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10/09/2013 | FRANCE | N°11/03087

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 10 septembre 2013, 11/03087


ARRÊT N
CLM/ SLG
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 03087

numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du MANS, décision attaquée en date du 23 Novembre 2011, enregistrée sous le no 20 887

ARRÊT DU 10 Septembre 2013

APPELANTE :

société BOUYGUES ENERGIES et SERVICES venant aux droits de la Société ETDE Rue Charles Lacretelle BP 50082 49072 BEAUCOUZE CEDEX

représentée par Maître GAUCHOT, avocat sub

stituant maître Rachid MEZIANI, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE...

ARRÊT N
CLM/ SLG
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 03087

numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du MANS, décision attaquée en date du 23 Novembre 2011, enregistrée sous le no 20 887

ARRÊT DU 10 Septembre 2013

APPELANTE :

société BOUYGUES ENERGIES et SERVICES venant aux droits de la Société ETDE Rue Charles Lacretelle BP 50082 49072 BEAUCOUZE CEDEX

représentée par Maître GAUCHOT, avocat substituant maître Rachid MEZIANI, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SARTHE 178 avenue Bollée 72033 LE MANS CEDEX 9

non comparante,
INTERVENANT :
Monsieur Hubert Y......72700 ROUILLON

représenté par monsieur A..., secrétaire général de la FNATH, muni (e) d'un pouvoir spécial
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 28 Mai 2013 à 14 H 00 en audience publique et collégiale, devant la cour composée de :

Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, assesseur Madame Anne DUFAU, assesseur

qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame C. PINEL

ARRÊT : du 10 Septembre 2013, réputé contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par madame LECAPLAIN MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. *******

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 15 octobre 2008 aux environs de 17 h 30, M. Hubert Y..., salarié de la société ETDE Réseaux depuis le 17 janvier 2001 en qualité de responsable d'équipe réseaux, intervenait seul comme conducteur et manoeuvre d'un camion-grue aux fins d'installation, sur un chantier situé commune de Parigné l'Evêque, de deux poteaux téléphoniques en béton de 10 à 12 mètres de hauteur. Pendant le levage d'un poteau, la grue s'est bloquée alors que le poteau était juste au-delà de la benne puis, au cours de la manoeuvre de déchargement, le camion sur lequel se trouvait le salarié s'est trouvé déséquilibré et a basculé sur le flanc dans le fossé. M. Y...n'a pas été blessé physiquement.

