée indéterminée en qualité d'agent de méthode. Il exerçait son activité à l'ESAT-Etablissement et Service d'Aide par le Travail ¿ « Germaine Cherbonnier » de Melay, organisme médico-social chargé de la mise au travail accompagnée d'un soutien médical et social d'adultes reconnus travailleurs handicapés. Une période d'essai de deux mois a été prévue dans ce contrat de travail. Après dénonciation par lui en avril 2011 de ses conditions de travail, le 7 juin 2011 M X... a été licencié pour insuffisance professionnelle. Contestant le caractère justifié de son licenciement, le 15 septembre 2011 M X... a saisi le conseil de prud'hommes de diverses demandes indemnitaires subséquentes. Par jugement en date du 13 septembre 2012, le conseil de prud'hommes d'Angers a jugé le licenciement de M X... sans cause réelle et sérieuse et a condamné l'association A. A. H. M. A à lui verser la somme de 7 800 ¿ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse-augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement-et celle de 750 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il a ordonné l'exécution provisoire à hauteur de la somme de 2 500 ¿, a débouté M X... de ses demandes de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier et de sa demande tendant à voir ordonner le remboursement par l'association aux organismes sociaux de ses prestations chômage, a débouté les parties de leurs autres demandes et a condamné l'association A. A. H. M. A aux dépens. Par déclaration au greffe en date du 9 octobre 2012, l'association A. A. H. M. A a relevé appel de ce jugement. MOYENS ET PRETENTIONS, Dans ses dernières écritures régulièrement notifiées déposées le 2 septembre 2014 et à l'audience l'association A. A. H. M. A demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de juger le licenciement de M X... justifié par une cause réelle et sérieuse, de le débouter de toutes ses demandes et de le condamner à lui verser la somme de 4 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens. Dans ses dernières écritures régulièrement notifiées déposées le 29 août 2014 et à l'audience, M X... demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé son licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l'infirmer pour le surplus et de condamner l'association A. A. H. M. A à lui verser la somme de 25 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier outre celle de 10 000 ¿ pour manquement à son obligation de formation, d'ordonner le remboursement par l'association aux organismes sociaux de ses prestations chômage dans la limite de six mois et de condamner l'appelante à lui verser la somme de 4 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens. Pour plus ample exposé de moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure et aux débats à l'audience du 2 septembre 2014. MOTIFS DE LA DECISION, Sur le licenciement, Le juge est tenu par les griefs relevés dans la lettre de licenciement dont la preuve de la matérialité et du caractère réel et sérieux incombe à l'employeur. Aux termes de cette lettre, M X... a été licencié pour avoir connu des difficultés de contact avec les ouvriers handicapés dont il était chargé d'encadrer le travail, avoir eu des relations désastreuses avec les clients au point d'avoir été contraint de charger un autre salarié de cette charge et enfin pour ne pas avoir réalisé l'automatisation d'une machine à sertir et ce depuis septembre 2010- malgré la réorganisation de son travail afin de pouvoir s'y consacrer exclusivement et ce à deux reprises pendant plusieurs semaines-automatisation qui constituait une étape essentielle à la réalisation d'un marché important de sous-traitance et donc, en résumé, pour incapacité persistante à assumer les missions confiées, en lien avec un défaut de méthodes, d'organisation (dispersion sur des missions secondaires) et de dialogue ainsi que des difficultés relationnelles. Il a donc été licencié pour des motifs non disciplinaires et en raison de son insuffisance professionnelle. En droit, l'insuffisance professionnelle constitue effectivement une cause légitime de licenciement mais elle doit reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de l'employeur, étant rappelé que, si l'appréciation des aptitudes professionnelles et de l'adaptation à l'emploi relève du pouvoir patronal et que le juge ne peut prétendre y substituer son appréciation, il convient pour la cour de vérifier que ses exigences étaient justifiées. Sur le premier grief tiré des difficultés de contact de M X... avec les ouvriers handicapés dont il était chargé d'encadrer le travail, M X... a été embauché en