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10/09/2013 | FRANCE | N°10/03179

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 10 septembre 2013, 10/03179


COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N

CLM/ SLG

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 03179

numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance
Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du MANS, décision attaquée en date du 24 Novembre 2010, enregistrée sous le no 20107

ARRÊT DU 10 Septembre 2013

APPELANTE :

SA GMT ANCIENNEMENT DENOMMEE GROUPE MARCEL TABUR
60, Boulevard Pierre Lefaucheux
72100 LE MANS

représent

ée par Maître Stéphane LAUBEUF, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

URSSAF DES PAYS DE LA LOIRE VENANT AUX DROITS DE L'URS...

COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N

CLM/ SLG

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 03179

numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance
Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du MANS, décision attaquée en date du 24 Novembre 2010, enregistrée sous le no 20107

ARRÊT DU 10 Septembre 2013

APPELANTE :

SA GMT ANCIENNEMENT DENOMMEE GROUPE MARCEL TABUR
60, Boulevard Pierre Lefaucheux
72100 LE MANS

représentée par Maître Stéphane LAUBEUF, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

URSSAF DES PAYS DE LA LOIRE VENANT AUX DROITS DE L'URSSAF DE LA SARTHE
3 rue Gaëtan Rondeau
44933 NANTES CEDEX 9

représentée par monsieur X..., muni (e) d'un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 28 Mai 2013 à 14 H 00 en audience publique et collégiale, devant la cour composée de :

Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président
Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, assesseur
Madame Anne DUFAU, assesseur

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame C. PINEL, greffier

ARRÊT :
du 10 Septembre 2013, contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par madame LECAPLAIN MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Groupe Marcel Tabur, désormais dénommée la société GMT, a mis en place depuis de nombreuses années un système d'intéressement collectif en faveur de ses salariés.

Le 30 avril 2001, elle a conclu avec son comité d'entreprise, pour la période du 1er mai 2001 au 30 avril 2004, un accord d'intéressement qui prévoyait un intéressement sur objectif de prévoyance (dit intéressement SP) et un intéressement annuel aux résultats de l'entreprise (dit intéressement bonus).
S'agissant de l'intéressement SP, initialement, les objectifs ont été fixés de façon mensuelle comme cela était d'usage au sein de l'entreprise depuis plus de dix années selon les termes d'un courrier adressé par la société GMT à l'URSSAF le 22 novembre 2007. Par avenant du 27 juin 2001 et pour satisfaire à la loi portant réforme de l'épargne salariale, les ont été fixés mensuellement avec cumul semestriel, le principe de l'objectif semestriel étant maintenu par avenant des 28 mars et 17 octobre 2002.
Par avenant du 14 février 2003, les objectifs ont été fixés de manière trimestrielle.

Le passage, pour le calcul de l'intéressement 2002, d'une base d'objectifs mensuels à une base d'objectifs semestriels ayant eu un impact défavorable sur le montant de l'intéressement de la plupart des salariés, l'entreprise a décidé de compenser cette différence en versant à chaque salarié concerné par l'écart négatif une prime de nature salariale majorée de 25 %, cette majoration étant destinée à ce que le salarié ne perde pas le bénéfice des exonérations dont il aurait bénéficié si cette somme avait été versée ai titre de l'intéressement.
La prime compensatrice ainsi versée en 2002 a été intégrée dans l'assiette de calcul des cotisations sociales. En 2003, l'entreprise a adopté une méthode consistant à baser l'intéressement sur des objectifs trimestriels, ce qui lui a permis d'assurer un niveau d'intéressement lui évitant le paiement des primes compensatrices versées en 2002.

L'accord du 30 avril 2001 a été dénoncé le 14 février 2004 avec effet au 31 décembre 2003, un nouvel accord étant conclu le 14 février 2004 pour la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006.

Courant 2004, la société Groupe Marcel Tabur a fait l'objet de la part de l'URSSAF de la Sarthe, aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui l'URSSAF des Pays de Loire, d'un contrôle comptable d'assiette portant sur la période du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2003 à l'issue duquel elle s'est vue notifier, le 15 novembre 2004, une lettre d'observations emportant un rappel de cotisations d'un montant de 1 026 791 ¿ à raison, notamment, de l'annulation des exonérations attachées aux sommes versées au titre de l'intéressement du chef des années 2001, 2002 et 2003.

