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14/01/2014 | FRANCE | N°11/02682

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 14 janvier 2014, 11/02682


COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N
clm/ JC

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 02682

numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 03 Octobre 2011, enregistrée sous le no 09/ 01316

ARRÊT DU 14 Janvier 2014

APPELANTS :

Monsieur Michel X...
...
29760 PENMARCH

représenté par Maître COULON de la SCP QUINIOU-MARCHAND, avocats au

barreau d'ANGERS

LA SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE
1 Esplanade de France
42000 ST ETIENNE

représentée par Maître ROUVR...

COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N
clm/ JC

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 02682

numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 03 Octobre 2011, enregistrée sous le no 09/ 01316

ARRÊT DU 14 Janvier 2014

APPELANTS :

Monsieur Michel X...
...
29760 PENMARCH

représenté par Maître COULON de la SCP QUINIOU-MARCHAND, avocats au barreau d'ANGERS

LA SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE
1 Esplanade de France
42000 ST ETIENNE

représentée par Maître ROUVRAIS, avocat substituant Maître ROBIN, avocat au barreau de BREST

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 28 Mai 2013 à 14 H 00 en audience publique et collégiale, devant la cour composée de :

Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président
Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, assesseur
Madame Anne DUFAU, assesseur

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame C. PINEL, greffier.

ARRÊT : du 14 Janvier 2014, contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par madame LECAPLAIN MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCEDURE

M. X...a été engagé à compter du 3 octobre 1994 comme ouvrier professionnel qualifié par la société Distribution Casino France laquelle exploite des supermarchés, des supérettes et des hypermarchés. Il est devenu par la suite chef de rayon et occupait, depuis le 1er juin 2001, au sein de l'hypermarché Géant Casino de Cholet, un poste de manager commercial, en dernier lieu de niveau VI, en charge du rayon « marée » de cet établissement.
Les relations entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

Par lettre du 30 septembre 2005, il lui a été notifié une mise à pied disciplinaire d'une journée, pour les motifs suivants :
« (...) En date du 1er septembre, M. Y..., votre supérieur Hiérarchique, a effectué un contrôle de vos assortiments en Traditionnel et en Libre Service. À l'issue de ce contrôle, il vous demandé de mettre à jour votre assortiment pour le 6 septembre en vous basant sur « l'info fraîcheur Marée » disponible sur Intranet. Malgré cette demande, et après un nouveau contrôle effectué en date du 6 septembre, il s'est avéré qu'il manquait 19 produits à l'assortiment.
Ces faits, incompatibles avec votre fonction de Manager Commercial, responsable du rayon Marée, démontrent que vous ne tenez aucunement compte des directives de votre hiérarchie, ni de celles de la filière Marée.
Nous vous rappelons que toutes les directives et préconisations de ce genre qui peuvent vous êtes adressé ont pour objectif de développer le chiffre d'affaires.
Votre comportement est par conséquent inacceptable (...) »

