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01/07/2014 | FRANCE | N°13/000421

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 01 juillet 2014, 13/000421


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N al/ jc Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 00042

numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance. Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de LA ROCHE SUR YON, décision attaquée en date du 22 Février 2010, enregistrée sous le no 08/ 00306. Cour d'Appel de POITIERS, décision en date du 22 Mars 2011 ;. Cour de Cassation de PARIS, décision en date du 13 Septembre 2012.

ARRÊT DU 01 Juillet 2014
APPELANT :
Monsieur Pasca

l X... ... 92200 NEUILLY SUR SEINE comparant-assisté de Maître Françoise THUDOT-DESFONTA...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N al/ jc Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 00042

numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance. Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de LA ROCHE SUR YON, décision attaquée en date du 22 Février 2010, enregistrée sous le no 08/ 00306. Cour d'Appel de POITIERS, décision en date du 22 Mars 2011 ;. Cour de Cassation de PARIS, décision en date du 13 Septembre 2012.

ARRÊT DU 01 Juillet 2014
APPELANT :
Monsieur Pascal X... ... 92200 NEUILLY SUR SEINE comparant-assisté de Maître Françoise THUDOT-DESFONTAINES, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE : LA SAS SOCIETE HYDROKIT 19 rue du Bocage La Ribotière 85170 LE POIRE SUR VIE non comparante-représentée par Maître François-Xavier CHEDANEAU, avocat au barreau de POITIERS

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 22 Avril 2014 à 14H00 en audience publique et collégiale, devant la cour composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Anne LEPRIEUR, assesseur Monsieur Paul CHAUMONT, assesseur qui en ont délibéré

Greffier : Madame BODIN, greffier ARRÊT : du 01 Juillet 2014, contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. Signé par madame LECAPLAIN MOREL, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******
FAITS ET PROCEDURE M. Pascal X... a été engagé par la société Hydrokit en qualité de directeur selon contrat à durée indéterminée du 3 décembre 2007, à effet au même jour, signé par M. Jacques Y..., président du groupe Vensys Post Equipment dont fait partie la société Hydrokit. Ce contrat prévoyait notamment une période d'essai de 3 mois, renouvelable une fois, un forfait sans référence horaire, une rémunération annuelle de 120 000 ¿ et une rémunération variable calculée sous la forme d'un intéressement annuel en fonction d'objectifs à atteindre. Il mentionnait que M. X... était membre du comité de direction de Vensys Post Equipment. Les relations contractuelles entre les parties sont régies par la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie. La période d'essai n'a pas été renouvelée et M. X... s'est vu confirmé dans ses fonctions, ce qui l'a décidé à venir s'installer en Vendée avec sa famille et à signer, dès le 14 avril 2008, un compromis de vente pour acquérir un bien immobilier à la Roche-sur-Yon. Le 24 juin 2008, M. Y... a adressé à des collaborateurs de la société Hydrokit un courriel par lequel, après avoir rappelé certaines des valeurs de la charte de l'entreprise, il précisait : " J'ai acquis la conviction que Pascal X... ne partage pas ces valeurs, j'ai donc décidé de mettre fin à ses fonctions à partir de ce jour. Il est remplacé par quelqu'un en qui j'ai toute confiance et qui nous a montré depuis de longues années son savoir être. Il s'agit de Claude Z..., qui dans un premier temps continuera à assurer la Direction Générale de SOERMA T. P-MECANOKIT-ASE. Je renouvelle ma confiance à l'ensemble du personnel et comprenez que cette décision était nécessaire ".