Après entretien préalable à sanction du 28 octobre 2008, par lettre du 6 novembre suivant remise en main propre, soulignant qu'il avait " mis sa vie en péril " et que ce n'était " qu'avec une chance inouïe qu'il était sorti indemne de cet accident ", l'employeur lui a notifié une mise à pied disciplinaire de trois jours du 17 au 19 novembre 2008 lui reprochant de ne pas avoir pris la mesure de la charge qu'il devait manipuler et connu la force de levage du bras du camion, et d'avoir violé les règles élémentaires de sécurité et les recommandations du constructeur pour la manipulation de ce type de charge en ne sortant pas entièrement le stabilisateur et en n'ayant pas assuré la transmission des charges au sol par l'intermédiaire de plaques de stabilisation et de madriers.
M. Y...a contesté cette sanction par courrier recommandé circonstancié du 12 novembre 2008 aux termes duquel il faisait valoir que le conducteur de travaux lui avait ordonné de transporter les poteaux sans lui en indiquer le poids de sorte qu'il n'avait pas pu déterminer la charge à manipuler, qu'il ne disposait pas du matériel nécessaire à la mise en oeuvre des règles de sécurité en ce qu'il n'y avait ni plaque de stabilisation ni madrier dans le camion et que l'entreprise ne lui avait pas fourni d'arrêté municipal permettant de bloquer la circulation de sorte qu'il n'avait pas pu sortir les stabilisateurs horizontalement car ils auraient occupé toute la chaussée.
Le 7 novembre 2008, M. Y...a été placé en arrêt de travail pour maladie, arrêt qui a donné lieu à des prolongations jusqu'au 28 février 2009. Le 8 février 2009, le Dr C...a établi un certificat médical initial d'accident du travail du chef de l'accident survenu le 15 octobre 2008 en mentionnant une " Névrose traumatique suite accident où a failli perdre la vie-terreurs nocturnes, attaque de panique-état dépressif secondaire-mis sous SEROPLEX puis sous EFFEXOR 75 + 37, 5 LP/ j ".
Par courriers du 9 mars 2009, la CPAM de la Sarthe a notifié à M. Hubert Y...un refus de prise en charge de son accident du 15 octobre 2008 au titre de la législation professionnelle au motif qu'aucune déclaration d'accident du travail ne lui avait été transmise de sorte qu'elle était dans l'incapacité d'instruire le dossier et elle a adressé copie à l'employeur de cette décision.
M. Hubert Y...a saisi la commission de recours amiable d'un recours contre cette décision de refus de prise en charge et, dans le cadre de ce recours, le 20 juillet 2009, il a établi une déclaration d'accident du travail du chef de l'accident survenu le 15 octobre 2008.
Par décision du 27 août 2009 notifiée à l'assuré et portée à la connaissance de l'employeur par courriers du 31 août suivant, la commission de recours amiable a confirmé le refus de prise en charge de la caisse en raison du caractère tardif de l'apparition de la lésion faisant échec à la présomption d'imputabilité posée par l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, et de l'absence de lien de causalité établi entre l'accident du 15 octobre 2008 et les lésions constatées le 7 novembre suivant, soit trois semaines plus tard.
Le 30 avril 2010, M. Hubert Y...s'est vu notifier son licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.
Le 3 décembre 2010, le Dr Serge C...a certifié avoir suivi M. Hubert Y..." à partir du 7 novembre 2008 pour anxiété associée à un état dépressif avec attaques de panique répétées, terreurs nocturnes ayant nécessité la prise jusqu'à ce jour d'un traitement psychotrope " en précisant qu'il ne l'avait pas suivi auparavant pour de tels problèmes.
Saisi d'un recours contre la décision de la commission de recours amiable du 27 août 2009, par jugement du 27 avril 2011, statuant en premier ressort à charge d'appel immédiat, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Mans a : "- vu les articles L. 411-1 et R 142-24 du code de la sécurité sociale,- ordonné une expertise médicale dans les conditions prévues à l'article L 141-1 du code de la sécurité sociale,- dit que l'expert désigné devrait, après avoir convoqué les parties et s'être fait remettre tous documents utiles à l'accomplissement de sa mission : ¿ donner son avis sur le lien de causalité entre l'accident survenu le 15 octobre 2008 et les troubles psychologiques constatés à partir du 7 novembre 2008 par le Docteur C...et définir si l'état psychologique de la victime peut être considéré comme en lien avec l'accident du 15 octobre 2008 ou au contraire, avec un autre événement ou être le résultat d'un état pathologique totalement étranger au travail ;- dit que l'expert adresserait son rapport au secrétariat du TASS dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de la décision le désignant ;- dit que le secrétaire du tribunal devrait transmettre, au plus tard dans les 48 heures suivant sa réception, copie du rapport au service du contrôle médical de la caisse ainsi qu'à la victime de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle ou au médecin traitant du malade ;- déclaré le jugement opposable à la société ETDE Réseaux et réservé les dépens.