Après convocation à entretien préalable fixé à la date du 16 janvier 2006, reporté à celle du 28 janvier 2006, et par lettre du 23 février 2006, il a été licencié dans les termes suivants :
« (...) Nous vous rappelons les faits qui vous sont reprochés tels qu'ils vous ont été exposés lors de notre entretien préalable :
- le 1er décembre 2005, vous receviez un mail de la Direction Métier Marée vous annonçant une opération commerciale sur du TURBOT. Pour CHOLET, 31 kg de turbot livré le 15/ 12/ 2005 pour une mise en oeuvre sur le rayon marée immédiate, PV à 14, 90 ¿ le kg, (pour un colis commandé le magasin était crédité d'un autre colis). Ce crédit devrait vous permettre de réaliser du cassé frais si vous aviez un surstock. Vous deviez mettre en oeuvre une ILV et une info recette communiquée par mail le 13 décembre 2005 par le métier marée au dessus de votre opération. Or, le 21 décembre 2005, soit 7 jours après la livraison, votre Directeur Commercial constatait qu'il vous restait 12 kg de turbot dans votre frigo soit 38 % de la commande initiale. De même, la table marée présentait encore un stock important de ce même produit. Le prix de vente affiché du turbot était toujours à 14. 90 ¿ le kg, et vous n'avez pas appliqué la démarque demandée en cas de surstock. Vous n'avez pas respecté les règles d'hygiène et de sécurité alimentaire en conservant le turbot 7 jours après sa livraison. La démarque du produit devrait être appliquée à partir du samedi 17 décembre après-midi. De plus, ni ILV ni recette n'étaient présentes sur le lieu de vente depuis le 15 décembre.
Aussi, nous vous rappelons que le 12 octobre 2005, vous avez déjà été sanctionné par une mise à pied pour le non-respect des directives du métier marée.
- Ce même jour, le 21 décembre 2005, votre Directeur commercial a constaté la présence dans le frigo marée d'une caisse de 20 noix de St Jacques posée à même le sol dans une caisse de polystyrène sans étiquettes et sans date limite de consommation.
Ces faits sont constitutifs d'un non respect des consignes du Métier Marée, et des règles d'hygiène et de Sécurité Alimentaire selon l'arrêté du 09 mai 1995 du ministère de l'agriculture art. 08 et art. 14 précisés ci-dessous :
(...)
- De plus, le 5 novembre 2005, votre Directeur Commercial, Monsieur Stéphane Z... envoyait une convocation par mail à une réunion ayant lieu le 5 décembre 2005 à 14H30 où vous deviez présenter vos budgets et plan d'actions pour l'année 2006. Votre absence était prévue ce jour là. Cependant vous n'avez pas remis le dossier à votre Supérieur Hiérarchique et Chef de Département produit frais. Par conséquent, pas un réel manque d'organisation et d'anticipation de votre part, aucune présentation des objectifs marées 2006 n'a pu être faite, alors que vous aviez été prévenu un mois auparavant comme l'ensemble de l'encadrement du magasin. Vous n'avez donc pas réalisé le travail demandé par votre Directeur Commercial.
Votre détermination à passer outre les consignes du métier marée et votre non respect des règles d'hygiène et de sécurité alimentaire pouvant entraîner des intoxications alimentaires et mettre gravement en danger la santé de nos clients, sont incompatibles avec votre fonction de Manager Commercial du rayon Marée et nous amènent à mettre un terme à nos relations contractuelles.
Votre préavis d'une durée de 3 mois, commencera à courir à compter de la première présentation de ce courrier par la Poste.
Pendant cette période, à titre tout à fait exceptionnel, nous vous dispensons d'effectuer votre préavis. Il vous sera réglé mensuellement. »

Le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 18 décembre 2006 de demandes tendant, en leur dernier état, au paiement de rappel de salaire et congés payés afférents au titre de la nullité de la mise à pied disciplinaire du 30 septembre 2005, d'heures supplémentaires et congés payés afférents, d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 3 octobre 2011, le conseil de prud'hommes d'Angers a, après avoir annulé la sanction disciplinaire du 30 septembre 2005 et jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamné la société au paiement des sommes suivantes :
* 74, 86 ¿ à titre de rappel de salaire durant la mise à pied et 7, 49 ¿ de congés payés afférents ;
* 15 000 ¿ de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 5 400 ¿ à titre d'heures supplémentaires, outre 540 ¿ de congés payés afférents ;
* 1 200 ¿ par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Il a en outre rappelé que l'exécution provisoire était de droit, dans les limites fixées par l'article R. 1454-28 du code du travail, et fixé le salaire moyen de référence à la somme brute de 2 246 ¿.

M. X...a interjeté régulièrement appel, précisant que son appel était limité aux dispositions du jugement relatives aux heures supplémentaires et congés payés afférents.
La société a également régulièrement interjeté un appel, général.
Les deux instances ont été jointes par ordonnance du magistrat chargé d'instruire l'affaire.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La société conclut, dans ses conclusions parvenues au greffe le 13 mai 2013, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, à la réformation du jugement en toutes ses dispositions, au débouté du salarié de toutes ses prétentions et à sa condamnation à lui verser la somme de 3500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre à lui restituer la somme de 4 586, 04 ¿ versée au titre de l'exécution provisoire de droit, avec intérêts au taux légal à compter du 18 novembre 2011.

Au soutien de ses prétentions, elle expose avoir, au cours de l'année 2005, fait évoluer son organisation par un renforcement du rôle des « directions métiers » avec notamment, à l'attention de chacun des rayons, des politiques d'assortiment précises et impératives. Dans le cadre de la mise en oeuvre de cette nouvelle organisation, il est apparu rapidement que M. X...ne respectait pas les directives et instructions mises en place.

