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17/12/2013 | FRANCE | N°12/00367

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 17 décembre 2013, 12/00367


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N ACM/ FB

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 00367.
Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'ANGERS, décision attaquée en date du 22 Novembre 2011, enregistrée sous le no 11/ 28
ARRÊT DU 17 Décembre 2013
APPELANT :
Monsieur Omar X... ... 49280 ST CHRISTOPHE DU BOIS (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/ 222099 du 16/ 03/ 2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)

représenté par la SCP ORHAN NICOLAS ET DELORI FLO

RENT, avocats au barreau d'ANGERS
INTIMEES :
Etablissement DELESTRE INDUSTRIE ZI de la Berger...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N ACM/ FB

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 00367.
Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'ANGERS, décision attaquée en date du 22 Novembre 2011, enregistrée sous le no 11/ 28
ARRÊT DU 17 Décembre 2013
APPELANT :
Monsieur Omar X... ... 49280 ST CHRISTOPHE DU BOIS (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/ 222099 du 16/ 03/ 2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)

représenté par la SCP ORHAN NICOLAS ET DELORI FLORENT, avocats au barreau d'ANGERS
INTIMEES :
Etablissement DELESTRE INDUSTRIE ZI de la Bergerie 49280 LA SEGUINIERE

représenté par la SCP ACR (Maître Sarah TORDJMAN), avocats au barreau d'ANGERS en présence de Monsieur DE LA GIRAUDIERE, président

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MAINE et LOIRE venant aux droits de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE CHOLET 32 rue Louis Gain 49038 ANGERS CEDEX

représentée par Monsieur Nicolas Y..., muni d'un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Octobre 2013 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, président chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, président Madame Anne-Catherine MONGE, conseiller Madame Paul CHAUMONT, conseiller

Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier
ARRÊT : prononcé le 17 Décembre 2013, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
******* FAITS ET PROCEDURE :

