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03/06/2014 | FRANCE | N°12/01293

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 03 juin 2014, 12/01293


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale ARRÊT N al/ jc Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 01293.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 21 Mai 2012, enregistrée sous le no 11/ 00446
ARRÊT DU 03 Juin 2014
APPELANT : Monsieur Christian X...... 72170 BEAUMONT SUR SARTHE comparant, assisté de Monsieur Gérard Y..., délégué syndical, muni d'un pouvoir

INTIMEE : LA SARL DANY BOURNEUF 12 rue Marcel Proust 72100 LE MANS

représentée par Maître Gildas BONRAISIN de la SELARL JUR

I OUEST, avocats au barreau du MANS
COMPOSITION DE LA COUR : En application des disposi...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale ARRÊT N al/ jc Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 01293.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 21 Mai 2012, enregistrée sous le no 11/ 00446
ARRÊT DU 03 Juin 2014
APPELANT : Monsieur Christian X...... 72170 BEAUMONT SUR SARTHE comparant, assisté de Monsieur Gérard Y..., délégué syndical, muni d'un pouvoir

INTIMEE : LA SARL DANY BOURNEUF 12 rue Marcel Proust 72100 LE MANS

représentée par Maître Gildas BONRAISIN de la SELARL JURI OUEST, avocats au barreau du MANS
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Février 2014 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne LEPRIEUR, conseiller chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, président Madame Anne LEPRIEUR, conseiller Monsieur Paul CHAUMONT, conseiller Greffier lors des plaidoiries : Madame LE GALL, greffier. Greffier lors du prononcé : Madame BODIN, greffier : ARRÊT : prononcé le 03 Juin 2014, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Anne LEPRIEUR, conseiller, par suite d'un empêchement du président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
FAITS ET PROCEDURE M. Christian X... a été engagé en qualité de moniteur par la société Auto école Dany Bourneuf, d'abord selon contrat à durée déterminée du 4 mai 2007, puis selon contrat à durée indéterminée du 1er août 2007. Ces contrats mentionnaient un horaire hebdomadaire de travail de 35 heures se répartissant du mardi au samedi à raison de 7 heures par jour. Le contrat de travail a été transféré au profit de la société Alaric en juillet 2010. Le salarié a fait valoir ses droits à la retraite le 31 octobre 2010. Est applicable aux relations entre les parties la convention collective nationale étendue du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981.

Le salarié a saisi le 5 septembre 2011 la juridiction prud'homale de demandes, dirigées contre la société Bourneuf, en paiement d'heures supplémentaires et congés payés afférents, d'une " indemnité compensatrice de titres restaurant " et d'une indemnité pour frais irrépétibles. Par jugement du 21 mai 2012, le conseil de prud'hommes du Mans l'a débouté de toutes ses demandes et l'a condamné au paiement de la somme de 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens. Le salarié a interjeté appel régulièrement.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Le salarié conclut, dans ses conclusions initiales parvenues au greffe le 29 août 2013 et en réplique le 10 février 2014, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, à l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions ainsi qu'à la condamnation de la société au paiement, avec intérêts au taux légal, de : * 8 501, 72 ¿ à titre d'heures supplémentaires et 850, 17 ¿ de congés payés afférents ; * 2 527, 20 ¿ à titre d'indemnité compensatrice de titres restaurant ; * 800 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il sollicite également la condamnation de la société aux entiers dépens, dont les frais éventuels d'exécution du jugement.

