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01/10/2013 | FRANCE | N°11/02993

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 01 octobre 2013, 11/02993


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 01 Octobre 2013

ARRÊT N AD/ GL
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 02993.

Jugement Au fond, origine Conseil de prud'hommes-Formation de départage d'ANGERS, décision attaquée en date du 25 Novembre 2011, enregistrée sous le no 11/ 00756

APPELANTE :
CAISSE FEDERALE DE CREDIT MUTUEL D'ANJOU 1 Place Molière 49100 ANGERS
représentée par la SCP SULTAN-SOLTNER-PEDRON-LUCAS, avocats au barreau d'ANGERS et en présence de Monsieur X..., représentant la C. F. C. M. A.

INTIME :
Mo

nsieur Michel Y...... 49500 STE GEMMES D'ANDIGNE
comparant, assisté de Maître Mathias JARRY, avocat ...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 01 Octobre 2013

ARRÊT N AD/ GL
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 02993.

Jugement Au fond, origine Conseil de prud'hommes-Formation de départage d'ANGERS, décision attaquée en date du 25 Novembre 2011, enregistrée sous le no 11/ 00756

APPELANTE :
CAISSE FEDERALE DE CREDIT MUTUEL D'ANJOU 1 Place Molière 49100 ANGERS
représentée par la SCP SULTAN-SOLTNER-PEDRON-LUCAS, avocats au barreau d'ANGERS et en présence de Monsieur X..., représentant la C. F. C. M. A.

INTIME :
Monsieur Michel Y...... 49500 STE GEMMES D'ANDIGNE
comparant, assisté de Maître Mathias JARRY, avocat au barreau d'ANGERS-No du dossier MJ110085

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Juin 2013 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne Dufau, conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller

Greffier lors des débats : Madame PINEL, greffier

ARRÊT : prononcé le 01 Octobre 2013, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******