Par jugement du 17 janvier 2007, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Mans a annulé les redressements opérés du chef de l'intéressement versé pour les années 2001 et 2002 et maintenu le redressement relatif à l'année 2003.
Le tribunal a considéré que le principe de non-substitution avait été violé au motif qu'il ressortait des pièces du dossier que :
- ponctuellement en 2002, à l'exclusion des années 2001 et 2003, la société Groupe Marcel Tabur avait versé des primes, régulièrement soumises à charges sociales, pour compenser la perte d'une partie de l'intéressement subi par la grande majorité des salariés du fait du changement de la périodicité des objectifs ;
- en 2003, elle avait à nouveau modifié les formules de calcul de l'intéressement en retenant 12 critères au lieu de 9 puis 10 précédemment, et en appréciant les objectifs sur une périodicité trimestrielle et ce, afin d'éviter les écarts constatés au cours de l'année 2002, de donner aux salariés plus de chance d'obtenir des points et donc de percevoir leur intéressement, et ainsi de se préserver elle-même du risque de devoir verser des primes destinées à compenser une éventuelle baisse de l'intéressement alors qu'elle avait une parfaite connaissance des primes compensatrices, de nature salariale, qu'elle s'engageait à verser en cas d'écart défavorable ;
- la société avait ainsi voIontairement influé sur les critères retenus par les accords dans le but de mettre en place un mode de calcul de l'intéressement plus favorable pour les salariés et que, ce faisant, elle avait violé le principe de non-substitution d'un élément de salaire, constitué par les primes compensatrices, par l'intéressement et ce, sans respect du délai de 12 mois obligatoire entre la suppression de l'élément de salaire et le versement de l'intéressement.

Ce jugement a été confirmé en toutes ses dispositions par arrêt de la présente cour du 6 mai 2008.

Par arrêt du 8 octobre 2009, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi principal formé par la société Groupe Marcel Tabur et le pourvoi incident formé par l'URSSAF de la Sarthe.

Courant 2007, la société Groupe Marcel Tabur a fait l'objet de la part de l'URSSAF de la Sarthe d'un contrôle comptable d'assiette portant sur la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006.

Cette vérification a débouché sur une lettre d'observations du 24 octobre 2007 emportant un rappel de cotisations au titre de divers points, dont une régularisation en cotisations de 971 564 ¿ du fait de la réintégration, dans l'assiette de calcul des cotisations, de toutes les sommes versées pendant la période considérée au titre de l'intéressement, en application de l'accord d'intéressement conclu le 14 février 2004.
En effet, l'URSSAF a considéré que, dans la mesure où les sommes versées en 2003 au titre de l'intéressement en application de l'accord du 30 avril 2001 avaient été requalifiées en salaires par le tribunal des affaires de sécurité sociale et où il s'était écoulé moins de douze mois entre le versement de ces sommes et la date d'effet du nouvel accord d'intéressement, de sorte que le principe de non-substitution avait été violé, les sommes versées au titre de l'intéressement du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006 en vertu de l'accord du 14 février 2004 ne pouvaient pas bénéficier des exonération de cotisations de sécurité sociale et devaient être réintégrées dans l'assiette de calcul des cotisations dues par l'entreprise.

Par courrier du 22 novembre 2007, se défendant d'avoir violé le principe de non-substitution, la société Groupe Marcel Tabur a, notamment, contesté ce chef de redressement dans son principe.

L'inspecteur agréé et assermenté du recouvrement de l'URSSAF de la Sarthe a répondu par lettre du 7 décembre 2007 en maintenant ce point de redressement ainsi que celui relatif aux " avantages en nature voyages " et en arrêtant le rappel global de cotisations à la somme de 942 793 ¿.

Le 14 décembre 2007, la société Groupe Marcel Tabur s'est vue notifier une mise en demeure d'un montant de 938 296 ¿ en principal outre 93 829 ¿ de majorations de retard.

Le 15 janvier 2008, elle a saisi la commission de recours amiable, laquelle, par décision du 10 juin 2008 notifiée le 20 juin suivant, a rejeté son recours et confirmé le redressement opéré tant du chef de l'intéressement que du chef des " avantages en nature voyages ", son montant étant arrêté à la somme de 942 792, 88 ¿ en principal outre 94 279 ¿ de majorations de retard et 3 771 ¿ de majorations de retard complémentaires au taux de 0, 4 %.

