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01/10/2013 | FRANCE | N°11/02624

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 01 octobre 2013, 11/02624


COUR D'APPELd'ANGERSChambre Sociale
ARRÊT DU 01 Octobre 2013

ARRÊT N BAP/SLG
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/02624.

Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de MAYENNE, décision attaquée en date du 19 Septembre 2011, enregistrée sous le no 405

APPELANTE :
FOYER D'ACCUEIL MEDICALISE LES BLEUETS1 route de Bais53160 HAMBERS
représentée par la SCP BUREL PILA RIGAL CURRAL, avocats au barreau de LYON

INTIMEE :
L'URSSAF DES PAYS DE LA LOIRE VENANT AUX DROITS DE L'URSSAF DE LA MAYENNE41 rue des Fossés5

3087 LAVAL CEDEX
représentée par madame DENIS, muni(e) d'un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR...

COUR D'APPELd'ANGERSChambre Sociale
ARRÊT DU 01 Octobre 2013

ARRÊT N BAP/SLG
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/02624.

Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de MAYENNE, décision attaquée en date du 19 Septembre 2011, enregistrée sous le no 405

APPELANTE :
FOYER D'ACCUEIL MEDICALISE LES BLEUETS1 route de Bais53160 HAMBERS
représentée par la SCP BUREL PILA RIGAL CURRAL, avocats au barreau de LYON

INTIMEE :
L'URSSAF DES PAYS DE LA LOIRE VENANT AUX DROITS DE L'URSSAF DE LA MAYENNE41 rue des Fossés53087 LAVAL CEDEX
représentée par madame DENIS, muni(e) d'un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Mai 2013 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, présidentMadame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller

Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier

ARRÊT :prononcé le 01 Octobre 2013, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL , président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******

