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28/05/2013 | FRANCE | N°11/02334

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 28 mai 2013, 11/02334


COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N
CLM/ CP

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 02334.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 14 Septembre 2011, enregistrée sous le no 10/ 00222

ARRÊT DU 28 Mai 2013

APPELANTE :

Madame Stéphanie X...
...
49122 BEGROLLES EN MAUGES

présente, assistée de Maître Philippe HEURTON, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMEE :

ASSOCIATION DES PARALYSES DE FRANCE (APF) ESAT LE CORMIER


Boulevard des Sorinières
ZA du Cormier
49300 CHOLET

représentée par Maître Philippe AZAM, avocat au barreau d'ANGERS

COMP...

COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N
CLM/ CP

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 02334.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 14 Septembre 2011, enregistrée sous le no 10/ 00222

ARRÊT DU 28 Mai 2013

APPELANTE :

Madame Stéphanie X...
...
49122 BEGROLLES EN MAUGES

présente, assistée de Maître Philippe HEURTON, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMEE :

ASSOCIATION DES PARALYSES DE FRANCE (APF) ESAT LE CORMIER
Boulevard des Sorinières
ZA du Cormier
49300 CHOLET

représentée par Maître Philippe AZAM, avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Février 2013 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, président chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, président
Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller
Madame Anne LEPRIEUR, conseiller

Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier

ARRÊT :
prononcé le 28 Mai 2013, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE :

Suivant contrat de travail à durée déterminée du 17 février 1997 à effet de cette date au 16 avril 1997, l'association des Paralysés de France a embauché Mme Stéphanie X... en tant qu'éducatrice spécialisée à temps partiel pour un horaire hebdomadaire de travail de 17, 5 heures, ses fonctions s'exerçant au sein de l'Etablissement et service d'aide par le travail (ESAT) de Cholet.

Par avenants des 17 avril et 2 juin 1997, ce CDD a été prolongé jusqu'au retour de la salariée que Mme X... remplaçait.

Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 16 octobre 1997, l'association des Paralysés de France l'a recrutée à temps plein en qualité d'éducatrice spécialisée au coefficient 351, groupe E2, 1er échelon de la convention collective des Etablissements hospitaliers, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951.

A compter du 1er juin 2002, Mme Stéphanie X... a été promue aux fonctions d'adjoint de direction de l'ESAT de Cholet avec le statut de cadre.

Par avenant du 1er janvier 2005 à effet jusqu'au 30 avril suivant, sa durée mensuelle de travail fut ramenée de 151, 66 heures à 75, 83 heures dans le cadre d'un congé de présence parentale.

Après deux autres avenants des 1er mai et 11 septembre 2006 qui ont maintenu cette durée de travail en modifiant seulement la répartition du temps de travail de la salariée, par avenant du 9 février 2007 à effet au 13 mars suivant, les parties ont convenu que la durée mensuelle de travail de Mme X... serait de 118h05, soit 27h15 en moyenne par semaine.

Par note du 7 juin 2009 faisant état de difficultés au sein de l'ESAT " 49 ", notamment au sein de l'équipe de direction, liées au comportement de Mme X..., la directrice de l'équipe territoriale Ouest a sollicité auprès du directeur national adjoint de l'association des Paralysés de France la mise en oeuvre d'une analyse externe de la situation. Un plan d'accompagnement a été mis en place à compter du mois de juin 2009 et s'est déroulé pendant le second semestre 2009 et le début de l'année 2010, donnant lieu à des rencontres les 1er octobre et 17 décembre 2009, ainsi que le 1er février 2010.

Le 19 juin 2009, la salariée s'est vue remettre, en main propre, une lettre d'observation à propos du délai à respecter pour former une demande de récupération, ce à quoi elle a répondu par courrier du 24 juin suivant.

Par courrier du 17 juillet 2009, Mme X... a sollicité l'autorisation d'effectuer un C. I. F afin de suivre, sur 826 heures, soit 118 jours environ, une formation se déroulant du mois de mai 2010 au mois d'octobre 2011.