La CPAM de la Sarthe et la société ETDE Réseaux ont reçu notification de ce jugement le 29 avril 2011, tandis que M. Hubert Y...en a reçu notification le 30 avril suivant.
Aux termes de son rapport du 27 juillet 2011, remis au greffe du tribunal des affaires de sécurité sociale le 3 août suivant, le Dr Gilles D...a conclu : " Les troubles psychologiques constatés le 7 novembre 2008 par le Docteur C...sont en lien direct avec l'accident de la voie publique survenu le 15 octobre 2008 ; la non reconnaissance de cet AVP en accident du travail, la sanction qui a suivi, puis le licenciement ensuite, ont renforcé la symptomatologie devenue état dépressif avec sentiment de perte de l'estime de soi et d'atteinte narcissique. ".
Par jugement du 23 novembre 2011 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Mans a, au vu du rapport d'expertise du Dr Gilles D...:- déclaré bien fondé le recours de M. Hubert Y...à l'encontre de la décision de la commission de recours amiable de la CPAM de la Sarthe du 31 août 2009 ;- infirmé ladite décision ;- dit que les lésions décrites dans le certificat médical du Docteur C...du 3 décembre 2010 et les arrêts consécutifs à celles-ci sont directement en lien avec l'accident survenu le 15 octobre 2008 et qu'ils devront être pris en charge par la CPAM de la Sarthe au titre de la législation professionnelle ;- déclaré le jugement opposable à la société ETDE Réseaux.

M. Hubert Y...a reçu notification de cette décision le 26 novembre 2011 tandis que la société ETDE Réseaux et la CPAM de la Sarthe en ont reçu notification 28 novembre suivant.
Par lettre recommandée postée le 16 décembre 2011, la société ETDE Réseaux a relevé appel du seul jugement du 23 novembre 2011 en précisant que son appel était dirigé contre la CPAM de la Sarthe.
Les parties et M. Hubert Y...ont été convoquées par le greffe pour l'audience du 28 mai 2013 par lettres recommandées dont la société ETDE Réseaux et la CPAM de la Sarthe ont accusé réception le 4 septembre 2012, tandis que M. Hubert Y...en a accusé réception le lendemain.
Par télécopie adressée au greffe de la cour le 28 mai 2013, la CPAM de la Sarthe a indiqué qu'elle ne serait ni présente ni représentée à l'audience, précisant, d'une part, qu'elle s'en remettait à l'appréciation de la cour sur l'existence ou non d'un lien de causalité entre les lésions constatées sur la personne de M. Hubert Y...telles que décrites dans le certificat médical du 3 décembre 2010 et l'accident du 15 octobre 2008, et sur la question de leur prise en charge au titre de la législation professionnelle, d'autre part, qu'elle sollicitait que l'arrêt à intervenir soit en tout état de cause déclaré opposable à l'employeur.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Aux termes de ses écritures enregistrées au greffe le 25 janvier 2013, régulièrement communiquées aux autres parties et soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, la société ETDE Réseaux désormais dénommée la société Bouygues Energies et Services demande à la cour :
" À titre principal :- de constater que les dispositions de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale ne peuvent en l'espèce recevoir application en raison de la tardiveté de la déclaration et de la constatation médicale des troubles et lésions invoqués par Monsieur Y...au titre de l'accident survenu le 15 octobre 2008 ;- de constater que Monsieur Y...ne rapporte pas la preuve d'un lien de causalité unique, direct et certain entre les troubles et lésions qu'il invoque et l'accident survenu le 15 octobre 2008 ;- d'infirmer les jugements rendus par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du Mans les 27 avril 2011 et 23 novembre 2011 ;- de dire et juger que les troubles et lésions invoqués par Monsieur Y...le 8 février 2009 au titre de l'accident dont celui-ci a déclaré avoir été victime le 15 octobre 2008 ne peuvent bénéficier de la législation sur les risques professionnels ;

À titre subsidiaire :- de constater le défaut de motivation affectant la validité du rapport d'expertise médicale du Docteur D...du 27 juillet 2011 ;- d'écarter des débats le rapport d'expertise médicale du Docteur D...du 27 juillet 2011 ;- d'infirmer le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale du MANS le 23 novembre 2011 ;- de dire et juger que les troubles et lésions invoqués par Monsieur Y...le 8 février 2009 au titre de l'accident dont celui-ci a déclaré avoir été victime le 15 octobre 2008 ne peuvent bénéficier de la législation sur les risques professionnels ;

À titre infiniment subsidiaire :- dans l'hypothèse où la Juridiction de céans n'entendrait pas faire une stricte application aux faits de la cause des dispositions de l'article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale, d'ordonner la mise en oeuvre d'une nouvelle expertise médicale dans le cadre de l'article R. 142-24- 1du même Code. ".

