COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 21 Janvier 2014
ARRÊT N ADL/ SLG
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 01990.
Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'angers, décision attaquée en date du 03 Avril 2012, enregistrée sous le no
APPELANT :
Monsieur Christophe X...... 49150 St Martin d'Arce
représenté par Maître Gérard MAROT, avocat au barreau d'ANGERS-No du dossier 0641
INTIMEES : CPAM DE MAINE ET LOIRE SERVICE JURIDIQUE 32 Rue Louis Gain-BP 10 49937 ANGERS CEDEX 01
représentée par monsieur Y..., muni (e) d'un pouvoir spécial
SAS D... FRÈRES 13 rue des méjuteaux 49800 Brain sur l'Authion
représentée par maître Laurence COUVREUX LANDAIS, avocat au barreau d ¿ ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Novembre 2013 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne DUFAU, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Anne DUFAU, président Madame Laure-Aimée GRUA, conseiller Madame Anne-Catherine MONGE, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier
ARRÊT : prononcé le 21 Janvier 2014, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame DUFAU, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE :
M. Christophe X..., salarié de la société D... en qualité de chauffeur livreur a été victime d'un accident du travail le 1er août 2006 alors qu'il utilisait un chariot automoteur électrique pour décharger du camion dont il était le chauffeur des cuves d'une contenance de 1000 litres, alors vides.
Lors d'une man ¿ uvre l'engin s'est renversé sur le salarié qui a été grièvement blessé au rein, au thorax, au bras gauche, à l'omoplate et à la clavicule droites. Un taux d'incapacité de 46 % lui a été reconnu.
Une enquête pénale a eu lieu, qui a abouti à un classement sans suite.
A la demande de M. X..., formulée auprès de la caisse primaire d'assurance maladie de Maine-et-Loire, une tentative de conciliation a été organisée avec l'employeur quant à l'existence de la faute inexcusable de celui-ci et un procès-verbal de non-conciliation a été établi le 24 novembre 2009.
M. X... a exercé un recours en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur devant le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Angers le 26 février 2010.
Par jugement du 3 avril 2012 le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Maine-et-Loire a débouté M. X... de toutes ses demandes et débouté la société D... de sa demande en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour statuer comme il l'a fait le tribunal a retenu que " M. X... ne démontre nullement la réalité de l'ordre qui lui aurait été donné d'avoir à utiliser le chariot de type Manitou pour décharger le véhicule dont il était le chauffeur ;... l'enquête pénale n'a pas plus permis d'établir qu'un tel ordre ait été donné au salarié ou qu'une impossibilité résultant de la configuration des lieux ou de la cadence du travail l'ait empêché d'utiliser le transpalette ;... c'est de sa propre initiative qu'il a utilisé un véhicule automoteur qu'il n'avait pas l'autorisation de conduire et pour lequel il n'avait pas reçu de formation, qui plus est en adoptant une vitesse qui a conduit à la réalisation de l'accident ;... le fait que les clés aient été laissées sur le tableau de bord de l'engin automoteur n'a pas de relation causale avec la réalisation de l'accident, Monsieur Christophe X... ayant été informé de ce qu'il ne pouvait conduire ce type de véhicule en l'absence d'autorisation et de formation. "
Maître Marot, avocat de M. X... a interjeté appel de la décision qui avait été notifiée à M. X... le 5 septembre 2012, par courrier électronique du 24 septembre 2012.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Aux termes de ses écritures déposées au greffe le 4 novembre 2013, reprises et soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, M. X... demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, et statuant à nouveau, de :
- dire que l'accident du travail du 1er août 2006 est dû à la faute inexcusable de l'employeur, :
- fixer au maximum la majoration de rente,
- ordonner une expertise médicale au titre des préjudices de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale, et sur ceux non couverts par ce code auxquels la victime est éligible : *déficit fonctionnel temporaire, *tierce personne avant consolidation, *tierce personne après consolidation pour les aides humaines non visées par le code de la sécurité sociale (sauf à intégrer ces besoins au titre des frais divers) *aménagements techniques et domotiques.