Par lettre du 5 octobre 2009 remise en main propre le 12 octobre suivant, faisant état des " nombreux dysfonctionnements repérés depuis de nombreux mois " dans " les postures de cadre " de Mme X..., du plan d'action mis en oeuvre afin d'y remédier, de la nécessité pour cette dernière de se positionner clairement dans l'équipe de direction en entretenant avec ses pairs des rapports de loyauté et de confiance, de l'obligation pour elle de respecter, d'appliquer et de faire appliquer les règles et organisations définies par la direction afin, notamment, de ne pas affaiblir l'équipe de direction et de ne pas décridibiliser sa propre fonction, la directrice de l'ESAT de Cholet a fait connaître à la salariée que, s'il était envisageable dans l'immédiat de lui permettre de participer à des formations ponctuelles " en rapport avec les difficultés repérées ", il n'était pas possible, pendant l'année concernée, d'accueillir sa demande de formation au motif qu'elle-même n'avait pas achevé sa propre formation et qu'il n'était pas envisageable que les deux seuls cadres de la structure soient en formation en même temps.

Dans le cadre du bilan d'accompagnement, une rencontre s'est déroulée le 17 décembre 2009.

Le 4 janvier 2010, Mme Stéphanie X... a sollicité l'organisation d'élections anticpées de délégués du personnel au motif que le délégué titulaire avait quitté l'association.

Le 21 janvier 2010, la directrice de l'établissement lui a adressé un courrier dit " de recadrage " au sujet de cette demande et du comportement qu'elle lui reprochait d'avoir adopté en la formulant, lui indiquant qu'il n'y avait pas lieu à élections puisque le délégué titulaire parti était, conformément aux dispositions du règlement intérieur, remplacé par son suppléant.

Par lettre du 2 février 2010, Mme X... a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 11 février suivant.

Par courrier recommandé du 8 février 2010, elle a contesté tout comportement agressif ou trouble apporté à l'ordre de l'établissement le 4 janvier précédent.

Par lettre recommandée du 15 février 2010, elle s'est vue notifier son licenciement " pour inadéquation au poste de travail " avec dispense d'exécution de son préavis de deux mois.

Le 23 février 2010, Mme Stéphanie X... a saisi le conseil de prud'hommes pour contester cette mesure. Dans le dernier état de ses prétentions de première instance, elle demandait de voir juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ainsi que le paiement de dommages et intérêts de ce chef et pour non-respect de l'accord interprofessionnel sur la portabilité, pour violation de l'obligation de formation, pour absence de la mention du DIF sur le certificat de travail.

Par jugement du 14 septembre 2011 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le conseil de prud'hommes d'Angers a jugé le licenciement de Mme Stéphanie X... justifié par une cause réelle et sérieuse, l'a déboutée de l'ensemble de ses prétentions et condamnée aux dépens, l'employeur étant débouté de sa demande d'indemnité de procédure.

La salariée a régulièrement relevé appel de ce jugement par lettre recommandée du 21 septembre 2011.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Aux termes de ses conclusions enregistrées au greffe le 24 janvier 2013, reprises et complétées oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, Mme Stéphanie X... demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris ;
- de juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
- de condamner l'association des Paralysés de France à lui payer les sommes suivantes :
¤ 30 300 € d'indemnité pour licenciement injustifié,
¤ 3 000 € de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de formation,
¤ 500 € de dommages et intérêts pour absence de mention du DIF sur le certificat de travail,
¤ 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de lui ordonner de lui délivrer une attestation ASSEDIC conforme ;
- de débouter l'intimée de l'ensemble de ses prétentions et de la condamner aux entiers dépens.