Par lettre recommandée postée le 11 avril 2008, la société Groupe Marcel Tabur a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'un recours à I'encontre de cette décision. Dans le dernier état de ses prétentions, elle sollicitait l'annulation du seul redressement d'un montant de 938 296 ¿ notifié du chef des sommes versées au titre de l'intéressement en vertu de l'accord d'intéressement du 14 février 2004.

Par jugement du 24 novembre 2010 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Mans a :
- reçu la société Groupe Marcel Tabur en son recours mais l'en a déboutée ;
- a confirmé la décision de la commission de recours amiable du 10 juin 2008 ;
- a validé le redressement opéré par l'URSSAF de la Sarthe et condamné la société Groupe Marcel Tabur à lui payer la somme de 1 032 125 ¿ en principal (938 296 ¿) et majorations de retard (93 829 ¿) sans préjudice des majorations de retard complémentaires ;
- débouté L'URSSAF de la Sarthe du surplus de ses demandes.

La société GMT, anciennement dénommée la société Groupe Marcel Tabur, a régulièrement relevé appel de cette décision par lettre recommandée postée le 22 décembre 2010.

Les parties ont été convoquées pour l'audience du 26 juin 2012 lors de laquelle, l'appelante ayant conclu le jour même de l'audience, l'affaire a, à leur demande, été renvoyée au 28 mai 2013.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Aux termes de ses écritures enregistrées au greffe le 28 mai 2013, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, la société GMT demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- de déclarer son recours recevable et d'annuler le redressement d'un montant de 938. 296 ¿ à titre de cotisations en principal ressortant de la décision de l'URSSAF du 7 décembre 2007 et de sa mise en demeure du 14 décembre 2007 ;
- de condamner l'URSSAF des Pays de Loire à lui payer la somme de 3000 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

L'appelante soutient tout d'abord que le redressement litigieux doit être considéré comme " caduc " au motif que l'URSSAF a fait preuve de déloyauté dans la mesure où, en 2005, elle s'est abstenue de lui signaler qu'elle estimait que l'accord conclu le 14 février 2004 violait le principe de non-substitution d'un élément de rémunération par l'intéressement et ce, pour non-respect du délai de douze mois alors qu'à cette époque, elle connaissait le nouvel accord qui avait été déposé auprès de l'administration le 27 février 2004 et elle venait d'achever le redressement opéré au titre des exercices 2001, 2002 et 2003.

En second lieu, rappelant que la lettre d'observations fixe les limites du litige, elle fait valoir qu'à aucun moment l'URSSAF n'a, aux termes du redressement notifié le 24 octobre 2007, identifié et caractérisé l'élément de rémunération qui aurait été remplacé par de l'intéressement mais qu'elle se contente de faire produire un effet automatique à la requalification en salaires de sommes versées en 2003 au titre de l'accord d'intéressement conclu en 2001, requalification qui a été opérée à la faveur du redressement notifié en 2004 ; que l'URSSAF ne soutient même pas que le nouvel accord d'intéressement aurait été conclu en vue de remplacer un élément de rémunération préexistant ; qu'elle ne démontre donc pas que les sommes versées à compter de 2004 au titre du nouvel accord d'intéressement seraient venues remplacer les sommes versées en 2003 et requalifiées en salaires, la date de conclusion de l'accord de 2004 étant, à elle seule, insuffisante à faire cette démonstration, et elle ne fait pas la preuve d'une violation du principe de non-substitution par le nouvel accord.
Elle estime que la motivation du tribunal selon laquelle " les sommes versées en application de l'accord d'intéressement de 2004 sont venues se substituer aux éléments de rémunération requalifiés comme tels en 2003 " procède d'une pétition de principe qui excède ce que l'URSSAF a écrit dans la lettre d'observations du 24 octobre 2007 puisqu'elle n'a jamais désigné l'élément de rémunération prétendument supprimé.

En dernier lieu, rappelant que la règle de non-substitution se prescrit par douze mois à compter de la date du dernier versement de l'élément de rémunération supprimé, elle conclut que ce délai de douze mois a été respecté en l'espèce en ce que le seul élément de rémunération qui a été remplacé est la prime compensatrice versée en 2002, aucune prime n'ayant été versée en 2003, et qu'il s'est bien écoulé plus de douze mois entre le 31 décembre 2002, date du dernier versement de cette prime supprimée, et le 1er janvier 2004, date d'effet du nouvel accord d'intéressement conclu le 14 février suivant. Elle ajoute qu'aucune volonté de violer le principe de non-substitution ne peut être caractérisée contre elle dans la mesure où, au moment de la signature de l'accord du 14 février 2004, aucun redressement n'avait été opéré du chef de l'accord de 2001.