FAITS ET PROCÉDURE :
La caisse fédérale du Crédit Mutuel d'Anjou, aux droits de laquelle est venue la caisse régionale de Crédit Mutuel d'Anjou (ci-après le CMA) a engagé M. Michel Y... par contrat à durée indéterminée en octobre 1980. Dans le dernier état de son activité celui-ci occupait I'emploi d'expert clientèle sur Ie marché des particuliers et il exerçait la fonction de conseiller patrimonial au sein de la Caisse de crédit Mutuel de Segré. Il avait Ie statut cadre, et percevait une rémunération mensuelle brute de 3 030, 07 ¿ sur 13 mois, soit 39 390, 96 ¿ par an.
M. Y... bénéficiait d'une subdélégation permanente, limitée aux seuls crédits particuliers, I'autorisant notamment à signer tous actes de prêts et ouvertures de crédits.
Le 1er août 2007, M. Y... a sollicité et obtenu de son employeur un congé de création d'entreprise pour un an, qui a été renouvelé Ie 1er août 2008, jusqu'au 31 juillet 2009.
Dans ce cadre il s'est associé avec M. Z..., qu'il connaissait s'agissant d'un de ses clients à l'agence de Segré, dans Ie but d'acquérir une agence immobilière, ce à compter du 29 juin 2007. M. Y... a cédé ses parts Ie 6 juin 2008.
Le 13 janvier 2009, M. Y... a demandé à être réemployé par le CMA à I'issue de son congé, Ie 31 juillet 2009.
Le 25 mars 2009, M. Y... a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 6 avril 2009, au cours duquel il a été assisté par M. Landry, délégué du personnel.
M. Y... a été licencié pour faute grave par lettre du 6 mai 2009, dont il a signé l'accusé de réception le 7 mai 2009.
Conformément à l'article 17 de la convention collective du CMA, M. Y... a saisi le conseil de discipline qui a rendu un avis de partage de voix le 30 juin 2009, 4 voix étant défavorables à la sanction, et 4 autres, favorables.
M. Y... a saisi le 26 octobre 2009 le conseil de prud'hommes d'Angers pour contester le bien-fondé de son licenciement.
Il a demandé la condamnation du CMA à lui payer :-26 950 ¿, incidence congés payés incluse, à titre de rappel de salaire pour la période allant de mai à décembre 2009,-10 500 ¿ à titre d'indemnité conventionnelle de préavis,-84 000 ¿ à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,-288 000 ¿ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-3500 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le CMA a demandé la condamnation de M. Y... à lui payer la somme de 7500 ¿ en remboursement d'un prêt consenti à taux nul, celle de 10 000 ¿ pour procédure abusive, et la somme de 5000 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 25 novembre 2011, rendu sous la présidence du juge départiteur, le conseil de prud'hommes d'Angers a statué dans ces termes :
Dit que Ie licenciement de M. Y... est sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la CAISSE FEDERALE DE CREDIT MUTUEL D'ANJOU à payer à M. Y... :- une somme de 72 216, 76 ¿ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,- une somme de 9 847, 74 ¿ à titre d'indemnité de préavis,- une somme de 83 705, 78 ¿ à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,- une somme de 18 054, 19 ¿ à titre de rappel de salaires pour la période d'août 2009 à décembre 2009, incidence congés payés incluse,- une somme de 2 000 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. Y... à payer à la CAISSE FEDERALE DE CREDIT MUTUEL D'ANJOU une somme de 7 500 ¿,
Ordonne Ie remboursement par Ia CAISSE FEDERALE DE CREDIT MUTUEL D'ANJOU aux organismes sociaux concernés de la totalité des indemnités de chômage versées à M. Y... du jour de son licenciement au présent jugement, dans une limite de 6 mois d'indemnités,
Dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement,
Rappelle I'exécution provisoire de droit prévue par l'article R 1454-28 du code du travail,
Précise que la moyenne des 3 derniers mois de salaire de M. Y... est de 3 282, 58 ¿ brut,
Déboute les parties de leurs autres prétentions,
Condamne la CAISSE FEDERALE DE CREDIT MUTUEL D'ANJOU aux dépens.
Pour statuer comme il l'a fait, le conseil de prud'hommes d'Angers a considéré que faute de respecter les garanties de fond prévues par la convention collective applicable au contrat de travail de M. Y..., le licenciement de celui-ci est sans cause réelle et sérieuse.
Le CMA a régulièrement formé appel de cette décision, par lettre postée le 8 décembre 2011.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Aux termes de ses écritures déposées au greffe le 27 mai 2013, reprises et soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, la CAISSE REGIONALE DU CREDIT MUTUEL D'ANJOU, VENANT AUX DROITS DE LA CAISSE FEDERALE DE CREDIT MUTUEL D'ANJOU (le CMA) demande à la cour :
