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24/06/2014 | FRANCE | N°12/00715

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 24 juin 2014, 12/00715


COUR D'APPEL d'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N pc/ jc

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 00715.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 27 Mars 2009, enregistrée sous le no 08/ 056

ARRÊT DU 24 Juin 2014

APPELANT :
Monsieur Claude X......
92160 ANTONY
comparant-assisté de Maître Dominique THOLY, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

LA SA MMA IARD 10 Boulevard Alexandre Oyon
72030 LE MANS CEDEX 09
non comparante-représentée par M

aître CONTE, avocat substituant Maître Alain PIGEAU de la SCP MEMIN-PIGEAU, avocats au barreau du MANS

COMPOSITION ...

COUR D'APPEL d'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N pc/ jc

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 00715.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 27 Mars 2009, enregistrée sous le no 08/ 056

ARRÊT DU 24 Juin 2014

APPELANT :
Monsieur Claude X......
92160 ANTONY
comparant-assisté de Maître Dominique THOLY, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

LA SA MMA IARD 10 Boulevard Alexandre Oyon
72030 LE MANS CEDEX 09
non comparante-représentée par Maître CONTE, avocat substituant Maître Alain PIGEAU de la SCP MEMIN-PIGEAU, avocats au barreau du MANS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Mai 2014 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Paul CHAUMONT, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, président Madame Anne LEPRIEUR, conseiller
Monsieur Paul CHAUMONT, conseiller
Greffier : Madame BODIN, greffier.

ARRÊT : prononcé le 24 Juin 2014, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******

FAITS ET PROCÉDURE
M. X... a été engagé le 27 mars 2000 par la société Winterthur Assurances en qualité de responsable du département service clients.
Son contrat de travail a été transféré à la société Mutuelles du Mans Assurances IARD (la société MMA) au cours du premier semestre 2002.
Par avenant à son contrat de travail du 27 novembre 2002, il a été affecté à compter du 1er avril 2003 au poste de chargé de mission auprès du directeur, en charge du pôle professions libérales.

Ce pôle regroupe environ quatre-vingts collaborateurs, et est lui-même divisé en quatre pôles, deux en charge de l'immobilier, un du judiciaire et un de l'entreprise.
Il dépend de la direction des sinistres AIS (assistance indemnisation sinistres) chargée de l'analyse des sinistres et de leur évaluation, qui est en relation avec la direction technique des produits (DTP) qui assure notamment la tarification des risques et le suivi du paiement des primes.
Le 23 décembre 2005, la société MMA a notifié au salarié un avertissement fondé sur une " insuffisance managériale " et sur un manque de rigueur à l'occasion de la révision des évaluations sinistres des portefeuilles notaires et hors notaires.

Elle l'a licencié par lettre du 9 octobre 2007 pour insuffisance professionnelle manifestée par " l'absence de reporting auprès de la direction produit : gestion des sinistres notaires ", illustrée par plusieurs dossiers, pour avoir travesti la vérité concernant ces dossiers, et pour avoir connu un problème de " cadence d'évaluation des dossiers notaire au réel " ainsi que " des problèmes dans le management de l'équipe ".
M. X... a saisi le conseil de prud'hommes du Mans en indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et paiement de dommages-intérêts pour procédure vexatoire et harcèlement moral.
Par jugement du 27 mars 2009, le conseil l'a débouté de ses demandes et l'a condamné à payer à la société MMA la somme de 300 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
M. X... a relevé appel.
Par arrêt du 30 mars 2010, notifié à M. X... le 21 avril 2010, la cour a radié l'affaire et dit qu'elle ne pourra être remise au rôle que par un dépôt de conclusions.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 2 avril 2012, M. X... a adressé ses conclusions au greffe de la cour.
L'affaire a été rétablie au rôle et la société MMA a conclu.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 12 mai 2014, soutenues oralement à l'audience, et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des moyens et prétentions, M. X... soutient :
. L'instance n'est pas éteinte dès lors que la décision de radiation ne lui a été notifiée que le 21 avril 2010 ;
Sur le fond, il sollicite :