M. Omar X... était, depuis le 3 juin 2002, employé par la société Delestre industrie (la société Delestre) en qualité de chauffagiste quand, le 5 octobre 2005, alors que, monté sur un échafaudage mobile, situé à 6, 40 mètres du sol, il était en train d'installer des " radiants " sur les poutres d'une salle de sports pour une commune du Pas-de-Calais, il fut victime d'un accident du travail lors du déplacement de l'échafaudage entre deux poutres, une roue bloquée ayant déséquilibré toute l'installation et provoqué son basculement vers le sol entraînant la chute du salarié.
Grièvement blessé au bassin, au bras et au coude gauches, M. X..., déclaré par le médecin du travail inapte à un poste de chantier ou d'atelier a finalement, après avoir décliné une offre de travail à domicile incompatible avec la configuration de son logement, été licencié le 29 décembre 2008 pour inaptitude définitive au poste de monteur câbleur avec impossibilité de reclassement.
Son accident ayant été pris en charge au titre de la législation professionnelle, M. X... a vu son état déclaré consolidé par le médecin de la sécurité sociale le 15 juin 2008 et, le 30 juin 2008, la Caisse primaire d'assurance maladie (la CPAM) de Cholet lui a notifié une décision d'attribution d'une rente annuelle de 13 418 euros, compte tenu d'un taux d'incapacité permanente fixé à 76 %.
L'enquête pénale diligentée du chef de blessures involontaires a été classée sans suite le 3 novembre 2009 par le parquet du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-mer, faute d'infraction suffisamment caractérisée.
Après échec de la tentative de conciliation constaté par procès-verbal de carence du 9 octobre 2009, M. X..., par lettre du 26 octobre 2009, a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale pour voir reconnaître la faute inexcusable de la société Delestre.
Par jugement du 22 novembre 2011, le tribunal a débouté M. X... de l'ensemble de ses demandes, déclaré inopposable à la société Delestre la décision de la CPAM du Maine et Loire (la caisse) venant aux droits de la CPAM de Cholet de prendre en charge l'accident au titre de la législation professionnelle, débouté la société Delestre de sa demande au titre des frais irrépétibles et condamné M. X... aux dépens.
Selon déclaration enregistrée le 17 février 2012, M. X... a interjeté appel de cette décision.
Les parties ont été convoquées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à l'audience du 21 mai 2013, au cours de laquelle l'affaire a été renvoyée contradictoirement au 15 octobre 2013.
A cette dernière audience, l'affaire a été retenue.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Aux termes de ses écritures déposées au greffe le 21 mai 2013, soutenues oralement à l'audience, auxquelles il conviendra de se référer et qui peuvent se résumer ainsi qu'il suit, M. X... demande à la cour de le recevoir en son appel, de l'en dire fondé, d'infirmer le jugement déféré, de dire que l'accident dont il a été victime résulte de la faute inexcusable de son employeur, la société Delestre, de fixer au maximum légal la majoration de la rente accident du travail qui lui sera allouée, avant dire droit sur la réparation de son préjudice personnel tel que défini à l'article L. 452-3 du code de sécurité sociale, d'ordonner une expertise médicale, de lui accorder une provision de 10 000 euros à valoir sur son indemnisation et de condamner la société Delestre au paiement de deux indemnités de 3 000 euros chacune en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, outre les entiers dépens.
Il expose que le jour des faits il était sous l'autorité de M. Arnaud Z..., chef de chantier qui a procédé au déplacement de l'échafaudage alors qu'il se trouvait sur la plate-forme la plus haute. Il rappelle que, selon la jurisprudence, l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité de résultat à l'égard de son salarié et que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris toutes les mesures nécessaires pour l'en préserver, peu important que d'autres fautes aient pu concourir au dommage.
Il soutient qu'en l'espèce, la société Delestre a manqué à son obligation renforcée d'information et de formation en matière de sécurité telle que prévue à l'article L. 4142-2 du code du travail, distincte de celle du droit commun, aucun programme de formation renforcée à la sécurité n'ayant été mis en place lorsqu'il fut embauché sous contrat à durée déterminée. Il dénie toute valeur probante aux attestations produites par la société Delestre et insiste sur le fait que ne lui a pas été dispensée une formation au sujet des comportements et des gestes à adopter en matière de sécurité lors de l'utilisation d'un échafaudage. Il fait valoir que l'inspection du travail a d'ailleurs stigmatisé l'attitude de l'employeur qui affirmait qu'une formation à la sécurité avait eu lieu sans rapporter la preuve de son contenu ni de sa date ou encore de l'identité du formateur. Il précise que selon l'article R. 4323-69 du code du travail, les échafaudages ne peuvent être montés, démontés