Aux termes de ses conclusions enregistrées au greffe le 3 mai 2013, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, l'URSSAF des Pays de Loire venant aux droits de l'URSSAF de la Sarthe demande à la cour de débouter la société GMT de son appel, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de débouter l'appelante de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimée conteste avoir agi de mauvaise foi arguant de ce que, au cours du premier contrôle portant sur la période du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2003, aucune obligation ne pesait sur l'inspecteur du recouvrement quant à une vérification partielle de l'année 2004 ; qu'à supposer qu'il ait pu notifier une observation pour l'avenir, elle ne s'imposait nullement à la société GMT qui bénéficiait d'un recours possible en application de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale.
Elle ajoute que, l'accord d'intéressement du 14 février 2004 étant déjà appliqué au moment du contrôle ayant donné lieu au redressement litigieux, elle ne pouvait plus utilement alerter l'entreprise sur l'obligation d'attendre douze mois avant de conclure un nouvel accord ; que, dans la mesure où la lettre d'observations du 15 novembre 2004 informait parfaitement la société des motifs fondant le redressement du chef de l'accord conclu en 2001, il appartenait à cette dernière, dès qu'elle a eu connaissance de ces conclusions et afin d'en tirer les conséquences pour atténuer les effets d'un futur redressement, de dénoncer l'accord du 14 février 2004, ce qu'elle n'a pas fait.

Elle conclut également que, contrairement à ce que soutient l'appelante, ce n'est pas la prime complémentaire à l'intéressement versée en 2002, et régulièrement soumise à cotisations sociales par la société, qui doit être prise en compte pour apprécier le délai de 12 mois de l'article L. 3312-4 du code du travail, mais la prime d'intéressement versée en 2003 et requalifiée en salaire ; que, dès lors que c'est en 2003 que l'intéressement est venu se substituer à un élément de rémunération en vigueur au sein de l'entreprise, de sorte que cette prime d'intéressement 2003 a été requalifiée en salaire, c'est à juste titre que le délai de douze mois a été décompté à partir de la fin de l'année 2003 date du dernier versement de l'élément de rémunération supprimé par les sommes versées au titre du nouvel accord d'intéressement conclu le 14 février 2004 ; que la requalification en salaires des sommes versées en 2003 au titre de l'intéressement obligeait la société GMT à respecter un délai de douze mois entre les deux accords d'intéressement, ce qu'elle n'a pas fait dans la mesure où il n'y a pas eu d'interruption entre l'accord de 2001 et celui de 2004.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Attendu qu'aux termes de l'article L. 441-4 du code du travail applicable à l'époque du redressement litigieux, devenu l'article L. 3312-4 du même code, les sommes attribuées aux salariés en application de l'accord d'intéressement n'ont pas le caractère de rémunération au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et de l'article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime, ni de revenu professionnel et elles ne peuvent se substituer à aucun des éléments de rémunération en vigueur dans l'entreprise ou qui deviennent obligatoires en vertu de dispositions légales ou de clauses contractuelles ;

Que toutefois, en cas de suppression totale ou partielle d'un élément de rémunération, cette règle de non-substitution ne peut pas avoir pour effet de remettre en cause les exonérations prévues aux articles L. 441-4, L. 441-5 et L. 441-6 du code du travail dès lors qu'un délai de douze mois s'est écoulé entre le dernier versement de l'élément de rémunération supprimé et la date d'effet de l'accord d'intéressement ;

Attendu que la violation de la règle de non-substitution est sanctionnée par la réintégration des primes versées au titre de l'intéressement dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale due par l'entreprise, cette réintégration ayant pour effet de requalifier ces primes en éléments de salaire ;

Que, comme l'a exactement rappelé le tribunal, il ressort de ces dispositions que le principe est que les sommes versées en application d'un accord d'intéressement, qui bénéficient d'un régime d'exonération des charges sociales, ne doivent pas remplacer, en tout ou en partie, un élément de rémunération soumis à cotisations, mais que cette règle de non-substitution ne s'applique pas s'il s'est écoulé douze mois entre le dernier versement de l'élément de rémunération supprimé en tout ou en partie et la date d'effet de l'accord d'intéressement ;