. L'annulation de l'avertissement du 23 décembre 2005 ;. L'infirmation du jugement ;
. La condamnation de la société MMA à lui payer les sommes de :
. 102 000 ¿ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
. 102 000 ¿ à titre de dommages-intérêts pour inexécution fautive du contrat de travail ;
. 25 500 ¿ à titre de dommages-intérêts pour rupture vexatoire ;. 51 000 ¿ à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;
. 51 000 ¿ à titre de dommages-intérêts pour défaut de respect de l'obligation de sécurité de résultat et de prévention d'une situation de harcèlement moral ;
. 5 000 ¿ en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
. La fixation du point de départ des intérêts au taux légal à compter de l'introduction de la demande, soit le 4 février 2008, avec anatocisme.
Il fait valoir en substance que :

Sur l'avertissement :
. Face à l'insuffisance structurelle des effectifs, il ne disposait d'aucun pouvoir de décision ni au regard du budget ni à celui des recrutements et ne pouvait influer sur la répartition de la charge de travail qui devait en outre être efficace pour atteindre les objectifs fixés ;
. Il a fourni les explications concernant la prétendue inexactitude des montants annoncés pour les révisions dans un courriel du 21 décembre 2005, dont les termes n'ont pas été remis en cause ;

. La société MMA n'a pas produit les éléments permettant de fonder l'avertissement en contravention avec l'article L. 1333-1, alinéa 2, du code du travail ;
Sur le licenciement :
. L'insuffisance de communication entre les deux directions ne peut lui être imputée alors qu'il a organisé les conditions de l'échange d'information entre elles ;

. L'accumulation des dossiers non réévalués ne lui a pas permis, avec son équipe, de procéder à la révision de ceux-ci dans le délai, normal et nécessaire, d'une année, l'aide en effectif et en matériel qu'il a demandée ne lui ayant pas été accordée ;
. Il a régulièrement alerté sa hiérarchie sur les problèmes de personnel et de recrutement, mais sans succès, ce qui a dévalorisé son autorité au sein du service et conduit les représentants du personnel à saisir la direction à deux reprises ;
Sur l'exécution fautive du contrat de travail, le caractère abusif et vexatoire de la rupture et sur le harcèlement moral :

. la société MMA a refusé de prendre en compte ses difficultés de santé et sa situation personnelle et familiale et elle a sciemment diminué son bonus annuel pour le décourager ;
. Elle a élaboré une véritable stratégie d'éviction à son égard et elle lui a tendu un véritable piège à l'occasion de sa convocation à l'entretien préalable :
. Elle a volontairement utilisé des méthodes de gestion humiliantes qui ont abouti à altérer sa santé.

Dans ses dernières écritures, déposées le 12 décembre 2013, reprises oralement à l'audience, et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des moyens et prétentions, la société MMA demande à la cour de :
. Juger périmé l'appel de M. X... ;. Confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
. Condamner M. X... à lui verser 2 000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient essentiellement que :
Sur la péremption :

. Les conclusions de M. X... n'ont été déposées au greffe que le 2 avril 2012, après l'expiration du délai de deux ans courant à compter du 30 mars 2010, de telle sorte que l'instance est périmée ;
Sur le fond :
. M. X... a rencontré des difficultés majeures depuis sa prise de fonction qui se sont manifestées par un manque de précision et de professionnalisme dans l'étude et la portée des conséquences d'un certain nombre de sinistres, par un manque d'organisation, et par le flou et l'imprécision des réponses qu'il a apportées à ses interlocuteurs ;
. Les démarches syndicales et les lettres de pétitions du 4 mars 2005 et du 5 juillet 2007 adressées au directeur du pôle IRD par les collaborateur de M. X... afin de se plaindre de leurs conditions de travail démontrent l'absence de concertation et d'écoute de celui-ci ;
. Les trois griefs énoncés dans la lettre de licenciement sont amplement démontrés par les mails et documents produits ;

MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la péremption d'instance :

