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08/10/2013 | FRANCE | N°11/03058

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 08 octobre 2013, 11/03058


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT DU 08 Octobre 2013

ARRÊT N AD/ GL

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 03058.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 15 Novembre 2011, enregistrée sous le no 11/ 00145

APPELANT :

Monsieur Medhi X...... 49100 ANGERS

représenté par Maître Elisabeth POUPEAU, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMES :
Maître Odile Y..., mandataire liquidateur de la SARL TEMA CONSTRUCTION... 49002 ANGERS CEDEX 01
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COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT DU 08 Octobre 2013

ARRÊT N AD/ GL

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 03058.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 15 Novembre 2011, enregistrée sous le no 11/ 00145

APPELANT :

Monsieur Medhi X...... 49100 ANGERS

représenté par Maître Elisabeth POUPEAU, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMES :
Maître Odile Y..., mandataire liquidateur de la SARL TEMA CONSTRUCTION... 49002 ANGERS CEDEX 01

CGEA DE RENNES, partie intervenante Immeuble Le Magister 4, Cours Raphaël Binet 35069 RENNES CEDEX

représentés par Maître Aurélien TOUZET substituant Me Bertrand CREN de la SELARL LEXCAP-BDH, avocats au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Juin 2013 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne DUFAU, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller

Greffier lors des débats : Madame C. PINEL

ARRÊT : prononcé le 08 Octobre 2013, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******

FAITS ET PROCÉDURE :

La société TEMA CONSTRUCTION qui a pour activité la réalisation de travaux de maîtrise d'oeuvre, a le 11 octobre 2010 signé une convention avec le CNAM du Mans ayant pour objet la formation en alternance de M. Mehdi X... pour la période du 14 octobre 2010 au 16 décembre 2011.
Elle a embauché sans contrat écrit M. Mehdi X... le 14 octobre 2010 comme technicien en électronique.
Le 14 décembre 2010 un contrat de professionnalisation, à durée déterminée, a été signé entre la société TEMA CONSTRUCTION et M. Mehdi X..., qui était demandeur d'emploi de plus de 26 ans, pour la période du 1er janvier 2011 au 16 décembre 2011, avec une période d'essai d'un mois.
M. Mehdi X... a reçu à ce moment-là la somme de 800 ¿ en paiement d'un acompte sur ses salaires d'octobre et novembre 2010.
Par jugement du 19 janvier 2011 le tribunal de commerce d'Angers a prononcé la liquidation judiciaire de la société TEMA CONSTRUCTION et a fixé la date de cessation des paiements au 30 septembre 2010.
Madame Odile Y... a été nommée liquidateur de la société et elle a par lettre recommandée du 28 janvier 2011 notifié à M. Mehdi X... la rupture du contrat de travail. M. Mehdi X... a reçu paiement des salaires du 1er au 28 janvier 2011, d'un préavis de deux jours, et de congés payés.
M. Mehdi X... a saisi le mois suivant le conseil de prud'hommes d'Angers auquel il a demandé de constater le non paiement des salaires d'octobre 2010, novembre 2010, et décembre 2010, et de dire illicite la rupture anticipée du contrat à durée déterminée du 14 décembre 2010.
Il a demandé la fixation au passif de la société TEMA CONSTRUCTION des sommes suivantes :-2567, 07 ¿ bruts au titre du rappel de salaire,-8190 ¿ à titre d'indemnité pour travail dissimulé,-14 332 ¿ à titre d'indemnité pour rupture anticipée du contrat à durée déterminée,-890 ¿ à titre d'indemnité de déplacements,-2000 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 15 novembre 2011 le conseil de prud'hommes d'Angers a statué dans ces termes :
Donne acte à l'AGS de son intervention par le CGEA de Rennes,
Dit et juge que le contrat de travail est nul,
Déboute Monsieur X... de toutes ses demandes contre Me Y... ès-qualités de liquidateur de la sarl TEMA CONSTRUCTION,
Rejette les demandes de Me Y... ès qualités de liquidateur de la sarl TEMA CONSTRUCTION au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur X... aux dépens.
M. Mehdi X... a régulièrement interjeté appel de ce jugement.
L'Association pour la Gestion du Régime de Garantie des Créances des Salariés (A. G. S.) est intervenue à l'instance pendante devant la cour, par son mandataire, l'UNEDIC-C. G. E. A de Rennes.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Aux termes de ses écritures déposées au greffe le 23 mai 2013, reprises et soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, M. Mehdi X... demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions, de constater le non paiement des salaires et des frais de déplacement d'octobre, novembre et décembre 2010, le défaut de déclaration URSSAF et le défaut de remise des bulletins de paie pour cette même période, en conséquence, d'inscrire au passif salarial de la SARL TEMA CONSTRUCTION à son profit, les sommes suivantes :
*rappel de salaire : 2. 567, 07 ¿ bruts *indemnité de travail dissimulé : 8190 ¿ *indemnité de déplacements Angers-Le Mans : 890 ¿