- d'infirmer Ie jugement entrepris du chef du licenciement,
- de débouter M. Y... de I'intégralité de ses demandes,
- de confirmer Ie jugement en ce qu'il a condamné M. Y... à verser au Crédit Mutuel d'Anjou la somme de 7 500 ¿ en remboursement du prêt qui lui a été consenti,
- de condamner M. Y... à verser à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT MUTUEL D'ANJOU la somme de 5000 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le CMA soutient :
- qu'aux termes de la convention collective applicable, la saisine du conseil de discipline n'est pas un préalable à la notification de la sanction, mais ne peut être que postérieure à cette notification et que les premiers juges ont à tort estimé que le licenciement ne pouvait être notifié qu'après l'avis du conseil de discipline et que jusque là l'employeur ne pouvait faire part au salarié que d'un simple " avis " sur la mesure envisagée ; qu'en outre la jurisprudence considère que la possibilité de saisir une commission paritaire postérieurement à la notification du licenciement ne constitue pas une condition de validité du licenciement le rôle de la commission n'étant pas de se prononcer sur le licenciement, et que le non respect par l'employeur de l'effet suspensif de cette saisine ne constitue pas non plus la violation d'une garantie de fond privant le licenciement de cause réelle et sérieuse ; que seule l'obligation de l'employeur d'informer le salarié, dans la lettre de licenciement, de la faculté de saisir une commission de discipline pour avis constitue une garantie de fond, et que cette mention est portée dans la lettre du 6 mai 2009 ; qu'il n'a pas rendu le licenciement exécutoire avant le 30 juin 2009, date à laquelle la commission de discipline a donné son avis,
- que les faits reprochés ne sont pas prescrits car l'employeur les a connus par une note interne du 23 mars 2009 et a convoqué le salarié à un entretien préalable au licenciement dès le 25 mars 2009,
- que la faute grave du salarié est établie celui-ci ayant omis d'inscrire toutes les sociétés dirigées par M. Z... dans un groupe de risques et octroyé des prêts à des sociétés que celui-ci animait directement ou indirectement alors que l'interdiction d'accorder des prêts à M. Z... lui avait été notifiée le 24 janvier 2005, M. Z... se livrant à des opérations immobilières hasardeuses, créant de multiples sociétés au sein desquelles il investissait par l'intermédiaire de prête-noms qui étaient ses parents ou sa femme ; qu'il a accordé à M. Z... des privilèges " exorbitants " au mépris des limites de la délégation de pouvoirs qui lui avait été consentie et qu'il a procédé à de nombreux sur-financements, la plupart des sociétés du groupe Z... n'ayant ensuite pas été en mesure de rembourser les prêts et ayant fait l'objet d'une liquidation judiciaire.
Le CMA ajoute que les sommes réclamées par M. Y... au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement et au titre de l'indemnité compensatrice de préavis résultent de calculs erronés.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 5 avril 2013, reprises et soutenues oralement à l'audience devant la cour, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, M. Y... demande à la cour :
de confirmer Ie jugement du conseil de prud'hommes d'Angers du 25 novembre 2011 qui a jugé son licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné le CMA à lui verser les sommes de :- une somme de 9847, 74 ¿ à titre d'indemnité de préavis,- une somme de 83 705, 78 ¿ à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,- une somme de 18 054, 19 ¿ à titre de rappel de salaires pour la période d'août 2009 à décembre 2009, incidence congés payés incluse,
d'infirmer Ie jugement concernant Ie montant des dommages-intérêts qui lui ont été accordés au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et de lui allouer la somme de 346 733, 76 ¿.
de condamner la CAISSE FEDERALE DU CREDIT MUTUEL D'ANJOU aux entiers dépens et à payer à M. Y... la somme de 5 000 ¿ par application de l'article 700 du code de procédure civile.
M. Y... précise qu'il ne sollicite pas la réformation du jugement du chef du remboursement du prêt de 7500 ¿, et qu'il a exécuté la décision de première instance sur ce point.
