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03/06/2014 | FRANCE | N°12/01199

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 03 juin 2014, 12/01199


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N clm/ jc

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 01199.
Jugement Au fond, origine Conseil de prud'hommes-Formation de départage d'ANGERS, décision attaquée en date du 11 Mai 2012, enregistrée sous le no F 10/ 00378
ARRÊT DU 03 Juin 2014
APPELANT : Monsieur Dominique X...

... 49300 CHOLET comparant, assisté de Maître Elisabeth POUPEAU, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMEE : LA SAS VOYAGES CORDIER 6, rue de Vendée BP 34 49620 LA POMMERAYE

représentée par Maître André FOLLEN, a

vocat au barreau d'ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 945-1 ...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N clm/ jc

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 01199.
Jugement Au fond, origine Conseil de prud'hommes-Formation de départage d'ANGERS, décision attaquée en date du 11 Mai 2012, enregistrée sous le no F 10/ 00378
ARRÊT DU 03 Juin 2014
APPELANT : Monsieur Dominique X...

... 49300 CHOLET comparant, assisté de Maître Elisabeth POUPEAU, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMEE : LA SAS VOYAGES CORDIER 6, rue de Vendée BP 34 49620 LA POMMERAYE

représentée par Maître André FOLLEN, avocat au barreau d'ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Février 2014 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, président chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, président Madame Anne LEPRIEUR, conseiller Monsieur Paul CHAUMONT, conseiller Greffier lors des plaidoiries : Madame LE GALL, greffier. Greffier lors du prononcé : Madame BODIN, greffier. ARRÊT : prononcé le 03 Juin 2014, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Anne LEPRIEUR, conseiller, par suite d'un empêchement du président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
FAITS ET PROCÉDURE : La société Voyages Cordier, dont le siège social est situé à Saint-Barthélémy d'Anjou (49), a pour activité le transport régulier de voyageurs en autocars. Elle dispose de trois établissements situés à Chaudron en Mauges, à la Pommeraye et à Baugé, elle emploie habituellement environ 150 salariés et elle applique la convention collective nationale des transports routiers. Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 28 févier 1983 à effet au 23 novembre 1982, elle a embauché M. Dominique X... en qualité de conducteur receveur de car. Dans le dernier état de la relation de travail, il occupait l'emploi de conducteur " grand tourisme " dans le cadre duquel il conduisait des cars de voyageurs pour des séjours en France et à l'étranger et effectuait fréquemment le transport de jeunes pour des séjours linguistiques à l'étranger sur plusieurs jours.

Après avoir convoqué M. Dominique X..., par courrier du 29 mars 2010 emportant mise à pied à titre conservatoire, à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 12 avril suivant, par lettre du 16 avril 2010, la société Voyages Cordier lui a notifié son licenciement pour faute grave en ces termes : " Monsieur, Faisant suite à notre entretien du 12 avril 2010, nous vous informons de notre décision de vous licencier pour faute grave suite à votre insubordination caractérisée :

Alors que vous connaissiez précisément votre affectation sur notre planning pour un voyage en Irlande à destination de Cork du 27 mars au 1er avril 2010 pour notre client ESPACE EUROP depuis la mi-janvier 2010, vous avez attendu le 25 mars 2010 pour nous faire savoir que vous ne partiriez pas à la date prévue du 27 mars, usant de prétextes des plus fantaisistes. Au risque de provoquer un incident commercial, vous n'avez pas hésité à informer le client la Société ESPACE EUROP, de ce refus, en précisant que vous vous trouviez en désaccord avec votre employeur.
Ainsi au prétexte de devoir être hébergé avec des professeurs accompagnateurs au sein d'une structure d'hébergement parfaitement adaptée et ne soulevant aucune difficulté particulière de quelque nature que ce soit, vous avez catégoriquement refusé de prendre le départ. Vous entendiez ainsi contraindre la société à vous financer un hébergement dans une chambre d'hôtel dans un laps de temps extrêmement court (48 heures) afin de bénéficier de prestations améliorées et accessoirement, de vous isoler du public enseignant que, selon vos dires de l'entretien préalable, vous ne supportez plus. Votre ancienneté de service constitue une circonstance aggravante, en ce sens qu'elle véhicule le message auprès de l'ensemble des conducteurs qu'il est possible de faire valoir un refus d'obéissance de dernière minute pour des desiderata personnels. Ces agissements caractérisant une faute grave, votre licenciement sans préavis prend effet dés l'envoi LRAR de la présente, date à partir de laquelle vous cessez de faire partie de l'effectif... " Le 30 avril 2010, M. Dominique X... a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers pour contester cette mesure. Dans le dernier état de la procédure, il sollicitait, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, le paiement des indemnités de rupture, d'un rappel de salaire au titre de la mise à pied outre les congés payés afférents, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'une indemnité de procédure. Un procès-verbal de partage de voix a été dressé le 23 mai 2011.