Pour soutenir que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, la salariée fait valoir que :
- l'employeur ne pouvait pas valablement la licencier pour " inadéquation à son poste de travail " ou pour des faits fautifs liés à l'exercice de sa fonction alors que, quoiqu'elle ait été placée en arrêt de travail du 30 juin au 24 juillet 2009, soit pendant au moins 21 jours, il n'a pas organisé et assuré la mise en oeuvre de la visite médicale de reprise de sorte que son contrat de travail est resté juridiquement suspendu, que l'employeur a failli à son obligation de sécurité de résultat à son égard et qu'il ne s'est pas assuré qu'elle était apte à reprendre son poste ; que, faute pour lui de s'être assuré de cette aptitude à l'exercice de ses fonctions, il ne peut pas valablement lui reprocher des faits fautifs en lien avec leur exercice ;
- contrairement à ce qu'indique l'employeur, les motifs invoqués dans la lettre de licenciement ne sont pas des motifs non disciplinaires mais bien des motifs disciplinaires ; qu'en vertu de l'article 35 du règlement intérieur et le l'article 5-3 de la convention collective, et en l'absence de faute grave ou lourde, l'employeur ne pouvait pas prononcer contre elle un licenciement pour motif disciplinaire alors qu'elle n'avait pas, précédemment, fait l'objet d'au moins deux des sanctions énumérées par le règlement intérieur ; qu'il s'agit là d'une garantie de fond dont la violation rend son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
- en tout cas, tous les faits visés dans la lettre de licenciement, à l'exception de ceux du 25 janvier 2010, étaient prescrits au moment de la notification de cette mesure pour dater de plus de deux mois ;
- le fait du 4 janvier 2010 ne pouvait pas être de nouveau sanctionné comme ayant déjà fait l'objet d'un recadrage ;

- s'agissant du fait du 25 janvier 2010, il apparaît que la directrice de l'ESAT, Mme Y..., l'a, de façon délibéré et intentionnelle placée dans une situation fautive ; qu'en outre, en procédant à son licenciement dès le 15 janvier 2010, l'association a violé l'engagement qu'elle avait pris de poursuivre le plan d'accompagnement pendant tout le premier trimestre 2010 ;
- son licenciement repose en réalité sur un motif économique, son poste d'adjoint de direction ayant été supprimé.

Aux termes de ses conclusions enregistrées au greffe le 1er février 2013, soutenues et complétées oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, l'association des Paralysés de France demande à la cour de débouter Mme Stéphanie X... de son appel et de l'ensemble de ses prétentions, de confirmer le jugement entrepris, de condamner Mme Stéphanie X... à lui payer la somme de 3 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimée soutient qu'il résulte tant de la lettre de convocation à l'entretien préalable que de la lettre de licenciement que le licenciement de Mme X... repose bien sur un motif non-disciplinaire et non sur un motif disciplinaire puisque c'est son inadéquation au poste d'adjoint de direction qui lui a été reprochée ; que le moyen tiré du non-respect des dispositions du règlement intérieur et de la convention collective est donc mal fondé.

En second lieu, elle oppose que, s'il est exacte que la salariée n'a pas bénéficié d'une visite médicale de reprise après avoir été en arrêt de maladie, pendant au moins 21 jours :
- tout d'abord, il s'agissait d'un arrêt de travail pour maladie de droit commun et non pour une maladie ou un accident d'origine professionnelle de sorte que les dispositions de l'article L. 1226-9 du code du travail ne trouvent pas à s'appliquer ;
- en second lieu, cette circonstance est sans incidence sur la légitimité du licenciement dans la mesure où il est fondé sur un motif non disciplinaire et dans la mesure où la salariée ne démontre pas que la cause de la rupture prendrait sa source dans son état de santé.

Enfin, l'association fait valoir que le caractère réel et sérieux du licenciement de Mme X... est parfaitement établi par les pièces produites en ce qu'il en ressort qu'en dépit du plan d'accompagnement mis en place et des recadrages effectués, elle s'est avérée dans l'incapacité de s'adapter aux changements d'organisation et de méthodes décidés par l'employeur, de se remettre en cause et de modifier son attitude tendant, notamment, à se désolidariser de la direction en prenant position pour des salariés, de tirer les conclusions de son désaccord avec les orientations prises par l'employeur, en démissionnant comme d'autres salariés l'ont fait.