Attendu que l'article R. 1452-8 du code du travail dispose qu'en matière prud'homale, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction ;
Que le délai de péremption ne court qu'à compter de la notification de la décision qui a mis expressément les diligences à la charge des parties ;
Attendu qu'au cas présent, l'arrêt de radiation du 30 mars 2010 qui a subordonné le rétablissement de l'affaire au dépôt de conclusions a été notifié aux parties par lettre simple le 21 avril 2010 ;

Que le délai de péremption de deux ans n'était donc pas expiré le 2 avril 2012, jour de la réception par le greffe des conclusions de M. X..., de sorte que l'instance n'est pas périmée ;
Sur l'avertissement :
Attendu qu'aux termes de l'article L. 1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que des observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif ;

Attendu qu'au cas particulier, M. X... a été convoqué le 5 décembre 2005 à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire (pièce 14 intimée) ;
Qu'à la suite de cet entretien, la société MMA a notifié à M. X..., le 23 décembre 2005, un avertissement fondé sur des " insuffisances managériales qui semblent résulter d'un manque de proximité, d'écoute et de suivi vis à vis de (ses) collaborateurs directs " et pour avoir fait preuve d'un " manque évident de rigueur dans l'exercice de (ses) fonctions " " à l'occasion de la révision des évaluations sinistres des portefeuilles notaires et hors notaires " ;
Attendu cependant que l'employeur ne démontre ni même ne prétend que les manquements professionnels allégués sont volontaires ou relèvent d'une mauvaise volonté délibérée du salarié ;

Qu'à défaut, l'insuffisance professionnelle dénoncée ne procède pas d'un comportement fautif et ne peut légitimer une sanction ;
Qu'en conséquence, l'avertissement sera annulé ;
Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement :

Attendu que si l'appréciation des aptitudes professionnelles du salarié relève de l'employeur, l'insuffisance professionnelle ne peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement que si elle repose sur des éléments précis, objectifs et imputables au salarié, et susceptibles d'être vérifiés par le juge ;
Que, par ailleurs, les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les limites du litige ;
Sur le premier motif : " absence de reporting auprès de la direction produit : gestion des sinistres notaires "

Attendu que la société MMA reproche à M. X... d'avoir manqué de rigueur à l'occasion de l'information de la DTP sur les dossiers les plus importants de sinistres subis par les notaires alors que cette communication est indispensable pour permettre à cette direction de piloter le risque et notamment pour établir sa politique en matière de tarif ;
Que, pour illustrer ce grief, elle se fonde sur quatre dossiers, ceux de MM. Y..., Z... et A..., notaires, et celui de Royal Sun Alliance ;
Attendu cependant que M. X... indique, sans être contesté, qu'il a mis en place à son arrivée un comité des sinistres majeurs avec une interface accessible à tous les collaborateurs de la direction des sinistres AIS et de la DTP afin que chacun puisse connaître l'état des dossiers en cours ;

Qu'ainsi, avant la réunion de ce comité, les membres intéressés de ces directions étaient invités et informés des dossiers qui allaient être examinés (pièce 3 appelant) ;

Que, dans un courriel du 15 février 2007 adressé à Mme B..., collaboratrice du directeur général de la DTP, M. X... lui a indiqué qu'outre " la participation d'un de vos collaborateurs, (elle disposait) sous le serveur i d'une synthèse des décisions de chaque comité dans le dossier divers-comités sinistres majeurs, ce fichier (comportant) tous les comités depuis 2004, (et d'autre part) de l'accès aux fiches détaillées dossiers (sinistres majeurs) par profession, et par année (les dossiers majeurs antérieurs à 2004 (ayant été) créés courant 2005 " (pièce 38 appelant) ;

Que, dans un compte rendu de réunion du 24 août 2007 du groupe de travail consacré aux " résultats techniques notaires ", il est confirmé que la DTP est invitée aux réunions des comités sinistres majeurs dont le planning est communiqué en début d'année à tous, et il est proposé de renforcer cette participation avec obligation de " reporting " pour le représentant de cette direction au sein de sa propre direction, le choix des dossiers devant être le reflet de la " sinistralité à fort enjeux " (pièce 112 intimée) ;
Qu'il en résulte qu'il existait bien, au sein de la société, des procédés de communication entre les deux directions concernant les dossiers de sinistres les plus sensibles et qu'il appartenait aux représentants de la DTP, qui avaient accès aux informations, d'assurer, au sein de leur propre direction, la transmission de ces dernières ;
Qu'en outre, si des améliorations devaient être apportées, elles relevaient d'une réflexion commune aux deux directions et non de M. X... seul ;