A l'appui de ses demandes formées à titre principal, la société appelante déclare contester la reconnaissance du caractère professionnel des lésions constatées sur la personne de M. Y...le 8 février 2009 et poursuivre l'infirmation du jugement du 23 novembre 2011 en ce qu'il a reconnu le caractère professionnel des lésions invoquées par M. Y...au titre de l'accident survenu le 15 octobre 2008. Elle fait valoir que, si c'est à juste titre que les premiers juges ont d'abord énoncé que la présomption d'imputabilité édictée par l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale ne pouvait pas s'appliquer en faveur du salarié en raison du caractère tardif tant des constatations médicales que de la déclaration d accident du travail, ils ont eu tort de considérer que la preuve du lien de causalité entre l'accident du 15 octobre 2008 et les lésions constatées le 8 février 2009 était rapportée par le certificat médical établi par le médecin traitant du salarié et par le rapport d'expertise du Dr D...alors qu'aucune lésion physique ou psychologique n'a été invoquée par M. Y...ni médicalement constatée sur sa personne dans les suites immédiates de l'accident, que l'intéressé a, au contraire, continué à travailler normalement pendant trois semaines après cet événement et que c'est seulement le 7 novembre 2008 qu'il a consulté son médecin, lequel lui a prescrit un arrêt de travail initial et des prolongations mais toujours au titre du régime de l'assurance maladie et a attendu trois mois pour établir un certificat médical initial au titre d'un accident du travail non déclaré. Elle ajoute que les certificats médicaux des 28 janvier et 3 décembre 2010, au demeurant fort éloignés de l'accident, ne pouvaient pas conduire à la mise en oeuvre d'une expertise médicale technique dans la mesure où ils ne fournissent pas le moindre commencement de preuve du lien de causalité allégué par le salarié entre l'événement accidentel du 15 octobre 2008 et la lésion constatée le 8 février 2009, et qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte de la mise à pied disciplinaire notifiée le 6 novembre 2008.

A l'appui de ses demandes subsidiaires et de la critique développée à l'encontre du rapport d'expertise, se prévalant notamment d'un rapport du Dr E...qu'elle produit, l'appelante fait valoir que le rapport d'expertise du Dr D...n'est pas motivé et qu'il comporte des imprécisions et contradictions, l'expert ayant procédé par voie d'affirmation sans tenir compte de la chronologie des faits ; qu'il ne pouvait pas sérieusement affirmer que la souffrance psychique de M. Y...a démarré le jour de l'accident alors que le salarié ne présentait aucune blessure dans les suites immédiates de cet événement et n'a fait état d'aucune lésion, même psychologique aux termes du courrier qu'il lui a adressé le 12 novembre 2008, pas plus d'ailleurs que dans la déclaration d'accident du travail qu'il a établie, qu'il a continué à travailler normalement pendant trois semaines. Elle estime que le rapport d'expertise doit être écarté des débats pour défaut de motivation et que, par voie de conséquence, la preuve d'un lien de causalité entre les lésions mentionnées dans le certificat médical initial du 8 février 2009 et l'accident du 15 octobre 2008 n'étant pas rapportée, la demande de M. Y...doit être rejetée.

Enfin, à titre subsidiaire, elle fait valoir que l'absence de motivation du rapport d'expertise du 27 juillet 2011 impose la mise en oeuvre d'une nouvelle expertise dans le cadre des dispositions de l'article R. 142-24-1 du code de la sécurité sociale.

Aux termes de ses écritures enregistrées au greffe le 2 mai 2013, régulièrement communiquées aux autres parties et soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, M. Hubert Y...demande à la cour de débouter la société ETDE Réseaux désormais dénommée la société Bouygues Energies et Services de son appel et de l'ensemble de ses prétentions, de confirmer le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale du Mans le 23 novembre 2011 en toutes ses dispositions et de le renvoyer lui-même devant l'organisme compétent pour la liquidation de ses droits.

