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17/12/2013 | FRANCE | N°12/00274

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 17 décembre 2013, 12/00274


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N AL/ FB

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 00274.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 24 Janvier 2012, enregistrée sous le no 11/ 00129

ARRÊT DU 17 Décembre 2013

APPELANTE :

Madame Florence X... ... 49440 LOIRE

présent, assistée de Maître Catherine RAIMBAULT, avocat au barreau d'ANGERS
INTIMEE :
ETABLISSEMENTS GUERIN AUBERT ZA les Fosses Rouges 49440 CANDE

représenté par Maître Char

les PRALONG-BONE, avocat au barreau de NANTES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'ar...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N AL/ FB

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 00274.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 24 Janvier 2012, enregistrée sous le no 11/ 00129

ARRÊT DU 17 Décembre 2013

APPELANTE :

Madame Florence X... ... 49440 LOIRE

présent, assistée de Maître Catherine RAIMBAULT, avocat au barreau d'ANGERS
INTIMEE :
ETABLISSEMENTS GUERIN AUBERT ZA les Fosses Rouges 49440 CANDE

représenté par Maître Charles PRALONG-BONE, avocat au barreau de NANTES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Octobre 2013 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne LEPRIEUR, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, président Madame Anne DUFAU, conseiller Madame Anne LEPRIEUR, conseiller

Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier
ARRÊT : prononcé le 17 Décembre 2013, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******

FAITS ET PROCEDURE

Mme Florence X... a été engagée à compter du 1er juillet 1990 comme secrétaire-comptable par l'entreprise Aubert, devenue société Aubert, dont le siège social était à Candé (49) et qui avait pour activité l'installation d'eau, électricité, gaz, sanitaire et chauffage. La salariée travaillait selon un horaire de travail de 39 heures hebdomadaires. Les relations entre les parties relèvent de la convention collective du bâtiment.

La société Etablissements Guerin-Aubert, constituée le 1er mai 2009, dont le siège social est à Candé (49), est venue aux droits de la société Aubert.
Le 31 mai 2010, la société a informé Mme X... de ce qu'elle était contrainte de réduire son horaire hebdomadaire de travail à 20 heures, pour raisons économiques, et l'a informée de ce qu'elle disposait d'un mois, par application des dispositions de l'article L. 1222-6 du code du travail, pour faire connaître son acceptation ou son refus.
Par lettre datée du 29 juin 2010, Mme X... a refusé la proposition de modification de son contrat de travail.
Après convocation par lettre du 2 juillet 2010 à un entretien préalable prévu le 10 juillet 2010, elle a été licenciée par lettre du 16 juillet 2010 pour raisons économiques, par lettre ainsi motivée : " Madame, Pour faire suite à notre entretien préalable du 10 juillet 2010, nous vous informons que nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour les raisons économiques suivantes : Nous avons constaté une insuffisance de chiffres d'affaires de notre entreprise depuis plusieurs mois, en raison du ralentissement de l'activité économique et de l'étalement du carnet de commande. Dans nos prévisions lors de la reprise du fonds de commerce Aubert, nous prévoyons d'avoir 5 ouvriers productifs et un apprenti, et donc une activité suffisante pour maintenir un emploi administratif à temps plein sur notre société. De plus, l'activité des 3 derniers mois a été déficitaire. Par un courrier du 31 mai 2010, nous vous avons proposé de réduire votre temps de travail à 20 heures hebdomadaire, pour permettre de maintenir votre emploi, en attendant que l'activité soit plus importante. Cette réduction de votre temps de travail nous permettait de réduire les charges. De plus, la société dans le cadre de la reprise du fonds de commerce Aubert a bénéficié d'exonérations significatives pour un an, que nous n'avons plus aujourd'hui. Par courrier avec accusé de réception du 29 juin 2010, vous nous avez fait part de votre refus de réduction de temps de travail à 20h hebdomadaires. Aussi nous avons tiré les conséquences qui s'imposent. Suite à votre refus, votre poste de secrétaire comptable ne se justifie plus pour la même durée horaire, dans un contexte de difficultés économiques et nous nous trouvons contraints de procéder à votre licenciement. Nous avons recherché une solution de reclassement au sein de notre entreprise, et malheureusement nous n'avons pu vous offrir aucune proposition de reclassement, tant sur des postes compatibles avec votre qualification que sur des postes de catégories inférieures. (...) "

Mme X... a saisi la juridiction prud'homale en février 2011 de diverses demandes.

Par jugement du 24 janvier 2012, le conseil de prud'hommes d'Angers a débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de sa demande de remboursement de factures téléphoniques mais condamné la société au paiement de la somme de 804, 90 ¿ bruts à titre de rappel de salaire, outre 80, 49 ¿ de congés payés afférents ainsi qu'à celle de 600 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il a précisé que les condamnations à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la date d'introduction de la demande, les intérêts étant capitalisés par application de l'article 1154 du code civil. Il a en outre ordonné la remise d'un bulletin de salaire rectifié, débouté la société de sa demande au titre des frais irrépétibles et condamné celle-ci aux dépens.
Mme X... a interjeté appel, par déclaration au greffe du 8 février 2012, sur " toutes les dispositions de la décision à l'exception des 804, 90 ¿ bruts à titre de rappel de salaire, et des 80, 49 ¿ bruts de congés payés y afférents ".
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans le dernier état de ses conclusions, la salariée sollicite que son licenciement soit jugé sans cause réelle et sérieuse et que la société soit condamnée, outre aux dépens, à lui payer les sommes suivantes : * 120 432 ¿ de dommages-intérêts pour licenciement infondé selon l'article L. 1235-5 du code du travail, avec intérêts au taux légal depuis l'introduction de l'instance et anatocisme sur le fondement de l'article 1154 du code civil ; * 3 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Elle sollicite pour le surplus la confirmation du jugement.