mars 2010 en qualité d'agent de méthodes et, si sa fiche de poste ne lui a été communiquée que le 25 mai suivant soit après l'expiration de la période d'essai, il avait connaissance, dès son embauche par l'association dénommée association d'aide aux handicapés mentaux adultes, de ce qu'il travaillerait avec des ouvriers présentant un handicap, de sorte qu'il ne peut arguer du retard pris à lui donner connaissance de ses missions pour se justifier. Il ne conteste pas d'ailleurs, avoir eu, dès sa prise de fonction, à encadrer un atelier d'ouvriers présentant un handicap et à remplir ses autres fonctions et ce jusqu'à la rupture de son contrat de travail qui est intervenue 15 mois plus tard. Pour autant, le seul fait avéré qui est constitué par un courrier qu'il a envoyé à son employeur en avril 2011 dans lequel il rappelle qu'il a demandé plusieurs fois sans succès l'attribution à son atelier d'un employé autonome pour le dégager de l'approvisionnement de matériel, ne suffit pas à établir que M X... avait de réelles difficultés de contact avec l'équipe qu'il encadrait, voire même « un regard négatif » sur la capacité des ouvriers et/ ou qu'il n'avait pas établi avec eux une relation d'écoute et de confiance. Le compte rendu établi par l'employeur d'une rencontre avec M X... du 27 janvier 2011 ne peut avoir valeur de preuve. Ce grief n'est donc pas établi. Sur le deuxième grief tiré des relations désastreuses de M X... avec les clients, A coté de l'encadrement d'une équipe d'ouvriers, M X... avait la responsabilité d'un atelier et des relations avec les clients. Or là encore, si l'attestation fournie par l'employeur et émanant de M Y..., qui évoque les plaintes des clients sur la réalisation des travaux, leur qualité et les délais dont les documents produits permettent d'établir la réalité peuvent permettre de considérer que M X... rencontrait des difficultés dans sa mission technique, ils n'établissent pas que ce dernier avait des « relations désastreuses » avec les clients. Ce grief n'est donc pas établi. Sur le troisième grief tiré du défaut de réalisation d'un travail technique important ayant de incidences financières et d'une incapacité persistante à assumer les missions confiées en lien avec un défaut de méthodes, d'organisation (dispersion sur des missions secondaires), il résulte des documents produits :- que, comme ci-dessus noté, certains clients de l'association se sont plaints, en février, avril et mai 2011, de la non-conformité des produits livrés, des erreurs s'étant par ailleurs produites dans les bons de livraison,- qu'à compter de la fin de l'année 2010, il a plus précisément été confié à M X... l'automatisation d'une machine à sertir en vue de faire face à une commande importante de la société COMEC, machine qui devait être en service à compter de la fin du mois d'avril 2011 ; que dans la mesure où, en décembre 2010, M X... a fait connaître qu'il ne pouvait mener à bien à la fois la conception d'une chaîne de production et l'automatisation de cette machine, qui était alors en l'état de prototype, il a été dispensé de fin décembre à mi janvier de sa charge d'encadrement ; que lors d'une réunion le 27 janvier 2011 et alors qu'il indiquait ne pas avoir avancé, il a à nouveau été déchargé de sa charge d'encadrement pendant plusieurs semaines et il lui a été rappelé sans succès l'importance de cette réalisation pour améliorer la rentabilité. Cette carence dans la réalisation de cette tache technique d'automatisation de la machine à sertir est avérée et d'ailleurs non contestées par M X.... Pour autant, celui-ci les justifient par des exigences excessives de l'employeur au regard des missions confiées et des conditions de leur exercice et par son manquement à son obligation légale et conventionnelle de formation, ce dont il avait avisé son employeur dans un courrier du 28 avril 2011 mettant en cause les conditions générales de travail et plus particulièrement les siennes. Or dès lors :- qu'il résulte de sa fiche de poste-dont M X... n'a d'ailleurs disposé que tardivement-qu'en toute logique, s'agissant d'un établissement d'aide aux handicapés mentaux par le travail, sa mission d'éducateur particulièrement exigeante primait celle d'agent de méthode qui ne pouvait en être que l'accessoire, étant précisé que son CV démontre qu'il n'avait aucune expérience professionnelle dans l'encadrement du handicap et que, pour autant, sa période d'essai a été limitée à deux mois,- qu'ainsi qu'il vient d'être considéré par la cour, c'est dans ses seules fonctions techniques d'agent de méthode que des carences avérées sont susceptibles de justifier son