ou sensiblement modifiés que sous la direction d'une personne compétente et conteste que M. Z..., absent lors de la démonstration faite le 28 février 2005 par le fabricant, ait eu cette compétence. Il ajoute qu'il n'a pas bénéficié d'une formation relative aux équipements de protection individuelle (casque, chaussures de sécurité, harnais, longe), qu'il ne disposait d'ailleurs ni de casque ni de harnais, que le déplacement d'un échafaudage roulant alors qu'un travailleur se trouve dessus est interdit par l'article R. 4323-73 du code du travail et que l'échafaudage n'était pas doté, comme il l'aurait dû, de stabilisateurs, ce qu'a méconnu M. Z... qui, de surcroît, a oublié d'enlever le frein avant de manoeuvrer l'échafaudage. Il explique qu'un système avec nacelle aurait été plus adapté et plus sûr et que s'il ne pouvait en l'occurrence être mis en place, l'employeur aurait dû redoubler de vigilance. Enfin il nie avoir personnellement commis une faute inexcusable de nature à décharger l'employeur de toute responsabilité.
Dans des écritures déposées le 10 octobre 2013 et développées oralement, la société Delestre demande à la cour de confirmer en tous points le jugement du tribunal, de lui déclarer inopposable la décision de la caisse de sécurité sociale de prendre en charge l'accident de M. X... au titre de la législation professionnelle, de débouter ce dernier de sa demande de reconnaissance d'une faute inexcusable et de le condamner aux dépens en y ajoutant le paiement d'une indemnité de procédure.
Elle explique que M. X... a lui-même demandé à son collègue de déplacer l'échafaudage sans en descendre pour gagner du temps, au mépris des consignes de sécurité qu'il connaissait ainsi qu'il l'a spontanément et clairement reconnu devant les services de gendarmerie chargés de l'enquête pénale. Elle précise qu'à l'issue d'une demi-journée de formation organisée le 28 février 2005, des consignes écrites avaient, en effet, été remises aux salariés parmi lesquelles celles mentionnant : " les échafaudages doivent toujours être utilisés avec leurs quatre stabilisateurs, freins de roulette actionnés " et " il est formellement interdit de déplacer un échafaudage sur lequel se situe encore quelqu'un ". Elle analyse l'attitude de M. X..., qui comme tout salarié n'est pas dispensé de veiller à sa propre sécurité, en une faute inexcusable au sens de la jurisprudence, soit une " faute volontaire, d'une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable, son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience, lorsqu'elle est la cause de l'accident ". Elle affirme avoir rempli toutes ses obligations en matière de sécurité et notamment en matière d'information et de formation, se prévaut des attestations d'autres salariés qui le confirment, observe que M. X... ne précise pas ce qu'elle aurait dû faire de plus, rappelle qu'à l'époque des faits il était employé en contrat à durée indéterminée depuis plus de 3 ans et n'était donc ni un salarié en contrat à durée déterminée, ni un intérimaire ce qui exclut l'obligation renforcée qu'il invoque, relève que l'inspection du travail qui a établi un rapport sur lequel M. X... s'appuie aujourd'hui ne lui reproche rien quant aux équipements individuels de sécurité sans lien avec l'accident et souligne que le port d'un harnais, lorsqu'on se trouve sur un échafaudage, est aussi inutile que dangereux.
S'agissant de l'inopposabilité de la décision de prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle, elle maintient que la caisse n'a pas suivi une procédure contradictoire pour ne lui avoir pas transmis les éléments de l'instruction qu'elle avait recueillis avant de prendre sa décision et de ne l'avoir informée ni de la possibilité pour elle de consulter le dossier, de la fin de la procédure d'instruction, ni de la faculté qu'elle avait d'émettre des observations. Elle estime que l'arrêt de la Cour de cassation dont se réclame la caisse en cause d'appel n'est pas transposable en l'espèce, la déclaration d'accident du travail adressée le 6 octobre 2005 comportant la mention " non respect des consignes de sécurité " qui s'analysait, selon elle, en une réserve.
Dans des écritures déposées le 15 octobre 2013 et défendues oralement, la CPAM de Maine et Loire, s'en remettant à prudence de justice en ce qui concerne les demandes de son assuré, forme un appel incident et demande à la
cour d'infirmer le jugement du tribunal en ce qu'il a déclaré inopposable à l'employeur sa décision de prendre en charge l'accident de M. X... au titre de la législation professionnelle. Elle sollicite en outre, dans l'hypothèse où la cour reconnaîtrait la faute inexcusable, de condamner l'employeur sur le fondement des articles L. 452-1 et suivants du code de la sécurité sociale à lui reverser les sommes qu'elle serait amenée à verser à la victime avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir et de lui communiquer les coordonnées de sa compagnie d'assurance.