Par lettre remise en main propre le 25 juin 2008, la présidente de la société Hydrokit a convoqué M. X... à un entretien préalable fixé au 7 juillet suivant pour envisager une éventuelle mesure de licenciement pour faute grave et lui a notifié une mise à pied conservatoire dans l'attente de la décision à intervenir. Par lettre recommandée du 11 juillet 2008, reçue le 15 juillet 2008, la société Hydrokit a notifié à M. X... son licenciement pour faute grave, Cette lettre est ainsi motivée : " Vous avez été embauché le 3 décembre 2007 en qualité de Directeur et à ce titre l'article 5 de votre contrat précise l'étendue de vos responsabilités ; parmi celles-ci il y en a une particulièrement importante pour laquelle vous avez manifestement failli : la responsabilité humaine. En effet, nous n'avons pu que constater votre incapacité à :- motiver tout le personnel,- le considérer quelque soit son poste,- entretenir un climat social sain,- faire en sorte que les salariés possèdent les compétences dont l'entreprise a besoin,- qu'ils soient rémunérés à leur juste valeur,- etc. La dimension humaine est une des valeurs essentielles de l'entreprise et elle joue un rôle prépondérant dans la gestion de l'entreprise : nous vous rappelons que vous vous étiez engagé sur ce point et que vous n'avez pas respecté votre engagement. Nous constatons aujourd'hui que vous ne vous impliquez pas du tout en terme de management notamment humain. Vous ne prenez en considération que les ratios sans tenir compte de l'aspect relationnel. Votre comportement a été source d'un climat social délétère et d'un manque de confiance avéré à votre égard. Cette attitude a généré plusieurs démissions depuis votre arrivée au sein de notre structure. Le constat est particulièrement affligeant sur les points suivants : 1. Les salariés font état du fait que vous ne les rencontrez pas, ne discutez pas avec eux, ne prenez pas en compte leurs difficultés, leurs attentes et que seuls les membres du comité de direction ont le droit à votre reconnaissance. 2. Les salariés du plateau font état d'une forme de " flicage " au travers de l'affichage de leurs temps respectifs de communications téléphoniques : vous n'avez pas consulté les salariés préalablement, vous n'avez pas pris conscience de la forme discriminatoire de cette action et que certains salariés vivent très mal cette situation ; de plus vous n'avez pas pris de précautions à l'égard de la législation en la matière. Certains de vos collègues avaient pourtant attiré votre attention sur votre indifférence en matière de relations humaines et vous avez fait fi de ces remarques. A aucun moment vous n'avez tenté de redresser la situation car vous considérez de manière constante que les autres ont tort et que vous seul détenez la vérité. Force est de constater que vous vous êtes reposé sur les acquis de la société sans faire preuve d'initiative dans les domaines relevant de vos compétences que ce soit au niveau commercial, administratif ou encore financier. Vous n'avez fait aucune proposition concrète pour améliorer les performances de l'entreprise et renforcer l'image de la Société. En outre, concernant les aspects administratif et social, vous avez fait preuve d'une passivité intolérable compte tenu de votre poste. Votre laxisme et votre négligence ont généré des conséquences graves pour l'entreprise en terme d'image sociale et de risques de revendications syndicales. En effet, nous avons découvert récemment (23 juin 2008), que vous n'avez pas daigné vous présenter au cours de la réunion du 28 mars 2008 avec les organisations syndicales lors de la préparation des élections professionnelles alors que vous étiez le seul habilité à négocier et signer le protocole d'accord préélectoral. Par conséquent, nous avons été contraint de fixer une autre date pour la signature du protocole et contrairement à ce que vous affirmez sans preuve et alors même que vous vous êtes totalement désintéressé du déroulement de ces élections, il a fallu une intervention extérieure afin que ce dossier ne prenne pas une ampleur aux conséquences graves. Votre attitude démontre que vous n'accordez aucune importance aux relations sociales au sein d'une entreprise. Par ailleurs, en ce qui concerne la Qualité, non seulement elle ne s'est pas améliorée alors même que cet axe est stratégique pour l'entreprise, mais les chiffres mettent en évidence une dégradation. Votre inaction et votre passivité sont en totale contradiction avec le niveau des responsabilités qui vous sont confiées et pire vous ne vous rendez pas compte des conséquences de vos actes. De plus, vous avez signé votre contrat et, par conséquent, accepté une clause d'exclusivité (article 12). Or, il apparaît que sur un site Internet, vous vous présentez toujours comme un consultant disponible ce qui signifie que vous bafouez de manière évidente votre contrat de travail et, une fois de plus, vous ne respectez pas vos engagements contractuels, ce qui est intolérable. Enfin, vous avez signé votre contrat avec une clause (art 10) qui prévoit que vous devez acquitter les éventuelles amendes liées au véhicule de fonction dont vous bénéficiez : or, il s'avère que vous avez récemment (le 10 mai 2008) reçu une contravention pour stationnement irrégulier (11 ¿) dans la région nantaise et que vous n'en avez pas assuré le paiement : là encore vous ne respectez pas vos engagements même pour des sommes modiques ce qui symbolise bien votre attitude méprisante à l'égard de l'entreprise. (...) ". Le 8 septembre 2008, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de la Roche-sur-Yon en contestant le bien fondé de son licenciement.