M. Mehdi X... demande à la cour, à titre principal, de :
- dire qu'il était lié à la société TEMA CONSTRUCTIONS par un contrat de travail à durée indéterminée,- dire que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En conséquence, d'inscrire au passif salarial de la sarl TEMA CONSTRUCTION à son profit, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse la somme de : 8190 ¿,
- A titre subsidiaire, de :
- dire qu'il était lié à la société TEMA CONSTRUCTIONS par un contrat de travail à durée déterminée,
- dire la rupture anticipée du contrat à durée déterminée abusive.
En conséquence, d'inscrire au passif salarial de la sarl TEMA CONSTRUCTION à son profit au titre de l'indemnité de rupture anticipée du contrat à durée déterminée, la somme de : 14 332 ¿.
Il demande à la cour de condamner Mme Y..., prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société TEMA CONSTRUCTION, aux dépens, et de la condamner à lui verser la somme de 2500 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
M. Mehdi X... soutient que les premiers juges ont à tort dit nul son contrat de travail au visa de l'article L 632-1 2o du code de commerce alors que les obligations de la société TEMA CONSTRUCTION à l'égard de son salarié n'ont pas notablement excédé les siennes à son égard ; qu'il a travaillé à temps complet depuis le 14 octobre 2010 et n'a d'abord perçu aucun salaire, à l'exception d'un acompte de 800 ¿ le 24 novembre 2010 ; qu'il était par ailleurs convenu oralement le versement d'une rémunération égale au SMIC en contrepartie d'un travail de technicien en électrotechnique, ce qui constituait une contrepartie totalement équilibrée, puisque minimum ; qu'il a réellement effectué sa prestation de travail ; que le mandataire judiciaire ne peut se fonder sur le contrat de professionnalisation établi le 14 décembre 2010 pour justifier du fait que les obligations de la société excédaient celles du salarié alors qu'il a été engagé sans contrat écrit, donc sous contrat à durée indéterminée, à compter du 14 octobre 2010, soit sans obligation particulière de la société à son profit, celle-ci pouvant mettre fin à tout moment au contrat de travail en prononçant un licenciement pour motif économique ; qu'il a dû ensuite supporter lui-même le coût de la formation pour un montant de 5500 ¿.
Il soutient également que la société TEMA CONSTRUCTION a sciemment dissimulé son emploi puisqu'elle l'a fait travailler depuis le 14 octobre 2010 dans ses locaux, au vu et au su des autres salariés, des fournisseurs ou des clients ; qu'elle ne pouvait pas ignorer qu'elle devait déclarer son embauche à l'URSSAF, lui régler des salaires, et établir des bulletins de paie ainsi que payer des cotisations sociales.