Sur les heures supplémentaires, il fait valoir que n'étaient pas prises en compte par l'employeur les heures d'attente sans élève, les heures consacrées au passage du permis de conduire, les heures de code, les heures de trajet pour aller de l'endroit où était garée la voiture de l'auto-école à une autre agence, alors même que toutes ces heures constituaient des temps de travail effectif et qu'aucune modulation ou annualisation du temps de travail n'était applicable, en l'absence de conclusion d'un avenant au contrat de travail. Sur l'indemnité compensatrice de titres restaurant, il indique qu'aucun local permettant de se restaurer dans de bonnes conditions d'hygiène et de sécurité n'étant mis à la disposition des salariés, et aucune autorisation de l'inspection du travail n'ayant été obtenue pour aménager un emplacement destiné à la restauration dans les locaux de travail, l'entreprise était tenue, en vertu des dispositions des articles R. 4228-19 et R. 4228-23 du code du travail ainsi que 1. 14 de la convention collective, de leur remettre des titres restaurant, ce qu'elle n'a pas fait. La société conclut quant à elle, dans ses conclusions parvenues au greffe le 9 janvier 2014, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, à la confirmation du jugement et à la condamnation du salarié au paiement de la somme de 1 000 ¿ par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Sur les heures supplémentaires, elle indique que, nonobstant les prévisions du contrat de travail, elle avait accédé à la demande du salarié de ne pas travailler les mardis et de travailler le moins souvent possible les samedis, alors même que le samedi est un jour de forte activité. C'est ainsi que, la société ne pouvant programmer 35 heures d'activité pour M. X... les semaines où il ne travaillait que 3 journées, les parties avaient convenu d'une organisation de travail de type modulation, les semaines en deça de 35 heures se compensant par des semaines au-delà de 35 heures. Après comparaison entre les décomptes fournis par le salarié, lesquels sont affectés d'incohérences et d'erreurs, et les plannings d'intervention produits par la société, par exemple au titre des mois de mai 2007 et mars 2009, il est manifeste que l'intéressé revendique indûment le paiement d'heures supplémentaires, notamment en comptabilisant comme heures de travail effectif des heures " sans élève ". Globalement, sur les années considérées, le compteur d'heures de M. X... est négatif de 40 heures. Par ailleurs, les heures de déplacement entre le domicile et le lieu de travail ne sont pas des heures de travail effectif ; à cet égard, il convient de retenir que, dans l'hypothèse d'une auto-école à agences multiples, la prise de fonction et dès lors le décompte du temps de travail se fait à l'heure de prise en charge de l'élève.
Sur l'indemnité compensatrice de titres restaurant, aucune somme n'est due, puisque la société, comptabilisant moins de 25 salariés, n'est pas soumise aux dispositions dont se prévaut le salarié. En tout état de cause, sur le site de Gazonfier, est à la disposition du personnel un emplacement permettant de se restaurer dans de bonnes conditions d'hygiène et de sécurité.
MOTIFS DE LA DECISION-Sur la demande en paiement d'heures supplémentaires : Le salarié produit des décomptes précis, heure par heure, jour par jour, semaine par semaine, mois par mois et année par année des heures qu'il considère comme des heures de travail effectif, étant en outre indiqué au regard de chacune des heures dont il s'agit, le nom de l'élève ou la nature de l'activité exercée ainsi que le lieu d'exercice de l'activité. Il produit également le listing précis des heures passées à dispenser des cours de code ou faire passer l'examen du permis de conduire, non décomptées par l'employeur, ainsi que ses bulletins de paie sur lesquels ne figure le paiement d'aucune heure supplémentaire au-delà de la durée de base mentionnée comme étant 151, 67 heures. L'employeur produit quant à lui des documents intitulés " panorama mensuel " dont l'examen révèle l'accomplissement certaines semaines d'heures de travail au-delà de 35 heures. L'employeur ne saurait se prévaloir d'une modulation du temps de travail, dont la possibilité est certes prévue par une annexe à la convention collective, alors que le contrat de travail mentionne exclusivement une durée de travail hebdomadaire et que l'instauration d'une modulation du temps de travail constitue une modification du contrat de travail qui requérait l'accord exprès du salarié en l'état du droit alors applicable. D'ailleurs, il est manifeste qu'aucune annualisation du temps de travail n'avait été mise en oeuvre régulièrement, notamment au regard de l'absence de fiche mensuelle de comptage des heures annexée au bulletin de paie et de bilan annuel. Le décompte des heures travaillées doit se faire en conséquence dans un cadre hebdomadaire.