Attendu que le redressement litigieux est l'aboutissement des opérations du contrôle comptable d'assiette qui s'est déroulé courant 2007 et qui a porté sur la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006 ; attendu que le précédent contrôle est intervenu courant 2004 et il a donné lieu à une lettre d'observations du 15 novembre 2004 ; qu'il a porté sur la période du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2003, laquelle respecte la prescription triennale édictée par l'article L. 244-3 dans sa rédaction applicable au présent litige ; qu'aucune règle n'imposait à l'URSSAF de la Sarthe de procéder alors à une vérification partielle de l'année 2004 et, ainsi, à l'examen des conditions d'application du nouvel accord d'intéressement conclu le 14 février 2004 et d'attirer l'attention de l'entreprise sur le fait que cet accord était de nature à enfreindre la règle de non-substitution édictée par l'article L. 441-4 du code du travail ; qu'en outre, comme le fait justement observer l'URSSAF des Pays de Loire, dès lors que ce nouvel accord était déjà en cours d'application lorsqu'elle a réalisé ses opérations de contrôle en 2004, elle ne pouvait plus utilement alerter la société GMT sur l'opportunité d'attendre un délai de douze mois entre la dénonciation de l'accord du 30 avril 2001 et la conclusion d'un nouvel accord d'intéressement ;
Que, comme l'ont exactement retenu les premiers juges, le moyen tiré d'un prétendu comportement déloyal de l'URSSAF devant conduire à considérer le redressement " caduc " est en conséquence mal fondé ;

Attendu qu'en l'espèce, dans le cadre du contentieux diligenté par la société GMT au titre du redressement ayant donné lieu à la lettre d'observations du 15 novembre 2004, il a été définitivement jugé que toutes les sommes versées en 2003 au titre de l'intéressement l'avaient été en violation du principe de non-substitution et devaient, par voie de conséquence, être réintégrées dans l'assiette des cotisations, les juridictions ayant en cela validé le raisonnement adopté par l'URSSAF à l'appui de son redressement ; qu'aux termes de son arrêt du 8 octobre 2009, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a en effet rejeté le pourvoi formé par la société GMT aux motifs suivants : " Mais attendu, d'abord, qu'ayant relevé que la prime de nature salariale versée en 2002 était un élément du salaire, et que cette partie du salaire avait été remplacée pour 2003 par une somme résultant d'un aménagement différent de l'intéressement, la cour d'appel en a déduit à bon droit qu'il y avait manquement au principe qui veut que l'intéressement ne se substitue pas à un élément du salaire, peu important l'objet et la cause de l'élément salarial auquel se sont substituées en tout ou partie les sommes versées au titre de l'intéressement ;
Et attendu ensuite que l'exonération de cotisations dont bénéficie l'intéressement ne peut être justifiée que si l'ensemble du dispositif mis en place dans l'entreprise est conforme aux dispositions régissant la matière ; qu'ayant constaté un manquement à la règle de non-substitution, la cour d'appel a retenu à bon droit que toutes les sommes versées au titre de l'intéressement devaient être réintégrées dans l'assiette des cotisations ; " ;

Que les sommes versées en 2003 au titre de l'intéressement ont donc été définitivement requalifiées en éléments de salaire ; et attendu que l'URSSAF des Pays de Loire rappelle à juste titre que, lorsque les sommes versées au titre d'un accord d'intéressement sont requalifiées en éléments de salaire, l'entreprise doit respecter un délai de douze mois entre le dernier versement des primes d'intéressement et la date de prise d'effet d'un nouvel accord d'intéressement ;

Attendu que la société GMT rappelle elle-même en préliminaire de ses écritures qu'elle a mis en place " depuis de nombreuses années le principe d'un intéressement collectif en faveur des salariés ", sa lettre du 22 novembre 2007 énonçant que la périodicité mensuelle retenue dans l'accord d'intéressement du 30 avril 2001 pour apprécier les objectifs procédait d'une pratique en vigueur depuis plus de dix ans au sein de l'entreprise ; qu'en l'espèce, les sommes versées en 2003 en application de l'avenant no 4 à l'accord d'intéressement conclu le 30 avril 2001 et dénoncé le 14 février 2004 à effet au 31 décembre 2003 ont, en 2004, été remplacées par les sommes versées en vertu du nouvel accord d'intéressement conclu le 14 février 2004 à effet au 1er janvier 2004, déposé auprès de la direction départementale du travail le 27 février 2004 ; que, dès lors que les sommes versées en 2003 au titre de l'accord d'intéressement du 30 avril 2001 ont été requalifiées en élément de rémunération, ce sont bien ces sommes qui constituent l'élément de rémunération supprimé en 2004 et non les primes compensatrices versées en 2002 ;

