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11/02/2014 | FRANCE | N°12/01049

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 11 février 2014, 12/01049


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 11 Février 2014

ARRÊT N AD/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 01049.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de NANTES, décision attaquée en date du 27 Septembre 2007, enregistrée sous le no 07/ 00331

APPELANTE :
LA SOCIETE FRANCE TELEVISION POLE FRANCE 3 7 Esplanade Henri-de-France 75907 PARIS CEDEX 15
représentée par Maître Halima ABBAS TOUAZI, avocat substituant Maître Romain SUTRA, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :
Madame Nelly X...

... 44400 REZE
comparante-assistée de Monsieur Philippe Y..., délégué syndical muni d'un pouvoir...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 11 Février 2014

ARRÊT N AD/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 01049.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de NANTES, décision attaquée en date du 27 Septembre 2007, enregistrée sous le no 07/ 00331

APPELANTE :
LA SOCIETE FRANCE TELEVISION POLE FRANCE 3 7 Esplanade Henri-de-France 75907 PARIS CEDEX 15
représentée par Maître Halima ABBAS TOUAZI, avocat substituant Maître Romain SUTRA, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :
Madame Nelly X... ... 44400 REZE
comparante-assistée de Monsieur Philippe Y..., délégué syndical muni d'un pouvoir

INTERVENANT VOLONTAIRE :
LE SYNDICAT NATIONAL DES REGIONS DE TELEVISION CGT 7 Esplanade Henri de France 75907 PARIS CEDEX 15
non comparant, ni représenté