Elle conteste que le licenciement de la salariée repose sur un motif économique et, oppose que ce moyen ne peut pas prospérer dès lors que la fraude à la loi n'est pas établie. Elle indique que les fonctions de l'appelante ont été réparties entre plusieurs salariés.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur le licenciement :

Attendu que la lettre de licenciement adressée à Mme Stéphanie X... le 15 février 2010, et qui fixe les termes du litige, est ainsi libellée :

" Madame,
Vous avez été convoquée par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 2 février 2010 à un entretien préalable à un éventuel licenciement le jeudi 11 février 2010 à 11 heures, dans la salle de réunion de l'établissement.
En présence de François Z..., directeur Régional, nous avons évoqué votre situation à savoir :
Il existe un décalage entre ce que nous attendons d'une adjointe de direction d'un ESAT APF et votre comportement,
Pour mémoire, dans votre fiche de poste, il est indiqué que vous avez notamment, pour mission principale, la mise en œ uvre du projet d'établissement ainsi que du projet personnalisé sous mon autorité et que vous devez me rendre des comptes.
Or, force est de constater que vous ne remplissez pas ces missions.
Vous ne portez pas la dimension institutionnelle dans et hors de la structure :
Pour exemple le 5 janvier 2009, lors d'une réunion générale d'orientation où assistait l'ensemble des salariés, vous avez porté la parole des salariés et vous êtes opposée aux nouvelles orientations programmées par la direction générale de l'association et présentées par M. Z...Directeur Régional prenant ses fonctions, M A...Directeur Régional par intérim et M B... Directeur de l'ESAT de Notre Dame d'Oé et moi-même.
Vous n'appliquez pas les décisions de la direction et les contestez auprès de l'équipe ou devant les usagers.
Vous prenez des positions personnelles qui vont souvent à l'encontre des directives de la directrice.
Depuis mon arrivée, en septembre 2006, je vous ai de nombreuse fois expliqué quelles étaient mes attentes concernant la fonction d'adjoint de direction et malgré ces explications et les nombreux entretiens de recadrage qui ont suivi, vous n'avez pas su adapter votre comportement à nos attentes.
C'est pourquoi je vous ai notifié les 8 Avril, 21 Avril, 4 Mai, 19 Mai, et 19 juin 2009 des lettres d'observation où je vous précisais une nouvelle fois mes attentes qui sont notamment de coopérer avec la direction en toute loyauté et de rendre compte de l'état d'avancement des projets.
Parallèlement à ces différents recadrages écrits, il vous a été adressé le 21 juillet 2009 une fiche de mission détaillant plus précisément l'objet de votre poste.
Malgré ses différents recadrages, nous nous sommes de nouveaux heurtés à des dysfonctionnements dans le cadre de l'exercice de vos fonctions.
Notamment les 1er et 12 Octobre où en réunion d'équipe, vous avez pris ouvertement position pour deux de vos collègues alors qu'il est manifeste que le rôle d'une adjointe de direction était de me soutenir et non de me mettre en difficultés face aux salariés.
En outre, il vous arrive fréquemment de faire état en réunion d'équipe de situations validées en équipe de direction afin de rechercher le soutien des salariés dans le but d'influer sur les décisions déjà prises en équipe de direction.
C'est pourquoi, en accord avec la direction régionale et la direction d'équipe territoriale, nous avons choisi de mettre en œ uvre un plan d'action de 4 mois (depuis le mois d'octobre 2010) où il vous a été rappelé à chaque entrevue l'essentiel de vos missions et les champs qu'ils vous étaient indispensables d'améliorer.