Par jugement du 11 mai 2012 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le conseil de prud'hommes d'Angers, statuant en formation de départage, a :- jugé que le licenciement de M. Dominique X... était fondé sur une faute grave et débouté le salarié de toute ses demandes ;- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement ;- débouté la société Voyages Cordier de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et condamné M. Dominique X... aux dépens. Les deux parties ont reçu notification de cette décision le 22 mai 2012. M. Dominique X... en a régulièrement relevé appel par déclaration formée au greffe le 11 juin 2012.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES : Vu les conclusions et observations orales des parties à l'audience des débats du 11 février 2014 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés ; Vu les conclusions enregistrées au greffe le 16 janvier 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles M. Dominique X... demande à la cour :- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;- de dire que son licenciement n'est justifié ni par une faute grave, ni par une cause réelle et sérieuse ;- de condamner la société Voyages Cordier à lui payer les sommes suivantes outre les intérêts : * 1 507, 44 euros bruts de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire outre 150, 74 euros bruts de congés afférents * 5 700 euros bruts d'indemnité compensatrice de préavis outre 570 euros bruts de congés afférents * 22 325 euros nets d'indemnité de licenciement * 85 500 euros nets de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse *2 500 euros d'indemnité de procédure ; et de la condamner aux dépens.

L'appelant expose qu'au début de sa carrière, il était très régulièrement logé chez l'habitant à l'occasion des transports pour séjours linguistiques ; qu'ayant été très souvent confrontés à des difficultés sérieuses avec ce type d'hébergement (communication très difficile du fait de la barrière de la langue, manque de confort et d'espace personnel notamment en cas d'obligation de partager la salle de bain avec l'habitant voire avec des jeunes du séjour linguistique, hygiène douteuse, repas qui se prolongent), lui-même et certains de ses collègues avaient demandé à la direction de disposer d'un hébergement indépendant (hôtel ou gîte) sauf s'agissant de Londres ou l'Angleterre où le prix de l'hébergement est très élevé ; qu'ainsi, son employeur connaissait depuis plusieurs années sa position au sujet de l'hébergement lors des transports pour séjours linguistiques à l'étranger et il la respectait : hébergement indépendant sauf en cas de séjour à Londres ou en Angleterre. Après avoir souligné qu'il comptait, au moment de la rupture, 27 ans d'ancienneté qui n'ont été émaillés d'aucun incident ni d'aucun reproche, et que le fait du 25 mars 2010 est isolé, le salarié fait valoir que :- il n'a commis aucune faute en ce que : ¿ il n'a pas refusé d'effectuer le transport à destination de Cork en Irlande mais a seulement légitimement refusé les conditions d'hébergement, à savoir, hébergement en famille, conditions qu'il a découvertes le jeudi 25 mars 2010 à 7 heures pour un départ prévu le samedi 27 mars suivant à 13 h 30 ;