Qu'ainsi, le défaut d'information allégué ne peut être utilement reproché ni imputé à M. X... ;
Attendu que, s'agissant de la non-transmission à la DTP, dans des délais satisfaisants, des décisions de réévaluation dans les dossiers Y... (un mois et demi), Z... (un mois) et A... (non précisé), ainsi que du " run off d'origine Royal Sun Assurance " (six mois) la cour relève qu'aucun délai de transmission n'a été convenu au préalable entre les directions, de sorte que la tardiveté de la transmission ne peut être appréciée ;
Attendu que le travestissement de la vérité reproché à M. X... résulte en réalité de simples erreurs de dates entre la note du 24 août 2007 qu'il a adressée à son supérieur hiérarchique, M. C...(pièce 111 intimée) et celle du 6 septembre 2007 qu'il a transmise à ce dernier et au directeur général adjoint ;

Qu'il ne peut en être déduit un enseignement significatif sur l'insuffisance professionnelle évoquée par l'employeur ;
Sur le deuxième motif : " cadence d'évaluation des dossiers notaire au
réel : problème de pilotage d'activité " :
Attendu que la lettre de licenciement fait grief à M. X... d'avoir affirmé, lors d'une réunion du 24 août 2007, que les dossiers de notaires étaient réévalués au bout de six mois à un an alors que, dans un mail du 6 septembre 2007, Mme B..., après vérification, l'a alerté sur le fait qu'en réalité, ce sont 3 206 dossiers concernant les exercices 2006 et antérieurs qui étaient encore évalués à l'un des quatre forfaits d'ouverture utilisés, dont 1 312 au titre de 2006 ;

Qu'elle lui reproche également d'avoir répondu à Mme B... qu''il ne fallait pas tenir compte des dossiers qui étaient revenus par hasard à un montant identique à celui du forfait d'ouverture, et que la liste ainsi expurgée devait comprendre pour une part essentielle les dossiers correspondant à la gestion des dossiers du courtier " la sécurité nouvelle " (LSN), alors qu'il était avéré que la part des dossiers revenus au montant du forfait et de ceux du courtier LSN était marginale ;
Attendu cependant qu'en premier lieu, la cour relève l'absence, une nouvelle fois, de tout document contractuel relatif à l'existence d'une cadence imposée à laquelle il serait possible de se référer ;
Que, par ailleurs, dans un courriel du 31 octobre 2005, resté sans réponse, M. X... a proposé à M. C...de mettre en oeuvre une procédure de révision annuelle des dossiers et de " sécuriser les révisions par de véritables procédures informatisées, par la mise en place de tableaux de bords afin de pouvoir fournir des indications plus précises que ce que nous avons faits " (sa pièce 18) ;

Qu'en réponse à une demande de M. C..., M. D..., responsable pilotage statistiques de la direction AIS, a indiqué que M. X... lui avait demandé début 2007 de lui fournir des outils d'action en complément des outils de pilotage mis en place en 2006 pour sécuriser les évaluations et déterminer la liste des dossiers dont l'évaluation n'avait pas bougé depuis certaines durées (12, 18, 24 mois et plus), que cette demande était en cours et la livraison de cet outil était envisagée pour le dernier trimestre 2007 ; (pièce 130 appelant) ;
Que la cour relève, après examen du compte rendu de la réunion du groupe de travail consacré aux " résultats techniques notaires " du 24 août 2007, pourtant organisée à l'initiative de M. C..., que la question de la révision des dossiers n'a pas été traitée et qu'en conséquence aucune décision n'a été prise ni même aucune proposition n'a été émise pour accélérer et améliorer le processus de révision ;
Qu'il apparaît ainsi que si des retards ont affecté la révision des dossiers de sinistres concernant les notaires, la responsabilité ne peut en incomber entièrement à M. X..., mais doit être partagée avec sa hiérarchie qui ne lui a pas fourni les outils nécessaires pour mener à bien sa mission et qui ne s'est inquiétée de ces difficultés que tardivement pour s'en emparer à l'appui de la procédure de licenciement ;

