COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT N al/ jc Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 01051. Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 26 Avril 2012, enregistrée sous le no 11/ 00716
ARRÊT DU 27 Mai 2014
APPELANTE :
LA SAS DIAVERUM ANGERS 146 Square de Lattre de Tassigny 49000 ANGERS représentée par Maître MOUGNE, avocat substituant Maître Béatrice MOUNIER-BERTAIL de la SCP FROMONT BRIENS, avocats au barreau de LYON
INTIME : Monsieur Bernard X... ... 85500 LES HERBIERS comparant, assisté de Maître MAHLAOUI, avocat substituant Maître Laurent POIRIER de la SELARL PRAXIS-SOCIETE D'AVOCATS, avocats au barreau d'ANGERS-No du dossier 2469
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Février 2014 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne LEPRIEUR, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, président Madame Anne LEPRIEUR, conseiller Monsieur Paul CHAUMONT, conseiller Greffier lors des plaidoiries : Madame LE GALL, greffier. Greffier lors du prononcé : Madame BODIN, greffier. ARRÊT : prononcé le 27 Mai 2014, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCEDURE M. Bernard X..., psychologue clinicien, a conclu le 5 septembre 2009 avec le centre d'hémodialyse d'Orgemont (société Diaverum Angers) une " convention de partenariat " prévoyant la prise en charge psychologique par M. X... des patients faisant l'objet d'un traitement au sein du centre. La convention, conclue pour une durée d'un an à compter du 1er septembre 2009, était renouvelable annuellement par tacite reconduction et pouvait être dénoncée par l'une ou l'autre partie moyennant un préavis de 3 mois. Le contrat disposait par ailleurs que M. X... exercerait son activité au sein de l'établissement aux jours et horaires déterminés par les deux parties (soit les mardis et vendredis de 9h30 à 12 h 30 et de 13h30 à 16 h30 selon le contrat initial, puis en outre un vendredi sur deux de 17h30 à 19h30 selon l'avenant du 13 novembre 2009), que le centre mettrait à sa disposition un bureau, un téléphone et des moyens en secrétariat et qu'il serait rémunéré 30 ¿ net par heure de prestation sur la base d'une facture mensuelle indiquant le nombre d'heures réalisées. Par courrier du 1er avril 2011, la directrice du centre a informé M. X... de ce qu'elle mettait fin à la convention, le dispensant d'effectuer son préavis qui lui a été réglé jusqu'au 30 juin 2011. M. X... a saisi la juridiction prud'homale en juillet 2011. Par jugement du 26 avril 2012, le conseil de prud'hommes d'Angers a requalifié la convention conclue entre les parties en un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, jugé la rupture sans cause réelle et sérieuse et condamné en conséquence la société au paiement : * de 678, 50 ¿ à titre d'indemnité de licenciement ; * de 4 458, 00 ¿ au titre des congés payés ; * de 1 850 ¿ d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ; * de 9 250 ¿ de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; * de " l'intégralité des cotisations sociales dues sur l'ensemble des rémunérations perçues " ; * de 1 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; * des entiers dépens outre les éventuels frais d'exécution. Le conseil a en outre ordonné l'exécution provisoire sur l'intégralité du jugement et la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil ainsi que la remise par la société des documents de fin de contrat, et ce sous astreinte dont il s'est réservé la liquidation. Il a par contre débouté le salarié de sa demande de condamnation au paiement d'une indemnité pour travail dissimulé. La société a régulièrement interjeté appel dudit jugement.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La société, dans ses conclusions parvenues au greffe le 14 juin 2013, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, sollicite :- à titre principal, l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation de M. X... à lui restituer la somme de 17 736, 50 ¿ nets versée au titre de l'exécution provisoire du jugement outre celle de 1 500 ¿ versée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;- à titre subsidiaire, la réduction à de plus justes proportions des dommages-intérêts alloués au titre du licenciement ainsi que le débouté de la demande formée au titre de l'irrégularité de procédure ;
- en tout état de cause, la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé et la condamnation de celui-ci au paiement de la somme de 1 500 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel. Au soutien de ses prétentions, elle indique que M. X... était inscrit au répertoire Sirene, bénéficiant d'un identifiant Siren et Siret et que son statut d'auto-entrepreneur laissait présumer sa qualité de travailleur indépendant. Est applicable en conséquence la présomption de non-salariat de l'article L. 8221-6 du code du travail. Or, les critères d'indépendance et de spécificité étant réunis en l'espèce, le contrat conclu entre les parties est un contrat de prestation de services et non un contrat de travail. Par ailleurs, M. X... est dans l'incapacité