La mise à pied disciplinaire du 30 septembre 2005 est fondée, étant établi qu'en dépit des directives de son supérieur hiérarchique mais également de celles de la filière " marée ", il a été constaté une offre limitée du rayon géré par l'intéressé pendant au moins 6 jours, alors que celui-ci était tenu de commander 100 % de l'assortiment en permanence. L'attestation de M. Z... doit être retenue, rien n'interdisant au salarié d'une entreprise de témoigner sous réserve de préciser son lien de subordination vis-à-vis de celle-ci.

Les faits invoqués dans la lettre de licenciement, soit les fautes liées à la gestion de l'opération commerciale sur le turbot, la présence dans le " frigo marée " de noix de St Jacques posées à même le sol dans une caisse sans étiquette et sans date limite de consommation ainsi que l'absence de réalisation pour la réunion du 5 décembre 2005 du budget et des plans d'action pour l'année 2006, sont établis. Ainsi, le licenciement est parfaitement légitime.

S'agissant de la demande en paiement d'heures supplémentaires, les documents sur lesquels s'appuie le salarié sont éminemment contestables comme établis pour les besoins de la cause, a posteriori, sans validation du directeur et comportant des contradictions. En tout état de cause, son salaire forfaitaire était établi sur une base hebdomadaire de travail effectif de 43, 44 heures (pause incluse), par application des accords d'entreprise applicables.

Le salarié conclut quant à lui, dans ses conclusions parvenues au greffe le 17 mai 2013 (intitulées " en réponse et récapitulatives "), soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, à la confirmation du jugement en ses dispositions relatives au rappel de salaire et congés payés afférents en conséquence de l'annulation de la mise à pied, en celles ayant déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse et en celles relatives aux frais et dépens. Par contre, il sollicite la réformation pour le surplus et la condamnation de la société au paiement des sommes suivantes :
* 40 000 ¿ de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 12 056, 37 ¿ au titre des heures supplémentaires et 1 205, 64 ¿ au titre des congés payés afférents ;
* 4 373, 90 ¿ au titre de la contrepartie obligatoire en repos et 437, 39 ¿ au titre des congés payés afférents ;
* 13 476 ¿ à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
* 3 000 ¿ au titre des frais irrépétibles d'appel.

Il fait valoir qu'à la fin du mois d'août 2005, un nouveau directeur commercial, M. Z..., a pris ses fonctions au sein de l'hypermarché de Cholet ; le schéma organisationnel de l'établissement a alors été modifié et la société a subitement cherché à alimenter un dossier disciplinaire jusque-là vide, dans la perspective manifeste de le licencier.

Le reproche invoqué dans la lettre de mise à pied disciplinaire est injustifié puisque le salarié n'a fait que se conformer aux directives qui lui avaient été données. Le jeudi 1er septembre 2005, M. Y... lui a en effet demandé de commander 19 autres références pour le rayon libre-service industriel ; il n'a pu immédiatement passer commande car il était tributaire des délais de livraison des fournisseurs du magasin. En tout état de cause, il disposait d'une certaine autonomie sur l'assortiment et sur les achats, ainsi qu'il est indiqué à l'article 9 de l'annexe II de la convention collective nationale applicable, et ses résultats de gestion ainsi que d'exploitation était pleinement satisfaisants.

Sur le licenciement, le témoignage de M. Z... n'a aucune force probante et ne saurait être pris en compte puisqu'il s'agit d'un représentant de la société qui, en cette qualité, a diligenté la procédure de mise à pied disciplinaire et la procédure de licenciement. L'attestation de M. Y... a été établie pour les seuls besoins du procès, tandis que celle de M. A...n'apporte rien aux débats.
S'agissant du premier grief, le contrôle effectué par M. Z... l'a été le 20 décembre 2005, en l'absence du salarié et est donc dépourvu de caractère contradictoire. Le salarié n'a fait que se conformer aux préconisations de la filière marée, laquelle recommande au responsable du rayon de baisser le prix de vente d'un produit lorsque sa qualité s'altère.
En ce qui concerne le deuxième grief, le salarié n'était pas présent lors du contrôle inopiné de son rayon, les coquilles avaient été entreposées dans une caisse sur un chariot dans la chambre froide et l'étiquette sanitaire du produit était placée dans une boîte prévue à cet effet. Le grief n'est pas étayé.
Enfin, le troisième grief manque totalement en fait : le 5 décembre 2005, le salarié était absent du magasin en raison d'une intervention chirurgicale programmée de longue date. Son responsable hiérarchique, M. Y..., était en possession du dossier réalisé par ses soins sur support papier.