- lui allouer la somme de 10. 000 ¿ à titre de provision à valoir sur la réparation de ceux-ci,
- le renvoyer devant l'organisme compétent pour la liquidation de ses droits,
- condamner la société D... à lui payer la somme de 2. 500 ¿ au titre des frais irrépétibles.
M. X... soutient que le danger était identifié par l'employeur qui n'a pas pris les mesures propres à l'éviter puisque : *il n'existait pas de consignes de sécurité écrites, *les salariés n'étaient pas formés en matière de sécurité, *il existait une pratique constante au sein de la société D... consistant à laisser un personnel non autorisé conduire les chariots automoteurs et l'employeur ne pouvait ignorer cette pratique ; aucun salarié ayant obtenu le CACES ne se trouvait sur le slieux le jour de l'accident, *les clés de contact étaient en permanence sur le chariot, alors que l'article R4324-39 du code de la sécurité sociale l'interdit ; qu'il s'agit là de la cause déterminante de l'accident.
M. X... soutient que la faute inexcusable de l'employeur est dès lors établie, peu important que le salarié ait pris l'initiative de conduire ce chariot.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 4 novembre 2013 reprises et soutenues oralement à l'audience devant la cour, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, la sas D... demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner M. X... à lui payer la somme de 2500 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
A titre subsidiaire de : *constater l'existence d'une faute inexcusable de la victime, *en conséquence, dire qu'il n'y a pas lieu à majoration de la rente, ou à tout le moins, minorer la demande de majoration de la rente, *débouter M. X... de sa demande de provision, et d'expertise, *rejeter la demande au titre des frais irrépétibles,
A titre infiniment subsidiaire : *lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur la demande d'expertise, * réduire dans d'importantes proportions la demande de provision.
La société D... expose qu'elle est spécialisée dans le commerce en gros d'engrais, terreau et produits phytosanitaires depuis 1968 et qu'elle n'avait jamais connu d'accident du travail avant le 1er août 2006 ; elle affirme être très attachée, depuis toujours à la sécurité dans l'entreprise, faisant appel régulièrement à des sociétés extérieures pour vérifier les appareils de levage, la présence des documents de contrôle et la bonne utilisation des machines.
Elle soutient qu'elle n'avait aucune précaution à prendre, ni formation à diligenter à l'égard de M. X..., puisqu'il n'était pas habilité à utiliser le type d'engin qu'il a conduit le 1er août 2006 et qu'elle disposait de plusieurs salariés qui avaient le certificat d'aptitude requis pour cette tâche, le CACES (certificat d'aptitude à la conduite en sécurité) ; que M. X... est seul à l'origine de son accident. Elle s'appuie sur l'enquête pénale pour soutenir que la victime a commis une faute inexcusable car : * M. X... était pas habilité à conduire un chariot automoteur électrique mais avait pour obligation d'utiliser un transpalette qui se trouvait dans son camion, *il n'a pas respecté les règles de déchargement puisque pour une raison indéterminée, il a décidé d'effectuer un déchargement dans la cour, au lieu de positionner son camion sur les quais, et qu'il a utilisé un chariot qui ne devait pas sortir du bâtiment, *il a pris des risques démesurés en ayant une vitesse excessive pour la configuration du chariot, *il n'a pas mis la ceinture de sécurité qui était pourtant dans le chariot.
