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19/11/2013 | FRANCE | N°12/01017

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 19 novembre 2013, 12/01017


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT DU 19 Novembre 2013
ARRÊT N AD/ SLG

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 01017.

Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de MAINE ET LOIRE, décision attaquée en date du 07 Février 2012, enregistrée sous le no 10058

APPELANT :

Monsieur James X...... 49340 TREMENTINES

représenté par Maître Gérard MAROT, avocat au barreau d'ANGERS
INTIMEES :
SARL B... EBENISTERIE Route de l'Aérodrome 49122 LE MAY SUR EVRE

représentée par Maître

Alix GUILLIN avocat substituant maître Valérie LE BRAS, avocat au barreau de PARIS-No du dossier B0009026

LA CAISSE ...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT DU 19 Novembre 2013
ARRÊT N AD/ SLG

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 01017.

Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de MAINE ET LOIRE, décision attaquée en date du 07 Février 2012, enregistrée sous le no 10058

APPELANT :

Monsieur James X...... 49340 TREMENTINES

représenté par Maître Gérard MAROT, avocat au barreau d'ANGERS
INTIMEES :
SARL B... EBENISTERIE Route de l'Aérodrome 49122 LE MAY SUR EVRE

représentée par Maître Alix GUILLIN avocat substituant maître Valérie LE BRAS, avocat au barreau de PARIS-No du dossier B0009026

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MAINE ET LOIRE 32, rue Louis Gain 49937 ANGERS CEDEX 09

représentée par Monsieur Laurent Y..., muni (e) d'un pouvoir spécial
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Septembre 2013 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne DUFAU, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller

Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier
ARRÊT : prononcé le 19 Novembre 2013, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Anne DUFAU, conseiller et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

M. James X..., qui travaillait au sein de la sarl B... Ebénisterie depuis le 29 octobre 1985 en qualité de menuisier ébéniste a été victime d'un accident du travail le 9 mai 2005 vers 7h 55 du matin, le châssis d'une fenêtre située dans le vestiaire attenant au lieu de travail s'étant rabattu sur sa tête alors qu'il était en train d'ouvrir celle-ci pour aérer la pièce.
Cet accident a été pris en charge d'emblée par la CPAM de Maine et Loire au titre de la législation sur les accidents du travail.
La plainte déposée par M. X... en mars 2008 auprès des services de gendarmerie a été classée sans suite le 2 mars 2009.
M. X... a subi des arrêts de travail et perçu des indemnités journalières ; un taux d'incapacité de 18 %, porté ensuite à 25 % lui a été notifié. Ce taux a été fixé à 30 % par le tribunal du contentieux de l'incapacité.
M. X... a été consolidé le 20 janvier 2008.
A compter du 17 octobre 2006 M. X... a d'autre part été pris en charge au titre d'une maladie professionnelle, de type allergie cutanée, et il a perçu des indemnités journalières à ce titre.
La consolidation de cette maladie professionnelle été fixée par le médecin-conseil de la caisse au 10 août 2007.
Le 31 mars 2009, M. X... a demandé à la CPAM de Maine et Loire une conciliation avec l'employeur dont il a soutenu que celui-ci avait commis une faute inexcusable. Un procès-verbal de carence a été dressé le 22 juillet 2009 ;
M. X... a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Maine et Loire le 26 janvier 2010 pour voir reconnaître la faute inexcusable de la sarl B... Ebénisterie.
Par jugement du 7 février 2012 le tribunal des affaires de sécurité sociale de Maine et Loire a déclaré l'action de M. X... prescrite et a débouté la sarl B... Ebénisterie de sa demande au titre de ses frais irrépétibles.
M. X... a interjeté appel de ce jugement par lettre recommandée avec accusé de réception postée le 9 mai 2012.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses écritures déposées au greffe le 15 juillet 2012, reprises et soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, M. X... demande à la cour d'infirmer la décision entreprise et statuant à nouveau de :- dire que son action est recevable,- dire que l'accident du travail dont il a été victime le 9 mai 2005 doit être imputé à la faute inexcusable de son employeur, la sarl B... Ebénisterie,- fixer au maximum le quantum de la majoration de rente,- ordonner une expertise médicale des chefs de préjudices de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale,- lui allouer comme provision à valoir sur la réparation de ces préjudices une somme de 1500 ¿,- le renvoyer devant l'organisme social pour la liquidation de ses droits,- dire que la CPAM devra faire l'avance de la totalité des sommes allouées au titre des préjudices y compris ceux situés hors le Titre IV du code de la sécurité sociale,- condamner la sarl B... Ebénisterie au paiement d'une somme de 3000 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

