ARRÊT N
clm/ GL
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 00027
numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 20 Décembre 2011, enregistrée sous le no 09/ 01525
ARRÊT DU 08 Octobre 2013
APPELANTE :
SAS ARDOISIERES D'ANGERS 56 Boulevard Camus 49800 TRELAZE
représentée par Maître Sarah TORDJMAN, avocat au barreau d'ANGERS (A. C. R.)
en présence de Monsieur Jean-François X..., Directeur des Ressources Humaines (muni d'un pouvoir)
INTIMES :
Monsieur Fabrice Y......49800 TRELAZE
Monsieur Yannick Z......49380 FAYE D'ANJOU
Monsieur Pierre B... ...49800 TRELAZE
Monsieur Daniel C......49250 SAINT MATHURIN
Monsieur Mickaël D......49800 TRELAZE
Monsieur Nicolas E......49250 BRION
représentés par Maître Paul CAO, de la SCP GUYON ALAIN-CAO PAUL, avocats au barreau d'ANGERS-No du dossier 09 172 A
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 25 Juin 2013 à 14 H 00 en audience publique et collégiale, devant la cour composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Anne DUFAU, assesseur Madame Anne LEPRIEUR, assesseur
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame C. PINEL
ARRÊT : du 08 Octobre 2013, contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par madame LECAPLAIN MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. *******
FAITS ET PROCÉDURE :
Par requêtes du 13 novembre 2009, M. Fabrice Y..., M. Yannick Z..., M. Pierre B... et M. Daniel C..., salariés de la société Ardoisières d'Angers, ont saisi le conseil de prud'hommes afin :- de voir juger, d'une part, que l'employeur devrait assurer l'entretien et le nettoyage de leurs vêtements de travail pour l'avenir, d'autre part, que les périodes de chômage partiel 2009 étaient sans influence sur le droit à congés payés et le droit à paiement de certaines primes, de sorte que l'employeur devrait créditer leurs comptes de jours de congés annuels du nombre de jours indûment retiré du fait des périodes de chômage partiel ;- d'obtenir diverses sommes à titre de rappels de salaire ainsi que des dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation d'assurer l'entretien des vêtements de travail et pour exécution fautive du contrat de travail, sans préjudice d'une indemnité de procédure.
Par requêtes du 22 janvier 2010, M. Mickaël D...et M. Nicolas E...ont saisi le conseil de prud'hommes des mêmes prétentions.
Dans le dernier état de la procédure, chacun de ces six salariés demandait au conseil de prud'hommes de :- juger que les périodes de chômage partiel 2009 étaient sans influence sur son droit à congés payés et son droit à paiement des primes " PIP " et " PAP " ;- dire que la société Ardoisières d'Angers devrait créditer son compte de jours de congés annuels du nombre de jours indûment retiré en raison des périodes de chômage partiel et ce, dans les quinze jours de la notification du jugement sous peine, passé ce délai, d'une astreinte de 50 ¿ par jour de retard ;- condamner l'employeur à lui payer une certaine somme à titre de rappel de salaire du chef des " primes 2009 ", la somme de 3 000 ¿ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du manquement de l'employeur à son obligation d'assurer l'entretien des vêtements de travail, celle de 1 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, et celle de 3 000 ¿ de dommages et intérêts pour perte du jour de congé férié de la Sainte Barbe, sans préjudice d'une indemnité de procédure de 100 ¿.
La société Ardoisières d'Angers qui, à compter du 1er mars 2010, a mis en place un système de collecte et de nettoyage des vêtements nécessaires à l'exercice de l'activité professionnelle de ses salariés, avait demandé qu'il lui soit donné acte de la réitération de son offre, déjà faite devant le bureau de conciliation, de régler à chaque salarié la somme de 90 ¿ au titre du nettoyage des vêtements de travail pour la période de juin 2008 à février 2010 et de déclarer cette offre satisfactoire.