Elle rappelle que M. X... n'a jamais reçu l'ordre d'utiliser un chariot élévateur et qu'il a fait ce choix en violant ses obligations contractuelles.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 15 novembre 2013 reprises et soutenues oralement à l'audience devant la cour, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, la CPAM de Maine-et-Loire demande à la cour de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice quant au bien-fondé de l'appel et, en cas de reconnaissance de la faute inexcusable, de condamner l'employeur sur le fondement des articles L. 452 et suivants du code de la sécurité sociale à reverser à la caisse primaire d'Angers les sommes qu'elle sera amenée à verser à la victime avec intérêt à taux légal à compter de la date de l'arrêt, à communiquer à la Caisse primaire de Maine-et-Loire les coordonnées de sa compagnie d'assurance.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la faute inexcusable de l'employeur :
En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail ; le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; Il appartient au salarié qui invoque la faute inexcusable de son employeur de rapporter la preuve de ce que celui-ci avait, ou aurait dû avoir, conscience du danger auquel il était exposé et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;
Il ressort des éléments du dossier que le risque lié à la conduite d'un chariot automoteur était identifié par l'employeur, qui l'avait inscrit dans le document unique des risques en entreprise dressé le 4 novembre 2002 ; ce document prévoyait, comme mesures de prévention : " posséder une autorisation de conduite des chariots. " ;
Il est acquis en effet que la conduite de ces chariots était subordonnée par la réglementation en vigueur au moment des faits, d'une part au bénéfice de la formation CACES et d'autre part à la délivrance d'une autorisation de conduite remise par l'employeur après un contrôle des connaissances et après que le médecin du travail ait prononcé l'aptitude médicale à cette tâche ;
Il n'est pas contesté que M. X... n'avait pas eu de formation CACES et n'avait pas obtenu d'autorisation de conduite des chariots automoteurs ;
Il ressort des pièces du dossier que le 1er août 2006 deux personnes disposaient du CACES dans l'entreprise : M. C..., magasinier et M. Laurent D..., frère du dirigeant de l'entreprise ;
Il n'est pas établi par l'enquête pénale, ni par les attestations versées aux débats que M. X... ait reçu le 1er août 2006 l'ordre de se servir du chariot automoteur pour décharger son camion ; il ressort cependant de l'attestation de M. B..., chauffeur et de celle de M. C..., que des salariés n'ayant pas le CACES pouvaient, à l'occasion, conduire un chariot automoteur ;
Mme Z..., contrôleur du travail, interrogée par téléphone par les gendarmes le 3 mai 2007, indique à ceux-ci que " M. Joël D... a reconnu devant elle le 19 septembre 2006 à la société D... à Brain sur l'Authion que certains chauffeurs conduisaient ce type de chariot sans être titulaires du permis " ;
Il n'est pas contesté par l'employeur d'autre part que les clés des chariots restaient en permanence sur le contact, M. D... indiquant : " Je sais qu'il faut enlever la clé et la mettre dans un boîtier de sécurité. Mais il est évident que c'est plus simple de mettre la clé sur le contact. " L'article R233-36 du code du travail, applicable au moment des faits, et devenu l'article R4324-39, énonce en effet : " Les équipements de travail mobiles automoteurs sont munis de dispositifs empêchant une mise en marche par des personnes non habilitées. "
Il ressort des éléments sus-énoncés que l'employeur, qui avait conscience du danger auquel la conduite d'un chariot automoteur exposait son salarié, n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, puisqu'aucune interdiction de conduite n'était faite aux salariés qui ne disposaient pas du CACES, que les clés étaient constamment sur le contact, ce qui permettait à chaque salarié de l'entreprise, qui en comprend 18, de se servir occasionnellement des chariots automoteurs, et qu'aucune formation à la conduite de cet engin n'avait été dispensée à M. X... ; les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat constituent la cause de l'accident ;
Il ne peut pas, d'autre part, être reproché à la victime dépourvue de toute formation et auquel libre accès à l'engin était laissé, afin qu'elle l'utilise à l'occasion, d'avoir conduit le chariot automoteur en utilisant une vitesse, ou en faisant une manoeuvre, inadaptées ; Or, seule la faute volontaire du salarié, d'une exceptionnelle gravité peut caractériser sa faute inexcusable ;
L'employeur procède en outre par affirmation lorsqu'il allègue que M. X... allait trop vite conduisait " dangereusement " ou " s'amusait " avec le chariot automoteur, tandis qu'il ressort du rapport établi par le contrôleur du travail que l'accident a eu lieu au moment où le salarié, voulant aider M. C... à son propre déchargement, a levé les fourches de son engin pour effectuer une rotation, " en vitesse lente ", selon les termes mêmes de Mme Z..., afin de placer le chariot derrière le camion de M. C..., et que cette manoeuvre a déséquilibré l'engin qui s'est renversé ; aucune faute inexcusable de M. X... ne peut donc être retenue ;
La faute inexcusable de la société D... est caractérisée et M. X... doit être dit, par voie d'infirmation du jugement déféré, bien-fondé dans ses demandes ;
Sur la réparation du préjudice corporel et la mesure d'expertise
La victime d'un accident du travail ne peut pas poursuivre, devant les juridictions du contentieux général de la sécurité sociale, la réparation de son préjudice selon les règles du droit commun de la responsabilité contractuelle ;
