La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/09/2013 | FRANCE | N°11/02493

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 10 septembre 2013, 11/02493


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 10 Septembre 2013
ARRÊT N
CLM/ SLG
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 02493

numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 14 Septembre 2011, enregistrée sous le no 10/ 00850

APPELANT :
Monsieur Sébastien X...... 49800 LA DAGUENIERE
comparant, assisté de la SELARL GILLES TESSON AVOCAT, avocats au barreau de LA ROCHE SUR YON >
INTIMEE :
SAS MANPOWER FRANCE 13 rue Ernest Renou 92729 NANTERRE CEDEX
représentée par Maîtr...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 10 Septembre 2013
ARRÊT N
CLM/ SLG
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 02493

numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 14 Septembre 2011, enregistrée sous le no 10/ 00850

APPELANT :
Monsieur Sébastien X...... 49800 LA DAGUENIERE
comparant, assisté de la SELARL GILLES TESSON AVOCAT, avocats au barreau de LA ROCHE SUR YON

INTIMEE :
SAS MANPOWER FRANCE 13 rue Ernest Renou 92729 NANTERRE CEDEX
représentée par Maître Stéphanie KUBLER, avocat au barreau de PARIS-No du dossier 20100602 en présence de madame Cécile Y..., responsable ressources humaines adjointe

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 28 Mai 2013 à 14 H 00 en audience publique et collégiale, devant la cour composée de : Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, assesseur Madame Anne DUFAU, assesseur
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame C. PINEL

ARRÊT : du 10 Septembre 2013, contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par madame LECAPLAIN MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. *******

FAITS ET PROCÉDURE :
Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 2 février 1998, la société MANPOWER France, entreprise de travail temporaire, a embauché M. Sébastien X... en qualité d'attaché commercial, niveau 4 coefficient 200 assimilé cadre, au sein de l'agence de Parthenay moyennant une rémunération d'un montant brut mensuel forfaitaire de 10 000 francs. La convention collective applicable est la convention collective nationale des entreprises de travail temporaire.
Après avoir été, à compter du mois de mai 1999, attaché commercial au sein de l'agence " Angers Industries ", par avenant du 30 octobre 2000 à effet au 1er novembre suivant, M. X... a été promu au poste de chargé d'affaires au sein de l'établissement d'Angers Maine avec le statut de cadre.
Par avenant des 10 et 15 janvier 2003 à effet au 1er janvier précédent, il a été promu au poste de responsable d'agence chargé de l'agence d'Angers Construction au niveau 5 B coefficient 425, moyennant une rémunération brute mensuelle fixe de 2 281 ¿ outre une part variable constituée par des primes. Dans le dernier état de la relation de travail, la part fixe de sa rémunération mensuelle s'élevait à la somme de 2 883 ¿ bruts et sa rémunération brute globale s'est élevée à la somme de 48 232, 52 ¿ pour l'année 2009, soit une moyenne mensuelle de 4 019, 38 ¿.
Courant 2007/ 2008, la société MANPOWER France a procédé à une opération dite de " refondation " qui a conduit, fin 2008, à la création de " centres de profit ", un centre de profit regroupant une ou plusieurs entités opérationnelles (agences, antennes commerciales, antennes de recrutement) (cf pièce no 3-4 de l'appelant Procès-verbal de la réunion extraordinaire du Comité d'établissement Ouest du 24 novembre 2008).
A compter du 2 février 2009, M. Sébastien X... s'est vu confier la responsabilité d'un centre de profit composé de l'agence d'Angers Construction et du site Cholet BTP auxquels ont été ajoutés les comptes BTP de Beaupréau. Ce centre de profit était intitulé A. M. E (agence multi-sites d'emploi) Angers-Cholet BTP.
M. X... soutient qu'une revalorisation de sa rémunération fixe lui avait été promise par son employeur en contrepartie de la prise en charge de cette A. M. E. Par courrier électronique du 19 mars 2009, il a fait observer à sa directrice de secteur, Mme Isabelle Z..., qu'il était " toujours en attente d'une réponse concernant la prime " mobilité " ou " champs de compétences élargies ", ce à quoi, cette dernière lui a répondu le 3 avril suivant, en évoquant une prochaine réunion : "... On reparlera à ce moment là de l rémunération en AME ".
Le 19 mai 2009, M. X... a adressé à M. Etienne A..., responsable régional des ressources humaines, un courriel récapitulant une entrevue du 6 mai précédent et aux termes duquel il relevait notamment que :- si en juillet 2009, l'entreprise disposait d'une enveloppe d'augmentation, il ferait partie des collaborateurs permanents bénéficiaires, l'augmentation pouvant être conséquente ;- d'ici là, l'employeur maintenait sa position concernant sa rémunération fixe et n'envisageait pas de la revoir ;- cette politique de rémunération était valable pour l'ensemble des responsables d'agence ayant vu leur champ de responsabilité s'élargir récemment ;- cet élargissement des responsabilités ne donnait pas lieu à un avenant au contrat de travail. Il demandait des précisions chiffrées sur la notion d'" augmentation conséquente ", si cette augmentation serait rétroactive et prendrait en compte l'élargissement de ses responsabilités intervenu le 2 février 2009 et il demandait pourquoi certains responsables d'agence, ayant vu leur champ de responsabilité étendu, avaient bénéficié d'une augmentation de 150 ¿ sur leur rémunération fixe dans une situation comparable à la sienne.
Après trois échanges de courriels avec M. A... courant juin 2009, par courrier électronique du 14 septembre suivant, M. X... a indiqué à sa directrice de secteur qu'il aimerait avoir " une réponse définitive au sujet de son augmentation de salaire qui traîne déjà depuis 8 mois " en ajoutant qu'en l'absence de réponse chiffrée pour la fin du mois de septembre, il considérerait la réponse de l'employeur comme négative pour 2009.