Par jugement du 20 décembre 2011 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le conseil de prud'hommes d'Angers a :
- ordonné la jonction des instances inscrites au répertoire général sous les numéros 09/ 1532, 09/ 1539, 09/ 1546, 10/ 10087 et 10/ 0088 avec l'instance inscrite au répertoire général sous le no09/ 1525 ;
- condamné la société Ardoisières d'Angers à payer à chacun des six salariés demandeurs la somme de 1 500 ¿ à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation d'assurer l'entretien des vêtements de travail ainsi qu'une indemnité de procédure de 100 ¿ ;- débouté les parties de leurs autres prétentions ;- condamné la société Ardoisières d'Angers aux dépens.
Par lettre recommandée postée le 4 janvier 2012, la société Ardoisières d'Angers a régulièrement relevé appel de ce jugement à l'encontre des six salariés concernés en limitant son appel à la partie de la décision la condamnant au paiement de la somme de 1 500 ¿ de dommages et intérêts pour non-respect de son obligation d'entretien des vêtements de travail et d'une indemnité de procédure de 100 ¿.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Aux termes de ses conclusions enregistrées au greffe le 24 juin 2013, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, la société Ardoisières d'Angers demande à la cour :
- de déclarer son appel recevable au motif que la valeur totale des prétentions de chacun des demandeurs excédait 4 100 ¿ et que les salariés ont tous présenté une demande indéterminée consistant à obtenir qu'elle crédite leurs comptes de jours de congés annuels du nombre de jours indûment retiré en raison des périodes de chômage partiel ;- de lui donner acte de la réitération de son offre, faite devant le bureau de conciliation, de régler, par salarié, au titre du nettoyage des vêtements de travail et pour la période de juin 2008 à février 2010, une somme comprise entre 36, 15 ¿ et 161, 31 ¿ et de déclarer cette offre satisfactoire ;- de débouter les salariés de leurs prétentions et de les condamner aux dépens. A l'appui de sa position relative à l'indemnisation sollicitée en raison de son manquement à son obligation d'assurer l'entretien des vêtements de travail, l'employeur fait valoir que :- avant la décision de la Cour de cassation du 21 mai 2008, aucune obligation légale, conventionnelle ou contractuelle ne pesait sur lui à cet égard ;- les salariés demandeurs ont saisi la juridiction prud'homale les " 16 novembre 2009 et 25 janvier 2010 ", ce qui a constitué à son égard une mise en demeure d'avoir à mettre en oeuvre l'obligation nouvelle relative à l'entretien des vêtements de travail et il a déféré à cette mise en demeure en organisant, à compter du 1er mars 2010, la prise en charge directe du nettoyage des tenues de travail ;- pour le passé, les dispositions de l'article 1146 du code civil selon lesquelles les dommages et intérêts ne sont dus que lorsque le débiteur est en demeure de remplir son obligation sont applicables au contrat de travail de sorte que les salariés ne peuvent prétendre à aucune indemnisation pour la période antérieure à la délivrance de la mise en demeure ; contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, les échanges relatés dans les comptes rendus des séances du CHSCT des 13 octobre et 8 décembre 2006 ne peuvent pas valoir mise en demeure de prendre en charge l'entretien des vêtements de travail ;- dans un souci d'équité et pour tenter de mettre fin au litige, il a offert, dès l'audience de tentative de conciliation, d'indemniser l'ensemble des mineurs du coût réel du nettoyage de leur tenue pour la période comprise entre juin 2008 (1er mois d'application de la nouvelle jurisprudence) et février 2010 (dernier mois avant l'application de la prise en charge directe), soit pendant 21 mois diminués de deux mois de congés pour chacun des étés 2008 et 2009, soit pendant 19 mois ;- l'indemnisation forfaitaire allouée par les premiers juges n'est pas acceptable aux motifs que : ¿ les salariés ne justifient pas des frais réellement engagés pour le nettoyage de leurs vêtements de travail sur la période considérée ; ¿ ils ne justifient pas d'un préjudice distinct causé par la mauvaise foi de l'employeur et qui aurait fondé en droit l'octroi de dommages et intérêts distincts, par application de l'article 1153 alinéa 4 du code civil ; ¿ lui-même justifie du coût réel de la prestation de nettoyage de juin 2010 à mars 2013 en produisant l'ensemble des factures de nettoyage, et ce coût ressort à la somme de 1, 72 ¿ par mois et par salarié pour la période de juin 2010 à février 2012 (soit un coût de 36, 15 ¿ par salarié pour une période de 19 mois) et à celle de 8, 49 ¿ pour la période de mars 2012 à mars 2013 au cours de laquelle il a été fait appel à un prestataire offrant une prestation de qualité supérieure (soit un coût de 161, 31 ¿ par salarié pour une période de 19 mois) ;- c'est en considération de ces éléments concrets qu'il a formulé l'offre indemnitaire qu'il maintient, comprise entre 36, 15 ¿ et 161, 31 ¿, étant observé que certains salariés ont quitté l'entreprise avant 2010 et que d'autres ont été embauchés postérieurement à l'arrêt du 21 mai 2008.