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Octobre 2013 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président et Anne DUFAU, conseiller, chargés d'instruire l'affaire.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, président Madame Anne DUFAU, conseiller Madame Anne LEPRIEUR, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier
ARRÊT : prononcé le 11 Février 2014, réputé contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE :
Mme X... a été employée par la Société France 3, aux droits de laquelle vient la société France Télévisions, à compter du 13 décembre 1993, en qualité de Chef-monteur, par contrats de travail à durée déterminée.
La société France 3 devenue France Télévisions est une société nationale à vocation régionale dont l'activité principale est la fabrication quotidienne d'un journal télévisé.
Elle applique la convention collective nationale de la communication et de la production audiovisuelle.
Mme X... a eu le statut d'intermittent du spectacle et était rémunérée en dernier lieu 154, 60 ¿ par journée travaillée.
A compter du 9 septembre 2006, à l'échéance de son dernier contrat à durée déterminée, Mme X... n'a plus été employée par la société France 3.
Elle a saisi le conseil de prud'hommes de Nantes pour solliciter la requalification de l'ensemble de ses contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée à temps plein depuis le 13 décembre 1993, et obtenir le paiement d'indemnités de rupture ainsi qu'un rappel de salaire.
Par jugement en date du 27 septembre 2007, le conseil prud'hommes de Nantes a requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein depuis le 13 décembre 1993, constaté la rupture de la relation salariale au 9 septembre 2006 et dit que cette rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. La Société France 3 a été condamnée à verser à Madame X... les sommes suivantes :
-2. 296, 47 ¿ à tire d'indemnité de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,-87. 545, 89 ¿ à titre de rappel de salaire,-4. 592, 94 ¿ à titre d'indemnité de préavis,-459, 24 ¿ à titre de congés payés afférents,-28. 849, 41 ¿ à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,-13. 778, 82 ¿ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L 122-14-4 du Code du travail,-30. 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier,-950 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société France 3 a réglé à Mme X... la somme nette de 20. 668, 23 ¿ au titre des condamnations exécutoires de droit par provision dans la limite de 9 mois de salaires et remis les documents de fin de contrat à durée indéterminée.
La Société France 3 a relevé appel de ce jugement et la cour d'appel de Rennes a, par arrêt du 21 janvier 2010, confirmé partiellement le jugement de première instance en ce qu'il a requalifié les contrats à durée déterminée de Mme X... en contrat à durée indéterminée, en ce qu'il a constaté que la rupture de la relation salariale est à compter du 9 septembre 2006 et en ce qu'il a dit que cette rupture s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Infirmant le jugement déféré pour le surplus, la cour d'appel a dit que le contrat de travail était à temps partiel et a condamné la société France 3 à verser à Mme X... les sommes suivantes :
*1. 500 ¿ à titre d'indemnité de requalification, *1. 717, 68 ¿ à titre d'indemnité de préavis, *171, 16 ¿ à titre de congés payés afférents, *10. 789, 17 ¿ à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, *13. 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, *10. 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier, *1. 500 ¿ à titre de frais irrépétibles en cause d'appel, outre la somme de 950 ¿ déjà allouée en première instance, * 500 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société France 3 a également été condamnée au remboursement des indemnités de chômage versées à Mme X... à compter du licenciement dans la limite de 6 mois de salaire.
La cour a déclaré recevable l'intervention du Syndicat National des Régions de Télévision (SNTR)- CGT et condamné la société France 3 à lui verser la somme de 1 ¿ à titre de dommages et intérêts et celle de 500 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La société France 3 a procédé à l'exécution de l'arrêt en réglant la somme nette de 17. 067, 17 à Mme X... et la somme de 501 ¿ au Syndicat SNRT-CGT. La société France 3 a également réglé la somme de 1. 565, 61 ¿ à Mme X... au titre des intérêts légaux.
Mme X... et le Syndicat SNTR-CGT ont saisi la Cour de cassation d'un pourvoi contre la décision de la cour d'appel de Rennes.
Par un arrêt rendu le 18 janvier 2012, la Cour de cassation, ayant constaté la déchéance du syndicat SNTR-CGT en son pourvoi, a statué dans ces termes :
" CONSTATE la déchéance du pourvoi formé par le syndicat national des régions de télévision CGT ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la qualification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée s'imposait à compter du 15 janvier 1994, déboute la salariée de sa demande tendant à voir requalifier son emploi à temps partiel en emploi à temps complet, rejette la demande en paiement de rappel de salaire sur la base d'un temps complet et limite la condamnation de la société France 3 aux sommes de 1 500 euros au titre de l'indemnité de requalification, 1 717, 68 euros à titre d'indemnité de préavis outre 171, 16 euros au titre des congés payés afférents, 10 789, 17 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 13 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral et financier l'arrêt rendu le 21 janvier 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers. ".
Le 14 mai 2012 la société France Télévisions, venant aux droits de la société France 3, a saisi la présente cour.
L'affaire a été fixée à l'audience du 29 octobre 2013.