Au soutien de ses prétentions, elle expose qu'aucune proposition écrite de reclassement ne lui a été faite entre la convocation à entretien préalable et la notification du licenciement, ce dont il résulte que l'employeur a manqué à son obligation de reclassement. En effet, il aurait dû à tout le moins lui proposer à nouveau la modification de son contrat de travail antérieurement refusée. Subsidiairement, elle indique que le motif économique de licenciement est irrecevable, la volonté de l'entreprise de faire des économies ne constituant pas un motif économique de licenciement ; en outre, l'employeur a procédé avec une légèreté blâmable et a procédé au licenciement pour servir son intérêt personnel, à savoir procéder à l'embauche de sa compagne.

Son préjudice est considérable, notamment en ce qu'elle se trouve aujourd'hui confrontée à une grande précarité professionnelle.
La société Etablissements Guerin-Aubert conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et au débouté de la salariée de toutes ses demandes ainsi qu'à sa condamnation au paiement de la somme de 3 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, elle prétend avoir d'évidence satisfait à son obligation de reclassement dès lors qu'elle justifie, sans contestation possible, de l'absence de poste disponible et du refus par la salariée d'accepter la modification de son contrat de travail. Il apparaît spécieux d'exiger que la salariée, ayant expressément refusé la modification de son contrat de travail le 29 juin 2010, soit à nouveau consultée sur ce même poste trois jours après, soit à partir du 2 juillet 2010, date de convocation à l'entretien préalable au licenciement économique projeté.
Par ailleurs, elle affirme que le motif du licenciement est d'évidence l'insuffisance du chiffre d'affaires ainsi que le ralentissement de l'activité et non la volonté de faire des économies ni celle de servir un intérêt personnel et qu'aucun reproche ne peut être fait à l'employeur dans le cadre de la gestion du personnel technique et productif.
Très subsidiairement, elle observe que les dommages-intérêts réclamés sont parfaitement hallucinants, la salariée réclamant 4 années de salaires, alors même qu'elle avait retrouvé un emploi après son licenciement mais en a démissionné.
MOTIFS DE LA DECISION
-Sur le respect de l'obligation de reclassement :
La proposition d'une modification du contrat de travail que le salarié peut toujours refuser, ne dispense pas l'employeur de son obligation de reclassement et ce, quand bien même l'unique poste susceptible d'être proposé au titre du reclassement est identique à l'emploi refusé au titre de la modification du contrat de travail. En effet, l'employeur est tenu de proposer au salarié dont le licenciement économique est envisagé tous les emplois disponibles de même catégorie ou à défaut, d'une catégorie inférieure, sans pouvoir limiter ses offres en fonction de la volonté présumée de l'intéressé de les refuser, le salarié pouvant préférer finalement accepter la modification de son contrat de travail que d'être licencié.
Il convient donc de constater que l'employeur, qui n'a pas proposé à la salariée dans le cadre de son obligation de reclassement le poste que l'intéressée avait refusé dans le cadre de la proposition de modification de son contrat de travail, a méconnu son obligation de reclassement. Le licenciement est dès lors sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera en conséquence infirmé.

- Sur le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Il conviendra de tenir compte des circonstances de la rupture. En effet, si l'employeur a manqué à son obligation de reclassement, la gravité du manquement doit être relativisée au regard des circonstances de l'espèce, à savoir notamment la petite taille de l'entreprise, qui ne comptait qu'une secrétaire comptable outre le personnel d'exécution, ainsi que la proximité entre le refus de la salariée et la convocation à l'entretien préalable.
Par ailleurs, la salariée a retrouvé un emploi à compter du 2 novembre 2010, en qualité de secrétaire de mairie, à Angrie (49) ; elle a démissionné en avril 2011. Elle travaille à temps partiel depuis le 24 octobre 2011 en qualité de secrétaire-comptable dans une entreprise située à Candé (49).
L'entreprise employant habituellement moins de onze salariés, il convient de faire application des dispositions de l'article L. 1235-5 du code du travail.
Compte tenu en conséquence notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée (son bulletin de paie du mois de juin 2010 mentionne un salaire brut de 2 817 ¿ brut, soit 2 216 ¿ net), de son âge (44 ans), de son ancienneté, de sa capacité avérée à trouver un nouvel emploi et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer une somme de 10 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif.
- Sur les demandes de rappel de salaire et de remboursement de factures téléphoniques :
La salariée ne critiquant pas le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en remboursement de factures téléphoniques et a limité les sommes allouées au titre du rappel de salaires et ne soumettant de ce chef à la cour aucune prétention, ni aucun moyen, le jugement entrepris ne peut qu'être confirmé sur ces points.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, à l'exception de celles relatives à la demande de dommages-intérêts au titre du licenciement ;
Réformant de ce seul chef et y ajoutant ;
Condamne la société Etablissements Guerin-Aubert à payer à Mme Florence X... la somme de 10 000 ¿ à titre d'indemnité pour licenciement abusif, outre celle de 1 500 ¿ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Déboute la société Etablissements Guerin-Aubert de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Condamne la société Etablissements Guerin-Aubert aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sylvie LE GALLCatherine LECAPLAIN-MOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/00274
Date de la décision : 17/12/2013
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2013-12-17;12.00274 ?
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