Aux termes de leurs conclusions enregistrées au greffe les 29 novembre 2011 et 18 juin 2013, soutenues et complétées oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, M. Fabrice Y..., M. Yannick Z..., M. Pierre B..., M. Daniel C..., M. Mickaël D...et M. Nicolas E...demandent à la cour :
- de joindre les instances inscrites au répertoire général sous les numéros 11/ 02756 et 12/ 00027 ;- de déclarer l'appel irrecevable au motif qu'aucune des demandes initiales n'excède la somme de 4 000 ¿ fixée par l'article D. 1462-3 du code du travail comme déterminant le taux de compétence du conseil de prud'hommes pour statuer en dernier ressort ;- de débouter la société Ardoisières d'Angers de son appel et de l'ensemble de ses prétentions ;- de confirmer le jugement entrepris dans son principe en ce qu'il a condamné l'employeur à leur payer des dommages et intérêts pour manquement à son obligation d'assurer l'entretien de leurs vêtements de travail mais, l'infirmant s'agissant du montant des sommes allouées, de condamner la société Ardoisières d'Angers à payer de ce chef à chacun d'eux la somme de 3 000 ¿ ;- de la condamner à payer à chacun d'eux la somme de 100 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ainsi qu'aux dépens d'appel.
Après avoir relevé qu'il n'est pas discuté qu'en tant que salariés affectés à la production, ils sont tenus de porter des vêtements de travail inhérents à leur emploi, pour contester la position de la société Ardoisières d'Angers selon laquelle elle ne serait tenue au paiement de dommages et intérêts qu'à compter du moment où elle a été mise en demeure d'exécuter son obligation d'assurer l'entretien de ces tenues, les salariés intimés opposent que l'article 1146 du code civil ne trouve pas à s'appliquer en ce que cette obligation est inhérente au contrat de travail et issue d'un principe à valeur impérative selon lequel les frais exposés par un salarié pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être supportés par ce dernier ; qu'il s'agit d'une obligation de faire qui, en application des dispositions de l'article 1142 du code civil, se résout en dommages et intérêts.