Le syndicat National des Régions de Télévision-CGT, intervenu volontairement à l'instance devant la cour d'appel de Rennes, régulièrement convoqué par le greffe de la présente cour à l'audience du 29 octobre 2013, et qui a signé le 30 novembre 2012 l'accusé de réception du courrier de convocation, ne comparait pas et n'est pas représenté.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Aux termes de ses écritures déposées au greffe le 28 octobre 2013, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, la société France Télévisions, venant aux droits de la société France 3 demande à la cour de :
- débouter Mme X... de sa demande de rappel de salaire ;
- juger que la comparaison de la rémunération perçue par Mme X... dans le cadre de ses contrats à durée déterminée avec celle à laquelle elle aurait pu prétendre dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, compte tenu de son taux d'activité, aboutit à un écart en sa faveur de 88, 05 ¿ pour l'année 2004, les autres années Mme X... ayant perçu au titre de ses contrats à durée déterminée une rémunération supérieure à la rémunération qui aurait été la sienne pour le même niveau d'emploi ;
- limiter le montant de l'indemnité de requalification à la somme de 1. 175, 10 ¿ ;
- limiter l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 2. 350, 20 ¿ et 235 ¿ au titre des congés payés incidents ;
- limiter l'indemnité conventionnelle de licenciement à la somme de 14. 909, 08 ¿ ;
- limiter le montant de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 7051 ¿ ;
Débouter Mme X... de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.
La société France Télévisions observe que la cassation étant partielle, l'arrêt de la cour d'appel de Rennes est définitif en ce qu'il a requalifié la relation de travail en un unique contrat à durée indéterminée et jugé que la rupture de la relation de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse avec toutes les conséquences en découlant ; que la cassation est donc limitée aux rejets des demandes de Mme X... tendant à voir requalifier la relation de travail depuis le 13 décembre 1993, à voir requalifier son emploi à temps complet et à lui accorder un rappel de salaire sur la base d'un temps complet et à limiter le quantum des condamnations au titre des rappels de salaire et indemnités de rupture.
La société France Télévisions produit le contrat à durée déterminée du 13 décembre 1993 et relève qu'il est bien signé, le point de départ de la relation de travail requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée se trouvant donc au 15 janvier 1994.
Sur la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein la société France Télévisions expose que la cour de cassation a reproché à la cour d'appel de Rennes uniquement de ne pas avoir recherché si l'employeur justifiait de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle du travail convenue ; que la seule absence d'indication de la répartition des heures entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ne peut justifier l'exclusion de la qualification de contrat de travail à temps partiel.
Elle ne conteste pas que la preuve de la durée de travail hebdomadaire ou mensuelle convenue entre les parties lui incombe.
Elle observe que, pour retenir dans son arrêt du 21 janvier 2010 que la durée mensuelle du travail n'a jamais atteint la durée légale du travail en vigueur, la cour d'appel de Rennes a nécessairement procédé à la vérification de ce que l'employeur justifiait de la durée exacte mensuelle de travail de la salariée.
Elle rappelle que Mme X... produit elle-même un document récapitulant pour chaque période de travail le nombre d'heures qu'elle a effectuées, document qui permet de constater que la durée exacte travaillée était inférieure à la durée légale du travail ; que ce document a été établi par la salariée au vu de ses différents contrats de travail et bulletins de paie comportant précisément la mention du nombre exact d'heures effectuées.
Elle souligne que la cour pourra ainsi se reporter aux contrats de travail conclus entre les parties, lesquels mentionnent le nombre et la date des journées de travail, la durée du travail pour chaque journée étant de 8 heures ; que la durée de travail est convenue entre les parties à la signature de chaque contrat à durée déterminée, conclu pour une ou plusieurs journées.
Elle soutient que le temps de travail mentionné sur les fiches de paie doit également être regardé comme établissant le temps de travail convenu ; que rien n'interdit évidemment que les parties conviennent d'un horaire hebdomadaire ou mensuel variable ; enfin, que Mme X... avait connaissance de ses horaires de travail par les tableaux de service qui étaient affichés.
La société France Télévisions soutient d'autre part que Mme X... pouvait prévoir son rythme de travail, et n'avait pas à se tenir à la disposition permanente de France 3 ; qu'elle a reconnu avoir eu de multiples expériences professionnelles en dehors de France 3 et avait perçu des rémunérations d'autres employeurs ; que ses impositions et déclarations annuelles de salaire démontrent très clairement qu'elle percevait des allocations de chômage très conséquentes pour les périodes non travaillées et que l'ensemble de ces éléments est donc bien de nature à démontrer que les relations de travail liant Mme X... à la société France 3 sont à temps partiel, ce qui justifie le débouté de la demande de rappel de salaire de la salariée pour les périodes d'inactivité durant lesquelles elle n'était aucunement à la disposition de la chaîne de télévision.
L'appelante ajoute que Mme X... a été employée selon des contrats d'usage existant dans le secteur de l'audiovisuel et qui sont des contrats d'intermittents très spécifiques ; qu'elle a, dans ce cadre, été payée sur la base d'un temps complet, puisqu'elle percevait un cachet journalier de 8 heures ; qu'elle n'est donc pas fondée à se voir appliquer les dispositions de l'article L. 3123-14 du code du travail relatives exclusivement aux contrats de travail à temps partiel alors qu'elle a été employée selon des contrats à durée déterminée à temps plein ;