Elle fait valoir que la Cour de cassation a modifié récemment sa position, dans un arrêt du 30 mai 2013, et considère désormais qu'un employeur n'est pas fondé à invoquer un manquement de la caisse à son obligation d'information lorsque celle-ci a recours à des délais complémentaires uniquement dans le but de récupérer le certificat médical initial, ce qui, selon elle, est le cas en l'espèce. Elle ajoute que la déclaration d'accident du travail que lui a adressée la société Delestre ne comportait aucune réserve sur le caractère professionnel de cet accident de sorte qu'aucune instruction contradictoire n'était nécessaire.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur l'existence d'une faute inexcusable imputable à l'employeur
Attendu qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié victime de l'accident du travail et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;
Que l'article L. 4121-1 du code du travail met à la charge de l'employeur une obligation générale de " prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique des travailleurs " telles que des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation, la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés et de veiller " à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes " ;
Attendu qu'en l'espèce, M. X..., entendu par les services de la gendarmerie au cours de l'enquête préliminaire sur les circonstances de l'accident (procès-verbal du 26 juillet 2006) a fait les déclarations suivantes : " Je me trouvais sur un échafaudage de 6 mètres 50 environ de hauteur pour effectuer une installation de chauffage. Alors que je me trouvais en haut, le collègue poussait l'échafaudage et à un moment celui-ci a basculé et je suis tombé avec. Dans cet accident, j'ai été blessé au bassin et au coude et depuis je suis en arrêt de travail. Ce déplacement a été effectué à ma demande et en accord avec mon collègue, M. Michel A..., chef de chantier. La veille, nous avions procédé de la même façon, il n'y avait pas eu de problème. " ;
Qu'il ressort ainsi des propres explications fournies par la victime que la chute qu'il a faite trouve sa cause dans le déséquilibre de l'échafaudage où il se trouvait et qu'un collègue, avec son accord, avait entrepris de déplacer pour atteindre le point d'installation de chauffage suivant ;
Que ces déclarations sur les circonstances de l'accident ont, par ailleurs, été confirmées par M. Arnaud Z..., également entendu par les services de la gendarmerie (procès-verbal du 12 octobre 2005), qui déclarait qu'il était depuis un an et demi chef de chantier pour l'entreprise Delestre et avait en moyenne deux à cinq ouvriers sous ses ordres, son rôle étant de surveiller le bon déroulement du chantier, que le jour des faits, il était chargé, avec M. X..., d'installer des radiants sur les poutres d'une salle de sports, que pour ce faire tous deux montaient sur l'échafaudage, M. X... portant et installant les radiants et lui-même les fixant sur les poutres, qu'une fois l'opération faite, il descendait de l'échafaudage, M. X... restant sur celui-ci, et " comme l'échafaudage (était) sur roulettes, il le dépla (çait) jusqu'à la prochaine poutre ", qu'après la pose du deuxième radiant, il était descendu et avait tenté de déplacer l'échafaudage, qu'il avait vu la roue positionnée devant lui se soulever de trois à quatre centimètres, qu'il avait essayé de retenir l'échafaudage en train de tomber et avait crié " Omar, Omar " en direction de M. X..., demeuré sur le plateau au-dessus de lui, sans pouvoir éviter la chute de l'installation ;
Attendu que M. X... appuie sa demande sur le procès-verbal dressé le 25 avril 2007 par les contrôleurs du travail (pièce no 12 de M. X...) qui insiste, notamment, sur le défaut de formation à la sécurité et le défaut de formation au montage et démontage de l'échafaudage pour retenir de ces chefs deux infractions à l'encontre de l'employeur ;
Mais attendu que ces infractions n'ont pas été tenues pour suffisamment caractérisées par le Procureur de la République qui a classé sans suite le dossier ;
Qu'en effet, interrogé sur ces questions, M. X..., lors de l'audition susvisée, a répondu : " Il est exact que je connaissais les consignes de sécurité applicable aux échafaudages qui sont l'interdiction de le déplacer avec une personne ou un outil dessus et l'obligation de positionner les jambes de force. Nous avons fonctionné sans appliquer ces consignes pour gagner du temps sans penser au danger. Il est exact que nous avions eu une formation par les personnes ayant vendu cet échafaudage. Ce jour, nous avons fait un démontage et un remontage en leur présence et pris connaissance des consignes de sécurité. J'ai bien reçu diverses consignes de sécurité sur l'ensemble des outils à risques et les échafaudages de la société. J'ai bien consulté celles-ci, mais il y en a tellement que je n'ai pas pensé à les rendre. Je me rappelle que ce démontage et remontage s'est effectué sur un chantier de Maulevrier. Pour moi, l'accident est dû à l'imprudence de l'ensemble de l'équipe travaillant sur place. Je ne peux pas reprocher à mon patron de ne pas m'avoir informé des consignes de sécurité sur l'utilisation de cet échafaudage " ;