M. Y... soutient que le CMA n'a pas respecté certaines dispositions de la convention collective applicable, alors qu'elles constituent des garanties de fond dont le non-respect prive le licenciement de cause réelle et sérieuse : que le délai de convocation du conseil de discipline n'a pas été respecté, et que l'employeur a rendu le licenciement exécutoire avant l'avis de l'organe conventionnel ; qu'il l'a reconnu dans ses écritures en disant que : " le licenciement est devenu exécutoire à la date de la décision du conseil de discipline, soit le 30 juin 2009 ", alors que la convention collective prévoit, lorsque le conseil de discipline a statué avec un partage de voix, ce qui a été le cas, que l'employeur doit " obligatoirement dans les 15 jours qui suivent demander l'avis de la commission paritaire d'interprétation et d'appel " et que celle-ci a rendu un avis de partage des voix le 16 décembre 2009.
M. Y... demande paiement des salaires dus du 1er août 2009 au 16 décembre 2009, date à laquelle a statué la commission paritaire d'appel.
Quant aux griefs invoqués à son encontre, M. Y... soutient qu'ils sont prescrits, puisque l'employeur a eu connaissance des prêts litigieux dès juillet 2007 pour la SCI BAP, en janvier 2007 pour la SCI BEDIMMO, en octobre 2007 pour la SCI THEOMAX.
Il soutient enfin qu'il n'a pas commis de faute grave, ni même de faute, et qu'il a correctement appliqué les règles de distribution des crédits, en matière de " groupe risque ", de sur-financement et de franchises ; que la violation de la délégation qui lui avait été accordée en matière d'octroi de crédits ne lui a été reprochée qu'en cours d'instance mais n'est pas un grief visé par la lettre de licenciement, et ne pourra donc pas être prise en considération.
Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour, par application des dispositions de l'article 455 code de procédure civile se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 27 mai 2013 pour la caisse régionale du crédit mutuel d'Anjou, venant aux droits de la caisse fédérale de crédit mutuel d'Anjou et le 5 avril 2013 pour M. Y... et développées lors de l'audience des débats.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur les dispositions de la convention collective du crédit mutuel d'Anjou et le licenciement :
La convention collective du Crédit Mutuel d'Anjou, du 11 février 1997, indique en préambule qu'elle n'est pas liée à celle de l'Association française des banques, et qu'elle s'inscrit dans un cadre commun à tous les organismes du Crédit Mutuel défini par la convention de branche ; qu'elle est conclue pour une durée indéterminée à dater du 1er janvier 1998 ;
Elle prévoit en son article 17 deux niveaux de sanction, le licenciement relevant du 2ème niveau, et devant comme tel être prononcé par l'employeur ou son représentant, en accord avec le supérieur hiérarchique. Toutes les sanctions donnent lieu à une notification écrite ;
L'article 18 énonce :
" Lorsqu'un membre du personnel est sous Ie coup d'une sanction du 2ème niveau, il est avisé par l'employeur ou son représentant. Ce dernier doit lui indiquer qu'il peut, dans les 10 jours ouvrables de cet avis, demander directement ou par l'intermédiaire des délégués du personnel, que ladite sanction soit déférée au conseil de discipline de sa section et qu'il peut se faire assister par une personne de son choix prise parmi Ie personnel de I'entreprise. Dans ce cas, Ia sanction ne devient exécutoire que Iorsque Ie Conseil de Discipline s'est prononcé. "
Le règlement intérieur du conseil de discipline prévoit que le président de cette instance, lorsque le salarié l'a saisi, doit convoquer le conseil dans les 8 jours et que le dit conseil doit se prononcer dans le meilleur délai, au maximum dans les 30 jours qui suivent la convocation ; que le conseil doit obligatoirement entendre l'employeur et le salarié intéressé, et que son avis est formulé par écrit et communiqué au salarié ;
L'article 18 ajoute :
" Si Ie Conseil de Discipline donne à la majorité des voix exprimées un avis favorable à la mesure envisagée, celle-ci devient exécutoire au bout de 15 jours. Si Ie Conseil de Discipline émet à la majorité des voix exprimées un avis défavorable à la mesure envisagée, I'employeur peut se ranger à cet avis. Toutefois, cet avis du Conseil de Discipline ne lie en aucun cas l'employeur. S'il estime ne pas pouvoir se ranger à I'avis du Conseil ou si les voix sont partagées, il doit obligatoirement dans les 15 jours qui suivent demander l'avis de la Commission Paritaire d'interprétation et d'appel. "