Force est de constater que malgré nos efforts pour vous permettre d'adopter un comportement répondant à nos attentes vous ne semblez pas être en mesure de vous remettre en cause comme le démontre la réponse que vous avez apportée à l'incident
du 25 janvier où vous n'avez pas assumé vos responsabilités.
En effet, ce jour là, les usagers de l'atelier « annexe » sont restés dans leur atelier sans aucun encadrants.
Je vous rappelle que les usagers dont vous avez la charge sont dans une situation de dépendance et sont fragilisés par leur handicap.
Vous aviez à vérifier si le nombre d'encadrants était suffisant pour assurer la sécurité des usagers, cela démontre que vous n'avez pas pris conscience de vos devoirs et de la responsabilité qui vous incombe en mon absence.
La situation s'est même dégradée au regard de votre comportement du 4 janvier où vous avez eu une attitude particulièrement agressive à mon encontre, cela rend manifeste l'inadéquation de votre posture professionnelle.
Lors de notre entretien préalable vous avez cherché à atténuer les faits qui vous ont été exposés voire à les nier.
Toutefois vous confirmez votre inadéquation au poste d'adjointe de direction.
Malgré nos divers entretiens, il apparait clairement que vous ne parvenez pas à mettre en œ uvre la posture de cadre et que vous êtes dans l'incapacité de vous remettre en cause ce qui est tout à fait incompatible avec ce que nous attendons de votre part dans le cadre de votre mission de cadre adjointe de direction.
Ceci constitue une inadéquation à votre poste qui ne permet plus de maintenir notre relation contractuelle.
Compte tenu de ce qui précède, nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour inadéquation au poste de travail. " ;

Attendu que la lettre se poursuit par les dispositions relatives au préavis et au droit individuel à la formation ;

Attendu que, si la lettre de licenciement fixe les termes du litige, le licenciement prononcé a un caractère disciplinaire dès lors qu'il résulte des termes de cette lettre que l'employeur a reproché des fautes au salarié, étant souligné qu'il relève du pouvoir du juge de qualifier les faits invoqués et de déterminer si l'employeur a, ou non, reproché des fautes au salarié ;

Attendu qu'en l'espèce, il ressort clairement et expressément des termes de la lettre de licenciement qu'au-delà d'une simple inadéquation non fautive au poste de travail, l'association des Paralysés de France a bien, pour fonder la rupture, reproché à Mme Stéphanie X... des fautes consistant :
- en une insubordination et une opposition délibérée, ouverte et publique aux décisions et directives de l'employeur ainsi qu'aux positions prises par lui, voire en une certaine déloyauté à son égard dans les rapports avec les salariés et quant aux positions qu'il prenait envers ces derniers ; que ces griefs ressortent, notamment, des termes suivants de la lettre de licenciement :
¤ " le 5 janvier 2009, lors d'une réunion générale d'orientation où assistait l'ensemble des salariés, vous avez porté la parole des salariés et vous êtes opposée aux nouvelles orientations programmées par la direction générale de l'association et présentées par M. Z...Directeur Régional prenant ses fonctions, M A...Directeur Régional par intérim et M B... Directeur de l'ESAT de Notre Dame d'Oé et moi-même " ;
¤ " Vous n'appliquez pas les décisions de la direction et les contestez auprès de l'équipe ou devant les usagers " ;
¤ " Vous prenez des positions personnelles qui vont souvent à l'encontre des directives de la directrice. " ;
¤ " Notamment les 1er et 12 Octobre où en réunion d'équipe, vous avez pris ouvertement position pour deux de vos collègues alors qu'il est manifeste que le rôle d'une adjointe de direction était de me soutenir et non de me mettre en difficultés face aux salariés. " ;

¤ " il vous arrive fréquemment de faire état en réunion d'équipe de situations validées en équipe de direction afin de rechercher le soutien des salariés dans le but d'influer sur les décisions déjà prises en équipe de direction " ;
- en des violences verbales : attitude agressive reprochée le 4 janvier 2010 ;
- en un manquement à ses obligations en termes d'organisation du service et de garantie de la sécurité des usagers de l'ESAP consistant à ne pas avoir vérifié si, le 25 janvier 2010, les encadrants étaient en nombre suffisant, défaillance qui a abouti à laisser seuls les usagers de l'atelier " annexe " alors qu'il s'agit de personnes en situation de dépendance et fragilisées par leur handicap

Que, contrairement à ce que soutient l'association des Paralysés de France et à ce qu'ont retenu les premiers juges, au regard des attitudes fautives ainsi énoncées à l'appui de la rupture, le licenciement de Mme Stéphanie X... est bien fondé sur un motif disciplinaire ;