Suite à un entretien d'évaluation intermédiaire avec Mme Isabelle Z... le 22 septembre 2009, par courrier recommandé du 28 septembre suivant, soulignant son investissement important au sein de l'A. M. E Angers-Cholet BTP ainsi que les bons résultats obtenus mais l'absence de réponse à sa demande d'augmentation de salaire formulée de longue date, M. Sébastien X... lui a confirmé que, " dans l'attente d'un engagement concret et satisfaisant ", il se recentrait à partir du 1er octobre 2009 sur l'agence d'Angers BTP et suspendait tout déplacement sur Cholet.
Par courrier recommandé du 10 novembre 2009, Mme Z... a fait connaître à M. X... que, dans le cadre de la politique salariale 2009 définitivement adoptée au mois de juillet prfécédent, aucune augmentation individuelle de salaire n'avait été possible en dehors des promotions et que l'entreprise n'avait dérogé à ce principe pour F... ; que, pour reconnaître son évolution, il avait été décidé de lui attribuer une prime exceptionnelle de 900 ¿ versée à la fin du mois d'octobre 2009.
Le 18 décembre 2009, M. Sébastien X... a adressé à M. Damien B..., directeur des opérations Ouest, un courrier électronique libellé en ces termes : " Je reviens vers toi suite à mon entretien téléphonique cette après midi avec Isabelle Z.... Elle m'a fait part de ta décision concernant mon souhait de quitter Manpower et mon projet de création d'entreprise. Evidemment, ton refus de négocier un départ à l'amiable dans ce cadre là m'étonne. Je te propose donc que nous nous rencontrions dans les plus brefs délais et selon tes disponibilités afin que tu puisses m'évoquer de vive voix les motivations qui t'amènes à prendre cette décision. Cordialement. ".
Le 7 janvier 2010, à l'issue d'un entretien avec M. B..., M. X... a fait connaître à sa direction et à ses collaborateurs que, dans l'attente du respect par l'employeur de ses engagements d'une proposition financière satisfaisante, il limiterait l'exercice de ses fonctions à l'agence d'Angers BTP, s'en tenant ainsi aux stipulations de son contrat de travail.
Par courrier électronique du 12 janvier 2010, Mme Z... lui a demandé d'intervenir sans délai auprès de ses collaborateurs de Cholet en corrigeant ses propos et de " tenir son poste ".
Par lettre recommandée du 2 février 2010 faisant suite à un nouveau mail du 18 janvier et à un entretien du 19 janvier précédents relatifs au refus du salarié d'intervenir au sein du site de Cholet et de répondre à des demandes de collaborateurs de ce site, M. Sébastien X... s'est vu notifier par remise en main propre, un avertissement aux termes duquel l'employeur lui reprochait de contrevenir aux dispositions de son contrat de travail et le " sommait de reprendre son poste sans délai ".
Par courrier électronique du 10 février 2010 soulignant la persistance d'absence d'intervention sur le bureau de Cholet, que le comportement de M. X... n'était plus tolérable et perturbait fortement le fonctionnement de l'A. M. E d'Angers-Colet BTP, Mme Z... lui a demandé à nouveau de reprendre son poste et ses fonctions de responsable de ladite A. M. E, faute de quoi, une autre sanction devrait être envisagée.
Par courrier du 10 février 2010, M. X... a contesté les faits reprochés aux termes de l'avertissement arguant de ce que le site de Cholet BTP était une agence et non une antenne, qu'il n'avait accepté de prendre la responsabilité d'une seconde agence qu'en contrepartie d'une augmentation conséquente de sa rémunération brute qui lui avait été promise mais non attribuée, qu'il s'en tenait donc aux termes de son contrat de travail en remplissant strictement les fonctions qui y étaient définies.
Par courrier recommandé du 4 mars 2010, soulignant son insubordination persistante, l'employeur l'a mis en demeure de reprendre " l'entière responsabilité de ses fonctions " et de mettre fin au trouble existant.
Les 4 et 5 mars 2010, M. X... a de nouveau transmis à Mme Z... pour qu'elle les traite des demandes formées par des salariés de Cholet. Par lettre recommandée du 8 mars 2010, il a contesté la mise en demeure arguant de ce qu'il était bien à son poste tel que défini aux termes de son contrat de travail et en assumait l'entière responsabilité. Il ajoutait être dans l'attente d'un budget et d'objectifs annuels pour 2010 correspondant à son champ de responsabilités, ceux lui ayant été présentés lors de ses entretiens annuels du 2 février 2010 intégrant l'agence de Cholet BTP. Il sollicitait l'annulation de cette mise en demeure et de l'avertissement du 2 février 2010.
Après avoir convoqué M. X..., par courrier du 9 mars 2010, à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 18 mars suivant, par lettre du 23 mars 2010, la société MANPOWER France lui a notifié son licenciement pour faute grave tenant à son refus persistant d'exécuter les missions relevant de ses obligations en délaissant totalement le " bureau " de Cholet. Par courrier recommandé du 30 mars 2010, elle l'a libéré de l'obligation de non-concurrence.
Le 2 août 2010, M. Sébastien X... a saisi le conseil de prud'hommes pour obtenir l'annulation de l'avertissement du 2 février 2010, contester son licenciement et obtenir le paiement des indemnités de rupture et d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement du 14 septembre 2011 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le conseil de prud'hommes d'Angers a jugé que le licenciement de M. X... pour faute grave était fondé, l'a débouté de l'ensemble de ses prétentions et condamné aux dépens, la société MANPOWER France étant déboutée de sa demande d'indemnité de procédure.