¿ il n'a pas provoqué d'incident commercial avec la société Espace Europ, cliente de la société Voyages Cordier et organisatrice du séjour linguistique, en ce qu'il connaissait très bien les personnes travaillant au sein de cette société, que son intervention auprès d'eux n'a tendu qu'à la recherche d'une solution et n'a, à aucun moment, été de nature à entamer les relations commerciales entre les deux sociétés ;- c'est la société Voyages Cordier qui a failli à son obligation de lui prévoir des conditions normales d'hébergement permettant de lui assurer du repos et un minimum d'indépendance étant souligné qu'il était âgé de 54 ans, obligation qui pesait sur elle en vertu de la convention collective ;- la reconnaissance, par l'employeur, du caractère contraignant de l'hébergement en famille résulte d'ailleurs de ce que, lors des négociations relatives à l'application des 35 heures, cette question de l'hébergement a fait l'objet d'une discussion à l'issue de laquelle la société Voyages Cordier a consenti aux chauffeurs une " prime de nuitée en famille " lorsqu'ils acceptaient de loger chez l'habitant ; au cas d'espèce, elle a donc failli à cet accord verbal selon lequel, sauf à Londres et en Angleterre, tout chauffeur avait le choix soit d'accepter d'être logé en famille et de percevoir la prime de nuitée en famille, soit d'obtenir un logement indépendant exclusif du paiement de ladite prime ; et elle a failli à l'accord verbal qui existait entre eux depuis plusieurs années selon lequel, sauf à Londres et en Angleterre, il voulait être hébergé de façon indépendante ;- il aurait soulevé plus rapidement la difficulté de l'hébergement s'il avait disposé plus tôt du dossier de voyage qu'il n'a, en l'occurrence, trouvé dans son casier que le 25 mars 2010 à 7 heures pour un départ deux jours plus tard, étant précisé qu'il était en congés le lendemain ;- dans la mesure où l'arrivée à Cork était prévue le dimanche 28 mars à 18 h 30, l'employeur disposait de 4 jours pour lui trouver un hébergement indépendant ; or, il n'a même tenté aucune discussion mais a décidé de pourvoir à son remplacement puisque, lorsqu'il s'est présenté le samedi pour partir et accomplir sa mission, il a constaté qu'un autre collègue avait été appelé pour le remplacer.

Vu les conclusions enregistrées au greffe le 10 février 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles la société Voyages Cordier demande à la cour :- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;- de débouter M. Dominique X... de toutes ses demandes et de le condamner aux entiers dépens et à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Contestant la version du salarié, l'employeur soutient que son licenciement pour faute grave est parfaitement justifié en raison de l'insubordination dont il a fait preuve en refusant, au dernier moment qui plus est, d'effectuer la tâche convenue dans les conditions prévues mais aussi du manque de loyauté qu'il a manifesté en s'adressant directement à son partenaire contractuel, la société Espace Europ, pour lui annoncer qu'il refusait de partir, alors qu'il lui appartenait d'échanger exclusivement avec lui, ce comportement justifiant, à lui seul, la rupture pour faute grave. L'intimée ajoute que :- contrairement à ce que soutient le salarié, il est tout à fait habituel que, lors des voyages linguistiques, les chauffeurs soient logés chez l'habitant, ce mode d'hébergement constituant non seulement un élément habituel de la relation commerciale entre elle et ses partenaires en la matière, mais un usage constant de la profession de telle sorte qu'une entreprise se trouverait commercialement défavorisée si elle émettait à l'égard de l'entité organisatrice du voyage la condition que ses chauffeurs ne soient pas hébergés en famille ;- d'ailleurs, M. Dominique X... était régulièrement hébergé en famille ;- les conditions du déplacement en cause étaient donc tout à fait habituelles ;- la convention collective ne fixe aucune obligation à la charge de l'employeur s'agissant des conditions d'hébergement des chauffeurs et, en l'occurrence, elle a satisfait aux exigences des dispositions invoquées par le salarié ;- le règlement intérieur de l'entreprise érige lui-même le refus d'obéissance, le refus de départ dans des conditions normales en faute grave ;- les allégations du salarié relatives à un prétendu accord verbal permettant aux chauffeurs de choisir d'être hébergé de façon indépendante ou en famille, moyennant le versement d'une prime de nuitée dans ce dernier cas, sont mensongères ;- l'accord de 2002 sur la réduction du temps de travail a, en réalité donné lieu à un avenant de décembre 2004 aux termes duquel il est convenu qu'à chaque fois qu'un chauffeur est hébergé en famille en vertu du pouvoir de direction et d'organisation de l'employeur, il percevra, au titre de cette sujétion particulière, une " prime nuitée en famille " ;- aucun élément ne permet retenir que le salarié ait eu le droit de refuser d'être hébergé en famille, ni que ces conditions d'hébergement aient pu être difficultueuses en termes de repos ou de sécurité.

MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur le licenciement : M. Dominique X... reconnaît dans le cadre de l'instance prud'homale avoir été informé du voyage à Cork dès la mi-janvier 2010, par la remise de son planning de voyages, ce qu'il a d'ailleurs énoncé dans le courrier qu'il a adressé à son employeur le 20 avril 2010. Le 26 mars 2010 à 17 h 09, la société Espace Europ a adressé à la société Voyages Cordier une télécopie libellée en ces termes : " Nous avons eu un appel de Dominique X..., le conducteur prévu pour le séjour en Irlande du groupe en référence, nous annonçant qu'il refusait de prendre le départ demain à 13h30. Suite à ton entretien téléphonique avec M. Y... directeur d'Espace Europ, merci de faire le nécessaire pour qu'il n'y ait pas d'incidence quant à la qualité du séjour et que le conducteur soit au rendez-vous demain. S'il y a un changement de chauffeur, merci de nous communiquer son nom et son numéro de téléphone. ". Aux termes des courriers qu'il a adressés à son employeur les 1er et 20 avril 2010, le salarié a lui-même indiqué qu'ayant découvert le 25 mars 2010 à la faveur de la lecture du dossier de voyage qui lui a alors été remis, qu'il serait hébergé dans une famille d'accueil à Cork avec quatre enseignants, il a refusé " ces conditions de logement ", refus qu'il a confirmé dans le cadre de l'instance prud'homale, tant devant la cour qu'en première instance, étant souligné que, dans son jugement, le conseil de prud'hommes a relevé que M. Dominique X... avait reconnu lors de l'audience du 23 mai 2011 que " l'entreprise pouvait être convaincue qu'il ne partirait pas " dans de telles conditions de logement. Or, contrairement à ce que soutient le salarié, la convention collective applicable ne contient pas de dispositions imposant à l'employeur des conditions particulières s'agissant de l'hébergement des chauffeurs. Selon l'article 1 de l'avenant du 13 mai 1997 dont le salarié invoque l'article 11, ce protocole " fixe les conditions de remboursement des frais de déplacement des ouvriers des entreprises de transport routier et activités auxiliaires du transport visés par ladite convention dans la mesure où ces frais ne sont pas remboursés intégralement par l'employeur sur justification " et l'article 11 prévoit que, dans le cas où ils sont obligés de passer une nuit et, s'il y a lieu, de prendre un ou deux repas hors de leur domicile, les conducteurs grand tourisme perçoivent une indemnité de repos journalier et, pour chaque repas, une indemnité de repas dont il détermine le taux. Ces dispositions ne fixent donc pas de conditions particulières d'hébergement et elles n'ont aucune portée sur la solution du présent litige puisqu'en l'occurrence, l'employeur assurait l'hébergement et la nourriture du chauffeur dans le cadre de la prestation vendue.