Le salarié affirme par ailleurs avoir effectué au total 836, 50 heures supplémentaires au cours des années 2003, 2004 et 2005, qui ne lui ont pas été réglées. Il produit ses fiches hebdomadaires de présence renseignées à la demande de l'employeur, qui ont la même force probante qu'un enregistrement effectué par celui-ci. La convention de forfait instaurée par l'accord collectif d'entreprise lui est inopposable en l'absence d'un accord particulier non équivoque ; d'ailleurs, la méthode de décompte des heures supplémentaires instituée par cet accord est contraire aux prescriptions de l'article L. 3121-20 du code du travail. Ainsi, il est bien fondé à réclamer le paiement des heures supplémentaires de la 36 ème à la 43, 44ème heure par semaine, qui n'ont pas été payées, mais également des heures accomplies au-delà.

MOTIFS DE LA DECISION

-Sur la mise à pied disciplinaire du 30 septembre 2005 :

La société, lorsqu'elle prétend que le salarié était systématiquement tenu de commander 100 % de l'assortiment, ce que conteste ce dernier, procède par simples affirmations, les pièces produites ne le démontrant pas. Elle ne produit aucun document justifiant les " politiques d'assortiment précises et impératives " dont elle se prévaut.

Le salarié affirme, sans être utilement démenti par l'employeur qui se borne à des allégations sur ce point, qu'il était trop tard le jeudi 1er septembre 2005 pour exécuter l'ordre donné par M. Y... et que la commande ne pouvait valablement être passée avant le samedi 3 septembre 2005. Il est établi que la commande a été passée à cette date et qu'elle était conforme à l'ordre dont il s'agit.

Dans ces conditions, il existe un doute sur la réalité de la faute reprochée et le jugement, qui a annulé la sanction, sera confirmé.

- Sur la cause réelle et sérieuse de licenciement :

La lettre de licenciement mentionne exclusivement 3 griefs, et se réfère à la mise à pied disciplinaire.

Sur le premier grief, concernant l'opération commerciale relative au turbot, le seul constat effectué des manquements reprochés émane de M. Z..., directeur commercial, représentant légal de l'employeur et signataire des lettres de convocations à entretien préalable et de licenciement. Cette seule attestation ne saurait suffire pour établir les faits, contestés, de défaut d'information sur le lieu de vente (ILV) et de défaut d'affichage des recettes.

La société se borne par ailleurs à affirmer que le salarié n'aurait pas respecté les règles d'hygiène et de sécurité alimentaire en conservant le turbot 7 jours après sa livraison, sans citer aucun texte. Les pièces produites ne prouvent pas qu'il avait été donné au salarié comme instruction (générale ou spécifique à l'opération commerciale litigieuse) de procéder à une démarque dès le samedi suivant la livraison, soit le 17 décembre 2005, alors même que le produit avait été livré le 15 décembre 2005.

Sur le deuxième grief relatif aux coquilles St Jacques, contesté, le seul élément de preuve produit est l'attestation de M. Z.... Dans ces conditions, et pour les raisons précédemment indiquées, il ne saurait être considéré comme établi.

Sur le troisième grief, il résulte des attestations de MM. Y..., Z... et A...que M. X...était le seul responsable commercial qui n'avait rien préparé en vue de l'élaboration du budget 2006, dont la présentation devait se faire sur un support commun, selon mail adressé notamment à l'intéressé par son directeur commercial le 5 novembre 2005 (pièce no 17 de la société). Il a ainsi méconnu les instructions de sa hiérarchie.

Ce grief, établi, ne constitue cependant pas à lui seul une cause réelle et sérieuse de licenciement, comme l'ont retenu les premiers juges.

Sur le montant de l'indemnité, compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. X..., de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la somme allouée par les premiers juges constitue la juste réparation du préjudice causé.

La décision du conseil de prud'hommes sera purement et simplement confirmée.

- Sur la demande en paiement d'heures supplémentaires et les demandes subséquentes :

La rémunération forfaitaire s'entend d'une rémunération convenue entre les parties au contrat de travail pour un nombre déterminé d'heures supplémentaires, soit pour une durée de travail supérieure à la durée légale. Même si le principe en est posé par la convention collective, le paiement des heures supplémentaires selon un forfait ne peut résulter que d'un accord particulier entre l'employeur et le salarié.

Le salarié réclame le paiement d'heures supplémentaires qui auraient été accomplies durant les années 2003, 2004 et 2005.