M. Sébastien X... a régulièrement relevé appel de cette décision par lettre recommandée postée le 11 octobre 2011.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Aux termes de ses conclusions enregistrées au greffe le 25 avril 2013, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, M. Sébastien X... demande à la cour :- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;- d'annuler la sanction disciplinaire prononcée à son encontre le 2 février 2010 au motif qu'elle n'a pas été prise à l'issue d'une procédure disciplinaire préalable, qu'elle " sert de point d'appui au licenciement pour faute grave et, à ce titre, est mentionnée dans la lettre de licenciement ", qu'elle est mal fondée en ce que l'employeur ne pouvait pas lui imposer unilatéralement une modification d'un élément essentiel de son contrat de travail, en l'occurrence, de ses fonctions en lui adjoignant l'agence de Cholet de sorte qu'il n'a pas commis de faute en cessant d'assumer la prise en charge de cette agence alors surtout que l'employeur n'a respecté ni ses engagements, ni ses obligations à son égard ;- de juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la société MANPOWER France à lui payer les sommes suivantes : ¿ 12 234, 45 ¿ (soit trois mois de salaire) à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 1 223, 44 ¿ de congés payés afférents ; ¿ 10 777, 76 ¿ à titre d'indemnité légale de licenciement ; ¿ 80 000 ¿ d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre les intérêts " de droit " et leur capitalisation à compter du 23 mars 2010 ;- de faire application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail dans la limite légale de six mois ;- de condamner la société MANPOWER France aux entiers dépens et à lui payer la somme de 2 500 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'appui de sa demande tendant à voir juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié fait valoir que :- la réorganisation de l'entreprise, nommée " refondation " à laquelle la société MANPOWER France a procédé en 2007/ 2008 a été motivée par des difficultés économiques liées, d'une part, à la concurrence à laquelle elle était confrontée de la part de géants du secteur et de petites entreprises d'intérim qui se sont créées sur des niches d'activité, d'autre part, au net ralentissement économique qui a marqué cette période ; qu'en conséquence, la proposition d'un élargissement de son périmètre d'intervention et d'un accroissement de ses fonctions qui lui a été faite à la fin de l'année 2008 par adjonction de l'agence de Cholet s'analyse en une modification d'un élément essentiel de son contrat de travail envisagée pour des motifs économiques au sens de l'article L. 1233-3 du code du travail, de sorte qu'il incombait à l'employeur de lui soumettre cette proposition de modification dans le respect des dispositions de l'article L. 1222-6 du code du travail et que, faute pour lui de l'avoir fait et de lui avoir laissé le délai de réflexion d'un mois prévu par ce texte, son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;- à supposer même qu'il soit considéré que la proposition de modification de ses fonctions n'ait pas reposé sur des motifs économiques au sens de l'article L. 1233-3 du code du travail et que l'application de l'article L. 1222-6 du même code soit écartée, il n'en reste pas moins que la modification de ses fonctions par adjonction du site de Cholet BTP qui n'a jamais cessé d'être une agence autonome au sein de l'organisation de la société MANPOWER France et n'a jamais été une simple antenne, adjonction qui a induit le passage d'un poste fixe à un poste itinérant, l'accroissement de ses responsabilités par augmentation du nombre de salariés (de 3 à 7) sous ses ordres, par l'accroissement du portefeuille clients, du nombre d'intérimaires gérés et du chiffre d'affaires généré caractérisent une modification " des éléments essentiels " de son contrat de travail qui ne pouvait pas lui être imposée par l'employeur mais requérait son accord exprès qu'il n'a jamais donné ; qu'il n'a donc pas commis de faute en cessant d'intervenir sur le site de Cholet ; que la clause " de mobilité " invoquée par l'employeur est inopérante et que la modification de ses fonctions et de son lieu de travail aurait dû, comme tel fut le cas pour d'autres salariés, donner lieu à l'établissement d'un avenant ;- à la fin de l'année 2008, il a accepté la proposition de se voir confier l'A. M. E Angers-Cholet BTP à la condition d'obtenir une augmentation de sa rémunération fixe, condition qui a reçu un engagement formel de la part de son supérieur hiérarchique de l'époque, M. Alexandre C... qui était alors son directeur de secteur ; que le manquement de l'employeur à son obligation de respecter cet engagement, en dépit des nombreux rappels qu'il lui a adressés en vain de ce chef entre le printemps et l'automne 2010, exclut de surcroît que lui soit imputé à faute le fait de s'être cantonné à l'exercice de ses fonctions contractuellement définies de responsable de l'agence d'Angers Construction ; que, contrairement à ce que soutient l'intimée, sa rémunération variable n'a pas augmenté, et que d'autres salariés concernés par des " changements professionnels " se sont vus accorder des augmentations de leur rémunération fixe à hauteur de 150 ¿ par mois ;- l'employeur a encore failli à ses obligations en ce que le passage d'un poste sédentaire à un poste impliquant des déplacements sur Cholet ne s'est accompagné d'aucune information et d'aucun suivi spécifique de la part de la médecine du travail quant au risque routier ; qu'il en est résulté pour lui un accident le 28 décembre 2009 ; que, confronté à une situation dangereuse en dehors de tout suivi par la médecine du travail, il ne pouvait que se protéger lui-même en respectant scrupuleusement les termes de son contrat de travail quant à son champ d'intervention ;
- il n'a commis aucune faute grave et la preuve des faits gravement fautifs invoqués par l'employeur à l'appui de son licenciement n'est pas rapportée, la prétendue perturbation de l'agence de Cholet étant contredite par les témoignages qu'il produit et le fait que l'employeur n'ait pas réagi à la baisse importante de ses déplacements sur Cholet au cours du dernier trimestre 2009 et l'ait laissé vaquer à ses occupations de responsable de l'agence d'Angers Construction pendant tout le temps de la procédure de licenciement démontrent que sa seule obligation contractuelle était bien cantonnée à la direction de cette agence ;- le long délai mis par l'employeur à lui notifier son licenciement empêche celui-ci de se prévaloir d'une faute grave, étant observé que, si insubordination il y a eu, elle s'est manifestée dès le 6 janvier 2010, date à laquelle il a informé sa hiérarchie de ce qu'il n'interviendrait plus sur Cholet, sans oublier sa baisse notable d'activité sur ce site dès le dernier trimestre 2009.