que M. Z... a également répondu, à la question qui lui était posée sur les consignes de sécurité concernant l'échafaudage : " Oui, j'ai reçu des consignes de sécurité concernant l'appareil et en plus d'autres consignes sur l'utilisations, que j'ai signées à l'entreprise " et à celle plus précise sur les consignes relatives au déplacement de l'échafaudage " Aucune personne dessus, s'assurer que personne ne se trouve autour, et surtout si rien ne gêne au sol, la présence des jambes de force d'une longueur variable selon la hauteur de l'échafaudage, au minimum trois mètres vingt " ;
Que réinterrogé le 3 septembre 2006, il déclarait " Une formation pour l'utilisation de l'échafaudage, lors d'un chantier sur Maulevrier, à la première utilisation de ce type d'appareil a été effectuée, mais je n'étais pas présent. Par contre, avant l'accident, j'ai signé des consignes sur l'utilisation concernant la sécurité générale dans l'entreprise. Concernant le déplacement de l'ensemble avec M. X... dessus, nous avions procédé de cette façon une ou deux fois avant, malgré les recommandations que nous avions reçues, soit aucun mouvement avec un personne ou un outil sur les plate-formes. Nous avons effectué cela pour éviter que les deux descendent. En tant que chef d'équipe, je devais m'opposer à ce déplacement. Cet accident est dû à un non-respect des consignes de ma part et de M. X..., malgré les consignes de sécurité données par notre patron " ;
Que M. Bruno B..., qui avait monté l'échafaudage litigieux sur le chantier le jour des faits, déclarait aux enquêteurs (procès-verbal du 6 octobre 2005, lendemain de l'accident) : " Sur place, nous n'avons aucun document concernant la sécurité, hormis la notice de montage pour l'échafaudage. Régulièrement, nous avons des rappels en entreprise pour tout ce qui concerne la sécurité, que ce soit sur la route ou sur les chantiers. Concernant l'assemblage de l'échafaudage, il manquait juste les stabilisateurs. En effet, nous les mettons la plupart du temps, mais comme nous travaillions sur un sol bien plat, personne n'a jugé utile de les mettre " ;
Qu'il précisait encore que monté à 6, 50 mètres du sol l'échafaudage était particulièrement stable et ne nécessitait pas, selon lui, de stabilisateurs, contrairement à ce qu'aurait exigé son montage à une hauteur de 14 mètres ;
Qu'il ajoutait que M. X... était habitué à travailler en hauteur ;
Attendu qu'entendu à son tour (procès-verbal du 16 juin 2006), M. C... (M. C...), président de la société Delestre, détaillait, pièces justificatives à l'appui, la politique de son entreprise en matière de sécurité, le groupe de travail formé en 2002, le document unique sur l'évaluation des risques pour la sécurité et la santé des salariés qui avait été élaboré par ce groupe (pièce no 17 de la société), le plan chronologique d'action de formations et de mesures mises en place au sein de l'entreprise entre novembre 2001 et mars 2006, parmi lesquelles figurait la formation, en une demi journée en février 2005, en présence de son fabricant et de 8 chauffagistes, à l'utilisation d'un échafaudage (pièce no 13 de la société), les contrôles inopinés sur les chantiers et les observations faites lorsque des manquements à la sécurité étaient constatés, la rédaction de consignes de sécurité internes écrites remises aux salariés ;
Que concernant ce dernier point, il remettait, en particulier, aux services enquêteurs l'exemplaire des consignes de sécurité internes à l'entreprise signé par M. Z... le 15 mars 2005 et qui mentionnaient, notamment, que les échafaudages devaient toujours être utilisés avec leurs 4 stabilisateurs, freins de roulettes actionnés, qu'il était formellement interdit de déplacer un échafaudage sur lequel se situait encore quelqu'un, qu'avant de déplacer un échafaudage, il fallait vérifier l'absence d'outillage sur la plate-forme, en précisant que M. Z..., suite à l'accident, avait subi une sanction de mise à pied de deux jours en raison des fautes par lui commises ;
Que M. C... remettait également aux gendarmes copie du courrier du médecin du travail, le Dr D..., en date du 8 janvier 2002, qui expliquait l'absence de documents spécifiques à l'activité de travail en hauteur de l'entreprise (pièce no 10 de la société) ;
Que sont encore versées aux débats par la société Delestre une attestation de M. E..., datée du 9 mai 2010 (pièce no1 de la société), qui explique qu'il a été " tuteur " de M. X... de juin à août 202 en matière de sécurité, soit à l'arrivée de ce dernier dans l'entreprise, une attestation de M. F..., le 11 mai 2010 (pièce no2 de la société), qui expose que M. Z... et lui ont suivi, en juillet 2004, une formation sur le montage, le démontage et l'utilisation d'un échafaudage dispensée par leur employeur et une attestation de M. Z..., datée du 21 mai 2010 (pièce no 3 de la société) qui confirme avoir suivi une formation réalisée par son directeur sur l'utilisation de l'échafaudage Tubesca Atlas en juillet 2004 ;