Par jugement du 22 février 2010, le conseil de prud'hommes a :
- dit que le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse ;- condamné la société Hydrokit à payer à M. X... les sommes suivantes : * 27 692, 31 ¿ bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ; * 2 769, 23 ¿ bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents ; * 30 000 ¿ nets de CSG et de CRDS à titre de dommages et intérêts en application de l'article 1235-5 du code du travail ; * 10 000 ¿ nets de CSG et de CRDS à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié aux circonstances vexatoires ayant entouré le licenciement ; * 1500 ¿ au titre des frais irrépétibles ;- dit que les sommes à titre de salaires et accessoires de salaires porteront intérêts de droit au taux légal à compter de la convocation du défendeur en conciliation soit le 8 septembre 2008, rappelé que l'exécution provisoire était de droit sur ces sommes et dit que les autres sommes porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;- fixé la moyenne brute des trois derniers salaires de M. X... à la somme de 9 431 ¿ ;- rejeté le surplus des demandes de M. X..., notamment en paiement de rappel de salaire au titre de la rémunération variable et de dommages-intérêts pour perte de chance d'intéressement au capital du groupe ;- débouté la société Hydrokit de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;- condamné la société Hydrokit aux entiers dépens y compris les frais éventuels de recouvrement de la décision. M. X... a régulièrement interjeté appel de ce jugement dont il a sollicité la réformation. La cour d'appel de Poitiers a statué, par arrêt du 22 mars 2011, ainsi qu'il suit : " Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré que le licenciement de M. Pascal X... était dénué de cause réelle et sérieuse et a condamné la société Hydrokit à lui payer, en conséquence, les sommes de 30 000 ¿ nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 10 000 ¿ nets pour procédure abusive et vexatoire et de 1500 ¿ au titre des frais irrépétibles ; Dit que le licenciement de M. Pascal X... par la société Hydrokit est fondé sur une cause réelle et sérieuse ; Confirme pour le surplus le jugement ; Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens. " Par arrêt du 13 septembre 2012, la chambre sociale de la Cour de cassation a cassé et annulé cet arrêt " mais seulement en ce qu'il retient l'existence d'une cause réelle et sérieuse, rejette les demandes pécuniaires subséquentes du salarié, et en ce qu'il rejette la demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire " : " Vu les articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail ; Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt énonce que le licenciement du salarié ne saurait reposer sur la ou les fautes graves que l'employeur entend lui imputer et qui n'apparaissent pas établies en l'espèce, que les faits dénoncés soient pris séparément ou dans leur globalité ; qu'il apparaît par contre que les griefs établis par l'employeur à l'encontre du salarié, de par le niveau de responsabilité qui était le sien ainsi que du fait de leur accumulation, en peu de temps, de la part d'un salarié qui n'a manifestement pas su prendre la mesure de ce qui était attendu de lui dans ses relations avec les autres membres du personnel ainsi que sa présence sur un site extérieur à l'entreprise, comme consultant disponible, ce qui apparaît, quelles que soient ses intentions, de nature à légitimement interroger son employeur sur sa loyauté à son égard, traduisent un non-respect avéré des dispositions contractuelles liant le salarié à son employeur et sont constitutifs d'une attitude générale de nature à conférer une cause réelle et sérieuse au licenciement ; Qu'en statuant ainsi sans caractériser à la charge du salarié, licencié pour faute grave, un manquement à ses obligations professionnelles, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; " La présente cour, désignée comme cour d'appel de renvoi, a été saisie dans le délai de quatre mois prévu par l'article 1034 du code de procédure civile.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES Le salarié, dans ses conclusions parvenues au greffe le 17 mars 2014, et responsives le 22 avril 2014, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a jugé son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, à sa réformation pour le surplus et à la condamnation de la société Hydrokit au paiement de :