Et attendu que, contrairement à ce que soutient la société appelante, cette indication et cette caractérisation de l'élément de rémunération supprimé en 2004 ressort bien des termes de la lettre d'observations du 24 octobre 2007 en ce que l'inspecteur du recouvrement y énonce (page 22) : " Ce délai de douze mois n'ayant pas été respecté entre le versement en 2003 des primes d'intéressement requalifiées en salaires et la date d'effet du nouveau contrat d'intéressement au 01/ 01/ 2004, les primes d'intéressement versées sur la période contrôlée c'est à dire du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006 ne peuvent bénéficier des exonérations de cotisations de Sécurité Sociale. " ;

Attendu qu'il ressort d'ailleurs tant des termes de sa lettre de remarques adressée à l'inspecteur du recouvrement de l'URSSAF le 22 novembre 2007, que de ceux de son courrier de saisine de la commission de recours amiable du 15 janvier 2008 que la société GMT a fort bien compris sur ce point de l'élément de rémunération supprimé les termes de la lettre d'observations du 24 octobre 2007 ; qu'en effet, elle y énonce que, dans le cadre du contentieux judiciaire en cours au titre du redressement notifié le 15 novembre 2004 et ayant déjà donné lieu au jugement du 7 janvier 2007, elle conteste que les sommes versées en 2003 au titre de l'intéressement puissent être valablement requalifiées en salaire au motif qu'elles se seraient substituées aux primes compensatrices versées aux salariés en 2002 ;
Que le second moyen est donc également mal fondé ;

Attendu, s'agissant du délai de douze mois, qu'il ne fait pas débat que le dernier versement des sommes réglées au titre de l'intéressement en 2003 et requalifiées en élément de rémunération est intervenu le 31 décembre 2003, tandis que le nouvel accord d'intéressement conclu le 14 février 2004 à l'origine des sommes versées au titre de l'intéressement en 2004, 2005 et 2006 a pris effet le 1er janvier 2004 ; qu'il s'est donc écoulé moins de douze mois entre le 31 décembre 2003 et le 1er janvier 2004 ;

Qu'en conséquence, étant rappelé que la règle de non-substitution est applicable à toute rémunération versée à l'occasion ou en contrepartie du travail peu important l'objet et la cause de cet élément salarial, dès lors que cette règle a été violée en ce qu'il s'est écoulé moins de douze mois entre le dernier versement des primes d'intéressement requalifiées en élément de rémunération versées en 2003 et la date d'effet de l'accord d'intéressement du 14 février 2004, c'est à juste titre que le tribunal a considéré que les sommes versées au titre de l'intéressement, en application de cet accord, en 2004, 2005 et 2006 ne pouvaient pas bénéficier de l'exonération des cotisations de sécurité sociale ;

Que la société GMT doit, en conséquence, être déboutée de son appel et le jugement entrepris confirmé en toutes ses dispositions sauf à prononcer condamnation de l'appelante à payer la somme de 1 032 125 ¿ en principal et majorations de retard, sans préjudice des majorations de retard complémentaires, au profit de l'URSSAF des Pays de Loire venant aux droits de l'URSSAF de la Sarthe, étant observé que le montant des cotisations rappelées et des majorations de retard n'est pas discuté ;

Attendu que, perdant son recours, la société GMT conservera la charge des frais irrépétibles qu'elle a pu exposer et sera condamnée au paiement du droit d'appel prévu par l'article R. 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale, lequel droit ne peut excéder le dixième du montant mensuel prévu à l'article L. 241-3 du même code ;

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf à prononcer condamnation de la société GMT à payer la somme de 1 032 125 ¿ en principal et majorations de retard, sans préjudice des majorations de retard complémentaires au profit de l'URSSAF des Pays de Loire venant aux droits de l'URSSAF de la Sarthe ;

Déboute la société GMT de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

La condamne au paiement du droit prévu par l'article R. 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale liquidé à la somme de 308, 60 ¿.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sylvie LE GALLCatherine LECAPLAIN-MOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/03179
Date de la décision : 10/09/2013
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2013-09-10;10.03179 ?
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