Quant à la rupture du contrat de travail, il soutient à titre principal que le mandataire judiciaire a prononcé une rupture de contrat de travail en période d'essai, alors qu'il travaillait pour la société TEMA CONSTRUCTION et au même poste, depuis le 14 octobre 2010 ; qu'il en résulte que la rupture du contrat de travail en période d'essai intervenue le 28 janvier 2011 est totalement abusive et doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'aucune procédure préalable de licenciement n'a été mise en ¿ uvre, ce qui confirme que la rupture qui a été prononcée ne revêt pas la forme d'un licenciement ; qu'en tout état de cause, la lettre de rupture ne vise pas les incidences sur l'emploi de la cause économique, et qu'elle est insuffisamment motivée. A titre subsidiaire, si le contrat de travail est dit à durée déterminée, M. Mehdi X... soutient que la rupture anticipée du contrat à durée déterminée a été illicite, car n'y a pas eu d'accord des parties sur celle-ci, ni faute grave d'une des parties, ni cas de force majeure, la procédure de liquidation judiciaire mise en oeuvre n'étant pas en soi un événement imprévisible, irrésistible et insurmontable et donc pas un cas de force majeure.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 23 mai 2013, reprises et soutenues oralement à l'audience devant la cour, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, Mme Odile Y..., ès qualités de mandataire liquidateur de la sarl TEMA CONSTRUCTION demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé nul le contrat de travail, et de débouter en conséquence M. Mehdi X... de l'intégralité de ses demandes. Subsidiairement, de dire et juger non fondé M. Mehdi X... en ses demandes, l'en débouter, et de le condamner aux entiers dépens et à lui payer la somme de 2000 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme Odile Y..., ès-qualités de mandataire liquidateur de la sarl TEMA CONSTRUCTION soutient à titre principal que le contrat de travail de M. Mehdi X... a été conclu dans la période suspecte puisqu'après la date de cessation des paiements ; que la situation de la société était obérée, et que le contrat doit être déclaré nul en raison du déséquilibre existant entre les prestations des parties.
A titre subsidiaire, s'en remettant à justice pour la demande en paiement des salaires, elle soutient qu'il n'y a pas eu intention coupable de l'employeur de dissimuler l'emploi de M. Mehdi X..., et que la rupture doit s'analyser, non pas en une rupture en période d'essai, mais en un licenciement économique, qui est suffisamment motivé au niveau de l'incidence sur l'emploi alors que le motif de cessation d'activité a pour conséquence la suppression de I'ensemble des emplois.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 23 mai 2013, reprises et soutenues oralement à l'audience devant la cour, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer L'A. G. S. représentée par l'UNEDIC-C. G. E. A de Rennes, son association gestionnaire, expose n'intervenir que pour la régularité de la procédure, son rôle n'étant que subsidiaire et aucune condamnation n'étant susceptible d'être prononcée à son encontre ; elle ajoute que si une créance est fixée au passif de la liquidation de la société TEMA CONSTRUCTION, celle-ci ne pourra lui être déclarée opposable, et sa garantie ne pourra être acquise, que dans les limites prévues par l'article L3253-8 du code du travail et les plafonds prévus aux articles L3253-17 et D3253-5 du même code.
Elle indique s'associer à l'argumentation de la liquidation tendant à la confirmation du jugement.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la nullité du contrat de travail :