Par les pièces qu'elle verse aux débats (pièce no 18 comportant 18 documents dits " questionnaire conducteur " renseignés par 18 chauffeurs différents à la suite de voyages effectués dans des pays du Royaume Uni avec hébergement du chauffeur en famille d'accueil-et pièces no 3 et no 4 : voyage linguistique assuré par M. X... du 2 au 6 mars 2010 à Stratford upon Avon avec hébergement du chauffeur en famille, no8 : liste des 8 séjours linguistiques assurés par M. X... du 1er janvier 2008 au 31 mars 2010 avec hébergement du chauffeur en famille, no 9 : document informatique dit " activité conducteur calendaire " récapitulant en détail l'activité de M. X... du 1er mars 2008 au 31 mars 2010 et faisant apparaître 33 nuitées en famille d'accueil au cours de cette période à la faveur de voyages linguistiques, pièces no 10 à 14 : bulletins de salaire avec annexes de M. X... reprenant le détail des primes de nuitées, pièce no 15 : liste des séjours effectués par M. X... en 2008 et 2009 avec détail de leur durée et indication de ceux comportant des hébergements en famille d'accueil), la société Voyages Cordier établit, d'une part, qu'en cas de voyages ayant trait à l'accompagnement de séjours linguistiques, il était usuel que les chauffeurs, y compris M. Dominique X..., soient hébergés en famille d'accueil, d'autre part, que les appréciations de ces chauffeurs en retour ont toujours été positives voire très bonnes, à l'exception d'une qui a mentionné " un confort médiocre " et d'une autre qui a relevé une " propreté et un confort passables " et n'ont jamais fait ressortir de situations ou conditions d'accueil qui aient pu, notamment, être propres à nuire aux conditions de repos ou à l'intimité des salariés. L'unique attestation produite par l'appelant, établie par M. Gilles A... le 25 mai 2013, qui affirme que des " problèmes de promiscuité pouvaient exister " et cite comme seuls exemples le fait qu'il ait vu un soir, en rentrant d'une sortie à la journée, " la maman qui donnait le sein à son bébé sans gêne " et qu'il ait été hébergé en Irlande dans un lycée agricole au sein duquel il fallait traverser un couloir pour aller aux toilettes et aux douches de sorte qu'il lui est arrivé de croiser des lycéennes en tenues légères ne suffit pas, à elle seule, à contredire les nombreux documents dits " questionnaire conducteur " qui témoignent de conditions d'hébergement en familles tout à fait normales, convenables et propres à garantir au chauffeur intimité et repos. Comme l'ont retenu les premiers juges, M. Dominique X... n'établit pas l'existence d'un accord verbal au sein de l'entreprise selon lequel les chauffeurs auraient pu choisir, sauf s'agissant des voyages linguistiques à destination de l'Angleterre et de Londres, d'être hébergés soit en famille d'accueil, soit de façon indépendante, à l'hôtel ou dans un gîte. L'accord d'entreprise sur l'aménagement et la réduction du temps de travail, signé le 25 mars 2002 entre l'employeur et M. Dominique X... qui était alors délégué syndical CFDT, ne fait état ni d'une telle faculté ni d'une quelconque prime pour compenser la sujétion d'être hébergé en famille. L'avenant à cet accord, signé le 22 décembre 2004 entre la direction et l'organisation syndicale CFDT prévoit la prime " nuitée famille " attribuée au chauffeur en cas d'hébergement en famille d'accueil mais n'énonce nullement que le conducteur disposerait du choix de son mode d'hébergement lequel relève du pouvoir de direction et d'organisation de l'employeur. La seule pièce produite par l'appelant à l'appui de son allégation d'un accord verbal d'entreprise relatif au choix prétendument laissé au chauffeur (sa pièce no 30) est une " attestation " dactylographiée, signée de M. Daniel Z..., mais qui n'est assortie d'aucun justificatif de l'identité du témoin, lequel indique qu'à l'occasion des négociations sur les 35 heures, a été validé, " par le délégué syndical du moment, Dominique X..., et Gilles A..., délégué titulaire ", un accord stipulant qu'il n'y avait pas " d'obligation de coucher chez l'habitant. On laissait le choix au chauffeur de demander une chambre d'hôtel réservée par l'entreprise ". Cette attestation isolée, non conforme aux exigences de l'article 202 du code de procédure civile ne fait pas, à elle seule, la preuve de l'accord allégué, étant observé que l'on comprend mal pourquoi l'employeur et les représentants des salariés auraient pris le soin de retranscrire les résultats de leurs négociations dans deux accords comportant chacun 19 pages sans que les seconds aient veillé à ce que le point relatif au choix du mode d'hébergement y soit expressément exprimé.