L'article 19 indique :
Les licenciements individuels sont décidés par I'employeur dans Ie respect des dispositions légales et des articles 17 et 18 de la présente Convention Collective. "
L'article 11 énumère les missions de la commission paritaire d'interprétation et d'appel et notamment son rôle lorsqu'elle est saisie sur renvoi du conseil de discipline, et ajoute :
" Si la Commission donne un avis défavorable à la mesure prise à l'encontre d'un salarié, après avis du Conseil de Discipline, ou s'il n'y a pas eu accord entre les parties, l'employeur conserve son droit de décision. II est établi un procès-verbal dressé par les parties, dont un exemplaire est remis au salarié qui est l'objet de la mesure, pour servir à toutes fins judiciaires, notamment pour la fixation éventuelle des indemnités, dommages et intérêts. "
La lettre de licenciement du 6 mai 2009 adressée à M. Y... énonce les griefs reprochés, et se termine ainsi :
" De tels faits sont constitutifs d'une faute grave et sont de nature à rompre la confiance que nous avions en vous. Aussi, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave, à réception de la présente, sans indemnité ni préavis. Votre solde de tout compte vous sera remis à la fin de ce mois. S'agissant d'une sanction de 2ème niveau et conformément à l'article 17 de la convention collective, vous pouvez dans les 10 jours de l'envoi de cette lettre demander à ce que ladite sanction soit déférée devant le conseil de discipline de votre section et vous faire assister par une personne de votre choix prise parmi le personnel de l'entreprise. Vous veillerez à restituer tous les documents en votre possession le cas échéant. "
M. Y... soutient comme étant son premier moyen pour voir son licenciement dit sans cause réelle et sérieuse, que le délai de 8 jours, prévu pour la convocation du conseil de discipline, courant à compter de la date de saisine de son président par le salarié, a été dépassé, alors que ce délai imposé par la convention collective et le règlement intérieur du conseil de discipline constitue une garantie de fond ;
M. Y... a signé l'accusé de réception de la lettre de licenciement le 7 mai 2009, et il a saisi le conseil de discipline le 13 mai 2009. Cet organe a été convoqué par son président le 26 mai 2009, et sa réunion a eu lieu le 30 juin 2009 ;
Le délai conventionnel de convocation a par conséquent été dépassé de 5 jours ;
Le non-respect d'un délai conventionnel de saisine d'un organisme consultatif ne constitue cependant pas la violation d'une garantie de fond, sauf si cette irrégularité a eu pour effet de priver le salarié de la possibilité d'assurer utilement sa défense devant cet organisme, ce que M. Y... ne démontre pas, ni même n'allègue, puisqu'il est acquis aux débats qu'il a pu présenter des arguments de défense devant le conseil de discipline réuni le 30 juin 2009 ;
Ce moyen doit être rejeté ;
M. Y... soutient en second lieu que la lettre de licenciement du 6 mai 2009 lui a notifié une sanction et qu'il ne s'est pas agi d'un " avis " au sens l'article 18 de la convention collective ; que le licenciement a eu un caractère exécutoire dès qu'il lui a été notifié, soit le 7 mai 2009, alors que le délai conventionnel de 10 jours dont il disposait pour saisir le conseil de discipline n'était pas écoulé ; que le CMA, en soutenant que le licenciement est devenu exécutoire le 30 juin 2009, reconnaît n'avoir pas respecté les dispositions conventionnelles puisque la commission paritaire d'interprétation et d'appel a statué seulement le 16 décembre 2009.
L'article 18 de la convention collective prévoit que le salarié qui est " sous le coup " d'une sanction de 2ème niveau, telle qu'un licenciement, c'est-à-dire qui est sous la menace d'une telle sanction, en est " avisé " par l'employeur et qu'il peut dans le délai de 10 jours suivant la réception de cet " avis " déférer la sanction au conseil de discipline, la dite sanction ne devenant dès lors exécutoire que lorsque le conseil de discipline s'est prononcé ;
La saisine du conseil de discipline, qui intervient alors que le salarié a été uniquement " avisé " de la sanction envisagée par l'employeur, a pour objet d'aider celui-ci dans sa prise de décision et serait dépourvue de sens si l'employeur devait seulement attendre l'avis, consultatif, du conseil pour rendre exécutoire une décision d'ores et déjà arrêtée ;
Il ressort donc des termes de ce texte, ainsi que l'ont justement analysé les premiers juges, que le conseil de discipline instauré par la convention collective du CMA a pour mission de se prononcer sur le principe du licenciement ;
Il est constant que la consultation obligatoire d'une commission paritaire avant le prononcé de la sanction disciplinaire par l'employeur constitue pour le salarié une garantie de fond qui, si elle n'est pas respectée, est de nature à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse ;