Le salarié estime que la présomption d'imputabilité édictée par l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale doit recevoir application à son égard dans la mesure où il n'est pas discuté qu'il a bien été victime, le 15 octobre 2008, au temps et au lieu du travail, d'un événement accidentel tenant au renversement de son camion-grue et où il établit par des présomptions graves, précises et concordantes, notamment par des éléments médicaux, que, par décompensation, il a présenté dans les heures et jours qui ont suivi, un état de névrose post-traumatique accompagné d'une dépression nerveuse qui a justifié un long arrêt de travail ; que la CPAM de la Sarthe aurait donc dû, soit prendre en charge cet accident, soit apporter la preuve du caractère totalement étranger au travail de la lésion mais que c'est à tort qu'elle a rejeté sa demande au motif de l'absence de déclaration d'accident du travail.
Il soutient que le rapport de l'expert psychiatre est parfaitement motivé et démontre bien qu'il a décompensé une névrose post-traumatique et une dépression suite à l'accident du 15 octobre 2008 dont il est ressorti indemne par miracle, accident auquel s'est ajouté la sanction disciplinaire dont il a fait l'objet. Il oppose que le rapport du Dr E..., qui n'est pas psychiatre et ne s'est prononcé que sur pièces, ne combat pas utilement le rapport d'expertise.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la qualification du présent arrêt :
Attendu, la CPAM de la Sarthe ne comparaissant pas alors qu'elle a accusé réception le 4 septembre 2012 de la convocation qui lui a été adressée en vue de l'audience du 28 mai 2013, qu'il sera statué par arrêt réputé contradictoire, étant rappelé, que la procédure étant orale un écrit adressé à la cour ne peut pas suppléer l'absence d'une partie ;

Sur la demande d'infirmation du jugement du 27 avril 2011 :

Attendu qu'aux termes de son jugement du 27 avril 2011, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Mans a ordonné une expertise technique en application des dispositions des articles L. 141-1 et suivants et R. 142-24 et suivants du code de la sécurité sociale ; qu'eu égard à la portée qui s'attache à l'avis de l'expert désigné en application de l'article L. 141-1 du code de la sécurité sociale, la décision qui ordonne une expertise technique tranche une question touchant au fond du litige et est susceptible d'un appel immédiat ; que c'est très précisément ce qu'a rappelé le tribunal dans le dispositif du jugement du 27 avril 2011 en indiquant qu'il statuait à charge d'appel immédiat ;
Attendu que la CPAM de la Sarthe et la société ETDE Réseaux, cette dernière régulièrement appelée en cause et comparante, ont reçu notification de ce jugement le 29 avril 2011, tandis que M. Hubert Y...en a reçu notification le 30 avril suivant ; qu'aucune partie n'a relevé appel de ce premier jugement ; Et attendu qu'aux termes de sa déclaration d'appel régularisée par lettre recommandée postée le 16 décembre 2011, la société ETDE Réseaux devenue la société Bouygues Energies et Services a expressément indiqué qu'elle relevait appel du seul jugement du 23 novembre 2011 et que ce recours était dirigé contre la CPAM de la Sarthe, aucune allusion n'étant faite dans cette déclaration d'appel au jugement du 27 avril 2011 ;

Que, sur la demande de l'employeur tendant à voir infirmer cette décision, la présente cour ne peut que constater qu'elle n'est saisie d'aucun appel contre ce jugement du 27 avril 2011 ;
Sur les demandes d'infirmation du jugement du 23 novembre 2011 et de nouvelle expertise :
Attendu qu'aux termes de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, " Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident du travail survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise. " ;
Attendu que constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci ; Que la présomption d'imputabilité d'une lésion au travail ne bénéficie au salarié victime qu'à la condition qu'il établisse, autrement que par ses propres affirmations, par des éléments objectifs, à tout le moins par des présomptions de fait sérieuses, graves et concordantes, l'existence d'un événement survenu au lieu et au temps du travail et dont il est résulté une lésion corporelle ;