Aux termes de ses conclusions enregistrées au greffe le 14 mai 2013, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, la société MANPOWER France demande à la cour :- de débouter M. Sébastien X... de son appel et de l'ensemble de ses prétentions, et de confirmer le jugement entrepris ;- à titre " superfétatoire ", de fixer le salaire moyen mensuel de M. X... à la somme de 3 569, 51 ¿ bruts ;- de le condamner à lui payer la somme de 2 500 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
L'intimée conteste que la réorganisation de l'entreprise à laquelle il a été procédé courant 2007 et 2008 ait été motivée par des motifs économiques au sens de l'article L. 1233-3 du code du travail et qu'elle se soit inscrite dans ce cadre. Elle souligne que cette refondation a été engagée dès 2007, en dehors de tout contexte économique difficile et que, si elle s'est poursuivie dans un " contexte contraint " en raison de la crise économique survenue en septembre 2008, elle ne constitue pas une réorganisation pour motif économique au sens du texte susvisé ; qu'il s'agissait de se réorganiser afin de mieux répondre à ses missions en considération de l'évolution du monde du travail tout en améliorant sa compétitivité et ses profits ; qu'elle n'avait donc pas à mettre en oeuvre les dispositions de l'article L. 1222-6 du code du travail à l'égard de M. X....
Elle dénie également que l'évolution du champ d'intervention de ce dernier à compter du mois de février 2009 en ce qu'il s'est vu confier le centre de profit composé de l'agence d'Angers Construction et de l'antenne de Cholet BTP outre les comptes BTP de Beaupréau s'analyse en une modification d'un élément essentiel de son contrat de travail et elle soutient qu'elle n'avait donc pas à lui faire signer un avenant ni à recueillir son accord exprès. Se prévalant de la notion d'" agence " telle que définie dans la clause intitulée " Fonctions " du contrat de travail de M. X... et soutenant que le site de Cholet est devenu une simple antenne commerciale au moins à compter d'avril 2007, elle argue de ce que le fait d'avoir confié au salarié la responsabilité de ce site en plus de celle de l'agence d'Angers Construction a emporté une simple modification de ses conditions de travail, contractuellement acceptée, et non une modification d'un élément essentiel de son contrat de travail. Elle conteste que le salarié ait fait l'objet d'une mutation géographique et oppose que l'allusion qu'il fait à une clause de mobilité est inopérante. Elle ajoute que la mauvaise foi de l'appelant ressort de ce qu'aux termes du document préparatoire à son entretien d'évaluation du début de l'année 2009, il avait mentionné qu'il souhaitait évoluer en se voyant confier la gestion d'un centre de profit multi-sites.
Elle conteste s'être jamais engagée à augmenter la part fixe de la rémunération de l'appelant en contrepartie de sa prise en charge du centre de profit d'Angers-Cholet BTP et argue de ce qu'il ne rapporte nullement la preuve de l'obligation qu'il invoque. Elle ajoute que la part variable de sa rémunération a augmenté sans pour autant que la structure de sa rémunération soit modifiée, mais par le seul fait que l'assiette de ses primes n'était plus constituée par les résultats de la seule agence d'Angers Construction mais l'étaient par ceux de l'ensemble du centre de profit.
Elle rétorque avoir rempli ses obligations quant au suivi médical de M. X..., relève qu'il n'entrait pas dans les prévisions de l'article R. 4624-19 du code du travail et que l'accident du 28 décembre 2009 est sans lien avec ses déplacements professionnels, mais imputable à son seul comportement.
Elle soutient au contraire que les fautes graves commises par le salarié, tenant à sa décision de cesser l'exercice de ses missions sur le site de Cholet, ce qui a été gravement préjudiciable à cette entité, et ce, motif pris du refus de l'employeur de négocier son départ de l'entreprise alors qu'il avait en vue la création de sa propre société, et liées à son insubordination persistante, sont parfaitement caractérisées. Elle conteste tant la réduction par M. X... de son activité sur Cholet au cours du dernier trimestre 2009 que le grief tiré de ce qu'elle n'aurait pas respecté un délai restreint pour lui notifier son licenciement arguant à cet égard de ce qu'avant d'en venir à cette mesure, elle s'est attachée à lui rappeler ses obligations.
Pour s'opposer à la demande d'annulation de l'avertissement, elle fait valoir qu'elle n'avait pas à convoquer le salarié à un entretien préalable, que cette sanction était justifiée par le manquement de celui-ci à ses obligations à compter du 7 janvier 2010 dans le but d'obtenir un départ négocié et qu'elle pouvait la rappeler dans la lettre de licenciement.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la demande d'annulation de l'avertissement du 2 février 2010 :
Attendu qu'aux termes de l'article 1333-2 du code du travail, la juridiction prud'homale peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise ;
Attendu que, pour débouter le salarié de sa demande en nullité de la sanction prononcée le 2 février 2010, les premiers juges ont retenu que, s'agissant d'un avertissement dépourvu de référence à une incidence sur sa présence dans l'entreprise, il n'y avait pas lieu à mise en oeuvre de la procédure disciplinaire et que, si l'avertissement était cité dans la lettre de licenciement, il " n'était pas le motif " de la rupture ;
Attendu, la sanction prononcée le 2 février 2010 étant un avertissement, qui plus est dépourvu de référence à une incidence sur la présence du salarié dans l'entreprise, qu'en vertu des dispositions de l'article L. 1332-2 du code du travail, la société MANPOWER France n'était, en effet, pas tenue de convoquer M. Sébastien X... à un entretien préalable ; que le moyen tiré du fait que cette sanction n'a pas été prise à l'issue d'une procédure disciplinaire préalable est donc mal fondé ; Qu'en outre, le fait que cet avertissement soit mentionné dans la lettre de licenciement n'est de nature à entacher ni sa régularité ni sa validité ;