L'article L632-1 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige, énonce :
" Sont nuls, lorsqu'ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements, les actes suivants : 1o (...), 2oTout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie, (...) " ;

Le 2o de l'article L632-1 du code de commerce sanctionne donc par la nullité le contrat commutatif déséquilibré, c'est-à-dire le contrat " lésionnaire " ;
L'article 1104 du code civil dispose que le contrat est commutatif lorsque chacune des parties s'engage à donner ou à faire une chose qui est regardée comme l'équivalent de ce qu'on lui donne, ou de ce qu'on fait pour elle. Il s'agit d'un contrat à titre onéreux et on connaît l'importance des prestations réciproques au moment où il est conclu. C'est le cas du contrat de travail qui est un contrat commutatif ;
S'il y a un déséquilibre notable entre les prestations de l'une et l'autre partie la nullité du contrat de travail est encourue, et il appartient au juge d'apprécier l'existence de ce déséquilibre ;
Il est acquis aux débats que si la société TEMA CONSTRUCTION a le 14 décembre 2010, dans le cadre d'une convention qu'elle avait passée le 11 octobre 2010 avec le conservatoire national des arts et métiers des Pays de la Loire (CNAM), signé avec M. Mehdi X..., un contrat de professionnalisation, à durée déterminée, prévu pour la période allant du 1er janvier 2011 au 16 décembre 2011 et permettant au salarié de bénéficier d'une formation d'électrotechnicien en énergies renouvelables de 387 heures, elle n'a pas fait enregistrer ce contrat à la direction départementale de l'emploi comme le prévoit l'article L6325-5 du code du travail ;
Il est établi encore que M. Mehdi X... avait été embauché par cette entreprise, sans contrat écrit, dès le 14 octobre 2010, et qu'il a exercé en son sein un emploi à temps plein, formation incluse, de technicien en électronique, pour un salaire mensuel brut de 1346, 83 ¿ correspondant au smic ;
Le contrat de professionnalisation du 14 décembre 2010 n'a pas eu de réalité, puisqu'il résulte des fiches de présence au CNAM produites par M. Mehdi X... que celui-ci a commencé la formation le 14 octobre 2010, en même temps qu'il a débuté le travail en entreprise ;
Cette date est d'ailleurs celle qui est visée dans la convention passée avec le CNAM comme devant être celle du début de la formation ;
En l'absence d'écrit, le contrat de travail conclu le 14 octobre 2010 est réputé à durée indéterminée ; il ne peut être qualifié de lésionnaire pour la société TEMA CONSTRUCTION, alors que celle-ci pouvait bénéficier d'une prise en charge du coût de la formation de M. Mehdi X... par l'organisme paritaire collecteur agréé, et qu'ayant signé la convention avec le CNAM sous réserve d'un accord en ce sens, il lui appartenait de transmettre tout contrat de professionnalisation à cet organisme, dans les termes de l'article D 6325-1 du code du travail. Elle a rémunéré M. Mehdi X..., qui était âgé de 29 ans, au smic, et a bénéficié à la fois de son travail et de ses compétences, puisque M. Mehdi X... qui était technicien en électro technique, s'est formé auprès du CNAM comme électrotechnicien en énergies renouvelables, spécialité de nature à bénéficier à son employeur dans l'exécution du contrat de travail ;