* 332 000 ¿ nets de CSG et RDS à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; * 99 500 ¿, outre 9 950 ¿ de congés payés afférents au titre de la rémunération variable, à titre principal ; subsidiairement, si la cour estime devoir établir un prorata au temps de présence, 49 750 ¿ et 4 9 75 ¿ de congés payés afférents ; * 52 566 ¿ à titre d'indemnité compensatrice de préavis prenant en compte le rappel de rémunération variable, outre 5 256 ¿ de congés payés afférents, et à titre subsidiaire, pour le cas où la cour estimerait par impossible ne pas devoir prendre en compte la rémunération variable, à la confirmation du jugement de ces chefs ; * 30 000 ¿ de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié aux circonstances vexatoires ayant entouré son licenciement ; * 2 332 000 ¿ au titre de la perte de chance d'intéressement au capital du groupe Vensys ; * 5 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. A titre subsidiaire, il sollicite la désignation d'un expert avec pour mission d'examiner les comptes de la société pour l'exercice 2008 et de déterminer le montant brut d'exploitation pour cet exercice et, dans ce cas, le sursis à statuer des chefs de la rémunération variable, rappel d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents. Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que la nature des faits qui lui sont reprochés ne saurait être fautive, s'agissant de griefs de perte de confiance et d'insuffisance professionnelle, ce dont il résulte que son licenciement n'est pas disciplinaire et est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Très subsidiairement et en tout état de cause, l'employeur échoue dans sa tentative de démonstration de ce qu'il n'aurait pas bien exercé sa mission. Sur la question de la recevabilité de certaines demandes, il soutient que la cassation des chefs relatifs à la rupture et à l'indemnisation du licenciement entraîne par voie de dépendance nécessaire celle des dispositions relatives au préjudice tiré de la perte de chance d'intéressement au capital du groupe Vensys et sollicite le bénéfice de ses précédentes conclusions. La société, dans ses conclusions parvenues au greffe le 11 avril 2014, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, conclut à : * l'irrecevabilité des demandes de rappel de rémunération variable, de rappel corollaire d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents ainsi que de dommages-intérêts pour préjudice distinct résultant de la perte de chance d'intéressement individuel, du fait de l'autorité de la chose définitivement jugée par la cour d'appel de Poitiers ; * subsidiairement, la confirmation pure et simple du jugement de ces chefs ; * l'infirmation du jugement pour le surplus et le débouté du salarié de toutes ses demandes ; * la condamnation du salarié au paiement de la somme de 5 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel. Sur l'irrecevabilité des demandes de rappel de rémunération variable, de rappel corollaire d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents ainsi que de dommages-intérêts pour préjudice distinct résultant de la perte de chance d'intéressement individuel, elle fait valoir que le salarié s'étant désisté de son 4ème moyen de cassation faisant grief à l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers de l'avoir débouté de ses demandes relatives à la rémunération variable et n'ayant formulé aucune critique à l'encontre du chef relatif à la perte de chance d'intéressement individuel, ces chefs, non critiqués, ont donc acquis l'autorité de la chose définitivement jugée.

Sur le licenciement, il indique que les fautes reprochées à M. X... sont caractérisées et justifient le licenciement pour faute grave, au regard notamment du poste élevé que l'intéressé occupait dans la hiérarchie et de l'exemplarité totale dont il devait faire par conséquent preuve. La demande indemnitaire, correspondant à 36 mois de salaire, est exorbitante et injustifiée.
Aucune mesure vexatoire ne réside dans le fait d'annoncer qu'un salarié ayant violé de façon flagrante les règles de fonctionnement de l'entreprise est suspendu de ses fonctions. A titre subsidiaire, pour le cas où la cour jugerait recevables les demandes présentées au titre de la rémunération variable et de la perte de chance d'intéressement au capital du groupe Vensys, celles-ci sont infondées. S'agissant de cette dernière demande, en effet, le contrat de travail ne spécifiait pas une promesse de détention de capital ou même d'intégration au capital, mais tout au plus une éventualité ; et à supposer même qu'il s'agisse d'une rupture de promesse de cession d'actions, elle ne relèverait pas de la compétence de la juridiction prud'homale.

MOTIFS DE LA DECISION-Sur la recevabilité des demandes relatives au rappel de rémunération variable et de dommages-intérêts pour préjudice distinct résultant de la perte de chance d'intéressement individuel :

La cassation partielle intervenue porte seulement, selon le dispositif de l'arrêt de cassation, sur les chefs de dispositif de l'arrêt attaqué ayant retenu l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, rejeté les demandes pécuniaires subséquentes du salarié et ayant rejeté la demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire. Compte tenu des principes régissant la portée d'un arrêt de cassation et notamment des dispositions des articles 624 et suivants du code de procédure civile, cette cassation partielle est limitée aux seules dispositions critiquées par les moyens qui ont été accueillis en l'absence d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire avec une autre disposition de la même décision.