Qu'en cet état, la cour jugera que ces griefs ne démontrent pas l'insuffisance professionnelle de M. X... ;
Sur le troisième motif : " problèmes rencontrés dans le management de l'équipe " :
Attendu que la lettre de licenciement précise que les difficultés reposent soit sur une absence de communication avec ses collaborateurs soit dans des propos tenus qui, loin d'éclairer ou de rassurer ceux-ci, les conduisent, eux-mêmes ou par l'intermédiaire des représentants du personnel, à faire le choix de saisir son supérieur hiérarchique ;

Attendu cependant que la cour relève que ni dans le courrier du 4 mars 2005 que les techniciens professions libérales ont adressé à M. C..., ni dans celui que lui ont transmis les conseillers techniques sinistres et techniciens sinistres majeurs le 5 juillet 2007, la compétence de M. X... n'est remise en cause (pièces 14 et 107 intimée) ;
Que les salariés dénoncent, dans le courrier du 4 mars 2005, la disparité de la charge de travail entre les gestionnaires des deux pôles immobiliers et ceux des autres pôles, soulignent qu'à la surcharge de travail des premiers s'ajoute la révision qui concerne principalement les dossiers notaires, et donc le pôle immobilier, et réclament des créations de postes ; que les auteurs du courrier du 5 juillet 2007 attirent l'attention de M. C...sur l'évolution des postes de classe 5, dont ils souhaitent également la création et estiment que la réponse que leur a apportée leur hiérarchie soit " à défaut de budget exceptionnel, aucune perspective d'évolution n'est envisageable " ne les rassure pas ;
Que, dans un courriel du 21 décembre 2005 adressé à M. C..., M. X... lui rappelle qu'il a attiré son attention les 11 mai, 13 juillet et 18 août, sur les difficultés en termes d'effectifs face à la forte croissance de la volumétrie et à la nécessité de sécuriser les sinistres majeurs et souligne qu'en dépit des postes déjà créés, il en manque encore un certain nombre ; il ajoute que, malgré les explications qu'il leur a fournies, les gestionnaires sont impatients ; que, dans un autre mail du 10 mars 2006 consacré à un point sur les effectifs, M. X... expose à M. C...la très forte croissance de l'activité (près de 30 % entre juin 2003 à décembre 2005), les changements concomitants d'organisation, et les attentes des collaborateurs qui ont été contraints de fournir des efforts importants d'adaptation et d'investissement ; qu'il ajoute que les recrutements qu'il a été autorisé à faire n'ont été mis en oeuvre que tardivement ce qui a pu donner l'impression que l'encadrement avait agi sous la pression des syndicats (ses pièces 15 et 48) ;

Qu'il en ressort que M. X..., qui agissait sous l'autorité de M. C..., directeur IRD, mais aussi sous celle du directeur général adjoint AIS, et du directeur général, n'avait pas le pouvoir de recruter des collaborateurs et qu'il ne pouvait qu'alerter sa hiérarchie, comme il l'a fait, sur la situation de son service ;
Que la carence en termes de gestion du personnel qui lui est reprochée n'est pas circonstanciée et ne peut reposer sur une seule phrase, sans doute maladroite mais sortie de son contexte, ni sur la circonstance que les salariés se sont adressés à son supérieur hiérarchique qui disposait d'un pouvoir de décision qui faisait défaut à M. X... ;
Que, de façon plus générale, la cour relève que l'avenant par lequel M. X... a été nommé " chargé de mission auprès d'un directeur, en charge du pôle professions libérales " ne définit pas ses missions, qu'aucune fiche de poste n'est communiquée,
et que l'essentiel des courriels produits par la société MMA pour justifier le licenciement de M. X... ont été échangés entre les différents responsables de la société, sans que M. X... en soit destinataire et mis en mesure, par conséquent, de corriger les points qui méritaient de l'être le cas échéant ;