Le contrat de travail conclu entre les parties le 28 septembre 1994 indique : " (..) Vos appointements seront calculés sur la base d'un salaire brut mensuel de 1 200 F pour un horaire hebdomadaire de présence de 40 heures ".
Il n'est fourni par les parties aucune précision sur la durée du travail effectif correspondant à ce temps de présence ; à l'époque, la durée légale était de 39 heures.

Le seul avenant au contrat de travail produit est celui du 1er décembre 1996, mentionnant la " nouvelle affectation du salarié au sein de l'encadrement (...) à compter du 1er décembre 1996 en qualité de Chef de Rayon, Coefficient 210 en position d'agent de maîtrise. Il est susceptible d'évoluer sans que les autres termes de votre contrat soient éventuellement modifiés. (...) Votre salaire brut de base est fixé à 169507 Frs par an. Il est forfaitaire. Il sera réglé en 13 mensualités (...) ".

L'accord Distribution Casino France de substitution et avenant du 19 avril 2001 à l'accord " Ombrelle " du 17 juin 1999 sur l'aménagement et la réduction du temps de travail prévoit que, pour le personnel agent de maîtrise " (...) Les partenaires sociaux ont décidé de maintenir une convention de forfait en heures hebdomadaires pour les agents de maîtrise dans le respect de la législation. (...) En conséquence, le forfait horaire est fixé comme suit à 40h de présence par semaine :
35h durée légale de travail
3h heures supplémentaires avec la bonification à 25 %
38h temps de travail effectif
2h temps de pause (3mn par heures)
40h temps de présence
Par ailleurs, afin de maintenir pour ce personnel une réduction du temps de travail avec des jours de repos, les parties décident d'appliquer une modalité d'aménagement du temps de travail organisé sous forme de repos conformément aux dispositions de l'article L. 212-9 nouveau du Code du Travail.
Agents de maîtrise travaillant en magasins
Par souci de préserver les avantages découlant de l'application de l'accord d'anticipation du 17 juin 1999, il est convenu dans le cadre du nouvel aménagement du temps de travail de faire bénéficier les agents de maîtrise travaillant en magasins de 19 jours de repos sur l'année (exercice du 1er juin de l'année A au 31 mai de l'année B).
Pour ce faire, la durée hebdomadaire de travail effectif de 38 h devra être portée à 40h47 centièmes, ce qui correspond à un horaire journalier moyen de 8h09 centièmes. Les heures comprises entre 40h47 centièmes et 38h, soit 2h47 centièmes génèrent sur les 45, 8 semaines travaillées annuellement 14 jours de repos. "

Le salarié a été nommé à compter du 1er avril 2004 en qualité de manager commercial niveau VI selon lettre du 23 avril 2004 mentionnant des " appointements forfaitaires mensuels ", sans autre précision. Le seul exemplaire produit de ladite lettre ne porte aucune signature (pièce no 13 du salarié).

On observera pourtant que, selon l'article 5. 7 dernier alinéa de la convention collective nationale du 12 juillet 2001 alors applicable, " Il est rappelé que toute convention individuelle de forfait doit faire l'objet d'une formalisation dans le contrat de travail ou un avenant à celui-ci, du membre de l'encadrement avec qui elle est conclue ".
L'article 5. 7. 4 du même texte prévoit, s'agissant des agents de maîtrise que " L'inclusion du paiement des heures supplémentaires dans la rémunération forfaitaire ne se présume pas. Elle doit résulter d'un accord de volonté non équivoque des parties, d'une disposition expresse du contrat de travail ou d'un avenant à celui-ci. (...)
En cas de modification de la durée du travail pour lequel le forfait a été convenu, celui-ci doit être adapté au nouvel horaire auquel le salarié se trouve soumis.
Le bulletin de paie de l'intéressé doit faire apparaître le nombre moyen mensuel d'heures de travail, supérieur à la durée légale du travail, sur la base duquel le salaire forfaitaire a été convenu. "

En l'espèce, les bulletins produits pour la période litigieuse mentionnent exclusivement un salaire de base correspondant à un " forfait (accords, conventions) " et le nombre de jours rémunérés, aucune des cases relatives au nombre d'heures rémunérées, de travail effectif, de pauses et d'heures de présence n'étant renseignée. Il n'est nullement allégué, du moins dans le cadre de la présente procédure, que le salarié était rémunéré sur la base d'un forfait en jours, ce qui au demeurant n'était pas possible pour les agents de maîtrise. Ainsi, la Chambre sociale de la Cour de cassation, par un arrêt du 5 avril 2006 (Bull. 2006, no 142), donc postérieur à la période litigieuse, a retenu que l'accord Casino France du 17 juin 1999 dit " Ombrelle ", qui a instauré un forfait en jours pour l'ensemble du personnel d'encadrement, y compris les agents de maîtrise, n'était pas conforme à l'article L. 212-15-3 du code du travail issu de la loi du 19 janvier 2000 qui réserve cette modalité de décompte de la durée du travail aux seuls cadres.

Force est ainsi de constater que, ni le contrat de travail, ni les avenants conclus entre les parties, ni les bulletins de paie ne mentionnent le nombre d'heures supplémentaires comprises dans le forfait de rémunération qui aurait été convenu.

Dans ces conditions, le salarié est bien-fondé à solliciter le paiement de toutes les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire applicable durant la période considérée, soit 35 heures.

Le salarié produit des pièces de nature à étayer sa demande, à savoir des fiches de calcul et des fiches de suivi des horaires agent de maîtrise (émanant de la direction des ressources humaines de la société) renseignées par ses soins, semaine après semaine et jour par jour.
L'employeur est mal-fondé à se prévaloir de l'absence de visa des dites fiches par le directeur, alors que le salarié n'étant pas soumis à un horaire collectif, il lui appartenait d'organiser le contrôle de sa durée de travail, comme le prévoit le code du travail, mais également la convention collective précitée laquelle dispose, dans son article 5. 3 : " Lorsque les salariés d'un établissement ne sont pas occupés selon le même horaire collectif de travail affiché, la durée du travail de chaque salarié concerné doit être décomptée selon les modalités suivantes :
- quotidiennement par enregistrement selon tous moyens (badgeuse, cahier d'émargement, pointeuse par exemple) des heures de début et de fin de chaque période de travail ou par le relevé du nombre d'heures effectuées ;
- chaque semaine par récapitulation, selon tous moyens, du nombre d'heures effectuées par chaque salarié ".

L'employeur ne produit strictement aucun élément de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, mais son argumentation suppose que le salarié a accompli chaque semaine à tout le moins 41, 44 heures de travail effectif (43, 44 heures hebdomadaires desquelles sont déduites les 2 heures de pause).

Sans qu'il soit besoin d'une mesure d'instruction, la cour a la conviction, au sens de l'article L. 3171-4 du code du travail, que le salarié a bien effectué les heures supplémentaires dont il réclame le paiement.

La somme réclamée à titre de paiement d'heures supplémentaires a été exactement calculée en dernier lieu, en l'état des pièces produites. Il sera fait droit aux demandes en paiement d'heures supplémentaires et de congés payés afférents, par voie d'infirmation du jugement, sauf à corriger l'erreur affectant le montant de l'indemnité de congés payés et donc à la fixer à 1 205, 63 ¿.

Le salarié qui n'a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur a droit à l'indemnisation du préjudice subi ; celle-ci comporte à la fois le montant de l'indemnité de repos compensateur et le montant de l'indemnité de congés payés afférents.
La somme réclamée à titre de contrepartie obligatoire en repos (en fait le repos compensateur obligatoire prévu par l'ancien article L. 3121-28 du code du travail à l'époque litigieuse) pour les heures effectuées au-delà du contingent d'heures supplémentaires de 180 heures n'est pas discutée en son quantum et a été exactement calculée.

Faute de caractère intentionnel, au sens de l'article L. 8221-5 du code du travail, à l'absence de mention sur les bulletins de paie du nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur ayant à l'époque pu se croire bien-fondé à se prévaloir d'un accord d'entreprise, la demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé sera rejetée.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en celles relatives aux heures supplémentaires ;

Infirmant de ce seul chef et y ajoutant,

Condamne la société Distribution Casino France au paiement à M. Michel X...des sommes suivantes :
* 12 056, 37 ¿ à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires accomplies durant les années 2003, 2004 et 2005 et 1 205, 63 ¿ au titre des congés payés afférents ;
* 4 373, 90 ¿ d'indemnité au titre du repos compensateur obligatoire et 437, 39 ¿ au titre des congés payés afférents ;
* 1 500 ¿ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Déboute M. Michel X...de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé ;

Déboute la société Distribution Casino France de ses demandes en paiement d'une indemnité au titre des frais irrépétibles et en restitution de la somme versée en vertu de l'exécution provisoire ;

Condamne la société Distribution Casino France aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sylvie LE GALLCatherine LECAPLAIN-MOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/02682
Date de la décision : 14/01/2014
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2014-01-14;11.02682 ?
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