Les intimés font valoir que la nature de leurs fonctions implique des contraintes d'entretien fréquent et régulier des vêtements et que cet entretien a été à leur charge exclusive jusqu'en février 2010 inclus.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la demande de jonction :
Attendu que l'affaire inscrite au répertoire général sous le no 11/ 02756 concerne cent autres salariés de la société Ardoisières d'Angers qui ont saisi le conseil de prud'hommes d'Angers des mêmes prétentions que celles émises par les salariés concernés par la présente instance à l'exception de la demande de dommages et intérêts pour perte du jour férié de la Sainte Barbe et à l'exception, pour quinze d'entre eux, de la demande de rappel de salaire du chef des " primes 2009 " ;
Attendu que, si les prétentions de tous les salariés reposent sur les mêmes fondements, il n'en reste pas moins que chacun n'est concerné que par ses propres demandes et sa situation personnelle et il n'existe pas entre les litiges en cause de lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les juger ensemble ; qu'il n'y a donc pas lieu à jonction de la présente instance, inscrite au répertoire général sous le no 12/ 00027, avec l'instance inscrite au répertoire général sous le no 11/ 02756 ;
Sur la recevabilité de l'appel :
Attendu qu'aux termes de l'article R. 1462-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes statue en dernier ressort, d'une part, lorsque la valeur totale des prétentions d'aucune des parties ne dépasse le taux de compétence en dernier ressort du conseil de prud'hommes, fixé à la somme de 4 000 ¿ par l'article D. 1462-3, d'autre part, lorsque la demande tend à la remise, même sous astreinte, de certificats de travail, de bulletins de paie ou de toute pièce que l'employeur est tenu de délivrer, à moins que le jugement ne soit en premier ressort en raison du montant des autres demandes ;
Attendu qu'il résulte de la combinaison des articles 35 et 36 du code de procédure civile que lorsque, dans une même instance des prétentions sont émises par plusieurs demandeurs dépourvus de titre commun, le taux du ressort est déterminé à l'égard de chacun par la valeur de ses prétentions ; Qu'en l'occurrence, chaque salarié agissant en vertu d'un contrat de travail individuel le liant à la société Ardoisières d'Angers, les demandes formées par les salariés intimés et tendant à voir créditer le compte de jours de congés annuels de chacun du nombre de jours indûment retiré en raison des périodes de chômage partiel 2009, en paiement de rappel de " prime 2009 ", et en paiement de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation d'assurer l'entretien des vêtements de travail et pour exécution fautive du contrat de travail ne reposent pas sur un titre commun ;
Attendu qu'en l'espèce, les six salariés ont, parmi leurs prétentions, formé une demande tendant à obtenir que leurs comptes de jours de congés annuels soient crédités du nombre de jours de congés indûment retiré en raison des périodes de chômage partiel 2009 ; qu'il s'agit là d'une indéterminée qui rend l'appel recevable ;
Que l'appel formé par la société Ardoisières d'Angers sera donc déclaré recevable ;
Attendu, comme le soulignent expressément les intimés, qu'ils ne remettent pas en cause les dispositions du jugement emportant rejet de leurs prétentions ; que la cour n'est donc saisie d'aucun appel de ces chefs ;
Sur les demandes indemnitaires :
Attendu qu'indépendamment des dispositions de l'article L. 231-11 du code du travail, devenu l'article L. 4122-2 du même code, selon lesquelles les mesures concernant la sécurité, l'hygiène et la santé au travail ne doivent en aucun cas entraîner de charges financières pour les travailleurs, il résulte des dispositions combinées des articles 1135 du code civil et L. 121-1 du code du travail, recodifié sous les articles L. 1221-1 et L. 1221-3 du même code, que les frais qu'un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être supportés par ce dernier ; Qu'il s'ensuit que, lorsque le port d'une tenue de travail est obligatoire et inhérent à l'emploi, l'employeur doit assurer la charge de son entretien, la détermination des modalités de prise en charge de cet entretien relevant de l'exercice de son pouvoir de direction ; qu'il s'agit là d'une obligation de faire dont l'inexécution se résout en dommages et intérêts par application des dispositions de l'article 1142 du code civil ;