Elle soutient aussi que si le contrat à durée déterminée à temps partiel peut être requalifié en contrat à durée déterminée à temps plein, la présomption de temps plein ne peut pas jouer pour les périodes " hors contrat " ; que, sous couvert d'une demande de requalification en contrat à temps plein, Mme X... sollicite en réalité le paiement d'un rappel de salaire au titre des périodes intermédiaires dites " interstitielles " durant lesquelles elle n'a pas travaillé et ne s'est pas tenue de façon permanente à la disposition de la chaîne de télévision pour effectuer un travail ; que les périodes appelées « périodes interstitielles » ne sont rémunérées que si le salarié démontre qu'il s'est tenu à la disposition de l'employeur pendant ces périodes et ce pour effectuer un travail ; que tel n'est pas le cas du salarié qui a travaillé pendant ces périodes, pour d'autres employeurs ; que la jurisprudence applique cette règle en cas de requalification de contrats à durée déterminée non successifs en contrat de travail à durée indéterminée.
La société France Télévisions expose qu'elle a procédé à une comparaison entre la rémunération perçue par la salariée dans le cadre de ses contrats à durée déterminée et celle qu'elle aurait touchée dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée en prenant comme base la durée effective de travail qui a été la sienne sur la période non prescrite et en tenant compte du salaire qui aurait été le sien si elle avait été recrutée dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, et qu'il s'avère qu'elle n'a en réalité subi aucune perte de salaire sur la période de cinq ans considérée.
La société France Télévisions fixe le salaire de référence à prendre en compte pour le calcul des indemnités de rupture à la somme de 1175, 10 ¿ puisque la moyenne de temps de travail que Mme X... a effectuée est de 52, 17 % d'un temps plein et le salaire d'un temps plein 2 296, 47 ¿ ;
La société France Télévisions soutient enfin que Mme X... ne rapporte pas la preuve d'un préjudice moral et financier de nature à justifier l'attribution de dommages et intérêts distincts de l'indemnité qui lui a été accordée par le conseil de prud'hommes au titre de l'indemnité de requalification destinée à indemniser la précarité de son emploi.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 29 octobre 2013, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, Mme X... demande à la cour de :
*prendre acte de ce que les parties s'accordent pour dire que la requalification de la relation salariale en contrat à durée indéterminée doit intervenir au 15 janvier 1994 ;
*confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nantes en ce qu'il prononce la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à temps plein et condamne la société France Télévisions, venant aux droits de la société France3, à lui payer :
-2 296, 47 ¿ à titre d'indemnité de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,-87 545, 89 ¿ à titre de rappel de salaire,-4 592, 94 ¿ à titre d'indemnité de préavis,-459, 24 ¿ au titre des congés payés afférents,-28 849, 41 ¿ au titre de l'indemnité de licenciement,-13 778, 82 ¿ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse correspondant à 6 mois de salaire,-30 000 ¿ au titre du préjudice moral et financier.
Ajoutant par ailleurs au jugement, de condamner la société France Télévisions à lui payer une somme supplémentaire de 1500 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme X..., après avoir rappelé qu'elle a effectué 508 contrats à durée déterminée entre le 13 décembre 1993 et le 9 septembre 2006 pour la société France3 comme chef monteuse sur le site de Nantes et avoir exposé que le recours à l'emploi précaire est un choix de l'entreprise qui fonctionne, pour le personnel technique, en sous-effectif, relève que la requalification de la relation salariale en un contrat de travail à durée indéterminée au 15 janvier 1994 n'est plus discutée par aucune des parties.
Quant à la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, elle soutient que le motif relatif au fait de se tenir constamment-ou pas-à la disposition de l'employeur n'est pas suffisant pour la débouter de sa demande requalification à plein temps dès lors que l'employeur n'apporte pas la preuve de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle du travail convenue ; que cette durée convenue n'est pas comme tente de le faire valoir l'employeur la moyenne du temps de travail réellement effectué, laquelle est calculée a posteriori ; que toute tentative d'apporter la preuve de la durée de travail convenue ne peut bien-sûr débuter que par l'indication de ce qu'était cette durée hebdomadaire ou mensuelle convenue, ce que la société France Télévisions ne fait même pas ; que n'étant même pas en mesure d'apporter cette indication, l'employeur ne peut donc pas prouver non plus que cet horaire était convenu ; qu'aucune de ses pièces ne permet de rapporter cette preuve.
Mme X... ajoute que le débat sur la question de savoir si elle se tenait ou pas constamment à la disposition de l'employeur ne peut en aucune manière permettre à la société France Télévisions d'échapper à la requalification à temps plein du contrat de travail.
Mme X... demande en conséquence à la cour de dire que, compte-tenu de son ancienneté, son salaire à temps complet est de 2 296, 47 ¿ et elle sollicite le paiement d'une indemnité de requalification, d'un rappel de salaire, d'une indemnité compensatrice de préavis et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse calculés en tenant compte de ce salaire de référence.
Elle soutient que le rappel de salaire résulte d'une obligation contractuelle pour l'employeur et qu'en conséquence, ainsi que l'énonce la jurisprudence, il n'y a pas lieu de minorer les sommes dues à ce titre du montant des revenus perçus par ailleurs par le salarié.
Mme X... soutient enfin que son préjudice moral et financier est caractérisé en ce qu'elle a été longuement maintenue en situation d'insécurité sociale, puis peu à peu, à compter de 2004, et dès lors qu'elle avait sollicité le bénéfice d'un contrat de travail à durée indéterminée, évincée des tableaux de remplacement.

MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la saisine de la cour :
La cassation étant partielle, l'arrêt de la cour d'appel de Rennes est définitif en ce qu'il a requalifié la relation de travail en un contrat à durée indéterminée et jugé que la rupture de la relation de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse avec toutes les conséquences en découlant ;
La cassation est donc limitée aux rejets des demandes de Mme X... tendant à voir requalifier la relation de travail depuis le 13 décembre 1993, à voir requalifier son emploi à temps complet et à lui accorder un rappel de salaire sur la base d'un temps plein et au quantum des condamnations prononcées au titre du rappel de salaire et des indemnités de rupture ; la saisine de la présente cour est limitée dans les mêmes termes ;

Sur la date de prise d'effet de la requalification du contrat de travail en contrat de travail à durée indéterminée :
Les parties s'accordent pour dire, après production par l'employeur du contrat à durée déterminée signé le 13 décembre 1993, que le point de départ de la relation de travail requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée doit se situer au 15 janvier 1994.
Sur la demande de requalification du contrat de travail en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet :
Aux termes de l'article L. 212-4-2 du code du travail devenu l'article L3123-1, est considéré comme salarié à temps partiel le salarié dont la durée du travail est inférieure à la durée légale du travail ;
L'article L. 212-1 du code du travail, devenu l'article L3121-10 énonce que " La durée légale du travail effectif des salariés est fixée à 35 heures par semaine civile " ; avant le 1er janvier 2000, elle était de 39 heures par semaine ;
Il ressort des textes susvisés que la durée légale de travail est établie par référence à la semaine civile et non par référence à la journée ;
Le moyen relevé par l'appelante tendant à soutenir que Mme X... a été payée sur la base d'un temps complet, puisqu'elle percevait un cachet journalier de 8 heures et qu'elle n'est pas fondée à se voir appliquer les dispositions des articles L. 3123-14 du code du travail relatives exclusivement aux contrats de travail à temps partiel doit être rejeté ;
Ce moyen n'est au demeurant invoqué qu'à titre subsidiaire par la société France Télévisions qui entend par ailleurs combattre la présomption de temps plein invoquée par Mme X... ;
La jurisprudence versée aux débats par la société France Télévisions concerne des litiges dans lesquels la durée de temps de travail convenue était établie, seule subsistant en discussion la question de l'impossibilité pour le salarié de connaître son rythme de travail, ainsi que des situations relatives à des contrats de travail à durée déterminée non successifs, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;
La requalification des contrats de travail de Mme X... en contrat de travail à durée indéterminée étant définitive, il est en conséquence acquis que les contrats conclus entre elle et la société France 3, intitulés " contrats de travail à durée déterminée d'intermittent technique ", n'ont pas été conclus pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire mais ont permis de pourvoir à une activité normale et permanente de l'entreprise ;
L'évocation par l'employeur de l'intitulé initial des contrats à durée déterminée conclus avec Mme X... est dès lors inopérante pour trancher la question, dont est saisie la cour, de savoir si la relation de travail doit être qualifiée à temps partiel ou à temps complet ;
L'arrêt rendu par la Cour de cassation le 18 janvier 2012 l'est au visa du seul article L. 3123-14 du code du travail ;
Aux termes de l'article L. 212-4-5 du code du travail, devenu l'article L3123-14,
" Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne : 1oLa qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un d'un accord collectif de travail conclu en application des articles L3123-25 et suivants, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;...
L'intimée est donc bien fondée à soutenir que l'absence de contrat de travail écrit fait présumer qu'elle a occupé un emploi à temps plein ;