FAITS ET PROCÉDURE
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 janvier 2009, le foyer d'accueil médicalisé Les Bleuets, 53 160 Hambers, (ci-après le foyer Les Bleuets), a sollicité de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de la Mayenne (ci-après l'URSSAF) qu'elle lui rembourse, au visa des articles L.241-10, D.241-5 et D.241-5-6 du code de la sécurité sociale, la somme de 200 240 euros correspondant à la part des cotisations patronales versées de janvier 2006 à octobre 2008 pour son personnel employé aux tâches d'aide et d'assistance aux personnes accueillies.
Le foyer Les Bleuets est un établissement public local social et médico-social qui a pour activité "l'hébergement médicalisé pour adultes handicapés et autre hébergement médicalisé". Il est habilité à ce titre, par arrêté du Conseil général de la Mayenne, no95-223 du 10 novembre 1995,"arrêté portant habilitation à recevoir des bénéficiaires de l'Aide Social aux Personnes Handicapées Foyer à double tarification "LES BLEUETS" HAMBERS".
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 31 juillet 2009, l'URSSAF a indiqué au foyer Les Bleuets ne pouvoir "donner une suite favorable à sa demande de remboursement de cotisations".
Le foyer Les Bleuets a contesté ce refus devant la Commission de recours amiable, par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 septembre 2009.
En l'absence de réponse de cet organisme dans le délai de l'article R.142-6 du code de la sécurité sociale, le foyer Les Bleuets a formé un recours contre cette décision implicite de rejet auprès du tribunal des affaires de sécurité sociale de la Mayenne, par courrier recommandé avec accusé de réception posté le 9 novembre 2009.
Le tribunal, par jugement du 19 septembre 2011 auquel il est renvoyé pour l'exposé des motifs, a :- déclaré recevable le recours formé par le foyer d'accueil médicalisé LES BLEUETS,- débouté le foyer d'accueil médicalisé LES BLEUETS de ses prétentions,- dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision, - rappelé que la procédure est gratuite et sans frais devant la présente juridiction.
Ce jugement a été notifié au foyer Les Bleuets et à l'URSSAF le 22 septembre 2011.
Le foyer Les Bleuets en a formé régulièrement appel, par lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 21 octobre 2011.
L'audience était fixée au 19 novembre 2012. Le foyer Les Bleuets venant de conclure, l'URSSAF a sollicité un renvoi qui lui a été accordé sur l'audience du 23 mai 2013.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions déposées au greffe le 15 novembre 2012 reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, le foyer d'accueil médicalisé Les Bleuets (le foyer Les Bleuets) sollicite l'infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau comme y ajoutant, que :- il soit constaté qu'il satisfait à l'ensemble des conditions posées par l'article L.241-10 III du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au présent litige,- il soit dit et jugé qu'il doit bénéficier de l'exonération des charges patronales sur le salaire du personnel qu'il emploie au titre des prestations d'aide à domicile,- infirmant la décision de la Commission de recours amiable, l'URSSAF de Laval soit condamnée à lui rembourser la somme de 200 240 euros au titre des cotisations indûment acquittées, pour la période comprise entre janvier 2006 et octobre 2008,- cette somme soit majorée des "intérêts légaux" à compter du 5 janvier 2009,- la capitalisation des intérêts soit ordonnée,- l'exécution provisoire soit ordonnée,- l'URSSAF de Laval soit condamnée au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,- l'URSSAF de Laval soit condamnée aux dépens.