de démontrer l'existence d'un quelconque lien de subordination : la société n'exerçait ni pouvoir de direction ni contrôle à son égard et il était autonome dans son activité, les horaires de travail ayant été fixés d'un commun accord et peu important la participation à diverses réunions de travail ou l'accueil d'une stagiaire. A titre subsidiaire, M. X... ne justifie pas de l'existence et de l'importance de son préjudice et ne saurait prétendre à une indemnité pour irrégularité de procédure sur le fondement de l'article L. 1235-2 du code du travail alors qu'il ne comptabilisait pas deux ans d'ancienneté. M. X..., dans ses conclusions parvenues au greffe le 25 juillet 2013, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, conclut à la confirmation du jugement sauf en ce qui concerne le quantum des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il l'a débouté de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé, à la condamnation de la société au paiement de 11 122, 50 ¿ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 11 100 ¿ d'indemnité pour travail dissimulé, de 2 500 ¿ par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens outre les éventuels frais d'exécution. Il fait valoir avoir été inscrit auprès de l'Insee dès novembre 1996 mais n'avoir réactivé son inscription que le 1er septembre 2009, et ce uniquement pour satisfaire la société. Il indique être une victime du statut d'auto-entrepreneur. En effet, la convention de partenariat est un contrat de travail déguisé eu égard aux conditions réelles d'exercice de l'activité, puisque le lien de subordination se déduit de la détermination des horaires précis et de la mise à disposition du matériel par la société, de l'exercice d'un pouvoir de direction et de contrôle, du travail au sein d'un service organisé et enfin de la prise en charge du risque économique par la société.
MOTIFS DE LA DECISION L'existence d'une relation de travail ne dépend, ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs.
Cependant, selon l'article L. 8221-6 du code du travail, dans sa version alors en vigueur, " I-Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription : 1o Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d'allocations familiales ; (...)
4o Les personnes physiques relevant de l'article L. 123-1-1 du code de commerce ou du V de l'article 19 de la loi no 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat (c'est à dire les personnes physiques exerçant une activité commerciale à titre principal ou complémentaire, dispensées de l'obligation de s'immatriculer au registre du commerce et des sociétés tant qu'elles bénéficient du régime prévu à l'article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale, dit micro-social). II.- L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci ". Le lien de subordination juridique du contrat de travail est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail. En l'espèce, il résulte des pièces produites que M. X... bénéficiait du régime micro-social simplifié, étant observé que la situation Sirene établit que la prise d'activité de son entreprise remontait à novembre 1996 (pièce no2 de la société). Il est en conséquence présumé indépendant.
Pour renverser cette présomption de non-salariat, étant observé que les mentions du contrat de travail prévoyant des horaires de présence et de permanence ainsi que la mise à disposition de moyens matériels sont insuffisantes, l'intéressé fournit exclusivement la convention de stage conclue entre l'établissement et une étudiante en psychologie, convention par laquelle il est désigné comme responsable d'encadrement. Il ne fournit strictement aucune pièce de nature à établir qu'il recevait des instructions et directives pour l'accomplissement des tâches qui lui étaient confiées, que la société en contrôlait effectivement l'exécution et pouvait sanctionner ses manquements. Il résulte par ailleurs des factures établies par ses soins que sa rémunération n'était pas fixe, les heures de travail accomplies variant de 48 à 74, 5 heures selon les mois. Dans ces conditions, l'intéressé ne renversant pas la présomption de non-salariat, il doit être débouté de toutes ses demandes par voie d'infirmation du jugement.
S'agissant de la demande de restitution des sommes versées du fait de l'exécution provisoire, le présent arrêt, infirmatif, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, et les sommes devant être restituées portent intérêts au taux légal à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la société.
PAR CES MOTIFS, La cour, statuant publiquement et contradictoirement, Infirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté M. Bernard X... de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé et la société Diaverum Angers de sa demande en paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant, Déboute M. Bernard X... de toutes ses demandes ; Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Condamne M. Bernard X... aux entiers dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
V. BODIN Catherine LECAPLAIN-MOREL