M. X... soutient que son action n'est pas prescrite car il a perçu des indemnités journalières jusqu'au 20 janvier 2008 au titre de l'accident du travail du 9 mai 2005, et que cela résulte des documents, même s'ils se sont contredits dans le temps, émanant de la caisse d'assurance maladie.
Il soutient que la faute inexcusable de l'employeur est caractérisée en ce que le système d'ouverture de la fenêtre qu'il a manipulé pour aérer le vestiaire de l'entreprise, lequel était envahi par des odeurs émanant des canalisations, a cédé brutalement, ce qui démontre qu'il était non seulement ancien mais défaillant, et en ce que l'employeur ne fait la preuve d'aucun entretien ni vérification de l'état de la fenêtre ; que la sarl B... Ebénisterie aurait dû avoir conscience du danger car un tel système d'ouverture par basculement présente un risque potentiel, que le code du travail prescrit aux employeurs d'entretenir les locaux de travail et leurs annexes avec une périodicité appropriée, et que l'entreprise n'a pas pris les mesures susceptibles d'éviter le danger puisqu'elle n'a pas entretenu, ni vérifié, cet ouvrant de 10 ou 15 ans d'âge.
M. X... réfute la thèse de l'employeur qui soutient que le salarié a lui-même commis une faute inexcusable en actionnant violemment le mécanisme et demande en conséquence à la cour de fixer la majoration de rente au maximum.
Il demande une expertise médicale aux fins d'évaluation des préjudices personnels visés par l'article L452-3 du code de la sécurité sociale, de détermination du déficit fonctionnel temporaire dans sa durée et son intensité et de détermination de la durée de l'assistance d'une tierce personne avant consolidation, avec allocation d'une provision à valoir sur ces préjudices de 1500 ¿.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 31 juillet 2013, reprises et soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, la sarl B... Ebénisterie demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit l'action de M. X... prescrite et subsidiairement de débouter M. X... de sa demande de reconnaissance de faute inexcusable, de le débouter de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à lui verser la somme de 1000 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
A titre infiniment subsidiaire, la sarl B... Ebénisterie demande à la cour si elle retenait sa faute inexcusable de constater aussi la faute inexcusable de M. X... et de réduire en conséquence la majoration de rente ; de dire que le taux d'IPP de 30 % lui est inopposable et que la CPAM ne pourra récupérer auprès d'elle que la majoration de rente calculée sur le taux initial de 25 %.
Elle demande à la cour de limiter la mission d'expertise comme suit :- Souffrances physiques et morales endurées,- Préjudice esthétique,- Préjudice d'agrément,- Déficit fonctionnel temporaire.