Qu'en dépit de l'absence de conformité aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile de la première, ces trois attestations apparaissent probantes, sans qu'il puisse leur être sérieusement reproché d'émaner de préposés de la société Delestre ;
Que la société Delestre apparaît ainsi avoir satisfait à son obligation générale de sécurité et avoir spécifiquement attiré l'attention de ses salariés, parmi lesquels M. X..., sur l'interdiction de déplacer un échafaudage lorsque quelqu'un s'y trouve encore, ce qui était une consigne de sécurité, de bon sens, aisée à comprendre et à retenir, peu important que n'ait pas été dispensée une formation par un formateur professionnel sur ce point, à supposer qu'une telle formation ait alors existé ;
Attendu que M. X... invoque vainement le défaut de respect par son employeur d'une obligation renforcée de formation prévue à l'article L. 4142-2 du code du travail, dès lors que cette obligation concerne les salariés temporaires, ce qu'il n'était pas, et les titulaires d'un contrat de travail à durée déterminée, ce qu'il n'était plus depuis le 2 septembre 2002, étant ici rappelé que l'accident est survenu le 5 octobre 2005 ;
Qu'il soutient également vainement un manquement de la société à ses obligations concernant les équipements individuels de sécurité, dès lors qu'il ne justifie ni du caractère obligatoire du port d'un de ces équipements sur un échafaudage ni de l'efficacité qu'aurait pu avoir l'un ou l'autre de ces équipements pour lui éviter la chute ou les traumatismes qu'il a subis au bassin et au bras, étant ici observé que les contrôleurs du travail n'ont sur ce point relevé aucune infraction particulière dans leur rapport ;
Que, par ailleurs, il ne conteste pas sérieusement dans ses écritures que l'utilisation d'une nacelle à laquelle les contrôleurs du travail font allusion, était, en l'occurrence, matériellement rendue impossible par la boue qui, à l'extérieur de la salle de sports à équiper, en interdisait l'accès ;
Qu'il se prévaut tout aussi vainement des dispositions de l'article R. 4323-69 du code du travail afférent aux échafaudages issu du décret no 2008-244 du 7 mars 2008, postérieur aux faits ;
Qu'il ne démontre pas que les dispositions de l'article R. 233-13-31 du même code, issu du décret no2004-924 du 1er septembre 2004, applicable en l'espèce et que l'article pré-cité a remplacé, n'ont pas été observées au cours de la demi-journée de formation par lui suivie le 28 février 2005 et n'allègue ni que l'échafaudage litigieux n'ait pas eu les garde-corps appropriés, prévus à l'ancien article R. 233-13-20 du code du travail pour éviter les chutes en cas de travaux en hauteur, ni que les salariés intéressés, et lui au premier chef, n'aient pas reçu tous les enseignements utiles sur le point, essentiel comme on l'a vu en l'espèce, que constituait le déplacement de l'échafaudage ;
Attendu, enfin, que si M. Z... avait la qualité de chef de chantier, il ne bénéficiait cependant d'aucune délégation de la part de son employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction permettant de retenir qu'il se substituait à celui-ci et que les fautes qu'il avait commises engageaient la société comme constituant la faute inexcusable visée à l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
Attendu qu'il ressort de ce qui précède que M. X..., employé dans l'entreprise depuis plus de trois ans en qualité d'ouvrier chauffagiste d'abord suivant un contrat de travail à durée déterminée de trois mois puis d'un contrat de travail à durée indéterminée, exécutait une tâche qui lui était habituelle ;
Qu'il n'est ni prouvé, ni d'ailleurs prétendu, que M. X... ou M. Z... se sont affranchis de consignes de sécurité sur ordre ou à l'incitation de leur employeur ;
Qu'il n'est, en particulier, pas allégué que le chantier devait être exécuté dans un délai si bref qu'il impliquait de trouver des solutions, même au prix de risques, pour obtenir des gains de temps ;
Que s'agissant de l'échafaudage litigieux, il n'est aucunement établi qu'il n'aurait pas été conforme à la réglementation ni en état de servir, ou qu'il fût, par lui-même, dangereux ;
Qu'il n'est, enfin, justifié d'aucun antécédent ayant pu attirer l'attention de l'employeur sur une situation ou sur une pratique dangereuse, ni plus généralement sur un facteur particulier de risque à traiter, et rien n'établit l'existence d'un précédent-notamment de chute-ayant pu constituer un élément particulier d'alerte ;
Qu'au contraire, en organisant de nouvelles formations sur deux jours, assurées par l'APAVE, suite à l'accident, la société Delestre montre qu'elle a su tirer les conséquences de la gravité de l'événement en renforçant sa politique de prévention ;
Attendu, en définitive, qu'il n'est pas établi qu'ait existé sur le chantier une situation de danger dont la société Delestre aurait eu, ou dû avoir, conscience, et qu'elle se serait abstenue de prévenir en prenant les mesures nécessaires pour en préserver M. X... ;