Compte tenu des éléments produits par l'une et l'autre des parties, il est avéré que le salarié a effectivement accompli des heures supplémentaires. Les décomptes produits appellent néanmoins des observations au regard de la définition du temps de travail effectif, qui est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

Ainsi, le salarié ne saurait considérer comme heures de travail effectif les heures " sans élève " se situant en dernière heure de sa journée de travail, comme il le fait dans ses décomptes (par exemple il décompte pour le samedi 11 août 2007 de 18 h à 19 h, dernière heure devant être travaillée, une heure de travail effectif alors pourtant qu'aucun élève n'était programmé ; de même en est-il pour le samedi 9 janvier 2010 de 18 h à 19h) ; quant aux heures " sans élève " se situant en tout début de journée, elles ne constituent du travail effectif que s'il s'agit d'une heure d'absence dont M. X... n'aurait pas été avisé en temps utile. Par ailleurs, si le temps de trajet pour se rendre du domicile au lieu de travail n'est pas un temps de travail effectif, le temps de trajet pour se rendre d'un lieu de travail à un autre lieu de travail constitue un tel temps. En l'espèce, il est établi (cf les pièces no 29, 31, 32 de l'appelant qui ne sont pas utilement contredites par celles de l'intimée) que le salarié était tenu de passer par le siège social, pour prendre ou restituer le véhicule de fonction qui lui était attribué, lorsqu'il donnait son premier ou dernier cours dans une autre agence que celle dite de Gazonfier (quartier du Mans). Dans ces conditions, le temps nécessaire pour se rendre d'une agence à l'autre en début ou fin de journée de travail constitue bien un temps de travail effectif. De même, le salarié décompte à juste titre les temps de trajet inclus dans sa journée de travail pour se rendre d'une agence à l'autre (par exemple le 5 mai 2007, pour se rendre, de l'agence située route de Tours au siège social de Gazonfier entre 13 et 14 heures).

En faisant application de ces principes, il y a lieu de fixer comme suit le rappel de salaires dû au titre des heures supplémentaires : * année 2007 : 100 heures supplémentaires à 12 ¿ (taux horaire de 9, 60 ¿ majoré à 25 %), soit 1 200 ¿ outre 120 ¿ de congés payés afférents ; * année 2008 : 140 heures supplémentaires à 12 ¿ (taux horaire de 9, 60 ¿ majoré à 25 %), soit 1 680 ¿ outre 168 ¿ de congés payés afférents ; * année 2009 : 155 heures supplémentaires dont 100 heures à 12 ¿ (taux horaire de 9, 60 ¿ majoré à 25 %) et 55 heures à 12, 356 ¿ (taux horaire de 9, 885 ¿ majoré à 25 %), soit au total 1 879, 58 ¿, outre 187, 95 ¿ de congés payés afférents ; * année 2010 : 75 heures supplémentaires à 12, 356 ¿ (taux horaire de 9, 885 ¿ majoré à 25 %), soit 926, 70 ¿ outre 92, 67 ¿ de congés payés afférents.

Sur la demande en paiement d'une " indemnité compensatrice de titres restaurant " : En application de l'article R. 4228-23 du code du travail, dans les établissements dans lesquels le nombre de travailleurs souhaitant prendre habituellement leur repas sur les lieux de travail est inférieur à vingt-cinq, l'employeur met à leur disposition un emplacement leur permettant de se restaurer dans de bonnes conditions de santé et de sécurité. Par dérogation à l'article R. 4228-19 du même code, selon lequel il est interdit de laisser les travailleurs prendre leur repas dans les locaux affectés au travail, cet emplacement peut, sur autorisation de l'inspecteur du travail et après avis du médecin du travail, être aménagé dans les locaux affectés au travail, dès lors que l'activité de ces locaux ne comporte pas l'emploi de substances ou de préparations dangereuses. L'article 1. 14 de la convention collective applicable prévoit : Conformément aux dispositions réglementaires dans les établissements où le nombre de travailleurs désirant prendre habituellement leur repas sur les lieux du travail est au moins égal à 25, l'employeur doit, après avis du CHSCT ou, à défaut, des délégués du personnel, mettre à leur disposition un local de restauration. Si ce nombre est inférieur à 25, un emplacement permettant de se restaurer dans de bonnes conditions d'hygiène et de sécurité sera mis à la disposition du personnel.