La sarl B... Ebénisterie demande à la cour de débouter M. X... de sa demande de provision ou, à tout le moins, de la réduire à de plus justes proportions ; de dire que la CPAM fera l'avance de toutes les sommes allouées à M. X... tant en ce qui concerne l'indemnisation des préjudices du livre IV du Code de la Sécurité Sociale qu'en ce qui concerne les préjudices éventuellement non couverts par le livre IV ; de ramener la demande indemnitaire formulée par M. X... au titre de l'article 700 du code de procédure civile à de plus justes proportions.
La sarl B... Ebénisterie soutient que l'action de M. X... en reconnaissance de faute inexcusable est prescrite car les indemnités journalières afférentes à l'accident du travail du 9 mai 2005 n'ont été versées que jusqu'au 16 octobre 2006, le délai de prescription biennale visé par l'article L 431-2 du code de la sécurité sociale étant donc atteint, le 31 mars 2009, lorsque M. X... a engagé son action.
La sarl B... Ebénisterie soutient n'avoir pas commis de faute inexcusable et rappelle que c'est au salarié qui l'invoque de rapporter la preuve de ce que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, et de prouver le lien de causalité entre l'accident et la faute reprochée à l'employeur ; que la faute inexcusable ne peut pas être retenue lorsque les circonstances de l'accident sont indéterminées.
La sarl B... Ebénisterie observe que M. X... ne rapporte pas la preuve que le mécanisme de la fenêtre était vétuste ou défectueux, mais procède par affirmation, alors que les gendarmes n'ont pas mis en évidence un mauvais entretien des fenêtres et que deux employés, MM. Z... et A... ont indiqué en cours d'enquête n'avoir pas remarqué que la fenêtre était défectueuse, alors qu'elle était ouverte régulièrement ; que les salariés présents ont indiqué à M. Patrice B..., gérant, que M. X... avait poussé violemment la poignée du système d'ouverture, ce qui aurait alors provoqué la rupture du système de blocage de l'ouverture de la fenêtre à 30 %.
Elle soutient que, dans ces conditions, l'accident de travail n'est pas imputable à un mauvais entretien ou une vétusté de la fenêtre mais au propre comportement de l'appelant qui, manifestement excédé par les mauvaises odeurs provenant du système de raccordement de la commune, a tiré avec une telle brutalité sur la poignée de la fenêtre pour l'ouvrir qu'il en a brisé le système de blocage d'ouverture.
A titre subsidiaire la sarl B... Ebénisterie soutient que le taux d'IPP de 30 %, qui a été fixé par le tribunal du contentieux de l'incapacité sans qu'elle soit appelée à la cause, lui est inopposable ; que M. X... ne verse aucune pièce justifiant de la nature et de l'ampleur de l'assistance par une tierce personne dont il prétend avoir eu besoin ; qu'il sollicite l'allocation d'une provision de 1 500 ¿ à valoir sur la réparation de ses préjudices sans justifier de la réalité et de l'importance de ceux-ci.
Aux termes de ses écritures déposées au greffe le 9 août 2013, reprises et soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, la CPAM de Maine et Loire dit s'en rapporter à justice sur le bien-fondé de l'appel, et demande à la cour de constater qu'elle prend acte de ce que seul le taux de 25 % est opposable à la sarl B... Ebénisterie dans ses relations avec elle.
En cas d'éventuelle reconnaissance de la faute inexcusable, la Caisse demande à la cour de condamner l'employeur sur le fondement des articles L452 et suivants du code de la sécurité sociale à lui reverser les sommes qu'elle sera amenée à verser à la victime, avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'arrêt, et à lui communiquer les coordonnées de la compagnie d'assurance de l'employeur.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'action de M. X... en reconnaissance de la faute inexcusable de la sarl B... Ebénisterie.
Aux termes de l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige, les droits de la victime ou de ses ayants droits aux prestations et indemnités prévues par le présent livre se prescrivent par deux ans à dater du jour de l'accident ou de la cessation du paiement de l'indemnité journalière ;
Il est acquis aux débats que M. X... a perçu des indemnités journalières du 10 mai 2005 au 20 janvier 2008 et il est encore constant qu'il a été pris en charge, outre l'accident du 9 mai 2005, et à compter du 17 octobre 2006, au titre d'une maladie professionnelle consistant en une allergie cutanée ;