licenciement,- que pour autant, il résulte clairement notamment de l'attestation de Mme Z..., monitrice d'atelier qui a pris sa retraite après le départ de M X..., que le poste cumulé d'éducateur encadrant une équipe de handicapés et d'agent de méthode était particulièrement lourd, que ces deux fonctions ne pouvaient être exercées que lorsque l'activité était calme et que même le prédécesseur de M X... dans le poste, qui était éducateur spécialisé, avait 20 ans d'ancienneté et connaissait bien les capacités de travail de chaque membre de son équipe et qui avait été à l'origine de la mise en place de ce cumul, ne disposait plus d'assez de temps pour innover des améliorations de poste pour son atelier et celui des autres éducateurs dans les mois qui ont précédé son départ à la retraite, l'employeur ayant d'ailleurs admis dans sa réponse au courrier de M X... que celui-ci était soumis à une « forte sollicitation dans un temps donné »,- que par ailleurs Mme Z...avait, dès 2008, attiré l'attention de la direction de l'association sur la nécessaire définition des rôles de chacun et elle atteste, comme M A...autre éducateur spécialisé ESAT moniteur espaces verts qui a quitté son emploi, qu'il existait de problèmes récurrents d'organisation et d'obsolescence de matériel ainsi que d'ambiance délétère au regard du double objectif d'aide au travail d'un personnel handicapé et d'une rentabilité de ce travail en terme économique,- que M X..., auquel il n'a jamais été fait grief de ne pas « travailler » mais seulement de « se disperser », n'était en poste que depuis un an alors que son prédécesseur l'était depuis 20 ans, qu'il n'a pas fait l'objet d'avertissements préalables et que son licenciement apparaît se situer dans le cadre de relations devenues difficiles entre lui et le chef des ateliers et également avec la direction de l'association, et ce à partir de ses revendications d'avril 2011, son employeur évoquant le fait que compte tenu de son CV, elle s'attendait à une collaboration plus efficace et satisfaisante. il y a lieu de considérer que, dans ces circonstances de fait des exigences de ses fonctions, le fait pour M X... de ne pas avoir réalisé dans les délais l'automatisation d'une machine à sertir doit être considéré comme insuffisant pour caractériser une insuffisance professionnelle de nature à justifier son licenciement. Sur les conséquences, Son licenciement injustifié a causé un préjudice à M X... qui, au regard notamment du salaire qu'il percevait de l'ordre de 2 000 ¿ par mois et de son temps de présence dans l'emploi, peut légitimement être évalué à la somme de 10 000 ¿, les conditions et conséquences de son licenciement ne justifiant pas l'octroi d'une autre indemnisation pour préjudice moral et financier spécifique. Par ailleurs, alors qu'il n'est pas établi que l'employeur ait manqué à son obligation de formation en terme d'adaptation de M X... à son poste de travail notamment en sa partie technique alors que sa fonction n'a en rien évoluée entre son embauche et que son licenciement 15 mois plus tard, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande en dommages et intérêts de ce chef. Enfin M X... ayant moins de deux ans d'ancienneté lors de son licenciement c'est à bon droit qu'en application des dispositions de l'article L 1235-5 du code du travail le premier juge l'a débouté de sa demande tendant à voir condamner l'association AAHMA au remboursement des indemnités chômage. L'équité commande la condamnation de l'association AAHMA à verser à M X... la somme de 2 000 ¿ au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS, La cour, statuant publiquement en matière sociale par arrêt contradictoire et en dernier ressort, INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'association d'aide aux handicapés mentaux adultes-AAHMA-à verser à M X... la somme de 7 500 ¿ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et STATUANT à nouveau : CONDAMNE l'association-AAHMA-à lui verser la somme de 10 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. CONFIRME ledit jugement en toutes ses autres dispositions. Y ajoutant CONDAMNE l'association d'aide aux handicapés mentaux adultes-AAHMA-à verser à M X... la somme de 2 000 ¿ au titre de ses frais irrépétibles d'appel CONDAMNE l'association d'aide aux handicapés mentaux adultes-AAHMA-aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

V. BODINAnne JOUANARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/02064
Date de la décision : 07/10/2014
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2014-10-07;12.02064 ?
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