Il n'est pas contesté par le liquidateur de la société TEMA CONSTRUCTION, et il ressort des attestations émanant des autres salariés de l'entreprise, produites par M. Mehdi X..., que ce dernier a effectué la prestation de travail pour laquelle il avait été engagé, à compter du 14 octobre 2010, et jusqu'au 28 janvier 2011, à raison de 4 jours par semaine, le 5ème étant consacré à sa formation ;
Le contrat de travail du 14 octobre 2010, s'il a été conclu après la date de cessation des paiements telle qu'elle a été fixée par le tribunal de commerce d'Angers, n'a donc pas présenté de déséquilibre notable entre les prestations de l'une et l'autre partie, et il n'y pas lieu de le dire nul, le jugement étant infirmé sur ce point ;
M. Mehdi X... est dès lors fondé à obtenir paiement des salaires dus pour la période allant du 14 octobre 2010 au 31 décembre 2010, soit, après déduction de la somme de 800 ¿ qui lui a été versée par la société TEMA CONSTRUCTION, la somme de 2567, 07 ¿ bruts ;
Par voie d'infirmation du jugement, la créance de M. Mehdi X... au titre du rappel de salaires est fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société TEMA CONSTRUCTION à la somme de 2567, 07 ¿ bruts ;
Sur le travail dissimulé :
Il résulte des dispositions combinées des articles L8221-1, L8221-5 et L8223-1 du code du travail qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la déclaration nominative auprès des organismes de protection sociale et que le salarié auquel un employeur a eu recours en violation des dispositions de l'article L1221-10 du code du travail, a droit en cas de rupture de la relation de travail à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ;
M. Mehdi X... a été employé de façon constante, à compter du 14 octobre 2010, par la société TEMA CONSTRUCTION, et il est acquis aux débats que son employeur n'a déclaré son embauche à l'URSSAF que le 1er janvier 2011. M. Mehdi X... ne s'est pas de plus vu remettre de bulletin de paie, pour les mois d'octobre, novembre et décembre 2010 et il n'a perçu que 800 ¿ sur les salaires dus pour la période sus-visée ;
Il ne peut être considéré dans ces conditions qu'il s'est agi d'un simple retard déclaratif mais ces circonstances caractérisent l'intention de l'employeur de dissimuler l'emploi de M. Mehdi X..., auquel aucun contrat de travail écrit n'a été proposé avant le 14 décembre 2010, à effet au 1er janvier 2011, alors qu'il travaillait dans l'entreprise depuis le 14 octobre 2010 et suivait également les cours au CNAM dans le cadre d'une professionnalisation également non formalisée ;
Par voie d'infirmation du jugement il y a lieu de fixer la créance de M. Mehdi X... au passif de la liquidation judiciaire de la société TEMA CONSTRUCTION, au titre de l'indemnité forfaitaire de travail dissimulé, à la somme de 1365 ¿ x 6 mois = 8190 ¿ ;
Sur la rupture du contrat de travail :
La lettre adressée le 28 janvier 2011 à M. Mehdi X... par Mme Odile Y..., ès qualités de mandataire liquidateur de la Sarl TEMA CONSTRUCTION, est ainsi libellée :
" Monsieur,
J'ai le regret de vous informer que par suite de difficultés d'ordre économique :
- Sarl TEMA CONSTRUCTION-travaux de prestations en maître d'oeuvre,-58 Bis rue Victor Hugo-49100 ANGERS,