L'article L 451-1 du code de la sécurité sociale pose en effet le principe selon lequel aucune action en réparation des accidents du travail ou des maladies professionnelles ne peut être exercée conformément au droit commun par la victime ou ses ayants droit ; En cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle dû à la faute inexcusable de l'employeur, l'article L 452-1 du même code ouvre droit au salarié-victime ou à ses ayants droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles L 452-2 et L 452-3 du même code ;
Le premier de ces textes prévoit une majoration du capital ou de la rente alloué, tandis que le second permet à la victime de demander à l'employeur la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées, ainsi que celle de ses préjudices esthétiques et d'agrément, et celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle ;
Par décision no 2010-8 QPC du 18 juin 2010 rendue sur renvoi par la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a été amené à se prononcer sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L 451-1 et L 452-1 à L 452-5 du code de la sécurité sociale ;
Cette décision n'emporte pas de remise en cause du régime forfaitaire d'indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles et elle n'impose pas une indemnisation complémentaire des postes de préjudice déjà couverts, même de façon imparfaite, par le livre IV du code de la sécurité sociale ; qu'elle élargit le champ du droit à réparation des victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles dus à la faute inexcusable de l'employeur en ce qu'il en résulte que la victime ou ses ayants droit peuvent demander à l'employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation, non seulement des chefs de préjudice énumérés par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, mais aussi de l'ensemble des dommages ou chefs de préjudice non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ;
Ne peuvent pas donner lieu à indemnisation sur le fondement de ce texte tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision no 2010-8 QPC du 18 juin 2010, les préjudices tels que les frais médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques et accessoires, les frais de transport et d'une façon générale l'ensemble des frais nécessités par le traitement, la réadaptation fonctionnelle, la rééducation professionnelle et le reclassement de la victime, dépenses d'appareillage actuelles et futurs, dans la mesure où l'article L 431-1 du Livre IV du code de la sécurité sociale prévoit leur prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie ;
Il en est de même des frais de tierce personne après consolidation dont l'indemnisation est prévue par l'article L. 434-2 du même Livre IV, même de manière restrictive, et qui ne peuvent dès lors ouvrir droit à une indemnisation sur le fondement de l'article L452-3 code de la sécurité sociale tel qu'interprété par le Conseil Constitutionnel ;
Au regard de ces principes, la demande formée par M. X... au titre des préjudices couverts, fût-ce de façon imparfaite, par les dispositions du livre IV du code de la sécurité sociale, soit celles afférentes aux frais de tierce personne après consolidation ne peut être accueillie ;
Dès lors, d'autre part, que M. X... n'indique pas la nature précise des préjudices et dépenses qu'il invoque au titre des " frais divers ", il n'y a pas lieu à donner mission de ce chef à l'expert ;
La rente, éventuellement majorée, dont bénéficie la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle dont le taux d'incapacité est supérieur à 10 % indemnisant, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent, qu'il n'y a pas lieu de demander à l'expert de déterminer le taux du déficit fonctionnel permanent de la victime et que cette dernière ne peut pas demander réparation de ces préjudices à l'employeur sur le fondement de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;
Par contre, les indemnités journalières prévues par le livre IV indemnisant exclusivement la perte de salaire, la victime peut prétendre à l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire, lequel englobe, pour la période antérieure à la date de consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que, le cas échéant, le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, et doit être distingué du préjudice d'agrément qui répare les préjudices extra patrimoniaux permanents
Elle peut également prétendre à la réparation de chefs de préjudice non indemnisés ou pris en charge par le livre IV du code de la sécurité sociale, tels que les frais d'aménagement du domicile et du véhicule, le préjudice sexuel et d'établissement, le premier qui englobe l'ensemble des dommages touchant à la sphère sexuelle devant être distingué et indemnisé séparément du préjudice d'agrément ;
Il résulte du rapport d'examen médical établi par le pôle anesthésie réanimation du CHU d'Angers les 9 août et 4 septembre 2006 que l'accident du travail litigieux a été pour M. X... à l'origine d'une admission en déchocage ; que les blessures subies et les soins effectués en urgence ont été :
*traumatisme thoracique avec contusions pulmonaires bilatérales, pneumothorax antérieur bilatéral et fractures de côtes multiples bilatérales. récidive de pneumotorax droit. Atélectasie complète du poumon gauche d'évolution favorable. Evolution marquée par l'apparition d'un épanchement volumineux pleural gauche traité par ponction et drainage. *splénectomie d'hémostase *fracture du rein gauche avec récidive hémorragique durant l'hospitalisation décaillotage vésical au bloc opératoire *fractures des deux os de l'avant bras traitées par ostéosynthèse *multiples brûlures cutanées traitées par pansements quotidiens à la Flamazine *pas de traumatisme crânien.