Il fait valoir qu'est applicable l'article L.241-10 III du code de la sécurité sociale dans sa version antérieure à l'article 14 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, la dite loi ne présentant, selon lui, aucun des caractères d'une loi interprétative, qui conduirait à son application rétroactive aux instances en cours, mais bien ceux d'une loi modificative, ne valant donc que pour l'avenir.Il rappelle le principe de la prééminence du droit et la notion de procès équitable, notamment d'égalité des armes, consacrés par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, qui s'opposent à toute ingérence du pouvoir législatif dans le dénouement des litiges en cours, sauf pour d'impérieux motifs d'ordre général.Or, dit-il, la loi de financement précitée :- n'est manifestement guidée que par des considérations financières, qui ne peuvent en aucun cas être considérées, à elles seules, comme un impérieux motif d'ordre général,- a nécessairement innové par rapport à l'état du droit existant, ajoutant une condition au texte, ce qu'a souligné le Conseil constitutionnel dans sa décision rendue le 16 décembre 2010.Il indique, par ailleurs, qu'il ne convient pas de faire dire à cette décision du Conseil constitutionnel autre chose que ce qui s'infère de son contenu, c'est à dire :- qu'il a simplement été rappelé que l'exonération de l'article L.241-10 du code de la sécurité sociale tendait à favoriser le maintien des personnes à leur domicile d'origine, de sorte que l'attribution du bénéfice de l'exonération des cotisations en fonction du caractère privatif du domicile du bénéficiaire de l'aide était en lien avec l'objet de cet article et permettait au législateur de déroger au principe d'égalité, - qu'en revanche, il n'a jamais été prétendu que l'article L.241-10 III du code de la sécurité sociale, dans sa version antérieure à l'adoption de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, attribuait déjà le bénéfice de l'exonération des cotisations en fonction du caractère privatif du domicile du bénéficiaire de l'aide.
Il estime que l'arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en date du 22 septembre 2011 est une "jurisprudence de pure opportunité qui ne saurait perdurer". En effet, explique-t'il, bien que se fondant sur la version de l'article L.241-10 III préexistante à la loi de financement susvisée, cet arrêt emploie les termes de la nouvelle loi afin de rejeter le recours, alors qu'il n'a pas évoqué le problème juridique de l'application rétroactive de cette loi aux procès en cours et de sa compatibilité avec l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, problème qui était pourtant soulevé. Il en déduit que l'arrêt :- a fait implicitement une application rétroactive de la loi nouvelle, en l'absence, en sus, de motivation, contredisant ainsi doublement le droit au procès équitable garanti par l'article 6 évoqué, - constitue, par son interprétation de l'article L.241-10 III du code de la sécurité sociale, une violation de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, combiné avec l'article 1er du protocole no1 à la dite convention, introduisant une inégalité de traitement dans la jouissance des droits à l'exonération des cotisations patronales reconnue par l'article précité entre les organismes employant des aides à la personne, inégalité de traitement fondée sur la notion de domicile qui n'a aucune justification objective et raisonnable, s'en expliquant.
Il déclare que, remplissant l'intégralité des conditions posées par l'ancien article L.241-10 III du code de la sécurité sociale, texte clair qu'il n'y a pas lieu à interpréter, sauf à y ajouter une condition au prétexte d'interprétation, il doit bénéficier de l'exonération des cotisations patronales d'assurances sociales et d'allocations familiales afférente à la rémunération de ses personnels pour les tâches d'aide à domicile que ceux-ci exécutent auprès des personnes accueillies.
Il précise que :- le terme de domicile n'est pas mentionné au paragraphe III de l'article L.241-10 susvisé, de même d'ailleurs que dans les articles d'application, D.241-5-3 1 et D.241-5-5 e), mais la préposition "chez", qui identifie simplement le lieu où la personne habite, ce qui correspond à la situation des personnes qu'il héberge,- à supposer même que la question soit examinée sous l'angle du domicile, l'URSSAF ne donnant aucun critère de détermination du domicile et le code de l'action sociale et des familles ne le définissant jamais, il y a lieu, dit-il, d'examiner cette notion au sens du droit commun des articles 