Attendu qu'il n'est pas discuté en l'espèce que M. Hubert Y...a bien été victime, le 15 octobre 2008 d'un accident au temps et au lieu du travail en ce que, se trouvant dans la benne de son camion-grue en train de procéder seul au déchargement d'un poteau téléphonique sur un chantier, il a été entraîné par le basculement du camion qui s'est couché sur le flanc, ce qui a provoqué sa propre chute à l'extérieur de la benne ; Qu'aux termes du courrier de mise à pied disciplinaire, l'employeur a lui-même énoncé que ce n'était " qu'avec une chance inouïe qu'il était sorti indemne de cet accident " ; Que, comme l'ont exactement retenu les premiers juges, la matérialité de l'accident, caractérisé par une chute survenue le 15 octobre 2008 au temps et au lieu du travail est donc établie ;

Attendu que, si le certificat médical initial a été établi seulement le 8 février 2009 et la déclaration d'accident du travail, le 20 juillet suivant, le salarié a apporté au tribunal des éléments médicaux en faveur d'un lien entre l'accident survenu le 15 octobre 2008 et l'état dépressif médicalement constaté ; qu'en effet, d'une part, le certificat médical initial mentionne qu'il a présenté une névrose traumatique, avec terreurs nocturnes et attaques de panique suite à cet accident au cours duquel il a failli perdre la vie, et qu'il en est résulté un état dépressif secondaire qui a nécessité un traitement, d'autre part, aux termes du certificat établi le 3 décembre 2010, le médecin traitant a confirmé ces lésions et manifestations psychologiques ainsi que le traitement psychotrope qu'elles ont nécessité en précisant qu'il avait suivi M. Y...pour cet état dépressif dès le 7 novembre 2008 ; que ce sont ces éléments médicaux qui ont conduit le tribunal à mettre en oeuvre une mesure d'expertise médicale technique sur le lien de causalité entre la chute du 15 octobre 2008 et le syndrome post-traumatique avec état dépressif médicalement constaté chez le salarié ;
Attendu qu'aux termes de son rapport du 27 juillet 2011, le Dr Gilles D...a conclu : " Les troubles psychologiques constatés le 7 novembre 2008 par le Docteur C...sont en lien direct avec l'accident de la voie publique survenu le 15 octobre 2008 ; la non reconnaissance de cet AVP en accident du travail, la sanction qui a suivi, puis le licenciement ensuite, ont renforcé la symptomatologie devenue état dépressif avec sentiment de perte de l'estime de soi et d'atteinte narcissique. " ;
Attendu que les éléments contenus dans le dossier médical remis à l'expert par le médecin conseil de la caisse ont confirmé que le suivi effectué par le médecin traitant, pour syndrome post-traumatique et dépression, avait débuté le 7 novembre 2008 et, lors de son examen du 2 décembre 2009, même s'il a relevé que le suivi était alors très épisodique, le médecin conseil de la caisse a lui-même conclu à un état anxio-dépressif réactionnel chez un patient n'ayant pas d'antécédent particulier et qui avait " développé un syndrome anxio-dépressif dans les suites d'un accident du travail " ;
Attendu que le Dr D...a fait un rapport très circonstancié de l'échange nourri qu'il a eu avec M. Y..., en relatant très précisément les manifestations anxieuses décrites par ce dernier, notamment que, la nuit suivant l'accident, il n'avait pas dormi, se voyant " aplati sous les poteaux " et l'authenticité de cette relation ressort de ce que l'expert relève que la victime était encore très émue à l'évocation de l'accident du 15 octobre 2008 et de ses conséquences, émotion se manifestant par des tremblements du menton et des larmes au yeux ; que, comme le médecin conseil et le médecin traitant, l'expert note l'absence d'antécédent psychiatrique et il souligne que le récit fait par le salarié de sa symptomatologie post-traumatique concorde avec celle du médecin traitant, à savoir, débordement émotionnel intense, état de sidération le laissant sans capacité de réaction appropriée, ruminations conscientes sur l'accident et surtout des cauchemars avec réaction d'angoisse importante à type d'oppression thoracique et de sensations d'étouffement ;
Que ce n'est donc pas par pure affirmation, mais après analyse des éléments médicaux recueillis, examen médico-psychologique du salarié auquel il a personnellement procédé et rapprochement de la symptomatologie décrite par ce dernier et de celle décrite par le médecin traitant que l'expert psychiatre a conclu que ces manifestations typiques et récurrentes caractérisaient une symptomatologie post-traumatique ;