Attendu qu'aux termes du courrier d'avertissement du 2 février 2010, l'employeur :- indique à M. X... qu'ensuite de son annonce faite unilatéralement aux salariés constituant l'équipe de Cholet, le 7 janvier 2010, qu'il n'était plus leur responsable, il lui avait rappelé à diverses reprises que ses responsabilités portaient tant sur le " bureau " d'Angers BTP que sur celui de Cholet BTP, " ces deux bureaux constituant l'AME " dont il avait la charge depuis le 2 février 2009 ;- après avoir relaté précisément ces rappels, constate que la situation n'a toujours pas évolué et qu'en dépit de ses injonctions répétées, le salarié a persisté dans son attitude, en refusant, notamment, de planifier le rendez-vous de suivi d'une collaboratrice de Cholet en contrat de professionnalisation avec son tuteur ;- conclut en ces termes : " Votre attitude n'est pas celle attendue d'un Responsable d'Agence dans la mesure où, non seulement elle contrevient aux dispositions de votre contrat, mais également elle désorganise fortement le fonctionnement de l'AME et perturbe vos collaborateurs. Il ne s'agit en aucun cas de « pression » comme vous l'écrivez dans votre mail du 18 janvier, mais bien du respect de vos engagements contractuels. Pour rappel, votre contrat de travail, dans son avenant du 10 janvier 2003, prévoit que « la notion « d'agence » recouvre un établissement de la société qui peut être l'objet d'aménagements d'activité territoriale ou sectorielle et éventuellement d'adjonction ou de retrait d'une antenne, fonction des décisions de l'entreprise à ce sujet, ce qui est accepté par le salarié ». Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, je vous prie de considérer ce courrier comme un avertissement et vous somme de reprendre votre poste sans délai. " ; Que l'avertissement litigieux est donc fondé sur le manquement de M. Sébastien X... à son obligation de remplir ses fonctions de responsable d'agence telles que résultant de son contrat de travail, lesdites fonctions englobant, selon l'employeur, la responsabilité des sites d'Angers Construction et de Cholet BTP ;
Attendu qu'aux termes de l'avenant signé les 10 et 15 janvier 2003 constituant le dernier état du contrat de travail unissant la société MANPOWER France à M. Sébastien X..., ce dernier s'est vu confier les fonctions de " Responsable d'Agence au sein de notre établissement de Angers Construction sis 21, place de la Laiterie à Angers " ;
Que l'article 1, intitulé " FONCTIONS " de cet avenant énonce que " Le responsable d'agence (R. A), sous l'autorité et les directives de sa hiérarchie, développe l'activité commerciale et optimise la rentabilité de l'agence dont il assure l'animation, la gestion et le contrôle dans le respect du budget. Sans préjudice des directives commerciales et tarifaires, il s'assure de la conformité des contrats de mise à disposition et des contrats de travail temporaire au regard des dispositions légales et a autorité à cet effet sur les collaborateurs placés sous ses ordres. " ;
Que suivent des dispositions relatives à la délégation de pouvoir dont bénéficie le responsable d'agence vis à vis des clients et des salariés temporaires et aux conséquences d'une éventuelle mise en cause de sa responsabilité pénale en raison d'infractions résultant de l'activité de l'agence ;
Qu'enfin, comme indiqué dans la lettre d'avertissement, figure le paragraphe suivant : " Complémentairement, il est précisé que la notion « d'agence » recouvre un établissement de la société qui peut être l'objet d'aménagements d'activité territoriale ou sectorielle et éventuellement d'adjonction ou de retrait d'une antenne, fonction des décisions de l'entreprise à ce sujet, ce qui est accepté par le salarié » ;
Qu'il ressort de ces dispositions contractuelles que les fonctions de responsable d'agence consistent à développer l'activité commerciale, à optimiser la rentabilité, à animer, gérer et contrôler un établissement de la société MANPOWER France, constitué d'une agence à laquelle peut être adjointe une antenne sur décision unilatérale du chef d'entreprise, et dont le champ d'activité territoriale ou sectorielle est susceptible d'aménagements sur pareille décision unilatérale du chef d'entreprise, étant précisé qu'il ressort des termes, non contestés par l'intimée, du courrier du salarié en date du 10 février 2010 et du compte rendu d'entretien préalable du 18 mars 2010 que l'antenne correspond à une petite structure ouverte seulement quelques jours par semaine et rapprochée territorialement de l'agence mère ;
Qu'en l'occurrence, aux termes de son contrat de travail, les fonctions de M. Sébastien X... consistaient donc à développer l'activité commerciale, optimiser la rentabilité, animer, gérer et contrôler l'établissement constitué par l'agence d'Angers Construction ;
Qu'à l'appui de sa position selon laquelle le fait de lui avoir confié la responsabilité de l'A. M. E d'Angers-Cholet BTP n'emportait pas modification de ses fonctions mais seulement modification de ses conditions de travail, la société MANPOWER France soutient que le site de Cholet était une antenne et non une agence ;
Mais attendu, comme le reconnaît l'intimée elle-même, qu'il ressort de sa pièce no 36 constituant la déclaration d'ouverture du site de Cholet BTP que ce site a été ouvert le 26 septembre 2005 en tant qu'agence constitutive d'un établissement ayant le code 0kv80 ; Que, pour soutenir que cette agence serait devenue une antenne à compter du mois d'avril 2007, elle verse aux débats trois documents internes qui répertorient Cholet Construction BTP comme une antenne commerciale, à savoir :- l'" Organigramme structure-DO Ouest " édité le 02/ 04/ 2007 " (sa pièce no 37),- un document intitulé " Demande de modifications de statut et/ ou rattachement agences vers Centres de Profit et/ ou Secteurs-DO Ouest " édité le 15 janvier 2009 (sa pièce no 38),- le document établi par la direction des ressources humaines en novembre 2008, intitulé " Information du Comité d'Etablissement de la DO Ouest sur le projet de mise en oeuvre de la refondation dans un environnement contraint " ;
Mais attendu que ces documents purement internes que la société MANPOWER France s'est établis à elle-même ne présentent aucun caractère probant quant au fait que le site de Cholet BTP aurait été transformé d'agence en antenne ; que l'intimée ne produit aucun document officiel établissant que le site de Cholet aurait perdu son statut d'établissement titulaire d'un numéro de SIRET propre tel que précisé par M. X... dans son courrier du 10 février 2010 ;
