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07/01/2014 | FRANCE | N°12/01048

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 07 janvier 2014, 12/01048


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT DU 07 Janvier 2014
ARRÊT N AL/ JC

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 01048.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de LORIENT, décision attaquée en date du 17 Mars 2008, enregistrée sous le no 06/ 0551 Arrêt de la Cour d'Appel de RENNES du 14 janvier 2010 Arrêt de la Cour de Cassation du 15 mars 2012

APPELANTE :

Madame Chantal X...... 56100 LORIENT

représentée par M. Guy Y..., délégué syndical muni d'un pouvoir

INTIMEE :

Mad

emoiselle Catherine Z..., exerçant sous l'enseigne " LAURE "... 56100 LORIENT

présente, assistée de Maître Lione...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT DU 07 Janvier 2014
ARRÊT N AL/ JC

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 01048.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de LORIENT, décision attaquée en date du 17 Mars 2008, enregistrée sous le no 06/ 0551 Arrêt de la Cour d'Appel de RENNES du 14 janvier 2010 Arrêt de la Cour de Cassation du 15 mars 2012

APPELANTE :

Madame Chantal X...... 56100 LORIENT

représentée par M. Guy Y..., délégué syndical muni d'un pouvoir

INTIMEE :

Mademoiselle Catherine Z..., exerçant sous l'enseigne " LAURE "... 56100 LORIENT

présente, assistée de Maître Lionel LARDOUX, avocat au barreau de LORIENT

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Octobre 2013 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, président et Mme DUFAU, conseiller chargées d'instruire l'affaire.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, président Madame Anne DUFAU, conseiller Madame Anne LEPRIEUR, conseiller

Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier
ARRÊT : prononcé le 07 Janvier 2014, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Melle Chantal A..., devenue par la suite épouse X..., a été engagée en qualité de vendeuse par Mme Catherine Z..., laquelle exploite un commerce de lingerie situé à Lorient, à compter du 9 mars 2000, d'abord en contrat à durée déterminée puis selon contrat à durée indéterminée du 28 avril 2000 prévoyant une durée de travail hebdomadaire de 39 heures. Les relations entre les parties étaient régies par la convention collective de la lingerie.

La salariée s'est trouvée en arrêt de travail pour maladie à compter du 10 juin 2005.
A la suite d'un examen en date du 1er décembre 2005, elle a été déclarée par le médecin du travail " inapte à son poste dans son entreprise actuelle en raison de l'ambiance délétère qui y règne. Cette inaptitude est prononcée en procédure de danger immédiat au sens de l'article R 241-51-1 du code du travail (2ème alinéa). Il n'y aura pas de 2ème visite à 15 jours. "
La salariée a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 29 décembre 2005.
Estimant ne pas avoir été remplie de ses droits durant l'exécution de son contrat de travail, avoir été victime de harcèlement moral et contestant la validité et le bien-fondé de son licenciement, elle a saisi la juridiction prud'homale le 4 mai 2006 de demandes en paiement de rappels de salaires représentant le différentiel entre les horaires contractuels et l'horaire modifié à 35 heures, d'indemnités de rupture, de la somme de 10 000 ¿ de dommages-intérêts pour rupture abusive et d'une indemnité pour frais irrépétibles. Par jugement du 17 mars 2008, le conseil de prud'hommes de Lorient a condamné l'employeur au paiement de la somme de 1 633, 19 ¿ à titre de " rappel de salaire différentiel " et de celle de 550 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile mais débouté la salariée de ses autres prétentions, notamment au titre de la rupture du contrat, considérant que le harcèlement moral n'était pas caractérisé et que la rupture pour inaptitude était régulière et bien-fondée. Il a condamné l'employeur aux dépens.

Par arrêt du 14 janvier 2010, la cour d'appel de Rennes, statuant sur quatre procédures distinctes, jointes, concernant tant Mme X..., appelante, que trois autres de ses collègues, Mmes D..., E... et F..., lesquelles estimaient également avoir été victimes de harcèlement, a débouté Mme X... de toutes ses demandes et l'a condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
La salariée s'est pourvue en cassation.
Par arrêt du 15 mars 2012, la chambre sociale de la Cour de cassation, sur le pourvoi formé par Mme X..., a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Rennes " mais seulement en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes au titre du harcèlement moral et de la rupture du contrat de travail " et ce, aux termes des motifs suivants : " Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral, l'arrêt retient que quatre salariées dont Mme X... invoquent une dégradation importante de leurs conditions de travail caractérisée par les critiques dont elles ont fait l'objet, les propos déplacés et vexants tenus à leur encontre, l'intervention inopinée de l'employeur devant les clients, des mises à l'écart, le retrait de certaines tâches, des ordres contradictoires, des actes de violence, que la concomitance des dates et l'attitude de Mmes F... et D... mettent en évidence le fait que les quatre salariées ont agi de façon concertée, que les courriers écrits par les salariées elles-mêmes et les notes produites ne peuvent avoir de caractère probant, que par ailleurs les salariées se fondent essentiellement pour établir les agissements dont elles font état sur les attestations qu'elles se sont délivrées les unes aux autres et que ces témoignages croisés peuvent difficilement être retenus en l'espèce, que le seul incident qui est véritablement établi est celui qui a trait à l'intervention de Mme Z... lors d'un essayage d'une cliente supervisé par Mme E..., que ce seul fait ne peut caractériser des agissements répétés susceptibles de constituer un harcèlement moral ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans prendre en compte les certificats médicaux ni vérifier si les éléments produits pris dans leur ensemble ne laissaient pas présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et attendu qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée sur le premier moyen entraîne la cassation par voie de conséquence du chef du dispositif ayant débouté la salariée de ses demandes au titre de la rupture de son contrat de travail ; "
Cette cour, désignée comme cour de renvoi, a été saisie dans le délai de quatre mois prévu par l'article 1034 du code de procédure civile.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Selon le dernier état de ses conclusions (conclusions dites " récapitulatives " et " additionnelles "), soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, la salariée sollicite que son licenciement soit déclaré nul et que l'employeur soit condamné à lui payer les sommes de : 111 484, 50 ¿ à titre de rappel de salaires du 1er janvier 2006 au 31 octobre 2013 ; 15 000 ¿ de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; 2 557, 68 ¿ à titre d'indemnité de préavis et 255, 77 ¿ de congés payés afférents ; 2 500 ¿ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire, elle demande que, si par impossible, les demandes de rappel de salaires au titre de la nullité du licenciement n'étaient pas accueillies, il lui soit allouée la somme de 120 000 ¿ de dommages-intérêts pour licenciement abusif.
Elle indique que sa situation professionnelle a commencé à se dégrader à compter d'un arrêt de travail qui lui avait été prescrit en août 2002, date à laquelle elle a demandé à son employeur de tenir les promesses faites à l'embauche, notamment en ce qui concerne la revalorisation de son salaire ainsi que le paiement ou la récupération des heures supplémentaires.
A compter de cette époque, toutes les tâches de confiance qui lui étaient précédemment confiées lui furent progressivement retirées : responsabilité de la caisse, dépôts à la banque, préparation de l'échéancier, etc... La situation continuant à se détériorer, la salariée finira par faire intervenir la médecine du travail, laquelle attirera à plusieurs reprises l'attention de l'employeur sur la situation. En effet, plusieurs salariées de l'entreprise invoquaient une dégradation importante de leurs conditions de travail caractérisée par des critiques, des propos déplacés et vexants, l'intervention inopinée de l'employeur devant les clients, des mises à l'écart, le retrait de certaines tâches, des ordres contradictoires, des actes de violence. Mme X... sera placée en arrêt de travail pour dépression et le restera jusqu'à son licenciement. Elle fait valoir ainsi établir des faits objectifs répétés justifiant l'existence d'un harcèlement, les certificats médicaux attestant de l'existence d'un lien entre la dégradation de son état de santé et ses conditions de travail. Son licenciement étant nul, elle est en droit de percevoir le paiement de ses salaires depuis la date de la rupture de son contrat jusqu'à la date " du jugement ", outre les indemnités de rupture.

L'employeur conclut quant à lui, dans ses conclusions parvenues au greffe le 24 octobre 2013, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, à la confirmation du jugement en ses dispositions relatives au licenciement et au débouté de la salariée de toutes ses demandes ainsi qu'à sa condamnation au paiement de la somme de 6000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Mme Z... soutient n'avoir jamais adopté à l'encontre de ses salariées un comportement constitutif de harcèlement moral. Elle affirme que Mme X... ne verse aux débats aucun élément permettant d'étayer sa demande et n'établit pas des faits précis et concordants laissant présumer l'existence d'un harcèlement. Les attestations qu'elle produit sont dépourvues de force probante et démenties par les éléments produits par l'employeur. Les professionnels de santé consultés ne font que relater les propos de la salariée. Les demandes de celle-ci, qui a ouvert un commerce d'habillement concurrent peu après son licenciement, sont infondées et injustifiées.

MOTIFS DE LA DECISION

-Sur la nullité du licenciement :
Par application des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; le harcèlement moral est constitué dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel.
Au soutien de ses prétentions, la salariée se prévaut des documents suivant :
un courrier en date du 2 août 2004 du Dr J..., médecin du travail, adressé à Mme Z..., selon lequel : " Suite à la visite médicale que votre personnel a passée fin juin, je réitère l'obligation qu'à l'employeur de protéger la santé physique et morale de ses salariés (art. 173 loi de modernisation sociale du 17 juin 2002 que je vous ai adressé dans un document des liaisons sociales par courrier du 11 juillet 2003). L'ambiance de travail semble difficile et fait craindre un retentissement sur la santé des salariées. Il est de mon devoir de vous alerter sur ce type de situation ayant constaté de nombreux arrêts maladie (...) " (le reste de la lettre concerne la situation spécifique d'une autre salariée) ; un courrier du Dr J..., médecin du travail, adressé à Mme Z... le 11 mai 2005 et ainsi libellé : " J'ai reçu à leur demande, deux de vos salariées, Madame X... Chantal et Madame E... Danielle. Elles sont venues me fait part de leur détresse face aux difficultés rencontrées dans leur travail et de l'impossibilité de continuer dans de telles conditions sans aggraver leur état de santé. Elles me disent subir des reproches en permanence, n'avoir aucune considération, s'être fait traiter de « gogolle » et reprocher d'être trop longue lors d'une très belle vente qui suppose plusieurs articles et un peu d'attention pour ma cliente. L'une d'elle aurait ranger les mêmes tiroirs de maillots de bain 7 fois en 15 jours, l'autre se serait vue défaire l'étalage qu'elle venait d'installer au mieux avec son expérience pendant plus de 2 heures... Vous ayant déjà alertée à deux reprises sur ce type de situation et informée par courrier du 11 juillet 2003 et 2 août 2004 des obligations de l'employeur de « protéger la santé physique et morale des salariés » (art. 173 loi de modernisation sociale du 17 juin 2002), je conseille à vos employées de saisir la commission de médiation des violences en entreprise. Restant à votre disposition si vous souhaitez un entretien (...) » un document émanant de la cellule d'écoute et de médiation pour les souffrances au travail en date du 15 décembre 2005 indiquant que suite à la saisine par Mme X... de la cellule le 12 mai 2005 " Une rencontre avec l'employeur Mme Z...et une médiation ont eu lieu qui n'ont pas permis de trouver des solutions au conflit. L'employeur n'a donné aucune suite aux différents courriers proposant des médiations avec les autres salariés ayant saisi la cellule " ; la fiche en date du 1er décembre 2005, précitée, par laquelle un autre médecin du travail, le Dr N..., a déclaré la salariée inapte à son poste dans son entreprise actuelle " en raison de l'ambiance délétère qui y règne " ; un protocole d'examen spécial établi par le médecin traitant de la salariée, le Dr O..., le 5 décembre 2005, lequel fait état d'une " tension au travail + + + ", de pression professionnelle et d'arrêt maladie ainsi qu'un certificat du 10 janvier 2006 relatant un examen du 11 juillet 2002 au terme duquel ce praticien aurait constaté chez sa patiente une " détresse morale en relation avec son travail. Relations tendues avec la hiérarchie et constate depuis cette date l'absence d'amélioration du climat professionnel " ; un document établi par un kinésithérapeute le 13 janvier 2006 faisant état de ce que la patiente présentait " des signes de détresse psychologique, apparemment lié au climat professionnel " ; des courriers adressés par ses soins à son employeur, dont un courrier du 25 mars 2005 faisant état d'agressivité et d'humiliations et un autre courrier du 6 juin 2005 co-signé avec une collègue, Mme Danielle E..., évoquant des faits qualifiés de harcèlement moral ; une attestation de Mme E... du 2 avril 2005 mentionnant notamment : " J'atteste sur l'honneur les déclarations faites par Chantal X... ma collègue depuis trois ans. Les agissements de Melle Catherine Z... à la volonté de nuire à la santé physique et morale, de ma collègue et moi-même (...) Les relations qu'elle a avec ses employées sont tout à fait stupéfiantes :- elle divise pour mieux régner-elle manipule et utilise son personnel outrepassant ses droits-notre travail est systématiquement mal fait (...) " une attestation de Mme E... établie le 28 novembre 2005 et ainsi libellée : "- Elle lui a retiré le travail qu'elle s'acquittait habituellement (caisse + dépôt d'argent à la banque.- Melle Z... mettait du fouillis dans les dossiers administratifs.- les derniers mois (avant son arrêt) Chantal ne faisait plus que le ménage.- humiliations devant les clients.- les heures supplémentaires (ne lui ont jamais été payées)- les vitrines étaient refaites après Chantal-un jour, Martine et moi nous discutions avec Melle Z..., je l'ai inviter à se joindre à nous Melle Z... a dit " on s'occupe de son cas " elle n'a jamais voulu d'entretien avec Chantal alors qu'elle en a fait la demande plusieurs fois. " ; deux attestations de Mme Martine D... en date des 5 avril 2005 et 13 octobre 2005 déclarant véridiques les déclarations de ses collègues et ajoutant qu'elle avait souvent entendu Mme Z... tenir des propos humiliants à Mme X... (" vous êtes idiote... vous êtes une incapable une apprentie ferait mieux... vous êtes folle "), qu'elle la mettait quelquefois à l'écart en ne lui adressant plus la parole directement, qu'elle lui faisait faire et refaire des tâches ; l'attestation de Mme P..., qui a été employée au sein de l'entreprise notamment de septembre 1994 à février 2007 et donc en même temps que Mme X..., certifiant que les griefs de celle-ci sont véridiques et indiquant avoir été elle-même victime de chantages et d'humiliations ; l'attestation d'une stagiaire ayant travaillé quelques semaines en décembre 2002 au sein de l'entreprise, laquelle fait état d'humiliations permanentes de Mme X... " devant les clients et sinon dans la réserve " ; l'attestation de Melle Q..., ayant travaillé dans le même commerce de juin 2001 à avril 2002 et faisant état de remarques désagréables de Mme Z... devant les clients ; l'attestation d'une cliente faisant état d'une " atmosphère désagréable et même électrique " lors de deux passages au magasin.

Les autres pièces produites ne concernent pas directement la situation de Mme X....
Sur le retrait des tâches de responsabilité et l'attribution de tâches de moindre niveau, les allégations de la salariée sont contredites par : les télécopies adressées par l'employeur le 28 février 2003 et le 11 février 2005, par lesquelles celui-ci informait la société de sécurité chargée de la surveillance du magasin de son absence pour une quinzaine de jours et lui demandait de joindre Mme X... en cas de problème ; les feuilles de caisse postérieures à 2003 où apparaît l'écriture de Mme X..., et notamment le 8 juin 2005, avant-veille de son arrêt de travail pour maladie ; les feuilles de dépôts d'espèces en banques où apparaît l'écriture de Mme X... dans le courant de l'année 2004 ; les pièces établissant que l'employeur était client d'une entreprise de nettoyage durant la période considérée (le contrat de travail conclu entre les parties prévoyant toutefois que la salariée " devra (...) participer à l'entretien du magasin ").

Les listes de tâches à effectuer produites (dont on ne sait d'ailleurs si elles étaient demandées à Mme X...) ne contiennent pas de mention de tâches dégradantes ni de termes humiliants ou même seulement déplaisants.
Sur la mauvaise ambiance qui aurait régné au magasin, l'attestation d'une cliente et d'anciennes salariées produites par Mme X..., dont certaines émanent de salariées engagées dans des procédures prud'homales à l'encontre de leur employeur et dont d'autres sont fort peu circonstanciées, sont contredites par de très nombreuses autres attestations produites par l'employeur. En effet, selon ces attestations, émanant de clientes régulières et de représentants de commerce, l'ambiance était plaisante au sein de la boutique, les témoins indiquant n'avoir jamais entendu de propos humiliants ou déplacés de Mme Z... envers l'une de ses vendeuses et que celles-ci participaient au choix des produits lors des présentations de nouvelles collections.
Le Dr J... rapporte les propos des salariées, tandis que le médecin traitant de Mme X... et son kinésithérapeute se fondent sur les seuls dires de leur patiente. Le Dr N..., qui a déclaré la salariée inapte à son poste, ne précise pas avoir lui-même constaté " l'ambiance délétère qui (...) règne " dans le magasin, n'étant ni allégué ni justifié qu'il se soit déplacé dans l'entreprise, et n'incrimine pas le comportement de l'employeur.
Aucun acte de violence dont aurait été victime la salariée n'est, ne serait-ce que décrit.
Dans ces conditions, la matérialité de faits précis et concordants susceptibles de constituer un harcèlement n'est pas établie. Les éléments produits, pris dans leur ensemble, ne permettent pas de présumer l'existence d'un harcèlement moral.
Le jugement sera confirmé.
- Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement :
Si la salariée demande, à titre subsidiaire, des dommages-intérêts pour licenciement abusif, elle n'articule, au soutien de cette demande, aucun moyen distinct de celui invoqué à l'appui de la demande de nullité du licenciement. Elle ne critique pas le jugement en ce qu'il a décidé que son licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse, à savoir son inaptitude régulièrement constatée et l'impossibilité, justifiée, de son reclassement.
Le jugement sera également confirmé de ce chef.
- Sur la demande de paiement d'un rappel d'indemnité de licenciement :
La cour n'étant saisie d'aucune demande ni d'aucun moyen de ce chef, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande.
- Sur la demande de paiement de rappel de salaires au titre du complément différentiel :
Aucune demande n'est présentée de ce chef devant la cour d'appel de renvoi. Il sera rappelé, pour mémoire, que l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, qui a débouté la salariée de cette demande, est devenu définitif de ce chef, compte tenu de l'étendue de la cassation intervenue.
- Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Par application des dispositions de l'article 639 du code de procédure civile, la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond, y compris ceux afférents à la décision cassée.
Les effets de la cassation partielle prononcée s'étendent nécessairement aux condamnations prononcées par la décision cassée au titre des dépens et de l'article 700 du même code.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, et dans les limites de la cassation intervenue,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme Chantal X... de ses demandes en paiement de rappel d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents et de dommages-intérêts pour rupture abusive ainsi qu'en ce qu'il a débouté Mme Catherine Z... de sa demande en paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles ;
Constate que les dispositions de l'arrêt du 14 janvier 2010 par lesquelles la cour d'appel de Rennes a débouté la salariée de sa demande en paiement d'un rappel de salaires au titre du complément différentiel sont devenues définitives ;
Réformant pour le surplus et ajoutant au jugement déféré,
Déboute Mme Chantal X... de sa demande de prononcé de la nullité de son licenciement ;
Déboute Mme Chantal X... de ses demandes en paiement de rappel de salaires au titre de la nullité du licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et licenciement abusif et d'indemnité pour les frais irrépétibles de première instance ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Condamne Mme Chantal X... aux dépens de première instance et d'appel, y compris ceux afférents à l'arrêt cassé.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/01048
Date de la décision : 07/01/2014
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2014-01-07;12.01048 ?
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