Le premier moyen, qui a été accueilli, ainsi que le deuxième moyen, subsidiaire, sur lequel la chambre sociale a dit qu'il n'était pas nécessaire de statuer, critiquaient la cour d'appel en ce qu'elle avait, selon le moyen, " jugé que le licenciement pour faute grave de M. X... par la société Hydrokit était fondé sur une cause réelle et sérieuse et d'avoir, en conséquence, débouté M. X... de ses demandes tendant à ce que la société Hydrokit soit condamnée à lui verser des dommages-intérêts pour licenciement abusif, des dommages-intérêts en réparation du préjudice lié aux circonstances vexatoires ayant entouré le licenciement, et une indemnité au titre de la perte de chance d'avoir un intéressement au capital du groupe Venys Post Equipment, et à lui garantir les frais et pénalités qu'il pourrait être amené à devoir assumer du fait de son installation et de son départ précipité de La Roche-sur-Yon ". Le troisième moyen, également accueilli, faisait grief à l'arrêt d'avoir débouté M. X... de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire. Il en résulte que les chefs de dispositif relatifs aux demandes afférentes à la rémunération variable ont acquis l'autorité de chose jugée, tandis que la demande d'indemnité au titre de la perte de chance d'intéressement individuel est recevable.- Sur le bien fondé du licenciement :

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. La charge de la preuve de la faute grave incombant à l'employeur, le salarié n'a rien à démontrer.
Ensuite, l'insuffisance professionnelle ne constitue pas une faute, sauf mauvaise volonté délibérée du salarié. Sur le grief relatif à l'" incapacité " du salarié à gérer les ressources humaines de l'entreprise, on observera à titre liminaire que la lettre de licenciement se borne pour l'essentiel à des formules générales qui se réfèrent à des motifs d'insuffisance professionnelle non fautive. S'agissant de l'absence de dialogue avec le personnel et du climat social délétère, les seuls éléments produits par la société sont deux attestations. Celle, vague, de M. A..., évoque le peu de contacts et d'échanges qu'il a pu avoir avec M. X..., sans que la cour soit mise en mesure par l'employeur de situer précisément la place du témoin dans l'organigramme de la société. Celle de M. B..., selon laquelle " en six mois, la seule fois où j'ai vu M. X... au points services, c'est lors de son entretien d'embauche où il est venu demander son chemin " est sans pertinence dans la démonstration qui incombe à la société, sachant que M. B... partageait son temps entre les points services de la Rochelle et de la Roche-sur-Yon et donc travaillait en d'autres lieux que M. X.... Le salarié produit de nombreuses pièces prouvant les échanges réguliers et cordiaux qu'il a pu avoir avec ses collaborateurs, et notamment avec M. B.... En l'état des pièces produites, il n'est nullement démontré que la détérioration des relations entre M. C..., de la filiale Hydrokit Benelux, et M. X..., incombe à ce dernier. Aucun document n'est produit pour établir la réalité des démissions alléguées et encore moins leur lien avec un comportement fautif du salarié. Par ailleurs, le mail de M. Martineau, qui annonce quant à lui le 8 septembre 2008 sa décision de rester dans l'entreprise suite au changement, notamment, de direction, est si peu circonstancié qu'il ne saurait être retenu. Les éléments produits quant à l'évolution de l'absentéisme sont parcellaires puisqu'ils ne concernent que l'année 2008 et les deux premiers mois de l'année 2009, de sorte qu'une comparaison n'est possible que pour les mois de janvier et février, et il ne peut par conséquent en être tiré aucune conclusion. S'agissant du " flicage des salariés du plateau " et de ses incidences sur le fonctionnement du service concerné, les attestations produites sont là encore trop vagues pour être probantes. Par ailleurs, aucune explication circonstanciée et justifiée n'est donnée quant au fonctionnement précis du système litigieux, la simple attestation de M. D... étant insuffisante et la société se bornant pour l'essentiel à de simples allégations à cet égard, de sorte que la cour n'est pas mise en mesure d'apprécier si une faute a été susceptible d'être commise, notamment quant à l'information préalable des représentants du personnel et de la CNIL.