Attendu qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X... a été en arrêt de travail pour maladie de droit commun du 30 juin au 24 juillet 2009 et qu'il ne fait pas débat qu'elle a repris le travail sans bénéficier d'une visite de reprise, laquelle était obligatoire en application des dispositions de l'article R. 4624-21 4o du code du travail puisque son arrêt de travail a duré au moins vingt et un jours ; qu'il est donc exact qu'en l'absence de visite de reprise, son contrat de travail est resté suspendu ;

Mais attendu que la suspension du contrat de travail en raison d'une maladie ou d'un accident non professionnel ne fait pas obstacle au licenciement prononcé pour un motif étranger à l'état de santé du salarié de sorte que l'employeur peut licencier un salarié sur le fondement d'une faute ;

Que, le licenciement de l'appelante ayant été prononcé pour un motif étranger à son état de santé, elle est mal fondée à soutenir qu'il serait dépourvu de cause réelle et sérieuse au motif qu'il a été prononcé pendant la période de suspension de son contrat de travail ;

Attendu, par contre, que l'article 35, intitulé " Sanctions disciplinaires ", du règlement intérieur du personnel de l'association des Paralysés de France, applicable à compter du 29 février 2004 dispose :

" Tout agissement considéré comme fautif pourra, en fonction de sa gravité, faire l'objet de l'une ou l'autre des sanctions prévues dans le présent règlement intérieur.
Tenant compte des faits et circonstances, la sanction sera prise sans suivre nécessairement l'ordre de classement :
- Avertissement écrit,
- Mise à pied disciplinaire sans rémunération d'une durée maximum de 15 jours ouvrables (ramenés à 3 jours ouvrés dans les établissements soumis à la CCN 51),
- Rétrogradation,
- Licenciement pour faute avec préavis et indemnités de rupture,
- Licenciement pour faute grave, sans préavis ni indemnité de licenciement,
- Licenciement pour faute lourde, sans préavis ni indemnités de licenciement, ni indemnité compensatrice de congés payés pour la période de référence en cours.
Sauf en cas de faute grave ou lourde, il ne peut y avoir de mesure de licenciement disciplinaire à l'égard d'un salarié si celui-ci n'a pas fait l'objet d'au moins deux des sanctions citées précédemment.
L'employeur a la possibilité de notifier des observations. Dans ce cas, ces observations ne sont pas soumises à la procédure disciplinaire visée ci-dessous. " ;

Attendu qu'il ressort clairement de ces dispositions de fond du règlement intérieur qu'un licenciement pour motif disciplinaire ne pouvait être prononcé à l'encontre de Mme Stéphanie X... qu'à la condition qu'elle ait préalablement fait l'objet d'au moins deux des sanctions que sont l'avertissement écrit, la mise à pied disciplinaire ou la rétrogradation ; or attendu qu'il ne fait pas débat qu'antérieurement au 15 février 2010, la salariée n'avait jamais fait l'objet d'une seule de ces sanctions ; que son licenciement pour faute ayant été prononcé en violation des règles de fond posées par le règlement intérieur, il doit, par voie d'infirmation du jugement déféré, être déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse sans qu'il y ait lieu à examen des autres moyens soulevés ;

Attendu, Mme Stéphanie X... justifiant d'une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés (13 salariés au moment de son licenciement), qu'elle peut prétendre à l'indemnisation de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail, selon lequel l'indemnité à la charge de l'employeur ne peut pas être inférieure aux salaires des six derniers mois, lesquels se sont élevés en l'espèce à la somme de 15 221, 17 € ;

Attendu que l'appelante était âgée de 37 ans au moment de son licenciement et comptait 13 ans d'ancienneté au sein de l'entreprise ; qu'en considération de ces éléments, de sa situation particulière et de sa capacité à retrouver un emploi, la cour dispose des éléments nécessaires pour fixer à la somme de 30 300 € le montant de l'indemnité propre à réparer son préjudice et que l'association des Paralysés de France sera condamnée à lui payer avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Attendu, l'association des Paralysés de France ayant remis à Mme X... une attestation ASSEDIC sur laquelle elle a, de façon erronée, coché la case " OUI " en marge de la question : " Une transaction est-elle en cours ? ", qu'il convient de lui ordonner de remettre à la salariée une attestation exempte de cette mention ;