Ainsi que l'ont également justement constaté les premiers juges, la lettre de licenciement reçue le 7 mai 2009 par M. Y... notifie un licenciement dans des termes qui soulignent l'effectivité de cette sanction, puisqu'il y est indiqué au salarié que le licenciement prend effet " à réception de la présente ", que le solde de tout compte sera remis à la fin du mois et que le salarié doit restituer tous les documents qui seraient le cas échéant en sa possession ;
La décision de la sa ACM VIE de résilier l'adhésion de M. Y... au contrat groupe à compter du 8 mai 2009 résulte bien d'autre part de l'information donnée par l'employeur à l'assureur du départ de son salarié à la dite date du 8 mai 2009 ;
Le CMA n'a par conséquent pas, le 7 mai 2009, informé le salarié par un simple avis, tel qu'énoncé par l'article 18 de la convention collective, de ce qu'il se trouvait susceptible de subir une sanction, mais lui a à cette date notifié un licenciement exécutoire, ce alors que le conseil de discipline ne s'était pas encore prononcé, ni la commission paritaire d'interprétation et d'appel, instance que l'employeur aura pourtant l'obligation de saisir dès lors que le conseil de discipline aura rendu un avis de partage de voix ;
Les garanties de fond prévues par la convention collective applicable au contrat de travail de M. Y... en ce qui concerne le licenciement n'ayant pas été respectées par le CMA, le jugement est confirmé en ce qu'il a dit le licenciement de M. Y... sans cause réelle et sérieuse ;
Justifiant d'une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés, M. Y... peut prétendre à l'indemnisation de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement sur le fondement de l'article L1235-3 du code du travail, l'indemnité à la charge de l'employeur ne pouvant pas être inférieure aux salaires ou rémunération brute des six derniers mois, lesquels se sont élevés à la somme brute de 18 180, 42 ¿ ;
Au moment du licenciement, M. Y... était âgé de 51 ans et comptait 27 ans d'ancienneté dans l'entreprise. Il a perçu de Pôle Emploi les sommes de 11 317 ¿ en 2009, 21 644 ¿ en 2010, 22 016 ¿ en 2011. Il n'a pas retrouvé d'emploi dans le secteur bancaire et malgré une formation professionnelle lui ayant permis d'acquérir un CAP d'électricien le 29 juin 2011, il n'a pas non plus été engagé comme tel ;
En considération de cette situation personnelle, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer, par voie de réformation du jugement déféré, la réparation due à l'intimé à la somme de 101 000 ¿ ;
Dès lors que son licenciement est déclaré sans cause réelle et sérieuse, M. Y... est en droit d'obtenir le paiement de l'indemnité compensatrice de préavis qui correspond aux trois derniers mois de salaire soit à la somme de 3X 3030, 07 ¿ = 9090, 21 ¿ ;
La convention collective du CMA prévoit un mode de calcul de l'indemnité de licenciement, mais précise que la dite indemnité ne peut dépasser le montant correspondant à 2 ans de salaire ;
La somme due à M. Y... à ce titre est en conséquence de 24 x le salaire de base (3030, 07 ¿ x 13/ 12eme = 3282, 58 ¿) = 78 781, 92 ¿ ;
Il y a lieu en conséquence de réformer les montants alloués par les premiers juges au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciemen t ;
Le jugement est confirmé en ce qu'il a ordonné Ie remboursement par Ia CAISSE FEDERALE DE CREDIT MUTUEL D'ANJOU aux droits de laquelle vient la CAISSE REGIONALE DE CREDIT MUTUEL D'ANJOU aux organismes sociaux concernés de la totalité des indemnités de chômage versées à M. Y... à compter du jour de son licenciement, dans une limite de 6 mois d'indemnités, étant ajouté que les versements à prendre en compte sont ceux effectués jusqu'au présent arrêt ;
Sur la demande de rappel de salaire :
Le CMA oppose à la demande de rappel de salaire de M. Y... d'une part que la convention collective ne prévoit pas le paiement des salaires pendant l'instruction du conseil de discipline et d'autre part que le salarié était en congé pour création d'entreprise jusqu'au 31 juillet 2009 ;
Il n'en demeure pas moins que le licenciement de M. Y... ne pouvait devenir exécutoire, aux termes de la convention collective du CMA, qu'après l'avis de la commission paritaire d'interprétation et d'appel, qui a été rendu le 16 décembre 2009 ;
Le congé de M. Y... ayant pris fin le 31 juillet 2009, le salarié qui avait sollicité son retour dans l'établissement bancaire à compter de cette date, est justifié à réclamer les salaires correspondant à la période allant du 1er août 2009 au 16 décembre 2009, soit la somme de 16 412, 90 ¿, qui a été exactement calculée et que la cour confirme, outre l'incidence congés payés de 1641, 29 ¿ ;
Sur le prêt de 7500 ¿ :
M. Y... ne forme pas appel incident sur ce chef de condamnation, que le CMA demande à la cour de confirmer ; Le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné M. Y... à payer au CMA la somme de 7500 ¿ au titre d'un prêt consenti sans intérêts ;