102 et suivants du code civil ; il s'explique sur la réunion, tant de l'élément matériel que de l'élément intentionnel qui sont alors requis, et en conclut qu'il constitue indubitablement le domicile des résidents au sens des articles susvisés;- en tout cas, déclare-t'il, l'article L.241-10 III précité ne distingue aucunement entre hébergement collectif et hébergement individuel, et l'URSSAF ne peut exciper de circulaires ou de lettres ministérielles qui n'ont pas de valeur réglementaire pour prétendre du contraire, outre d'être obsolètes, la législation sur lesquelles elles s'appuient n'étant plus applicable, la domiciliation au sein de structures d'hébergement collectif ayant été expressément reconnue par la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, ainsi que par plusieurs institutions, à savoir, la Commission sur les droits et libertés qui a établi une Charte des droits et libertés de la personne en situation de handicap ou de dépendance, l'Afnor qui a publié une nouvelle version de sa norme consacrée aux services aux personnes à domicile, le Gouvernement dans diverses dispositions (décret du 22 février 2007 relatif à l'intervention des structures d'hospitalisations à domicile dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées ; décret du 30 avril 2007 relatif aux conditions techniques de fonctionnement des structures d'hospitalisations à domicile dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées ; arrêté du 16 mars 2007 fixant les conditions de prise en charge pour l'admission en HAD d'un ou plusieurs résidents d'EHPA ; circulaire interministérielle du 15 mai 2007), et la cour d'appel de Pau dans un arrêt du 18 décembre 2008 qui est définitif.
De toutes les façons, et quand bien même il n'y a pas lieu à interprétation de l'ancien article L.241-10 III du code de la sécurité sociale, il affirme que la position de l'URSSAF ne résiste pas à une recherche "sérieuse et conforme" de l'intention du législateur, au regard :- du libellé même du texte, - des travaux parlementaires successifs, des réponses du Ministère de l'emploi et de la solidarité aux questions qui ont pu être posées, et de la loi du 21 juillet 2009 déjà citée, - de la constitution du dispositif des aides à domicile au fil des années, et de l'extension parallèle de l'exonération des cotisations aux différents professionnels compétents à cette fin.
Il ajoute que la position de l'URSSAF est illogique, les foyers-logements, qui ne sont finalement pas différents de sa structure, pour des raisons qu'il détaille, se trouvant, quant à eux, exonérés des cotisations en question.
* * * *
Par conclusions déposées au greffe le 1er mars 2013 reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales des Pays de la Loire venant aux droits de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de la Mayenne (l'URSSAF) sollicite la confirmation du jugement déféré, que le foyer d'accueil médicalisé Les Bleuets soit débouté de l'ensemble de ses prétentions, outre d'être condamné à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Rappelant le contexte de fait ainsi que le cadre juridique régissant l'exonération des cotisations patronales pour l'emploi d'une aide à domicile, soit l'article L.241-10 du code de la sécurité sociale, la Charte des droits et libertés de la personne âgée dépendante étant dépourvue, quant à elle, de toute portée juridique, elle réplique que le paragraphe III du dit article conditionne le bénéfice de l'exonération des cotisations patronales à l'intervention de l'aide à domicile au domicile du récipiendaire de l'aide. Le foyer Les Bleuets étant un mode d'hébergement collectif, elle en conclut que sa demande d'exonération relative aux cotisations qu'il a acquittées au titre de ses agents faisant fonction d'auxiliaire de vie auprès des personnes dépendantes qu'il accueille ne peut aboutir.