Sur les demandes de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de formation et absence de mention du DIF sur le certificat de travail :

Attendu qu'il incombe à l'employeur d'assurer l'adaptation des salariées à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi ; que la violation de cette obligation est de nature à caractériser un manquement de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail entraînant pour le salarié un préjudice distinct de celui résultant de sa rupture ;

Attendu qu'il ressort des pièces versées aux débats qu'embauchée en février 1997, Mme Stéphanie X... a, au cours de sa relation de travail avec l'association des Paralysés de France, bénéficié des formations suivantes :
- " les traumatismes crâniens " en février 1998,
- " Nouveaux regards, nouvelles pratiques " en février 2000,
- stage de base " LSF " à une date non précisée,
- formations informatiques : " Travail en réseau " en décembre 2000, puis formation " word " et " excel " à une date non précisée,

- recyclage en secourisme en 2005, 2006 et 2008 ;
- formation " Ressources humaines " d'octobre à décembre 2009 ;

Attendu, enfin, que la demande formée par la salariée en juillet 2009 de suivre, du mois de mai 2010 au mois d'octobre 2011, une formation " CAFERUIS " d'une durée de 826 heures, soit 118 jours environ s'est seulement heurtée à un refus temporaire motivé par le fait que, pour l'organisation du service, les deux membres de la direction ne pouvaient pas être absentes en même temps ;

Attendu qu'au regard de ces éléments qui reflètent la mise en oeuvre au profit de la salariée d'actions de formation régulières et variées, les premiers juges ont exactement retenu que la preuve d'un manquement de l'employeur à son obligation de formation n'est pas démontrée, étant observé que celle d'un préjudice fait tout autant défaut ; que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté l'appelante de sa demande indemnitaire de ce chef ;

****

Attendu qu'aux termes de l'article L. 6323-21 du code du travail applicable en l'espèce, à l'expiration du contrat de travail, l'employeur doit mentionner sur le certificat de travail les droits acquis par le salarié au titre du droit individuel à la formation ainsi que l'organisme collecteur paritaire agréé compétent pour verser la somme prévue au 2o de l'article L. 6323-18 du code du travail ;

Que, s'il est exact que le certificat de travail délivré à Mme Stéphanie X... le 17 juin 2010 ne mentionne pas ses droits acquis au titre du DIF, comme l'ont exactement retenu les premiers juges, il n'apparaît pas que cette omission lui ait causé un quelconque préjudice dans la mesure où la lettre de licenciement la renseignait sur ses droits acquis en la matière, où, par courrier du 15 juin 2010 elle a demandé à bénéficier, au titre du DIF, d'un bilan de compétences, et où l'employeur a répondu favorablement à cette demande dès le 21 juin suivant ; que le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de dommages et intérêts pour défaut de mention, sur le certificat de travail, des droits acquis au titre du DIF ;

Sur les dépens et frais irrépétibles :

Attendu que le jugement déféré sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnité de procédure formée par Mme Stéphanie X..., l'association des Paralysés de France étant condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel et à l'appelante la somme globale de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile tandis que l'employeur conservera la charge de l'intégralité des frais irrépétibles qu'il a pu exposer ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a jugé le licenciement de Mme Stéphanie X... justifé par une cause réelle et sérieuse, l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts de ce chef et de sa demande d'indemnité de procédure, et en ses dispositions relatives aux dépens ;

Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare le licenciement de Mme Stéphanie X... dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamne l'association des Paralysés de France à lui payer de ce chef une indemnité de 30 300 € avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

La condamne en outre à lui payer la somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et déboute l'intimée de ce chef de prétention ;

Ordonne à l'association des Paralysés de France de remettre à Mme Stéphanie X... une attestation ASSEDIC exempte de la mention " transaction en cours " ;

La condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sylvie LE GALLCatherine LECAPLAIN-MOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/02334
Date de la décision : 28/05/2013
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2013-05-28;11.02334 ?
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