Il résulte de cette double prise en charge des contradictions dans les réponses apportées successivement par la caisse à la question de savoir à quelle date ont cessé les versements d'indemnités journalières afférents à l'accident du travail du 9 mai 2005, étant acquis aux débats que la prescription a été interrompue par la saisine de la caisse d'assurance maladie par M. X... le 31 mars 2009 ;
Le décompte récapitulatif de paiement d'indemnités journalières adressé à M. X... vise pour seul motif, du 10 mai 2005 au 20 janvier 2008, " accident du travail " ;
L'employeur s'appuie sur un écrit de la caisse du 10 janvier 2011 qui indique " La date du dernier jour d'indemnisation des suites de l'accident du travail, date qui nous importe dans ce dossier, est le 16/ 10/ 2006. " Il relève que le " décompte image " versé aux débats par la caisse montre que les indemnités journalières versées du 17 octobre 2006 au 30 avril 2007 l'ont été au titre de la maladie professionnelle et sous un numéro de dossier différent de celui afférent à l'accident du travail, et que les arrêts de travail produits par la caisse établissent que M. X... a été en arrêt de travail, à compter du 16 octobre 20006, en raison d'une maladie professionnelle et non en raison de l'accident du travail ;
Cette présentation est partielle puisque la CPAM de Maine et Loire, dans un courrier du 21 octobre 2011 adressé au conseil de M. X..., qui est le plus récent de tous ceux qu'elle a établis, et dont le contenu l'emporte sur celui de l'envoi du 10 janvier 2011, écrit :
" Maître,
Veuillez trouver ci-joint les pièces complémentaires que je dépose auprès du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Maine et Loire dans l'affaire référencée ci-dessus suite à votre courrier daté du 18 octobre 2005.
L'indemnisation des arrêts de travail au titre de l'accident du travail du 9 mai 2005 a repris à compter du 1er mai 2007 jusqu'à la consolidation fixée au 20 janvier 2008.
Les décomptes ne font pas apparaître au titre de quel accident ou de quelle maladie professionnelle les indemnités journalières sont versées. ".
Il ressort donc explicitement de ce courrier, qui complète celui du 10 janvier 2011 sans le contredire, que le versement des indemnités journalières perçues par M. X... au titre de l'accident du travail du 9 mai 2005 n'a pas définitivement cessé le 16 octobre 2006, mais que des indemnités journalières ont encore été versées au titre de l'accident du travail du 9 mai 2005 sur la période allant du 1er mai 2007 au 20 janvier 2008 ;
Cette affirmation ultime de la caisse d'assurance maladie n'est pas en contradiction avec les informations figurant sur le " décompte image ", qui ne mentionne que les indemnités journalières versées jusqu'au 30 avril 2007 ;
Elle est confirmée par le libellé des arrêts de travail dont a bénéficié M. X... après le 16 octobre 2006, car si l'employeur ne fait référence qu'à ceux initialement apportés par la caisse, qui s'interrompent au 30 avril 2007comme le " décompte image ", l'appelant produit pour sa part les arrêts de travail allant jusqu'au 20 janvier 2008 et ceux-ci font apparaître qu'en 2007, de mai à décembre, puis en 2008, de nombreux arrêts de travail ont été afférents à des " céphalées post-traumatiques + syndrome anxio-dépressif réactionnel " ;
Au surplus, il ressort de l'ensemble des pièces établies par la caisse primaire d'assurance maladie, et il n'est pas contesté par la sarl B... Ebénisterie, que la maladie professionnelle subie par M. X... a été consolidée le 10 août 2007, ainsi que la caisse l'a notifié à l'assuré par courrier du 13 août 2007 (pièce no14 de M. X...), en lui rappelant que cette consolidation mettait un terme à la prise en charge et que les indemnités journalières cessaient d'être dues à la date de la consolidation ;
Les indemnités journalières perçues par M. X... après le 10 août 2007, et jusqu'au 20 janvier 2008, ne peuvent dans ces conditions qu'être afférentes à l'accident du travail du 9 mai 2005, dont la date de consolidation a quant à elle été fixée par le médecin conseil de la caisse au 20 janvier 2008 (notification du 14 janvier 2008, pièce no13 de l'appelant) l'employeur ne démontrant ni même n'arguant d'une troisième cause de versement d'indemnités journalières à M. X... après le 10 août 2007 ;
Il ressort de ces éléments que M. X... a perçu des indemnités journalières, au titre du seul accident du travail du 9 mai 2005, jusqu'au 20 janvier 2008 et que son action en reconnaissance de faute inexcusable, laquelle a été engagée le 31 mars 2009, par conséquent moins de deux ans après la date de la cessation du paiement des indemnités journalières, n'est pas prescrite ;