Elle fait remarquer que l'article 14 de la loi de financement de la sécurité sociale pour l'année 2011 est venu préciser cet article L.241-10 III, en spécifiant que l'exonération s'appliquait "aux cotisations patronales pour la fraction versée en contrepartie de l'exécution des tâches effectuées au domicile à usage privatif des personnes visées au paragraphe I ...". Elle cite également les dispositions de l'article L.7231-1 du code du travail visé par l'article L.241-10 III précité, ainsi que les lettres ministérielles des 26 août 1987 et 26 mars 1993, cette dernière ayant fait l'objet d'une diffusion par la circulaire ACOSS no1993.54 du 26 juin 1993.
Elle indique, qu'en tout cas, la situation des résidents du foyer Les Bleuets ne peut en rien être assimilée à celle de ceux d'un foyer-logement, s'en expliquant, notamment au visa d'un arrêt de la cour d'appel de Versailles du 13 septembre 2012.
Elle explique que, contrairement à ce que vient dire le foyer Les Bleuets, la recherche de l'intention du législateur est nécessaire afin de déterminer le sens à donner à la règle de droit, puisque la notion de domicile, au coeur pourtant des dispositifs de l'aide à domicile et des services à la personne, n'a pas, dans un premier temps, été l'objet d'une définition claire et précise, tout en n'étant pas employée au sens que lui donne le code civil, ce qui était donc source d'ambiguïté.Pour elle, cette recherche ne peut que passer par le prisme de la politique de l'aide sociale, dont elle livre dès lors une analyse.Elle insiste sur la rénovation menée par la loi du 2 janvier 2002 en ce domaine, et la volonté qui a été de privilégier le maintien à domicile tant qu'il était possible pour les catégories de population concernées, le dispositif d'exonération des cotisations sociales pour l'emploi d'une aide à domicile s'inscrivant clairement dans ce cadre destiné à pallier le déficit des places disponibles et accessibles financièrement aux familles en hébergement collectif. De fait, poursuit-elle, les établissements d'hébergement collectif ne concourant pas à ce dispositif d'un maintien à domicile ne sont pas éligibles au bénéfice du système d'exonération des cotisations patronales "pour les salaires qu'elles occupent au service des personnes hébergées collectivement".Elle renvoie à l'article 14 de la loi de financement de la sécurité sociale et à la décision du Conseil constitutionnel du 16 décembre 2010 auquel cet article a été déféré et qui a jugé qu'il ne méconnaissait pas le principe d'égalité devant la loi, aux motifs que "l'exonération des cotisations patronales prévue par l'article L.241-10 du code de la sécurité sociale tend à favoriser le maintien chez elles de personnes dépendantes, que l'attribution du bénéfice de cette exonération en fonction du caractère privatif du domicile de la personne bénéficiaire de cet article est en lien direct avec l'objet de cet article".
Elle indique que le foyer les Bleuets ne peut tirer argument du fait que le Conseil constitutionnel a parlé de modification du paragraphe III de l'article L.241-10 par cet article 14 afin de prétendre au caractère modificatif et non interprétatif du dit article 14, et à une violation du droit à un procès équitable garanti par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme en raison d'une intervention du législateur en cours de procédure qui aurait rompu l'égalité des armes entre les parties.Elle déclare que l'intervention du législateur, ainsi que la décision du Conseil constitutionnel, ont pour unique vocation de clarifier ce point de législation relatif à la notion de domicile, qui était source de confusion.Elle ajoute que cet article 14 s'est borné à traduire la position adoptée par la majorité des décisions de justice ayant tranché cette notion de domicile au sens de l'article L.241-10, et fait référence, ce faisant, à dix jugements de tribunaux des affaires de la sécurité sociale de 2009 à 2011, à un arrêt de la cour d'appel de Bourges du 24 septembre 2010 et à deux arrêts de la cour d'appel de céans du 21 juin 2011, ainsi qu'à l'arrêt de la Cour de cassation du 22 septembre 2011, qui n'est, selon elle, ni "criticable", ni "lacunaire" comme l'affirme le foyer Les Bleuets, posant au contraire très clairement, dit-elle, le principe selon lequel "l'exonération ne peut s'appliquer qu'aux rémunérations des salariés intervenant au domicile privatif de la personne âgée".