La faute inexcusable de la société D... ayant été retenue, M. X... a droit au bénéfice des prestations et indemnités prévues aux articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale ; aucune faute inexcusable n'étant retenue à son encontre, il convient d'ordonner, par application de l'article L. 452-2, la majoration au maximum de la rente accident du travail qui lui est servie, laquelle majoration produira intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, étant rappelé que, le cas échéant, elle suivra l'évolution du taux d'incapacité de la victime ;
Les éléments médicaux ci-dessus rappelés justifient la mise en oeuvre de l'expertise médicale sollicitée avant dire droit sur la réparation du préjudice corporel de l'appelant, la mission donnée à l'expert chargé de déterminer les éléments du préjudice corporel résultant pour lui de l'accident du travail dû à la faute inexcusable de son employeur, dont il a été victime le 1er août 2006, devant s'inscrire, au regard des éléments produits et chefs de préjudice invoqués, dans le périmètre du droit à réparation déterminé par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale tel qu'interprété à la lumière de la décision du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010 ;
Les éléments de préjudice d'ores et déjà acquis au vu des pièces médicales produites justifient l'allocation à M. X... d'une indemnité provisionnelle de 10 000 ¿ à valoir sur la réparation de son préjudice corporel ;
Les indemnités destinées à réparer le préjudice de la victime seront versées directement à cette dernière par la caisse qui en récupèrera le montant auprès de l'employeur ; la CPAM de Maine-et-Loire versera également directement à M. X... la majoration de rente ci-dessus ordonnée ; elle pourra exercer son action récursoire contre la société D... ;
Il convient d'allouer à M. X... une indemnité de procédure de 1 200 ¿ au titre des frais irrépétibles qu'il a d'ores et déjà exposés à ce stade de la procédure en cause d'appel, et de réserver l'application des dispositions de article R 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale ;
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté la société D... de sa demande en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Le réformant pour le surplus et y ajoutant,
Dit que l'accident du travail dont monsieur X... a été victime le 1er août 2006 est dû à la faute inexcusable de la société D... ;
En application de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, ordonne la majoration au maximum de la rente accident du travail versée à M. X... et dit que cette majoration, qui, le cas échéant, suivra l'évolution de son taux d'incapacité, sera productive d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Déclare le présent arrêt commun à la Caisse primaire d'assurance maladie de Maine-et-Loire et dit qu'elle versera directement à M. X... l'ensemble des majorations et indemnités destinées à réparer ses préjudices, notamment, la majoration de rente ci-dessus allouée ainsi que la somme de 10000 ¿ à titre de provision ;
Dit que la CPAM de Maine-et-Loire en récupérera le montant auprès de la société D... conformément aux dispositions des articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;
Avant dire droit sur la réparation du préjudice corporel de M. X..., ordonne une expertise médicale ayant pour objet de déterminer les préjudices à caractère personnel définis à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision no 2010-8 QPC du 18 juin 2010 et commet pour y procéder, le docteur Arnaud A..., CHU d'Angers-service de médecine légale-49933 ANGERS CEDEX 9, téléphone : 02. 41. 35. 59. 28 fax : 02. 41. 35. 39. 48, expert inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel d'Angers, qui aura pour mission, avec faculté de s'adjoindre un sapiteur, les parties présentes ou, en tout cas, régulièrement convoquées :