Les griefs d'absence d'initiative au niveau commercial, administratif et financier et de dégradation du système qualité ne sont étayés par aucune pièce. Sur le grief relatif à la négociation et la signature du protocole d'accord préélectoral, l'employeur n'établit pas que le salarié était le seul habilité à négocier et signer ledit protocole, et qu'il n'avait pas délégué pouvoir de ce faire à la directrice des ressources humaines, se contentant de procéder par voie de simples affirmations et ne produisant au demeurant pas le protocole finalement signé. On notera que les nouvelles convocations adressées pour la réunion du 10 avril 2008 sont rédigées exactement dans les mêmes termes que les précédentes et invitent les syndicats, encore, à prendre contact avec la responsable des ressources humaines. S'agissant des " conséquences graves pour l'entreprise en terme d'image sociale et de risques de revendications syndicales ", telles que reprochées dans la lettre de licenciement, on peut s'étonner que le seul élément de preuve produit soit une " attestation ", d'ailleurs non conforme aux exigences du code de procédure civile et dont le signataire n'est identifié que par la production d'une attestation complémentaire, émanant du secrétaire général du syndicat patronal, l'Union des Industries Métallurgiques de la Vendée. N'étant pas contesté que M. Jacques Y... était le président départemental dudit syndicat, un tel document, non corroboré, notamment par les représentants de syndicats de salariés, est dénué de toute force probante. Enfin, le grief relatif à la carence dans l'organisation des élections n'est pas énoncé dans la lettre de licenciement.

Sur la violation de la clause d'exclusivité, le contrat de travail comportait une clause, dont la licéité n'est pas contestée, ainsi rédigée : " Pendant toute la durée de son contrat, Monsieur Pascal X... s'engage à réserver l'exclusivité de son activité professionnelle à la société HYDROKIT. Par conséquent, il ne pourra avoir aucune autre occupation professionnelle, même non susceptible de concurrencer les activités de la société HYDROKIT. Toutefois, Monsieur Pascal X..., avec l'accord préalable du Président de la société HYDROKIT, pourra accepter des missions de formation et d'information. " La société se prévaut de ce que le salarié, alors qu'il était salarié d'Hydrokit, était présenté, sur le site Internet de la société Aerial pour le compte de laquelle il avait travaillé auparavant, comme consultant disponible et produit la copie d'une capture d'écran effectuée par ses soins le 30 juin 2008. Un tel élément ne saurait suffire à établir la poursuite d'une activité au profit d'une autre société et donc une violation de la clause d'exclusivité. Le grief est d'ailleurs dénué de tout sérieux à l'examen des pièces produites par le salarié (notamment les nombreux échanges de courriers électroniques professionnels les samedi et dimanche) qui révèlent l'intensité de son travail effectué au service de la société et de son engagement professionnel, parfaitement incompatibles avec l'exercice d'une autre activité. Sur le défaut de paiement d'une amende du 10 mai 2008, seule visée par la lettre de licenciement, selon l'article 10 du contrat de travail conclu entre les parties prévoyant la mise à disposition du salarié d'un véhicule de fonction, " les éventuelles contraventions sont entièrement à la charge de M. Pascal X... même si elles arrivent au nom de la société ". La société n'allègue ni ne justifie avoir demandé à son salarié de régler l'amende litigieuse et s'être heurtée à un refus. Il s'évince de ces observations que la société n'établit aucune faute à l'encontre de son salarié. Le jugement, qui a retenu que le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse, sera par conséquent confirmé. On observera-surabondamment-que la rupture du contrat de travail se situant à la date où l'employeur a manifesté sa volonté d'y mettre fin, il aurait pu être soutenu que la rupture était intervenue le 24 juin 2008 par l'envoi par M. Y... d'un message électronique annonçant à divers collaborateurs sa décision de mettre fin aux fonctions de M. X... à partir de ce même jour, ce dont il résultait que ladite rupture, non motivée, était nécessairement dénuée de cause réelle et sérieuse.

- Sur les conséquences financières de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement : Le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé en ses dispositions relatives à l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, dont les montants ont été exactement appréciés. S'agissant de l'appréciation du préjudice résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse, il sera pris en considération notamment l'ancienneté du salarié au moment du licenciement, son âge (50 ans), sa capacité à retrouver un emploi et les conséquences du licenciement à son égard, résultant notamment du fait que, la période d'essai n'ayant pas été renouvelée, M. X... avait décidé de quitter la région parisienne pour venir s'installer en Vendée avec sa famille, son épouse démissionnant de son emploi. La cour dispose des éléments suffisants pour porter, par voie d'infirmation du jugement déféré, à la somme de 150 000 ¿ le montant de l'indemnité propre à réparer le préjudice résulté du licenciement injustifié dont il a fait l'objet et que l'employeur sera condamné à lui payer, cette somme portant intérêts au taux légal, à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus.