Par voie d'infirmation du jugement entrepris, l'action de M. X... en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur la sarl B... Ebénisterie, non prescrite, doit être déclarée recevable, et les demandes de l'appelant formées au titre de la faute inexcusable doivent par conséquent être examinées au fond ;

Sur la faute inexcusable :

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail ; le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; Il appartient au salarié qui invoque la faute inexcusable de son employeur de rapporter la preuve de ce que celui-ci avait, ou aurait dû avoir, conscience du danger auquel il était exposé et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;

La déclaration d'accident du travail faite par la sarl B... Ebénisterie le 10 mai 2005 indique : " Voulant ouvrir une fenêtre chassis basculant dans le vestiaire, celui-ci s'est rabattu sur la tête de James X.... " ;
M. X... n'a pas perdu conscience mais a été conduit au service des urgences de l'hôpital de Cholet où il a été procédé à la suture de plaies crâniennes ; M. X... après une succession d'arrêts maladie n'a pu reprendre le travail et il souffre toujours de céphalées et divers troubles ;
Aucun constat matériel n'a été réalisé sur les lieux le jour de l'accident ni par la suite, l'inspection du travail n'ayant été contactée par M. X... qu'en 2008, et la seule description de la fenêtre litigieuse figurant aux débats consiste en un cliché photographique effectué par les services de gendarmerie en juin 2008, dans le cadre de l'enquête pénale engagée sur la plainte de M. X...
Outre l'employeur et la victime, deux témoins des faits ont été entendus par les gendarmes, MM. Z... et A..., salariés de l'entreprise, qui travaillaient avec M. X... ;
Il ressort de ces quatre auditions que le cadre de fenêtre a entièrement basculé, et s'est abattu, et brisé, sur la tête de M. X... qui effectuait la manipulation d'ouverture ; ces vitrages étaient lourds puisque mesurant 131cm de large sur 69 cm de haut ; il s'agissait, selon M. Z... de " double vitrage " ;
Le système d'ouverture est décrit ainsi par les enquêteurs :
" Nous constatons aussi la présence de quatre fenêtres sur un côté de la pièce. Les fenêtres du bas ne peuvent s'ouvrir, seul les deux du haut s'ouvrent. Les fenêtres mesurent 131cm de large sur 69cm de haut et les vitres en verre font 116cm de large sur 54cm de haut chacune. Les deux fenêtres sont à bascule avec les charnières sur le bas de celles-ci. Pour les ouvrir il faut actionner un mécanisme situé sur le côté de la fenêtre. Il s'agit d'un système ancien qui consiste en une poignée, une tige et un système de verrouillage.
Ouverture de la fenêtre : (Manipulation effectuée par nos soins).
Il faut prendre la poignée et la pousser vers le haut. Cette action a pour effet de basculer la fenêtre vers l'intérieur de la pièce. Un première verrouillage sur la tige-guide se fait avec la poignée, ce qui permet de maintenir la fenêtre ouverte avec une ouverture d'environ 1/ 3. Ensuite si l'on poursuit la poussée de la poignée, la fenêtre s'ouvre entièrement. "
Questionné par les enquêteurs sur la date de remplacement du système d'ouverture après l'accident, M. B... a produit une facture du 16 octobre 2007, correspondant à une commande du 24 septembre 2007, afférente à des travaux de " remplacement vitrage sur fenêtre des vestiaires plus compas et verrou de fermeture à soufflet " ;
Il ne peut par conséquent s'agir, deux ans après les faits, que de la seconde fenêtre située en hauteur, et non de celle ayant été à l'origine de l'accident, dont la vitre a été brisée et a donc nécessairement dû être changée dans un délai plus rapproché de l'accident du 9 mai 2005 ;
Ces données ne permettent donc pas de savoir quelle partie du cadre de la fenêtre litigieuse a cédé au moment de l'ouverture réalisée par M. X..., soit le compas, la tige, une charnière, un verrou de fermeture.. ; ni même s'il s'est agi de la rupture d'un élément du système d'ouverture, de plusieurs ou d'un décrochement ;
M. X... lui-même affirme à la fois dans ses écritures que le système d'ouverture composé d'un compas et d'un verrou à soufflet s'est brisé et devant les enquêteurs, que c'est le câble qui maintient la fenêtre en bascule qui a cédé ;
Les causes de l'accident restent par conséquent indéterminées et la faute inexcusable de l'employeur ne peut dès lors, ce constat étant fait, être retenue ;
Au surplus, M. X... ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, que l'employeur avait, ou aurait dû avoir, conscience du danger auquel il était exposé et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;
Il indique en effet aux gendarmes qu'il pense que la rupture intervenue est celle du câble, et que celui-ci était vétuste, mais il ajoute : " mais je ne peux l'affirmer " ; M. Z... répond pour sa part à la question des enquêteurs ainsi formulée : " La fenêtre était-elle vétuste ou défectueuse ? " ces mots : " non je ne pense pas ", et M. A... précise quant à lui que la fenêtre était ouverte régulièrement, et qu'il la jugeait être " en bon état " ;
Si le système d'ouverture peut par conséquent être qualifié " d'ancien " dans sa conception, il ne ressort d'aucun élément du dossier qu'il ait été vétuste, ni défectueux, ce alors que la fenêtre était régulièrement utilisée ;
Il ne s'agit pas là d'une installation ou d'un dispositif technique, tels que visés par l'article R 4224-17 du code du travail qu'invoque M. X... : une fenêtre appartient aux locaux de travail, qui doivent aux termes de l'article R4224-18 du même code être " régulièrement entretenus et nettoyés " ;
M. X... ne conteste pas l'affirmation de M. B... indiquant que la fenêtre avait été installée " 10 ou 15 ans auparavant " ; Cette durée ne caractérise pas en soi la vétusté, et le défaut d'entretien, alors que les témoins disent que cette fenêtre était régulièrement ouverte et leur paraissait être en bon état, n'est pas plus démontré ;