MOTIFS DE LA DÉCISION
L'article L.241-10 du code de la sécurité sociale, dans ses rédactions en vigueur du 27 juillet 2005 au 28 décembre 2009 qui n'ont pratiquement pas varié dans le temps et qui sont applicables au litige, la réclamation formée par le foyer Les Bleuets portant sur la période allant du mois de janvier 2006 au mois d'octobre 2008, dispose, en son paragraphe I, que "la rémunération d'une aide à domicile est exonérée des cotisations patronales d'assurances sociales et d'allocations familiales, lorsque celle-ci est employée effectivement à leur service personnel, à leur domicile ou chez des membres de leur famille, par" six catégories de personnes qu'il énumère en suivant.
Le même article L.241-10 prévoit, en son paragraphe III, que :"Les rémunérations des aides à domicile employées sous contrat à durée indéterminée ou sous contrat à durée déterminée pour remplacer les salariés absents ou dont le contrat de travail est suspendu dans les conditions visées à l'article L. 122-1-1 du code du travail par les associations et les entreprises admises, en application de l'article L. 129-1 du code du travail, à exercer des activités concernant la garde d'enfant ou l'assistance aux personnes âgées ou handicapées, les centres communaux et intercommunaux d'action sociale et les organismes habilités au titre de l'aide sociale ou ayant passé convention avec un organisme de sécurité sociale sont exonérées ("totalement", adverbe qui a été supprimé dans la version en vigueur du 1er avril 2008 au 28 décembre 2009) des cotisations patronales d'assurances sociales ("d'accidents du travail", termes qui ont été supprimés dans la version en vigueur du 1er avril 2008 au 28 décembre 2009) et d'allocations familiales pour la fraction versée en contrepartie de l'exécution des tâches effectuées chez les personnes visées au I ou bénéficiaires de prestations d'aide ménagère aux personnes âgées ou handicapées au titre de l'aide sociale légale ou dans le cadre d'une convention conclue entre ces associations ou organismes et un organisme de sécurité sociale, dans la limite, pour les personnes visées au a du l, du plafond prévu par ce a....".
Ainsi que le souligne justement le Foyer Les Bleuets, ces dispositions, qui ne concernaient, à l'origine, que le particulier employeur, en l'exonérant de cotisations sociales pour les prestations d'aide à domicile, ont été étendues, au fil de plusieurs modifications législatives, aux associations d'aide au maintien à domicile des personnes dépendantes, et à d'autres groupements de droit public ou de droit privé.
Néanmoins, dans chaque cas comme l'indique avec raison l'URSSAF, cette exonération des cotisations patronales est dictée par le souci d'offrir au plus grand nombre de ces personnes une mesure alternative à l'entrée en structure d'hébergement collectif.
Il s'agit donc de leur permettre de se maintenir à domicile le plus longtemps possible, au moyen de cette exonération de charges, et, un maintien à domicile est forcément exclusif d'un accueil en établissement collectif.
Dès lors, le domicile visé par l'article L.241-10 paragraphe III dans ses rédactions précitées, est distinct du domicile de droit commun, tel que la notion en est développée dans le code civil, en ce qu'il renvoie nécessairement à un domicile privatif, qu'il soit acquis ou loué, à l'exclusion des lieux non privatifs ou collectifs occupés en établissement, en raison de l'impossibilité de maintenir les personnes qui y entrent à domicile.
Par ailleurs, si le terme "domicile" n'est certes pas employé dans ce paragraphe III, nonobstant, le domicile demeure bien une condition de l'exonération des cotisations susvisées, la préposition "chez" utilisée renvoyant, sans contestation possible, à la notion de domicile de la personne ainsi que celui-ci a été précédemment défini. Il est à noter également, qu'au titre de ce paragraphe III, le législateur évoque tant "les tâches effectuées chez les personnes visées au I", que celles effectuées chez les personnes "bénéficiaires de prestations d'aide ménagère aux personnes âgées ou handicapées", l'aide ménagère ne pouvant se concevoir que dans le cadre du domicile tel que précisé.
Le foyer Les Bleuets est une structure d'hébergement collectif, qui prend en charge des personnes handicapées.
Dans ces conditions, la domiciliation des personnes accueillies étant nécessairement collective et non privative, le foyer Les Bleuets ne peut pas revendiquer le bénéfice de l'article L.241-10 III dans ses rédactions applicables au litige, en ce que l'exonération des cotisations patronales sur les rémunérations des aides à domicile, dans les conditions qu'il prévoit, pour la fraction des tâches effectuées chez les personnes visées au paragraphe I du même texte ou bénéficiaires de prestations d'aide ménagère aux personnes âgées ou handicapées ne peut s'appliquer qu'aux rémunérations des salariés intervenant au domicile privatif de ces personnes, et non à celles des salariés assurant des conditions de vie décentes aux personnes prises en charge en dehors de ce domicile privatif, du fait justement de leur impossibilité d'y rester.
Cette notion de domicile privatif, par opposition à un domicile collectif, se déduisant du libellé même de l'article L.241-10 III dans ses rédactions applicables au litige, il ne peut être argué d'une application rétroactive, contraire à l'article 2 du code civil, de l'article 14 de la loi no2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement pour la sécurité sociale 2011, et, par là-même, d'une quelconque violation, par une atteinte au principe de l'égalité des armes, de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui garantit à toute personne un procès équitable.