Qu'en outre, les allégations de l'employeur sont contredites par les pièces versées aux débats par l'appelant ; Qu'ainsi, le 13 octobre 2009, la société MANPOWER France, représentée par M. Damien B..., directeur des opérations Ouest, a conclu avec Mme Elisabeth D... un avenant à son contrat de travail du 29 mai 1995 libellé en ces termes : " Conformément aux différents entretiens que vous avez eus avec Monsieur Sébastien X.... Nous vous confirmons votre changement d'affectation en qualité d'Attaché Clientèle Agence à l'agence de Cholet BTP, sise 13-15 rue des Marteaux-49300 CHOLET. Ce changement d'affectation n'impliquant pas de changement de résidence, il prendra donc effet à compter du 01/ 10/ 2009 pour prendre fin le 31/ 03/ 2010.... Article 1- Mobilité le nouveau lieu d'affectalion temporaire et partiel du salarié est donc :- à la Direction des Opérations Ouest-Etablissement Cholet BTP-13-15 rue des Marteaux-49300 CHOLET " ;
Attendu que ce document contractuel, signé par le directeur des opérations Ouest 2 ans et demi après la prétendue transformation de l'agence Cholet BTP en antenne et 8, 5 mois après la constitution de l'A. M. E d'Angers-Cholet BTP, désigne expressément le site de Cholet BTP comme une agence et même comme un établissement ; que ce n'est donc pas par abus de langage qu'aux termes de courriels échangés en février, mars et mai 2009, Mme Isabelle Z... et Mme Nathalie E..., cette dernière appartenant au service des ressources humaines de la direction des opérations Ouest, désignaient le site de Cholet BTP comme une agence, étant souligné que, dans son mail du 13 février 2009 relatif à un avenant de mutation provisoire, Mme E... désigne comme agence tant le site de Cholet Industrie que le site de Cholet BTP ;
Qu'enfin, l'appelant verse aux débats, extraite le 1er juin 2011 de l'" Annuaire d'agences ", la page du site web de la société MANPOWER France consacrée au site de Cholet BTP qui le désigne expressément comme l'" Agence Manpower CHOLET BTP " ;
Qu'il résulte de ces développements que l'employeur est défaillant à établir que le site de Cholet BTP, ouvert le 26 septembre 2005 en tant qu'agence et, comme tel, constitutif d'un établissement à part entière, aurait perdu ce statut et était devenu une simple antenne en février 2009 ; qu'il sera relevé que les données chiffrées, non discutées, fournies par le salarié au sujet de l'effectif et de l'activité du site de Cholet BTP ne concordent d'ailleurs pas avec la notion d'antenne en ce qu'il en résulte que l'adjonction de cette structure à l'agence d'Angers, dont elle était distante de 65 km, a emporté un doublement des effectifs sous sa responsabilité (de 3 à 7 salariés permanents), et un quasi doublement des dossiers constituant son portefeuille clients, du nombre d'intérimaires gérés mensuellement et du chiffre d'affaires réalisé ;
Que par voie de conséquence, c'est bien, outre la gestion des dossiers BTP de l'agence de Beaupréau, la responsabilité de deux agences et non d'une agence avec adjonction d'un antenne que M. X... s'est vu confier le 2 février 2009 sous couvert de l'A. M. E d'Angers-Cholet BTP ; que l'employeur est donc mal fondé à invoquer une simple modification des conditions de travail de son salarié contractuellement acceptée en vertu de la clause figurant à l'article 1 de l'avenant conclu les 10 et 15 janvier 2003 ; que le fait pour l'intimée de confier à M. X... la responsabilité de deux agences constitutives de deux établissements indépendants, entraînant qui plus est un quasi doublement de son volume d'activité et de ses responsabilités emportait une modification de ses fonctions telles que contractuellement définies de façon précise et, par voie de conséquence, une modification d'une condition essentielle de son contrat de travail que la société MANPOWER France ne pouvait pas lui imposer unilatéralement mais qui requérait son accord exprès ; Qu'en l'absence d'un tel accord, cette modification du contrat de travail de M. Sébastien X... n'a pas pris effet juridiquement, peu important qu'il ait de fait assuré la responsabilité des deux agences et la gestion des dossiers BTP de Beaupréau de février 2009 au 7 janvier 2010 ; et attendu qu'en l'absence de modification valablement opérée du contrat de travail quant au champ des fonctions du salarié, la société MANPOWER France était mal fondée à lui reprocher, le 2 février 2010, ne pas assumer la responsabilité de l'agence de Cholet BTP et l'injonction consistant à le sommer de reprendre son poste et de respecter ses engagements contractuels était tout aussi mal fondée puisqu'il ne fait pas débat que le salarié n'a jamais cessé de remplir les fonctions de responsable de l'agence d'Angers Construction qui seules s'imposaient à lui en application de son contrat de travail ;
Que l'avertissement du 2 février 2010 étant injustifié au fond, par voie d'infirmation du jugement entrepris, il convient de l'annuler ;
Sur le licenciement :
Attendu que la lettre de licenciement adressée à M. Sébastien X... le 23 mars 2010, et qui fixe les termes du litige, est ainsi libellée : " Objet : notification de licenciement pour faute grave Monsieur, Pour faire suite à l'entretien du 18 mars dernier, au cours duquel vous étiez assisté de Monsieur Pierre F..., Représentant du personnel, je vous informe par la présente, et après réflexion de notre part, de notre décision de nous priver de votre collaboration pour le motif suivant : Refus d'exécuter les missions relevant de vos obligations malgré des demandes répétées de la part de votre hiérarchie et maIgré un avertissement notifié le 2 février 2010 et une mise en demeure notifiée le 4 mars 2010. Pour rappel, vous avez en charge la responsabilité de l'AME Angers BTP-Cholet BTP constituée des bureaux Angers et Cholet depuis le 2 février 2009. Depuis cette date, vous avez assuré l'ensemble des missions incombant à un Responsable d'Agence et avez reconnu « être satisfait de ces nouvelles fonctions de responsable d'AME Angers Cholet BTP », selon vos propres termes (courrier du 28 septembre 2009 adressé à Madame Isabelle Z...). Dans ce courrier, vous annonciez votre intention de vous recentrer sur Angers ; annonce qui n'a pas été suivie d'effet sur le dernier trimestre 2009. En revanche, le 7 janvier 2010, de manière unilatérale, vous avez informé l'équipe de Cholet que vous n'étiez plus leur Responsable. " ;