Attendu que la société Ardoisières d'Angers exploite à Trélazé une unité de production d'ardoises qui, à l'époque litigieuse, comportait deux sites d'extraction et un atelier de production ; Attendu que les six salariés intimés occupaient alors des emplois de production, soit des fonctions au fond liées à l'extraction de l'ardoise ou à l'entretien des machines, soit des fonctions en atelier, en l'occurrence, ils occupaient des fonctions d'extraction et de roulage, de mineurs de chambre et de pré-débiteur ; Attendu que la société Ardoisières d'Angers ne conteste pas qu'elle imposait et impose toujours le port de tenues de travail pour l'accomplissement de ces fonctions de production ; qu'il ressort des factures d'entretien qu'elle verse aux débats qu'il s'agit de cottes, combinaisons, vestes tee-shirt " kevlar ", pantalons et maillots ;
Attendu qu'il ne fait pas débat, et cela ressort de la note interne diffusée par la direction le 16 février 2010, que la société Ardoisières d'Angers n'a pris en charge l'entretien des vêtements de travail qu'à compter du 1er mars 2010, soit à la faveur du présent contentieux prud'homal engagé par les salariés à la fin de l'année 2009 et au début de l'année 2010 et ce, en organisant une collecte hebdomadaire des vêtements sales ;
Attendu qu'il ressort des pièces versées aux débats que cette question de la prise en charge de l'entretien des tenues de travail par l'employeur était en discussion au sein de l'entreprise au moins depuis l'automne 2006 ; qu'en effet, le compte rendu de la réunion du CHSCT du 13 octobre 2006 souligne que, se prévalant d'une décision de la cour d'appel de Versailles, les représentants des salariés ont alors " réitéré ", dans les termes suivants, leur demande de prise en charge de l'entretien des tenues de travail par l'employeur : " La demande que nous réitérons aujourd'hui est une prise en charge par ADA de nos vêtements de travail. " ; que la direction a alors promis une réponse lors de la réunion du CHSCT suivant ; que, le 8 décembre 2006, l'employeur a opposé une réponse négative pour le motif suivant : " Coût trop important : 20000 ¿ par an plus l'organisation de la distribution après le nettoyage-ingérable " ; Attendu que les notes internes des 16 mai et 5 décembre 2007, 28 avril et 18 novembre 2008, et du 24 avril 2009, emportant compte rendu des négociations salariales successives portent toutes une rubrique " Vêtements de travail " avec la mention : " situation sans changement ", si ce n'est celle du 28 avril 2008 qui fait état d'une étude en cours relativement au " service de maintenance ", étude qui n'a manifestement pas abouti ;
Attendu que les intimés ne sollicitent pas le paiement des frais qu'ils ont exposés pour assurer l'entretien de leurs vêtements de travail antérieurement au 1er mars 2010, mais des dommages et intérêts compensatoires en réparation du préjudice qui est résulté pour eux de l'inexécution de son obligation par l'employeur ; que ce dernier soutient qu'il ne peut pas être débiteur de tels dommages et intérêts avant d'avoir été mis en demeure d'exécuter son obligation et que cette mise en demeure ne date en l'espèce que de la demande en justice intervenue les 13 et 23 novembre 2009 ;
Mais attendu, tout d'abord, que l'obligation qui pèse sur l'employeur d'assurer l'entretien des tenues de travail dont il impose le port naît du contrat de travail qui le lie au salarié et du principe général selon lequel les frais qu'un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être supportés par ce dernier ; que ce n'est donc pas la jurisprudence et, plus précisément, l'arrêt de la Cour de cassation du 21 mai 2008 qui est venue créer cette obligation pour l'employeur, mais qu'elle pesait déjà sur lui en vertu des contrats de travail le liant à ses salariés et du principe général ci-dessus rappelé ;
Et attendu, l'inexécution de son obligation d'assurer l'entretien des tenues de travail étant acquise de la part de la société Ardoisières d'Angers pour la période antérieure au 1er mars 2010, qu'elle est, par le seul fait de ce défaut d'exécution, tenue au paiement des dommages et intérêts compensatoires destinés à réparer le préjudice qui en est résulté et ce, sans qu'il y ait lieu à mise en demeure préalable ;