Cet ouvrant répond en outre aux prescriptions de l'article R 4214-5 du code du travail puisqu'il était conçu de manière à ne pas constituer, en position d'ouverture, un danger pour les travailleurs, les fenêtres basses ne pouvant être ouvertes et celles du haut n'étant de ce fait pas à hauteur d'homme ;
M. X... doit être, en conséquence, débouté de ses demandes formées au titre de la faute inexcusable de l'employeur, qu'il ne caractérise pas

Sur les dépens et frais irrépétibles :

Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté la sarl B... Ebénisterie de sa demande formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; Il ne paraît pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles d'appel ; Il est rappelé que la procédure est gratuite et sans frais devant les juridictions chargées du contentieux de la sécurité sociale ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du Maine et Loire du 7 février 2012 en ce qu'il a débouté la sarl B... Ebénisterie de sa demande formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
L'infirme pour le surplus et, statuant à nouveau,
Déclare l'action de M. X... en reconnaissance de la faute inexcusable de la sarl B... Ebénisterie recevable,

Y ajoutant,

Dit que la sarl B... Ebénisterie n'a pas commis de faute inexcusable dans la survenance de l'accident du travail du 9 mai 2005 subi par M. X...,
Déboute M. X... de ses demandes formées au titre de la faute inexcusable de l'employeur,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Rappelle que la procédure est gratuite et sans frais devant les juridictions chargées du contentieux de la sécurité sociale.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/01017
Date de la décision : 19/11/2013
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2013-11-19;12.01017 ?
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