Attendu que suivent l'indication que cette décision est consécutive au refus de négociation d'un départ amiable et l'énonciation des rappels à l'ordre dont M. X... a fait l'objet les 12 et 18 janvier 2010 ;
Que la lettre de licenciement se poursuit ainsi : " En réponse à son mail et à votre entretien du 19 janvier, vous avez exprimé le 20 janvier que vous reprendriez votre activité sur Cholet dès lors que l'entreprise vous aurait apporté la preuve que vos responsabilités portent tant sur Angers que sur Cholet. A cet égard, et ainsi que cela vous a été indiqué dans l'avertissement qui vous a été notifié le 2 février 2010 par remise en main propre, je vous rappelle que votre contrat de travail, au travers de l'avenant du 10 janvier 2003, prévoit que « la notion d'agence recouvre un établissement de la société qui peut être l'objet d'aménagements d'activité territoriale ou sectorielle et éventuellement d'adjonction ou de retrait d'une antenne, fonction des décisions de l'entreprise à ce sujet, ce qui est accepté par le salarié ». Malgré cela, vous avez persisté dans votre comportement, en délaissant totalement le bureau de Cholet ; ce qui a conduit votre Directeur de Secteur à vous adresser le 4 mars 2010 une mise en demeure de reprendre immédiatement votre poste. Au lieu de cela, vous avez dès le 5 mars à nouveau transférer à Isabelle Z... des demandes de congés formulées par vos collaborateurs de Cholet. Force est de constater que vous persistez volontairement dans cette attitude d'insubordination, ce qui génère non seulement un dysfonctionnement de l'AME et du Secteur, rejaillit sur l'activité qui n'est plus pilotée, et perturbe également fortement vos collaborateurs. Ces faits sont inacceptables et constitutifs d'une faute grave, compte tenu notamment de votre statut de Manager-impliquant une exemplarité-et des injonctions répétées de votre hiérarchie de faire immédiatement cesser ce trouble. En conséquence, je me vois contraint de mettre un terme au contrat qui nous lie en raison de ces manquements graves et répétés, en dépit des demandes faites à maintes reprises de vous ressaisir et de reprendre votre poste.... Au regard de la gravité des faits énoncés ci-dessus, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible ; le licenciement prend donc effet immédiatement à la date du 23 mars 2010, sans préavis, ni indemnité de licenciement. " ;
Attendu que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'il incombe à l'employeur d'en rapporter la preuve ;
Attendu que la faute grave reprochée à M. Sébastien X... aux termes de la lettre de licenciement tient en une attitude persistante d'insubordination consistant à refuser d'exécuter les missions relevant de ses obligations contractuelles par cessation de toute intervention sur le site de Cholet depuis le 7 janvier 2010 ;
Mais attendu, comme la cour l'a précédemment mis en évidence, que les fonctions de responsable d'agence qui incombaient à M. X... aux termes de son contrat de travail consistaient à devoir assurer le développement de l'activité commerciale, l'optimisation de la rentabilité, l'animation, la gestion et le contrôle de l'agence d'Angers Construction et qu'il était convenu que la société MANPOWER France pouvait y adjoindre unilatéralement la charge d'une antenne ; Que l'adjonction de la responsabilité du site de Cholet BTP aux fonctions du salarié en février 2009 s'analyse en une modification de ses fonctions, soit en une modification d'un élément essentiel de son contrat de travail en ce que, l'employeur ne démontrant pas que ce site avait alors perdu, et ait d'ailleurs jamais perdu, sa nature d'agence pour devenir une simple antenne, l'adjonction a conduit à faire peser sur M. X... la responsabilité de deux agences au lieu d'une, soit de deux établissements au lieu d'un, à plus que doubler le nombre des salariés placés sous son autorité et à quasiment doubler le volume de son activité en termes de dossiers clients, d'intérimaires pris en charge et de chiffre d'affaires généré, son activité évoluant en outre d'un poste sédentaire vers un poste lui imposant des déplacements entre deux agences distantes de 65 kilomètres ;
Attendu, M. Sébastien X... n'ayant pas donné son consentement exprès à cette modification de ses fonctions, qu'elle lui est inopposable, peu important qu'il ait, pendant plusieurs mois, assumé la responsabilité de l'agence de Cholet BTP en plus de celle d'Angers Construction ; que la société MANPOWER France est donc mal fondée à soutenir qu'il aurait failli à ses obligations contractuelles et fait preuve d'insubordination persistante en refusant, à compter du 7 janvier 2010 en dépit d'un avertissement et d'une mise en demeure, de continuer à assumer la responsabilité de l'agence de Cholet BTP ; qu'aucun manquement à ses obligations contractuelles n'est établi à l'encontre du salarié dont il ne fait pas débat qu'il n'a jamais cessé de remplir ses obligations de responsable de l'agence d'Angers Construction, étant observé qu'aucune preuve n'est rapportée d'une quelconque perturbation de ses collaborateurs de l'agence d'Angers, d'un quelconque dysfonctionnement de cette agence ou retentissement sur son activité ;
Attendu, le grief de refus d'exécuter les missions relevant de ses obligations contractuelles et d'insubordination persistante invoqué à l'appui du licenciement de M. Sébastien X... étant mal fondé et les manquements allégués n'étant pas justifiés que, par voie d'infirmation du jugement déféré, son licenciement pour faute grave doit être déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse sans qu'il y ait lieu à examen des autres moyens qu'il soulève ;
Sur les conséquences pécuniaires du licenciement :
Attendu, aucune faute grave n'étant retenue à l'encontre du salarié, que l'employeur qui l'a licencié à tort sans préavis se trouve débiteur envers lui d'une indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité de licenciement ;