a fait l'objet de l'ouverture d'une procédure de Liquidation Judiciaire par Jugement du Tribunal de Commerce d'ANGERS, en date du 19/ 0112011. J'ai été désignée en qualité de Liquidateur Judiciaire.
Votre reclassement individuel n'a pas été possible dans le cadre de nos recherches.
Il apparaît nécessaire de vous notifier par la présente lettre recommandée avec accusé de réception la rupture de votre contrat en période d'essai pour le motif suivant : ARRET TOTAL DE L'ACTIVITE.
La date de présentation de cette lettre fixera donc le point de départ du préavis de 2 jours, que je vous dispense d'exécuter........... Conformément à l'article L. 1235-7 du Code du Travail, je vous informe que vous disposez d'un délai de 12 mois pour soulever toutes contestations sur la régularité ou la validité du licenciement. Ce délai court à compter de la notification de licenciement.

Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de mes salutations distinguées.

O. Y... " ;
Cette lettre, malgré la présence d'une mention formelle sur le licenciement en ses dernières lignes, notifie au salarié la rupture du contrat de travail en période d'essai et non un licenciement pour motif économique.
Or, il est acquis que M. Mehdi X... a été employé en contrat de travail à durée indéterminée par la société TEMA CONSTRUCTION à compter du 14 octobre 2010, et que la période d'essai d'un mois prévue dans le contrat de professionnalisation du 14 décembre 2010, laquelle n'a eu aucune existence, était en tout état de cause expirée lorsque la rupture a été notifiée au salarié, le 28 janvier 2011 ;
La rupture étant intervenue en cours d'exécution du contrat de travail à durée indéterminée, hors période d'essai, elle doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
En tout état de cause, à supposer que l'on admette que cette lettre emporte notification d'un licenciement et non d'une rupture en période d'essai, le licenciement n'en est pas moins dépourvu de cause réelle et sérieuse en ce que, la lettre n'énonçant aucune conséquence sur l'emploi du salarié, le licenciement n'est pas motivé ;
Sur les conséquence financières de la rupture :
M. Mehdi X... comptant moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise au moment de son licenciement, trouvent à s'appliquer les dispositions de l'article L. 1235-5 du code du travail selon lesquelles le salarié peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi du fait de son licenciement abusif ;
Cette indemnité peut être cumulée avec l'indemnité forfaitaire de travail dissimulé ;
M. Mehdi X... avait 4 mois et 14 jours d'ancienneté dans l'entreprise et était âgé de 29 ans ; il a perçu l'aide au retour à l'emploi jusqu'en septembre 2011, puis a effectué des emplois intérimaires. Il a obtenu en 2012 une licence en sciences et techniques industrielles ;
La cour trouve en la cause, compte-tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. Mehdi X..., de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, les éléments pour fixer les dommages-intérêts alloués en réparation du préjudice consécutif à la rupture à la somme de 2000 ¿ ;
La somme mise à la charge de l'entreprise dans le contrat de professionnalisation au titre des frais de formation a pour objet, aux termes de la convention du 11 octobre 2010, de couvrir les frais pédagogiques, les frais de fonctionnement et les frais administratifs de la dite formation ; les dépenses exposées par le salarié en frais de transport peuvent être prises en charge par l'organisme paritaire collecteur agréé mais leur paiement n'incombe pas à la société TEMA CONSTRUCTION et M. Mehdi X... doit être débouté de sa demande à ce titre ;
Sur l'intervention de l'A. G. S. :
Le présent arrêt est déclaré opposable à l'A. G. S. intervenant par l'UNEDIC-C. G. E. A de Rennes, laquelle ne sera tenue à garantir les sommes allouées à M. Mehdi X... que dans les limites et plafonds définis aux articles L. 3253-8 à L. 3253-17, D. 3253-2 et D. 3253-5 du code du travail ;
Sur les dépens et frais irrépétibles :
Les dispositions du jugement afférentes aux frais irrépétibles et aux dépens sont infirmées, sauf en ce qu'elles ont rejeté la demande de Mme Odile Y..., ès qualités de mandataire liquidateur de la Sarl TEMA CONSTRUCTION, formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Mme Odile Y..., ès qualités de mandataire liquidateur de la Sarl TEMA CONSTRUCTION, est condamnée à payer à M. Mehdi X..., pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel, la somme de 2000 ¿ et elle est déboutée de sa propre demande au titre des frais irrépétibles d'appel ; elle est condamnée aux dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement du conseil de prud'hommes d'Angers dans toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté la demande de Mme Odile Y..., ès qualités de mandataire liquidateur de la Sarl TEMA CONSTRUCTION, formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau, et y ajoutant,
Fixe la créance de M. Mehdi X... au passif de la liquidation judiciaire de la société TEMA CONSTRUCTION aux sommes suivantes :
* au titre du rappel de salaire : 2567, 07 ¿ bruts, * au titre de l'indemnité de travail dissimulé : 8190 ¿, * au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 2000 ¿,

Déboute M. Mehdi X... de sa demande au titre de ses frais de déplacements,
Déclare le présent arrêt opposable à l'AGS intervenant par l'UNEDIC-C. G. E. A de Rennes, association gestionnaire de l'assurance de garantie des salaires, et dit qu'elle ne sera tenue à garantir les sommes allouées à M. Mehdi X... que dans les limites et plafonds définis aux articles L. 3253-8 à L. 3253-17, D. 3253-2 et D. 3253-5 du code du travail ;
Condamne Mme Odile Y..., ès qualités de mandataire liquidateur de la Sarl TEMA CONSTRUCTION, à payer à M. Mehdi X... la somme de 2000 ¿ pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel, et la déboute de sa propre demande au titre de ses frais irrépétibles d'appel,
Condamne Mme Odile Y..., ès qualités de mandataire liquidateur de la Sarl TEMA CONSTRUCTION, aux dépens de première instance et d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/03058
Date de la décision : 08/10/2013
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2013-10-08;11.03058 ?
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