Pour faire tomber cette présomption simple, il incombe à l'appelante, qui se prévaut d'un contrat à temps partiel, de rapporter la preuve, non pas, comme elle le soutient des horaires effectivement accomplis par Mme X..., mais, d'une part, de la durée exacte du travail convenu et de sa répartition sur la semaine ou le mois, d'autre part, de ce que la salariée n'était pas placée dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu'elle n'avait pas à se tenir constamment à sa disposition, ces conditions étant cumulatives ;
Si le contrat à durée déterminée signé par les parties, et à effet au 13 décembre 1993, porte la mention " durée hebdomadaire du travail : 39 heures ", aucun des contrats à durée déterminée conclus par la suite entre elles ne mentionne la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue, ces contrats indiquant seulement qu'ils portent sur une durée de 1 ou 2 jours, sans indiquer la durée de travail quotidienne qui est affirmée par l'employeur ;
Pour combattre la présomption de travail à temps partiel et démontrer l'existence d'une durée de travail convenue, la société France Télévisions produit un tableau intitulé " recensement des contrats d'usage-Nelly X...- calcul du taux d'activité et de l'ancienneté " ; il en ressort que, du 13 décembre 1993 au 8 septembre 2006, Mme X... a effectué 1260 jours de travail, ce qui représente 52, 17 % d'un temps plein ;
Une moyenne de temps de travail effectué établie a posteriori ne peut pas faire la preuve d'une durée hebdomadaire ou mensuelle de travail convenue ;
La mention " activité 100 % " portée sur les bulletins de paie remis à Mme X... pour chaque période travaillée n'est afférente qu'à la journée de travail et ne caractérise pas la durée légale de travail convenue telle qu'elle résulte des dispositions du code du travail ;
Les tableaux de service prévisionnels d'activité, également invoqués par l'employeur, ne permettent pas plus d'établir une durée hebdomadaire ou mensuelle de travail convenue et il apparaît à leur lecture que l'activité de Mme X... était constamment variable, portant sur une à trois journées par semaine ;
Il suit de là que la société France Télévisions est défaillante à rapporter la preuve de la durée exacte de travail convenue, peu important, dès lors, que la salariée se soit trouvée ou non placée dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu'elle ait eu ou non à se tenir constamment à la disposition de l'employeur ;
Le contrat de travail ayant lié les parties ne peut donc qu'être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet ;
Sur la demande d'indemnité de requalification du contrat de travail en contrat de travail à durée indéterminée :
Le contrat de travail à durée indéterminée étant qualifié de contrat de travail à temps complet et la reconstitution de la carrière de la salariée n'étant pas contestée, dans les termes des barèmes de salaire définis par la convention collective de la Communication et de la Production Audiovisuelle, le salaire brut mensuel auquel Mme X... avait droit dans le dernier état de la relation de travail s'établit à 2 296, 47 ¿ ;
En application des dispositions de l'article L. 122-3-13 du code du travail devenu l'article L. 1245-2, la requalification du contrat à durée déterminée du 15 janvier 1994 en contrat de travail à durée indéterminée ouvre droit à Mme X... au paiement d'une indemnité à la charge de l'employeur ne pouvant être inférieure à un mois de salaire ;
Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné la société France 3, aux droits de la quelle vient la société France Télévisions, à payer à Mme X... la somme de 2 296, 47 ¿ à titre d'indemnité de requalification ;
Sur la demande de rappel de salaire de Mme X... :
Mme X... produit un tableau, non contesté par l'employeur, récapitulant sur cinq ans les salaires, les congés payés, la prime d'ancienneté et la prime de sujétion qu'elle aurait dû percevoir si elle avait été rémunérée sur la base d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein ; les salaires et primes dus et non prescrits s'établissent à la somme de 87 545, 89 ¿ ;
L'employeur étant tenu, du fait de la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, au paiement du salaire correspondant à un temps complet, cette obligation contractuelle ne peut pas être affectée par les revenus que la salariée a pu percevoir par ailleurs ; qu'il n'y a donc pas lieu de les soustraire de la somme sus-visée ;
Le jugement est confirmé en ce qu'il condamné la société France 3, aux droits de la quelle vient la société France Télévisions, à payer à Mme X..., à titre de rappel de salaire, la somme de 87 545, 89 ¿ ;