Que, dans ces conditions, l'insuffisance professionnelle alléguée de M. X... n'est pas établie ;
Que le jugement sera infirmé en ce qu'il a jugé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande en paiement d'une indemnité de ce chef ;

Attendu qu'en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération brute mensuelle versée à M. X... (8 500 euros), de son âge (55 ans au moment de son licenciement), de son ancienneté (7 ans), des difficultés à retrouver un nouvel emploi (période de chômage suivie de périodes d'emplois précaires avant d'être engagé, après trois années, en contrat à durée indéterminée avec une rémunération sensiblement diminuée), la société MMA sera condamnée à lui payer une somme de 75 000 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Que cette somme sera assortie des intérêts à compter de l'arrêt, avec anatocisme, aucun élément ne justifiant que le point de départ des intérêts soit fixé antérieurement ;
Sur l'inexécution fautive du contrat de travail, le caractère abusif et vexatoire de la rupture du contrat de travail, le harcèlement moral et le manquement de l'employeur à son obligation de résultat :

Attendu que M. X... ne démontre nullement que la société MMA a profité des circonstances personnelles et familiales douloureuses qu'il a rencontrées pour faire pression sur lui ;
Que ni la réduction de la prise en charge des frais de transport entre Paris et le Mans, ni la cessation du remboursement des frais d'hébergement, convenue initialement pour une durée de douze mois, ni la diminution du bonus, consécutive à une modification des critères de détermination applicable à l'ensemble des collaborateurs, ne s'inscrivent dans une exécution déloyale et fautive du contrat de travail de la part de l'employeur ;
Attendu que les circonstances de la rupture du contrat de travail ne revêtent pas de caractère abusif et vexatoire ;

Attendu que ni les méthodes de gestion ni la procédure de licenciement que M. X... dénonce ne revêtent le caractère humiliant et vexatoire qu'il allègue ; que le salarié n'établit pas davantage la matérialité d'autres faits précis et concordants constituant un harcèlement moral ni un manquement de son employeur à son obligation de sécurité de résultat relatif à la prévention d'une situation de harcèlement moral ;
Attendu que le jugement sera, en conséquence, confirmé en ce qu'il a débouté M. X... de ses demandes d'indemnisation pour procédure vexatoire et pour harcèlement moral ;
Que le salarié sera débouté du surplus de ses demandes en paiement d'indemnités réparatrices ;

Sur le remboursement des indémnités de chômage

Attendu qu'aux termes de l'article L. 1235-4 du code du travail, " dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé " ;
Que ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées ;
Attendu que la société MMA sera condamnée à rembourser à Pôle emploi une somme équivalente à trois mois d'indemnités de chômage qui ont été versées à M. X... ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement :
DIT que l'instance n'est pas périmée ;
CONFIRME le jugement en ce qu'il a débouté M. X... de ses demandes en réparation pour procédure vexatoire et pour harcèlement moral ;

L'INFIRME pour le surplus et y ajoutant ;
ANNULE l'avertissement du 23 décembre 2005 ;
DIT que le licenciement de M. X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société Mutuelles du Mans Assurances IARD à payer à M. X... la somme de 75 000 ¿ à titre d'indemnité de ce chef, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Dit que les intérêts seront capitalisés conformément à l'article 1154 du code civil ;
DEBOUTE M. X... du surplus de ses demandes d'indemnisation ;

CONDAMNE la société MMA à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. X... à compter de son licenciement dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage ;
CONDAMNE la société Mutuelles du Mans Assurances IARD aux dépens de première instance et d'appel ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, REJETTE la demande de la société Mutuelles du Mans Assurances IARD ; la CONDAMNE à payer à M. X... la somme de 3 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance et en appel ;

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

V. BODINCatherine LECAPLAIN-MOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/00715
Date de la décision : 24/06/2014
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2014-06-24;12.00715 ?
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