Qu'en tout état de cause, il résulte des éléments du dossier qu'à la demande clairement formulée par les représentants du personnel le 13 octobre 2006 de voir l'employeur assumer la prise en charge de l'entretien des tenues de travail, ce dernier a opposé un refus tout aussi net, motivé tant par le coût que représenterait pour lui l'exécution de cette obligation, que par la lourdeur de sa mise en oeuvre ; et attendu qu'il ressort des comptes rendus des négociations salariales qui se sont déroulées du premier trimestre 2007, soit juste après le refus intervenu en décembre 2006, au 24 avril 2009, soit juste avant l'engagement du contentieux judiciaire, que cette demande n'a jamais cessé d'être soumise à la société Ardoisières d'Angers et que seul l'exercice de l'action en justice l'a amenée à exécuter son obligation ;
Qu'il est ainsi établi que l'employeur, non seulement n'a pas exécuté son obligation, mais a, en dépit des demandes réitérées des salariés, manifesté de façon claire et persistante, pendant au moins trois ans, son refus de l'exécuter ;
Que le moyen tiré de l'absence de mise en demeure antérieurement au 13 novembre 2009 et au 22 janvier 2010 est donc inopérant ;
Attendu que le fait pour les salariés intimés d'avoir durablement entretenu, sans contrepartie, des tenues de travail requérant un entretien important compte tenu, d'une part, de la nature particulièrement salissante des travaux accomplis, d'autre part, du nombre de pièces de vêtements concernées (cottes, combinaisons, vestes tee-shirt " kevlar ", pantalons et maillots) a été pour chacun d'eux à l'origine d'un préjudice qui sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 1 000 ¿ par salarié, à l'exception de M. Mickaël D...et de M. Fabrice Y...dont les préjudices seront justement réparés par les sommes respectives de 500 ¿ et 450 ¿ dans la mesure où ils ont été respectivement embauchés le 20 août 2007 et le 13 novembre 2007 ;
Sur les dépens et frais irrépétibles :
Attendu, la société Ardoisières d'Angers succombant amplement en son recours, qu'elle sera condamnée aux dépens d'appel, le jugement entrepris étant confirmé en ses dispositions relatives aux dépens ; Qu'il convient par contre de l'infirmer s'agissant du montant de l'indemnité de procédure allouée à chaque salarié demandeur, cette indemnité étant ramenée à la somme de 25 ¿ et la société Ardoisières d'Angers étant condamnée à payer à chacun des intimés une indemnité de procédure de même montant en cause d'appel ;
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Dit n'y avoir lieu à jonction de la présente instance, inscrite au répertoire général sous le no 12/ 00027, avec l'instance inscrite au répertoire général sous le no 11/ 02756 ;
Déclare recevable l'appel formé par la société Ardoisières d'Angers à l'encontre du jugement entrepris ;
Infirme ce jugement en ses seules dispositions relatives au montant des dommages et intérêts compensatoires et de l'indemnité de procédure alloués à chacun des salariés ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société Ardoisières d'Angers à payer :
- à chacun de MM. Yannick Z..., Pierre B..., Daniel C...et Nicolas E..., la somme de 1 000 ¿ à titre de dommages et intérêts compensatoires du fait de l'inexécution par l'employeur de son obligation d'assurer l'entretien de leurs tenues de travail, celle de 25 ¿ au titre des frais irrépétibles de première instance et celle de 25 ¿ au titre des frais irrépétibles d'appel ;
- à M. Mickaël D..., la somme de 500 ¿ à titre de dommages et intérêts compensatoires du fait de l'inexécution par l'employeur de son obligation d'assurer l'entretien de ses tenues de travail, celle de 25 ¿ au titre de ses frais irrépétibles de première instance et celle de 25 ¿ au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;
- à M. Fabrice Y..., la somme de 450 ¿ à titre de dommages et intérêts compensatoires du fait de l'inexécution par l'employeur de son obligation d'assurer l'entretien de ses tenues de travail, celle de 25 ¿ au titre de ses frais irrépétibles de première instance et celle de 25 ¿ au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;
Condamne la société Ardoisières d'Angers aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sylvie LE GALLCatherine LECAPLAIN-MOREL