Attendu, s'agissant de la détermination du salaire de référence, que les parties s'accordent pour considérer que la formule la plus favorable à M. X... consiste à retenir les salaires des douze derniers mois précédant le licenciement et non ceux des trois derniers mois ; Que, comme le soutient l'intimée, le salarié est mal fondé à prétendre voir écarter le salaire du mois de janvier 2010 au motif qu'il comporte la déduction d'un jour de salaire pour absence le 28 décembre 2009 liée à l'accident dont M. X... a été victime ce jour là et à lui voir substituer le montant, beaucoup plus favorable, du salaire du mois de février 2009 ; qu'en effet, le salaire perçu en janvier 2010 correspond bien à l'activité normale du salarié ; que le montant des salaires des douze derniers mois s'établit donc à la somme de 42 834, 12 ¿, soit une moyenne mensuelle de 3 569, 51 ¿ ;
Attendu que l'indemnité compensatrice de préavis due au salarié en application est égale au salaire brut, assujetti au paiement des cotisations sociales, qu'il aurait perçu s'il avait travaillé pendant la durée du délai-congé, ce salaire englobant tous les éléments de rémunération auxquels le salarié aurait pu prétendre s'il avait exécuté normalement son préavis, à l'exclusion des sommes représentant des remboursements de frais ; Attendu qu'en application des dispositions conventionnelles (article B-8. 1 statut), la durée du délai-congé applicable à M. X... est de trois mois, ce qui n'est pas discuté ; que la société MANPOWER France sera en conséquence condamnée à lui payer la somme de 10 708, 53 ¿ à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 1070, 85 ¿ de congés payés afférents, ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 13 août 2010, date à laquelle l'employeur a accusé réception de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation ;
Attendu qu'en application des dispositions de l'article 7. 2 de la convention collective des entreprises de travail temporaire et de l'article 9 de l'avenant du 23 octobre 1987 concernant le personnel d'encadrement, l'indemnité conventionnelle de licenciement à laquelle peut prétendre M. X... s'établit comme suit :- à partir de 5 ans d'ancienneté, 1/ 5ème de mois par année d'ancienneté à compter de la date d'entrée dans l'entreprise, soit 8 566, 82 ¿,- majoration de 15 % s'agissant d'un cadre ayant plus de 10 ans d'ancienneté : 1285, 02 ¿, soit une indemnité conventionnelle de licenciement d'un montant total de 9 851, 85 ¿ plus favorable au montant de l'indemnité légale ressortant à la somme de 9 578, 19 ¿ ; que la société MANPOWER France sera donc condamnée à payer à M. Sébastien X... la somme de 9 851, 85 ¿ avec intérêts au taux légal à compter du 13 août 2010 ;
Attendu, M. Sébastien X... justifiant d'une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés, qu'il peut prétendre à l'indemnisation de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail, selon lequel l'indemnité à la charge de l'employeur ne peut pas être inférieure aux salaires des six derniers mois, lesquels se sont élevés en l'espèce à la somme de 21 116, 20 ¿ ; Attendu qu'il ressort des pièces versées aux débats qu'ensuite de son licenciement, M. X... a, en juin 2010 et au moyen d'emprunts notamment familiaux, constitué l'EURL SB 2D, entreprise dont il n'a tiré aucun revenu et qui a généré une perte de 15 652 ¿ à l'issue de son unique exercice écoulé du 1er juin 2010 au 30 septembre 2011, date à laquelle l'activité a été arrêtée ; que l'appelant a perçu des indemnités de chômage jusqu'au mois d'août 2011, puis a, à compter du 2 novembre suivant, retrouvé un emploi de responsable service clients au sein de la société INITIAL moyennant un salaire mensuel brut de 3 150 ¿ : Attendu qu'en considération de ces éléments et, notamment, de l'âge du salarié (38 ans) et de son ancienneté (12 ans et un mois) au moment de son licenciement, de sa situation de famille (deux enfants), de sa capacité à retrouver un emploi et de la perte de revenus qu'il a subie, des circonstances de la rupture, la cour dispose des éléments nécessaires pour fixer à 62 000 ¿ le montant de l'indemnité que l'intimée sera condamnée à lui payer pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et ce, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Attendu qu'il convient de faire droit à la demande capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;
Attendu qu'en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par la société MANPOWER France au Pôle Emploi des Pays de la Loire des indemnités de chômage versées à M. Sébastien X... du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;
Sur les dépens et frais irrépétibles :
Attendu, M. X... prospérant en son recours que, par voie d'infirmation du jugement entrepris, la société MANPOWER France sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel et à lui payer la somme de 2 500 ¿ au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel, le jugement déféré étant confirmé en ce qu'il a débouté l'employeur de ce chef de prétention ;
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la société MANPOWER France de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Annule l'avertissement notifié par la société MANPOWER France à M. Sébastien X... le 2 février 2010 ;
Déclare le licenciement de M. Sébastien X... dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société MANPOWER France à lui payer les sommes suivantes :-10 708, 53 ¿ à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 1070, 85 ¿ de congés payés afférents,-9 851, 85 ¿ d'indemnité conventionnelle de licenciement, ces sommes, avec intérêts au taux légal à compter du 13 août 2010 ;-62 000 ¿ d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Ordonne la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ; Ordonne le remboursement par la société MANPOWER France, au Pôle emploi des Pays de la Loire, des indemnités de chômage versées à M. Sébastien X..., du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;
Condamne la société MANPOWER France à payer à M. Sébastien X... la somme de 2 500 ¿ au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel et la déboute elle-même de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ; La condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/02493
Date de la décision : 10/09/2013
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2013-09-10;11.02493 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award