Sur l'indemnité de préavis et l'indemnité de licenciement :
Mme X... ayant plus de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise au moment de la rupture, en considération d'une rémunération mensuelle de 2296, 47 ¿, le montant de l'indemnité compensatrice de préavis qui lui est due s'élève à la somme de 4592, 94 ¿ ;
Par voie de confirmation du jugement, la société France Télévisions, venant aux droits de la société France 3, est condamnée à lui payer la somme de 4 592, 94 ¿ à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 459, 29 ¿ pour les congés payés afférents ;
La relation de travail ayant débuté en contrat à durée déterminée le 13 décembre 1993, l'ancienneté de Mme X... s'établit à 12 ans et 9 mois et les premiers juges ont justement calculé l'indemnité conventionnelle de licenciement qui lui est due par application des dispositions de la convention collective nationale de la communication et de la production audiovisuelle ;
Le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné la société France 3, aux droits de laquelle vient la société France Télévisions, à payer à Mme X..., à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, la somme de 28 849, 41 ¿ ;
Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Aux termes de l'article L. 122-14-4 du code du travail devenu l'article L. 1235-3, Mme X..., ayant au moins deux ans d'ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins 11 salariés, a droit du fait de la rupture survenue sans cause réelle et sérieuse à une indemnité qui ne peut pas être inférieure aux salaires des six derniers mois, soit à la somme de 13 778, 82 ¿ ;
Elle sollicite le paiement par l'employeur d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de ce montant ; le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné la société France 3 aux droits de laquelle vient la société France Télévisions à lui payer la dite somme ;
Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier :
Mme X... justifie par les pièces versées aux débats de ce que la société France 3 l'a de moins en moins sollicitée à compter de 2004, période à partir de laquelle la salariée a sollicité le bénéfice d'un contrat de travail à durée indéterminée ; il est d'autre part acquis qu'elle a été maintenue en situation d'emploi précaire pendant plus de 12 ans ; les premiers juges ont justement évalué le préjudice moral et financier qui en résulté pour Mme X... à la somme de 30 000 ¿ qu'il y a lieu de confirmer ;
Sur les dépens et frais irrépétibles :
Par application des dispositions de l'article 639 du code de procédure civile, la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond, y compris ceux afférents à la décision cassée. Les dispositions du jugement afférentes aux frais irrépétibles et aux dépens sont confirmées ; La société France Télévisions, venant aux droits de la société France 3, est condamnée à payer à Mme X... la somme de 1500 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; elle est déboutée de sa propre demande à ce titre ;
La société France Télévisions, venant aux droits de la société France 3 est condamnée aux entiers dépens d'appel en ce compris les dépens de l'arrêt cassé ;

PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
Vu l'arrêt de la Cour de Cassation du 18 janvier 2012
Confirme, dans la limite de sa saisine, le jugement du conseil de prud'hommes de Nantes en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a fixé la date d'effet de la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée au 13 décembre 1993 ;
L'infirmant sur ce seul point, et y ajoutant,
Fixe au 15 janvier 1994 la date d'effet de la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée ;
Condamne la société France Télévisions, venant aux droits de la société France 3, à payer à Mme X... la somme de 1 500 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande à ce titre ;
Condamne la société France Télévisions, venant aux droits de la société France 3, à supporter les entiers dépens d'appel, en ce compris les dépens de l'arrêt cassé.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/01049
Date de la décision : 11/02/2014
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

ARRET du 03 juin 2015, Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 3 juin 2015, 14-15.587, Inédit

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2014-02-11;12.01049 ?
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