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :
La CAISSE RÉGIONALE DU CRÉDIT MUTUEL D'ANJOU, venant aux droits de la CAISSE FÉDÉRALE DE CRÉDIT MUTUEL D'ANJOU ne reprend pas devant la cour la demande de dommages et intérêts formée devant le conseil de prud'hommes à l'encontre de M. Y... pour procédure abusive et ne relève aucun moyen à son soutien ; le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté le CMA de sa demande ;
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Les dispositions du jugement afférentes aux frais irrépétibles et aux dépens sont confirmées ; Il paraît inéquitable de laisser à la charge de M. Y... les frais non compris dans les dépens et engagés dans l'instance d'appel ; la CAISSE RÉGIONALE DU CRÉDIT MUTUEL D'ANJOU, venant aux droits de la CAISSE FÉDÉRALE DE CRÉDIT MUTUEL D'ANJOU est condamnée à lui payer, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 2000 ¿ et doit être déboutée de sa propre demande à ce titre ; La CAISSE RÉGIONALE DU CRÉDIT MUTUEL D'ANJOU, venant aux droits de la CAISSE FÉDÉRALE DE CRÉDIT MUTUEL D'ANJOU, est condamnée aux dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes d'Angers du 25 novembre 2011 en ses dispositions afférentes aux frais irrépétibles et aux dépens, et en ce qu'il a : *dit le licenciement de M. Y... dépourvu de cause réelle et sérieuse, *condamné M. Y... à payer au CMA la somme de 7500 ¿ au titre d'un prêt consenti sans intérêts, *débouté Ia CAISSE FEDERALE DE CREDIT MUTUEL D'ANJOU aux droits de laquelle vient la CAISSE REGIONALE DE CREDIT MUTUEL D'ANJOU de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, *ordonné Ie remboursement par Ia CAISSE FEDERALE DE CREDIT MUTUEL D'ANJOU aux droits de laquelle vient la CAISSE REGIONALE DE CREDIT MUTUEL D'ANJOU aux organismes sociaux concernés de la totalité des indemnités de chômage versées à M. Y... à compter du jour de son licenciement, dans une limite de 6 mois d'indemnités, étant ajouté que les versements à prendre en compte sont ceux effectués jusqu'au présent arrêt,
L'infirme pour le surplus et, statuant à nouveau,
Condamne la CAISSE REGIONALE DU CREDIT MUTUEL D'ANJOU, VENANT AUX DROITS DE LA CAISSE FEDERALE DE CREDIT MUTUEL D'ANJOU à payer à M. Y... les sommes de :
*78 781, 92 ¿ à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, *9090, 21 ¿ à titre d'indemnité de préavis, *101 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Y ajoutant,
Condamne la CAISSE REGIONALE DU CREDIT MUTUEL D'ANJOU, VENANT AUX DROITS DE LA CAISSE FEDERALE DE CREDIT MUTUEL D'ANJOU à payer à M. Y... la somme de 2000 ¿ pour ses frais irrépétibles d'appel et la déboute de sa propre demande à ce titre,
Condamne la CAISSE REGIONALE DU CREDIT MUTUEL D'ANJOU, VENANT AUX DROITS DE LA CAISSE FEDERALE DE CREDIT MUTUEL D'ANJOU à supporter les dépens d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/02993
Date de la décision : 01/10/2013
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2013-10-01;11.02993 ?
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