- de se faire remettre l'entier dossier médical de M. X... et, plus généralement, toutes pièces médicales utiles à l'accomplissement de sa mission ;- d'en prendre connaissance ;- de procéder à l'examen de M. X... et de recueillir ses doléances ;- de décrire de façon précise et circonstanciée son état de santé, avant et après l'accident du 1er août 2006, les lésions occasionnées par cet accident et l'ensemble des soins qui ont dû lui être prodigués ;- de décrire précisément les lésions dont il reste atteint ;
- de fournir, de façon circonstanciée, tous éléments permettant à la cour d'apprécier : ¿ l'étendue des souffrances physiques et morales endurées par la victime en quantifiant l'importance de ce chef de préjudice, notamment sur une échelle de 1 à 7, ¿ l'existence d'un préjudice esthétique, temporaire et/ ou permanent, en le quantifiant, notamment sur une échelle de 1 à 7, ¿ l'existence d'un préjudice d'agrément temporaire et/ ou permanent, soit l'empêchement, partiel ou total, pour la victime, de se livrer à une ou des activité (s) sportives ou de loisir ;
- d'indiquer si la victime subit une perte ou une diminution de ses possibilités de promotion professionnelle et, dans l'affirmative, de fournir tous éléments permettant d'apprécier l'étendue de ce préjudice ;- d'indiquer si, avant la date de consolidation de son état, la victime s'est trouvée atteinte d'un déficit fonctionnel temporaire, notamment constitué par une incapacité fonctionnelle totale ou partielle, par le temps d'hospitalisation, et par les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique et, dans l'affirmative, d'en faire la description et d'en quantifier l'importance ;
- de dire si, avant la date de consolidation, l'état de santé de la victime a ou non nécessité la présence ou l'assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne et dans l'affirmative, d'en définir les conditions d'intervention, notamment en termes de spécialisation technique, de durée et de fréquence des interventions journalières ;
- d'indiquer si l'état de la victime nécessite des aménagements de son logement et/ ou de son véhicule à son handicap et de les déterminer ;
- d'indiquer si la victime subit des préjudices permanents exceptionnels correspondant à des préjudices atypiques directement liés aux handicaps permanents ;
Dit que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile, qu'en particulier il pourra se faire autoriser à s'adjoindre tout spécialiste de son choix, dans une spécialité autre que la sienne ;
Dit que l'expert donnera connaissance aux parties de ses conclusions et répondra à tous dires écrits de leur part, formulés dans le délai qu'il leur aura imparti, avant d'établir un rapport définitif qu'il déposera au secrétariat greffe de la présente cour dans les quatre mois du jour où il aura été saisi de sa mission ;
Fixe à 800 ¿ (huit cents euros) le montant de la provision à valoir sur les frais et honoraires de l'expert qui devra être versée par la CPAM de Maine-et-Loire entre les mains du régisseur d'avances et de recettes de la cour d'appel d'Angers, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Rappelle à toutes fins qu'à défaut de consignation dans le délai ci-dessus, la présente désignation d'expert sera caduque de plein droit en vertu de l'article 271 du code de procédure civile, sauf à la partie à laquelle incombe cette consignation à obtenir du juge chargé du contrôle de l'expertise la prorogation du dit délai ou un relevé de la caducité ;
Dit qu'en cas d'empêchement de l'expert il sera procédé à son remplacement par ordonnance rendue sur simple requête ;
Condamne la société D... à payer à M. X... une indemnité de procédure de 1 200 ¿ au titre des frais irrépétibles qu'il a d'ores et déjà exposés à ce stade de la procédure en cause d'appel ;
Dit que l'affaire sera de nouveau évoquée à l'audience de la cour du MARDI 21 OCTOBRE 2014 à 14 heures et que la notification du présent arrêt vaut convocation des parties à la dite audience ;
Réserve l'application des dispositions de article R 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale.