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24/12/2013 | FRANCE | N°11/01584

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 24 décembre 2013, 11/01584


COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N
CLM/ SLG

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 01584.

Al
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 26 Mai 2011, enregistrée sous le no 10/ 00486

ARRÊT DU 24 Décembre 2013

APPELANTE :

SA SCERIA
ZA de la Fouquerie
72300 SABLE S/ SARTHE

représentée par Maître Sarah TORDJMAN, avocat au barreau d'ANGERS (ACR)

INTIME :

Monsieur Alain X...
...
72700 SPAY

comp

arant, assisté de Maître Isabelle ANDRIVON, avocat au barreau du MANS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article ...

COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N
CLM/ SLG

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 01584.

Al
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 26 Mai 2011, enregistrée sous le no 10/ 00486

ARRÊT DU 24 Décembre 2013

APPELANTE :

SA SCERIA
ZA de la Fouquerie
72300 SABLE S/ SARTHE

représentée par Maître Sarah TORDJMAN, avocat au barreau d'ANGERS (ACR)

INTIME :

Monsieur Alain X...
...
72700 SPAY

comparant, assisté de Maître Isabelle ANDRIVON, avocat au barreau du MANS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Juin 2013 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, président
Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller
Madame Anne DUFAU, conseiller

Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier

ARRÊT :
prononcé le 24 Décembre 2013, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCEDURE

M. Alain X...a été engagé selon contrat à durée indéterminée à compter du 11 juin 2007 en qualité de technico-commercial par la société SCERIA, laquelle a pour activité la conception et la fabrication d'équipements pour l'industrie alimentaire.

Par courrier du 6 mai 2010, son employeur lui a reproché son manque d'efforts pour développer les ventes et lui a demandé " de réagir immédiatement afin que les résultats s'améliorent sans délai ".

Après avoir été convoqué à un entretien préalable qui s'est tenu le 28 juin 2010, le salarié a été licencié par lettre datée du 6 juillet 2010 ainsi libellée :
« (...) J'ai le regret, par les présentes, de vous notifier votre licenciement pour faute grave.
Les motifs qui m'amènent à prendre cette décision sont les suivants :
D'une part, il vous est reproché une insuffisance professionnelle caractérisée par des ventes mensuelles dont le montant ne permet, le plus souvent même pas de recouvrir le salaire qui vous est versé, les charges qui y sont afférentes et le montant des frais professionnels qui vous sont remboursés.
J'avais attiré particulièrement votre attention sur ce problème dans un courrier du 6 mai, dont vous n'avez pas tenu compte des termes.
D'autre part, un certain nombre de clients n'ont, de toute évidence, pas été prospectés depuis plusieurs mois, alors qu'il s'agit de clients à forts potentiels.
À titre d'exemple, il s'agit des sociétés (...)
Cette liste n'est, d'ailleurs, pas exhaustive.
Enfin, et depuis l'entretien que nous avons eu ensemble le 28 juin, et alors même que ma décision de sanctionner ou non n'était pas prise, vous avez choisi d'adopter un comportement parfaitement inacceptable, en jetant sur mon bureau le téléphone portable qui vous avait été confié et les clés de votre véhicule, et en quittant l'entreprise pour ne plus y réapparaître.
Voilà désormais plus d'une semaine que nous sommes sans nouvelles de vous ; ce qui traduit encore un peu plus le parfait désintérêt que vous portez à l'égard de votre emploi et de votre employeur.
Il en est de même à l'égard de vos clients.
L'ensemble de ces faits m'amène donc à vous notifier votre licenciement pour faute grave. »

M. X...a saisi la juridiction prud'homale le 30 août 2010 de diverses demandes liées à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Par jugement du 26 mai 2011, le conseil de prud'homme du Mans, statuant en premier ressort, a jugé la procédure de licenciement irrégulière et le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il a en conséquence condamné la société à verser au salarié les sommes suivantes :
* 736, 80 ¿ à titre de rappel de salaires pour la période du 29 juin 2010 au 7 juillet 2010, outre 73, 68 ¿ au titre des congés payés afférents,
* 500 ¿ à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,
* 5 170, 50 ¿ à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 517, 05 ¿ au titre des congés payés afférents,
* 1 551, 15 ¿ à titre d'indemnité de licenciement,
* 19 511, 50 ¿ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 350 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le conseil a également ordonné à la société de remettre au salarié, sous astreinte dont il s'est réservé la liquidation, une attestation ASSEDIC conforme et condamné la société aux dépens. Il a enfin rappelé que les sommes accordées porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, soit le 1er septembre 2010, pour les créances salariales et à compter du prononcé du jugement pour les créances indemnitaires.

Pour statuer comme il l'a fait sur le licenciement, le conseil a considéré que la société " n'apportait pas les preuves permettant de caractériser l'insuffisance professionnelle " du salarié.

La société a régulièrement interjeté appel.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La société conclut à l'infirmation du jugement et demande à la cour de juger que le licenciement du salarié repose sur une faute grave et à tout le moins sur une cause réelle et sérieuse, de le débouter de ses demandes, de n'indemniser le préjudice de principe résultant de l'irrégularité de procédure constatée qu'à hauteur d'un euro symbolique et de condamner l'intéressé au paiement de la somme de 2 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, elle indique que la lettre de licenciement peut invoquer des motifs différents de rupture inhérents à la personne du salarié dès lors qu'ils procèdent de faits distincts. En l'espèce, la lettre de licenciement invoque deux séries de griefs, soit l'insuffisance professionnelle, non fautive, d'une part, une insubordination caractérisée et une absence non justifiée au travail après l'entretien préalable, soit une faute grave, d'autre part.
Or, l'insuffisance professionnelle est parfaitement établie par l'analyse des compte-rendus d'activité du salarié, dont il résulte que le travail de prospection du salarié n'était ni préparé ni efficace ; ainsi, son licenciement repose à tout le moins sur une cause réelle et sérieuse.
M. X...ayant pris l'initiative lors de l'entretien préalable de rendre les clés du camion et le téléphone de l'entreprise, a fait preuve d'insubordination puis, en se plaçant en absence injustifiée, a abandonné son poste. Ces faits sont constitutifs d'une faute grave.

Le salarié ayant seul pris l'initiative de ne plus venir travailler alors que la convocation à entretien préalable ne comportait aucune mise à pied conservatoire, il ne saurait lui être alloué un rappel de salaires.

Si la lettre de convocation à entretien préalable ne mentionne pas les adresses des services de l'inspection du travail et de la mairie du domicile du salarié, ces omissions n'ont causé aucun préjudice au salarié puisque celui-ci s'est fait assister d'un conseiller.

Le salarié conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de la société au paiement de la somme de 2 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que l'insuffisance de résultats ne peut en soi constituer une cause de licenciement. En l'espèce, aucun objectif ou quota ne lui avait été fixé par son contrat de travail ou un avenant, et son employeur a manqué à son obligation d'assurer son adaptation à son poste et de l'accompagner dans une recherche de rentabilité.
La lettre de licenciement lui reproche, au titre du grief d'insuffisance professionnelle, de ne pas avoir prospecté depuis plusieurs mois des clients à fort potentiel. Or, les faits reprochés sont prescrits puisque l'employeur en avait connaissance depuis plus de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement, c'est à dire au fur et à mesure de l'envoi des rapports d'activité. Ils ne sont en outre pas établis, la société n'ayant jamais fourni les éléments relatifs à son chiffre d'affaires ni d'élément de comparaison.
Par ailleurs, lors de l'entretien préalable, l'employeur a exigé la remise des documents, téléphone et véhicule de fonction, et a indiqué à son salarié qu'il ne voulait plus le voir, l'empêchant ainsi de continuer à exercer son activité professionnelle. Aucune faute grave n'est donc caractérisée.

Pour les raisons précédemment indiquées, le rappel de salaire est justifié.

L'indemnité allouée par le conseil de prud'hommes au titre de l'irrégularité de la procédure, inférieure à un mois de salaire conformément aux dispositions de l'article L. 1235-2 du code du travail, est d'un montant raisonnable et doit être confirmée.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS DE LA DECISION

-Sur le bien-fondé de la cause de licenciement :

Si l'employeur, à condition de respecter les règles de procédure applicables à chaque cause de licenciement, peut invoquer dans la lettre de licenciement des motifs différents de rupture inhérents à la personne du salarié, dès lors qu'ils procèdent de faits distincts, il résulte des termes de la lettre de licenciement que l'employeur a considéré comme fautifs l'ensemble des griefs qu'il énonçait, soit, d'une part, l'insuffisance professionnelle caractérisée par le montant des ventes mensuelles du salarié, d'autre part, le défaut de prospection de certains clients, enfin, le comportement du salarié lors de l'entretien préalable et ses absences injustifiées postérieures. Le licenciement a donc un caractère exclusivement disciplinaire.

Or, l'insuffisance professionnelle n'est fautive qu'en cas d'abstention volontaire ou de mauvaise volonté délibérée du salarié.

En l'espèce, l'employeur n'allègue, ni dans ses conclusions, ni lors des débats, que l'insuffisance professionnelle (soit à la fois l'insuffisance de résultats et l'insuffisance de prospection) est fautive.

Par ailleurs, il n'est aucunement établi que le salarié ait brutalement et de sa propre initiative remis son téléphone portable et les clés de son véhicule de fonction lors de l'entretien préalable, l'employeur se contentant d'allégations sur ce point, alors même que le conseiller du salarié atteste de ce que ce dernier a remis son téléphone après l'inventaire du " camion magasin ", un tel inventaire supposant un minimum de concertation, et a gardé son calme durant l'entretien.
Ayant été privé des moyens de travailler du fait de l'employeur à compter de l'entretien préalable, les absences postérieures du salarié ne sauraient être retenues comme fautives.

Dans ces conditions, le licenciement apparaît dépourvu de cause réelle et sérieuse et le jugement doit être confirmé.

- Sur le rappel de salaires :

Pour les raisons qui viennent d'être exposées, l'employeur ne pouvait priver le salarié de son salaire jusqu'à son licenciement alors même qu'il est à l'origine de l'absence d'exécution de la prestation de travail.

Le jugement doit également être confirmé de ce chef.

- Sur l'indemnité pour irrégularité de procédure :

Le préjudice a été justement évalué par les premiers juges.

- Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Les indemnités de rupture et les dommages-intérêts alloués, dont les montants ne sont pas critiqués, ont été exactement calculées et appréciés par les premiers juges.

Par contre, aucune circonstance ne permet de considérer qu'une mesure d'astreinte est nécessaire pour garantir la délivrance de l'attestation Assedic ; la demande d'astreinte sera donc rejetée et le jugement infirmé de ce seul chef.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré, sauf en ce qu'il a prononcé une astreinte ;

Réformant de ce seul chef et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte ;

Condamne la société Sceria au paiement de la somme de 1 500 ¿ au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne la société Sceria aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sylvie LE GALLCatherine LECAPLAIN-MOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/01584
Date de la décision : 24/12/2013
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2013-12-24;11.01584 ?
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