Il ne peut non plus être fait état d'une violation de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, combiné avec l'article 1er du protocole no1 additionnel à la dite convention, en ce qu'il y aurait inégalité de traitement fondée sur la notion de domicile dans la jouissance du droit à l'exonération des cotisations patronales d'assurances sociales, d'accidents du travail jusqu'au 1er avril 2008 et d'allocations familiales prévue par l'article L.241-10 III entre les organismes employant des aides à la personne, alors que les situations seraient analogues, en ce que :- que ce soit un salarié intervenant de l'extérieur au domicile originaire de la personne âgée ou handicapée ou un salarié intervenant au sein d'une structure d'hébergement, la situation serait identique,- les foyers-logements bénéficient de l'exonération dont s'agit, alors qu'il s'agit de structures d'hébergement collectif,- l'article L.241-10 en son paragraphe II permettant cette exonération aux accueillants familiaux, la personne âgée ou handicapée résidant chez un particulier n'est plus à son domicile d'origine,- la mise en place de cette exonération avait pour but de favoriser l'emploi des services à la personne et d'alléger la charge financière pesant sur les personnes âgées ou handicapées, or, le refus de cette exonération aux structures d'hébergement collectif, établissements publics habilités au titre de l'aide sociale, se répercuterait sur la charge financière pesant sur ces personnes. Pour qu'il puisse être argué de discrimination au sens des articles 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du protocole additionnel no1 à cette convention, encore faut-il que l'exonération des cotisations patronales d'assurances sociales, d'accidents du travail jusqu'au 1er avril 2008, et d'allocations familiales prévue par l'article L.241-10 III fasse partie du champ de l'article 1er du dit protocole additionnel.En effet, l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'a pas un caractère autonome et doit être invoqué avec un droit protégé par la convention. L'article 1er du protocole additionnel no1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales concerne le droit à la propriété, d'ou, plus globalement, les droits patrimoniaux.À supposer que L.241-10 III, prévoyant une exonération des charges sociales de la personne ou de l'organisme qui emploie une aide à domicile dans certaines conditions, entre dans le champ d'application de l'article 1er du protocole additionnel no1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et puisse, par conséquent, être examiné au regard de l'article 14 de la dite convention, encore faut-il que les situations invoquées au soutien de la discrimination soient semblables ou analogues. Or, il n'y a rien de semblable ou d'analogue entre un domicile privatif et un domicile collectif, le foyer Les Bleuets tentant d'introduire une confusion par le recours à une notion de domicile d'origine qui n'est pas l'objet du débat.À supposer, puisque L.241-10 III invoque la notion de domicile, qu'il puisse être parlé d'une analogie de situation, n'est une discrimination que le traitement inégal de situations semblables, toute rupture d'égalité n'étant pas pour cela une discrimination. Seule peut être qualifiée de la sorte une distinction, directe ou indirecte, reposant sur des raisons prohibées. Une distinction est possible, car considérée alors comme non discriminatoire, si elle se fonde sur une justification objective ou raisonnable, qui s'apprécie par rapport au but qui doit être légitime, ou aux effets qui ne doivent pas être disproportionnés de la mesure considérée.La Cour européenne admet que les États puissent jouir d'une certaine latitude pour déterminer, si et dans quelle mesure, des différences dans des situations, par ailleurs analogues, justifient des différences de traitement.Or, le fait que les personnes âgées ou dépendantes accueillies dans un domicile collectif, alors que les personnes en foyer-logement disposent encore d'une autonomie et d'un domicile privatif, ne bénéficient plus de l'exonération des cotisations relatives à l'emploi d'une aide à domicile poursuit un but légitime, en ce que cette exonération est liée à un maintien de leur autonomie, dans un domicile qui leur est dès lors privatif, outre qu'il existe un rapport de proportionnalité raisonnable entre les moyens employés et le but recherché, puisque, si ces personnes qui n'ont plus l'autonomie nécessaire et ont dû intégrer un domicile collectif perdent le bénéfice de cette exonération, la perte est compensée par l'attribution d'un autre système de financement à caractère social qui leur permet d'assumer la prise en charge de leur nouvelle structure de vie collective et de ses salariés chargés de leur assurer des conditions de vie décentes, financement par ailleurs versé directement à la dite structure de domiciliation collective.
Dans ces conditions, le jugement déféré doit être confirmé en toutes ses dispositions, le foyer Les Bleuets étant débouté de sa demande au titre de ses frais irrépétibles d'appel, et condamné à verser de ce chef à l'URSSAF la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Perdant son recours, le foyer Les Bleuets est condamné au paiement du droit d'appel prévu par l'article R. 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale, lequel droit ne peut excéder le dixième du montant mensuel prévu à l'article L. 241-3 du même code.

PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris en son intégralité,
Y ajoutant,
Déboute le foyer d'accueil médicalisé Les Bleuets de sa demande au titre de ses frais irrépétibles d'appel,
Condamne le foyer d'accueil médicalisé Les Bleuets à verser à l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales des Pays de la Loire la somme de 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel,
Condamne le foyer d'accueil médicalisé Les Bleuets au paiement du droit prévu par l'article R. 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale liquidé à la somme de 308,60 euros.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/02624
Date de la décision : 01/10/2013
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2013-10-01;11.02624 ?
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