Que le jugement qui a dit que l'accident n'était pas dû à la faute inexcusable de l'employeur sera donc confirmé ;
Sur l'opposabilité de la décision de prise en charge de l'accident par la caisse au titre de la législation professionnelle
Attendu qu'il résulte de l'article R. 441-11, alinéa 1er du code de la sécurité sociale en sa rédaction, antérieure au décret no 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable en l'espèce, que la caisse, avant de se prononcer sur le caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie, doit informer l'employeur de la fin de la procédure d'instruction, des éléments susceptibles de lui faire grief, de la possibilité de consulter le dossier et de la date à laquelle elle prévoit de prendre sa décision ;
Attendu que le tribunal, suivant en cela les explications de la société Delestre sans réelle opposition de la caisse, a déclaré inopposable à la première la décision de prise en charge de l'accident de M. X... au titre de la législation professionnelle en relevant que la caisse n'avait pas notifié à la société Delestre la fin de l'instruction ni son droit de prendre connaissance du dossier et de présenter des observations ;
Mais attendu que, contrairement à ce que soutient la société Delestre, la déclaration d'accident du travail qu'elle a adressée à la caisse, le 6 octobre 2005, ne comportait aucune réserve au sens de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, la mention " non respect des consignes de sécurité " qui y figurait ne s'analysant pas comme telle, dès lors que, en l'absence de toute contestation du temps et du lieu de cet accident et d'allégation d'une cause totalement étrangère au travail, l'employeur ne déniait pas le caractère professionnel de cet accident et manifestait simplement par là son opinion sur les responsabilités encourues et sa conviction quant à l'absence d'une faute inexcusable de sa part ;
Et attendu qu'il ressort de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée le 3 novembre 2005 à la société Delestre par la caisse (pièce no 19 de la société) que celle-ci lui indiquait qu'elle n'avait pas pu arrêter une décision relative au caractère professionnel dans le délai réglementaire de trente jours prévu à l'article R. 441-10 du code de la sécurité sociale en raison du fait que le certificat médical initial ne lui était pas parvenu ;
Qu'elle précisait qu'un délai complémentaire d'instruction était nécessaire, qui ne pourrait excéder deux mois, en application de l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale ;
Qu'ainsi la prorogation de ce qu'elle désignait sous l'appellation délai d'instruction n'avait, en réalité, pour cause que l'absence de réception du certificat médial initial ;
Qu'il n'est pas allégué et moins encore justifié que la caisse ait réuni d'autres pièces que la déclaration d'accident du travail faisant état de fractures du bassin et du bras complétée par le certificat médical initial dressé le 5 décembre 2005 par le Dr G... qui décrivait ces mêmes traumatismes avant de prendre implicitement en charge l'accident de M. X... ;
Qu'il s'ensuit que n'ayant eu recours à aucune instruction préalable, la caisse n'était pas tenue de mettre en oeuvre les mesures prévues par l'article R. 441-11 du code du travail ;
Que l'employeur n'étant pas fondé à invoquer un manquement de la caisse à son obligation d'information, la décision de prise en charge de l'accident de M. X... au titre de la législation professionnelle lui sera déclarée opposable et le jugement infirmé de ce chef ;
Sur les demandes accessoires
Attendu que M. X... succombant en son appel sera néanmoins dispensé du paiement du droit prévu à l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale ;
Attendu que l'équité commande de ne pas faire, en l'espèce, application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Que M. X... et la société Delestre seront déboutés de leurs prétentions respectives de ce chef ;
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il déboute M. Omar X... de l'ensemble de ses demandes et la société Delestre industrie de sa demande au titre des frais irrépétibles,
L'infirmant pour le surplus et statuant à nouveau,
DECLARE opposable à la société Delestre industrie la décision de prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de Maine-et-Loire de l'accident du travail dont a été victime M. X... le 5 octobre 2005,
DIT n'y avoit lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
DISPENSE M. X... du paiement du droit prévu à l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sylvie LE GALLCatherine LECAPLAIN-MOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/00367
Date de la décision : 17/12/2013
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2013-12-17;12.00367 ?
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