Lorsque, par suite de difficultés matérielles, l'employeur n'est pas en mesure de satisfaire à cette obligation, il remettra aux salariés concernés des titres-restaurant qui seront émis et utilisés dans les conditions prévues par les articles L. 3262-1 et suivants du code du travail. Il en résulte que dans les entreprises dans lesquelles le nombre de travailleurs souhaitant prendre leur repas sur le lieu de travail est inférieur à vingt-cinq, peu important qu'elles comptent moins ou plus de 25 salariés, l'employeur est tenu de mettre à disposition des salariés un emplacement leur permettant de se restaurer dans de bonnes conditions de santé et de sécurité. Si en l'espèce, il est établi que le personnel, en nombre inférieur à 25, pouvait se restaurer dans les locaux des agences affectés au travail (bureau ou salle de code), dans des conditions considérées comme satisfaisantes par les salariés ayant délivré des attestations à leur employeur dans le cadre du présent litige, l'entreprise n'a pas obtenu l'autorisation de l'inspection du travail pour ce faire et donc la conformité desdits locaux aux exigences du code du travail n'est pas établie. L'employeur, qui ne justifie pas ainsi avoir satisfait à son obligation de mettre à la disposition de ses salariés un emplacement leur permettant de se restaurer dans de bonnes conditions de santé et de sécurité au sens des dispositions réglementaires précitées, et qui n'a pas plus délivré à M. X... des tickets restaurant, a commis un manquement à ses obligations. Eu égard aux circonstances de l'espèce et au préjudice dont il est justifié, celui-ci sera réparé par l'allocation d'une somme de 500 ¿. S'agissant de la demande de condamnation aux frais d'exécution, on notera que la condamnation aux dépens permet le recouvrement forcé des frais d'exécution exposés résultant de démarches rendues nécessaires par l'éventuelle résistance du débiteur.

PAR CES MOTIFS, La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ; Statuant à nouveau et y ajoutant ; Condamne la société Dany Bourneuf à payer à M. Christian X... les sommes de : * 1 200 ¿ au titre des heures supplémentaires accomplies durant l'année 2007, outre 120 ¿ de congés payés afférents, ; *1 680 ¿ au titre des heures supplémentaires accomplies durant l'année 2008, outre 168 ¿ de congés payés afférents ; * 1 879, 58 ¿ au titre des heures supplémentaires accomplies durant l'année 2009, outre 187, 95 ¿ de congés payés afférents ; * 926, 70 ¿ au titre des heures supplémentaires accomplies durant l'année 2010, outre 92, 67 ¿ de congés payés afférents. * 500 ¿ de dommages-intérêts au titre des conditions de restauration ; Condamne la société Dany Bourneuf à payer à M. Christian X... la somme de 1 000 ¿ au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel et la déboute de ses demandes formées sur ce même fondement ; Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère salarial à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, soit à compter du 10 septembre 2011 et à défaut de demande initiale, à la date à laquelle ces sommes ont été réclamées, et sur les sommes à caractère indemnitaire à compter du présent arrêt ;

Condamne la société Dany Bourneuf au paiement des dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, P/ LE PRÉSIDENT empêché,

V. BODIN A. LEPRIEUR


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/01293
Date de la décision : 03/06/2014
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2014-06-03;12.01293 ?
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