Qu'il ne procède pas non plus par voie d'affirmation lorsqu'il retient que M. Y..." a subi une expérience traumatique intense avec développement d'une symptomatologie post-traumatique immédiate " puisque le fait accidentel du 15 octobre 2008 n'est pas discuté et qu'il résulte des éléments médicaux recueillis auprès du médecin traitant et du médecin conseil que M. Y...a bien consulté pour ce syndrome post-traumatique dès le 7 novembre 2008 et que l'état qu'il présentait alors a nécessité la mise en oeuvre immédiate d'un traitement psychotrope qui a dû être poursuivi pendant dix-huit mois ; que c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré qu'aucune contradiction ne résultait du fait que l'arrêt de travail a commencé seulement le lendemain de la notification de la sanction disciplinaire en ce que l'expert a mis en évidence, d'une part, que M. Y..., qui est rentré seul chez lui après l'accident, était démuni et n'a pas consulté immédiatement mais l'a fait en raison des cauchemars récurrents et persistants dont il souffrait et de la perte de sommeil qui s'est installée après l'accident, d'autre part, que la symptomatologie post-traumatique a été renforcée et est devenue état dépressif en raison de la sanction disciplinaire, de l'absence de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident et du licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement qui ont suivi ;
Attendu que l'employeur est en conséquence mal fondé à soutenir que le rapport d'expertise serait entaché d'un défaut de motivation affectant sa validité et sa régularité, ainsi que d'imprécisions et de contradictions ; que l'avis de l'expert est au contraire clair et précis et procède d'une analyse documentée et argumentée ; que, comme l'ont exactement retenu les premiers juges, il n'est pas utilement combattu par la note établie par le Dr Christophe E..., médecin généraliste dépourvu de compétences en psychiatrie, qui procède par voie de considérations générales, sans avoir examiné la victime et sans critique structurée du rapport d'expertise ;
Que l'employeur sera en conséquence débouté de sa demande de nouvelle expertise ;
Attendu que l'avis technique clair et précis de l'expert s'impose à la caisse et à l'assuré ; que comme l'ont retenu les premiers juges, ce rapport, auquel s'ajoute le certificat médical du Dr C...du 3 décembre 2010, fait la preuve du lien de causalité direct existant entre l'accident du travail survenu le 15 octobre 2008 et, d'une part, les lésions décrites dans les certificats médicaux du Dr C...des 8 février 2009 et 3 décembre 2010, d'autre part, les arrêts de travail consécutifs à ces lésions ; que le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point et en ce que, par voie de conséquence, il a dit que la CPAM de la Sarthe devrait prendre en charge ces lésions et arrêts de travail au titre de la législation professionnelle ;
Attendu, l'appelante perdant son recours, qu'elle sera condamnée au paiement du droit prévu par l'article R. 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale, lequel droit ne peut excéder le dixième du montant mensuel prévu à l'article L. 241-3 du même code ;
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
Constate qu'elle n'est saisie d'aucun appel à l'encontre du jugement du 27 avril 2011 ;
Déboute la société Bouygues Energies et Services venant aux droits de la société ETDE Réseaux de sa demande de nouvelle expertise ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Déclare le présent arrêt opposable à la société Bouygues Energies et Services venant aux droits de la société ETDE Réseaux ;
Condamne la société Bouygues Energies et Services venant aux droits de la société ETDE Réseaux au paiement du droit prévu par l'article R. 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale liquidé à la somme de 308, 60 ¿.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sylvie LE GALLCatherine LECAPLAIN-MOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/03087
Date de la décision : 10/09/2013
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2013-09-10;11.03087 ?
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