- Sur la demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié aux circonstances vexatoires ayant entouré le licenciement :
Le salarié dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse peut prétendre à des dommages-intérêts distincts de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en cas de comportement fautif de l'employeur dans les circonstances de la rupture. En l'espèce, l'envoi d'un message pour annoncer à divers collaborateurs la décision de mettre fin aux fonctions de ce directeur de société immédiatement, avant même que l'intéressé ait été mis en mesure de s'expliquer sur les faits qui lui sont reprochés, constitue un procédé brutal et vexatoire. Il en est résulté pour M. X... l'existence d'un préjudice distinct de la perte de son emploi. On observera qu'un tel procédé peut apparaître antinomique avec la charte de l'entreprise, dont la société se prévaut abondamment, laquelle prévoit, dans son article 13 : " Si je suis amené à prendre une sanction, j'étudie sereinement toutes les autres possibilités. Dans tous les cas, je prends mes décisions dans le respect des individus. " Par ailleurs, on notera que la société a communiqué aux époux E..., vendeurs d'un bien immobilier dont M. X... projetait l'acquisition et avec lesquels il se trouvait en litige, un extrait du courrier que l'intéressé avait adressé à son employeur pour protester contre son licenciement, ce qui constitue un procédé déloyal. La cour dispose des éléments suffisants pour porter, par voie d'infirmation du jugement déféré, à la somme de 30 000 ¿ le montant de l'indemnité propre à réparer le préjudice né des circonstances du licenciement.

- Sur la demande présentée au titre de la perte de chance d'intéressement au capital du groupe Vensys : Comme exactement retenu par le conseil de prud'hommes, les termes du contrat de travail selon lesquels " Un intéressement individuel sera octroyé à Monsieur Pascal X... pouvant déboucher à terme sur une détention de capital du groupe Vensys soit directement soit à travers une structure regroupant le capital du management du groupe " ne permettent pas de retenir l'existence de la perte de chance alléguée. En effet, un intéressement était bien prévu dans le cadre du contrat (rémunération variable) ; quant à la détention de capital, il s'agissait d'une simple possibilité dont les conditions n'étaient pas fixées. Or, seule constitue une perte de chance réparable, la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable. Le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé de ce chef.

- Sur la demande présentée en première instance tendant à la condamnation de la société à garantir le salarié de toute condamnation prononcée et de tout paiement effectué relatifs à l'acquisition du bien immobilier projetée : Le salarié indique ne pas maintenir cette demande, ayant gagné le procès l'opposant aux vendeurs dudit bien immobilier.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Par application des dispositions de l'article 639 du code de procédure civile, la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond, y compris ceux afférents à la décision cassée. Les effets de la cassation partielle prononcée s'étendent nécessairement aux condamnations prononcées par la décision cassée au titre des dépens et de l'article 700 du même code.

PAR CES MOTIFS, La cour, statuant publiquement et contradictoirement, sur renvoi après cassation, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a jugé que le licenciement de M. Pascal X... était dénué de cause réelle et sérieuse ainsi qu'en ses dispositions relatives à l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, à la perte de chance d'intéressement au capital du groupe Vensys, aux frais irrépétibles et aux dépens ; Constate qu'aucune demande n'est présentée en cause d'appel quant à la condamnation de la société à garantir le salarié de toute condamnation prononcée et de tout paiement effectué relatifs à l'acquisition du bien immobilier projetée ; Déclare irrecevables les demandes afférentes à la rémunération variable ;

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant ; Condamne la société Hydrokit au paiement à M. Pascal X... de : * 150 000 ¿, nets de CSG et CRDS, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; * 30 000 ¿, nets de CSG et CRDS, de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié aux circonstances vexatoires du licenciement ; * 5 000 ¿ au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;

Dit que les sommes allouées à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages-intérêts pour circonstances vexatoires du licenciement portent intérêts au taux légal à compter du jugement déféré sur le montant des sommes allouées par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus ; Déboute la société Hydrokit de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne la société Hydrokit au paiement des dépens d'appel, en ce compris ceux afférents à la décision cassée.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Viviane BODIN Catherine LECAPLAIN-MOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/000421
Date de la décision : 01/07/2014
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2014-07-01;13.000421 ?
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