Par ailleurs, il ne ressort nullement des pièces produites aux débats l'existence et l'exécution, qui plus est constante et de longue date, d'un accord verbal conclu entre la société Voyages Cordier et M. Dominique X..., selon lequel il aurait été convenu que, sauf hypothèse de voyage linguistique en Angleterre et à Londres, ce dernier était hébergé hors famille d'accueil, de façon indépendante, à l'hôtel ou dans un gîte. Il suit de là qu'à supposer même que M. Dominique X... ait découvert seulement le jeudi 25 mars à 7 heures qu'il serait hébergé à Cork en famille d'accueil avec quatre enseignants, ces modalités correspondaient aux conditions usuelles d'hébergement des chauffeurs en cas de voyage linguistique et rien ne l'autorisait à conditionner l'exécution de sa mission à la mise en place d'un hébergement indépendant à son égard. Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la matérialité du grief énoncé dans la lettre de licenciement tenant dans le refus du salarié d'exécuter sa mission prévue à compter du 27 mars 2010, consistant en un transport de lycéens à Cork (Irlande) pour le compte de la société Espace Europ, en raison des conditions d'hébergement prévues par cette société, est établie et il est inopérant de la part du salarié de tenter d'effectuer un distinguo subtil entre le fait qu'il n'aurait pas refusé de partir, mais qu'il aurait seulement refusé les conditions d'hébergement alors qu'il ressort des pièces produites qu'il a bien conditionné son départ au changement des modalités d'hébergement le concernant et à la mise en place d'un hébergement indépendant. Le refus du salarié d'exécuter sa mission organisée dans des conditions habituelles et normales caractérise de sa part un acte d'insubordination, étant observé que le règlement intérieur de l'entreprise cite ce type de comportement comme pouvant être considéré comme une faute d'une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail et entraîner le licenciement immédiat sans préavis. La matérialité du second grief tenant au fait que M. Dominique X... a annoncé directement au client de son employeur son refus de partir pour assurer le voyage à Cork ressort de la télécopie adressée le 26 mars 2010 par la société Espace Europ à la société Voyages Cordier. L'appelant ne produit aucune pièce de nature à asseoir son allégation selon laquelle il lui arrivait usuellement de s'adresser à ce partenaire de son employeur pour régler ce type de difficultés et il ne peut pas, à cet égard, se prévaloir utilement de la mention figurant dans le dossier de voyage établi par la société Espace Europ invitant à la contacter " en cas de problème ou d'incompréhension " mieux valant " être dérangés pour un détail que d'avoir à assumer le mécontentement du groupe à son retour ". En effet, cette invitation a clairement trait aux difficultés pouvant survenir à l'occasion du voyage organisé par cette entreprise mais ne peut pas être raisonnablement comprise comme pouvant inviter le chauffeur à s'adresser directement à elle pour exprimer un désaccord l'opposant à son employeur, notamment au titre de ses conditions d'hébergement, et à requérir son intervention dans ce cadre, étant rappelé que les conditions d'hébergement du chauffeur entrent en ligne de compte dans la négociation commerciale entre le transporteur et l'organisateur du voyage, en ce qu'elles influent sur le coût de la prestation de transport. Le refus du salarié, exprimé deux jours avant le départ, d'exécuter sa mission organisée dans des conditions normales et son intervention directe auprès du client de son employeur pour l'informer de ce refus et le mêler au désaccord relatif à ses conditions d'hébergement au cours de la mission constituent un acte d'insubordination et un défaut de loyauté qui, comme l'ont retenu les premiers juges, caractérisent de sa part une faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise nonobstant son ancienneté importante. Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; Y ajoutant,

Condamne M. Dominique X... à payer à la société Voyages Cordier la somme de 500 ¿ en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et le déboute lui-même de ce chef de prétention ; Le condamne aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, P/ LE PRÉSIDENT empêché,

V. BODIN A. LEPRIEUR


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/01199
Date de la décision : 03/06/2014
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2014-06-03;12.01199 ?
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