COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT N ALP/ CP
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 02589.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 07 Octobre 2011, enregistrée sous le no 10/ 00326
ARRÊT DU 21 Mai 2013
APPELANTS :
Monsieur Jérôme X... La Grande Maison ...72220 SAINT MARS D'OUTILLE
Madame Caroline Y... épouse X... La Grande Maison ...72220 SAINT MARS D'OUTILLE
représentés par la SCP HAY-LALANNE-GODARD-HERON-BOUTARD-SIMON, avocats au barreau du MANS
INTIMEE :
Madame Malika Z...épouse A......72220 ECOMMOY
comparante assistée de M. B...délégué syndical ouvrier, muni d'un pouvoir spécial
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Mars 2013 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne LEPRIEUR, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, Président Madame Anne DUFAU, conseiller Madame Anne LEPRIEUR, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier
ARRÊT : prononcé le 21 Mai 2013, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame ARNAUD-PETIT, présidente, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCEDURE
Mme A...a été engagée par M. X... et Mme Y... à compter du 1er septembre 2006 en qualité d'employée de maison. Deux contrats distincts ont été conclus le 12 janvier 2007 :- un premier contrat à durée indéterminée à temps partiel a été conclu avec M. X..., la durée hebdomadaire de travail étant fixée à 10 heures réparties entre le lundi et le mercredi et la rémunération mensuelle nette à 340 € ;- un second contrat de travail, également à durée indéterminée à temps partiel, a été conclu avec Mme Y..., la durée hebdomadaire de travail étant fixée à 18 heures réparties entre les mardi, jeudi, vendredi et samedi matin et la rémunération mensuelle nette à 692 €. Le travail devait se dérouler au domicile commun des employeurs, situé à Saint-Mars-d'Outillé (72). La convention collective applicable est celle des salariés du particulier employeur.
M. X... et Mme Y...se sont mariés le 31 mars 2007.
Par deux courriers recommandés du 20 novembre 2009- dont les époux X... ont accusé réception le 1er décembre 2009-, Mme A...a pris acte de la rupture des contrats de travail la liant à chacun des époux, à leurs torts exclusifs, en invoquant un incident survenu le 18 novembre 2009, au cours duquel Mme X... l'aurait insultée et aurait tenté de la gifler, avant de lui ordonner de rentrer chez elle.
Mme A...a saisi la juridiction prud'homale en mai 2010 de demandes dirigées contre les époux X... et tendant au paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de ses contrats de travail.
Par jugement en date du 7 octobre 2011 rendu sous la présidence du juge départiteur, le conseil de prud'hommes du Mans a jugé que les ruptures des contrats de travail étaient imputables aux époux X... et s'analysaient en licenciements sans cause réelle et sérieuse. Il a condamné : * à titre de rappels de salaires, en deniers ou quittances, M. X... à la somme de 121, 10 € et Mme X... à celle de 217, 98 € ; * au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, M. X... à la somme de 968, 80 € et Mme X... à celle de 1 743, 84 € ; * au titre de l'indemnité de licenciement, M. X... à la somme de 288, 04 € et Mme X... à celle de 494, 16 € ; * à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, solidairement les époux, à la somme de 7 410 € ; * au titre des frais irrépétibles, solidairement les époux, à la somme de 1 000 €. Il a débouté en revanche la salariée de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral. Le conseil a en outre ordonné la remise des bulletins de salaires ou attestations du centre national de traitement du chèque emploi service ou attestations Pôle Emploi rectifiées, ainsi que la capitalisation des intérêts dus pour une année entière et condamné les époux X... aux dépens.
Pour statuer comme il l'a fait sur la rupture des contrats de travail, le conseil a considéré que si le grief de violence physique n'était pas établi, la réalité de l'altercation n'était pas contestée et que Mme X... avait eu un comportement vexatoire et mis fin de manière expéditive à la relation de travail. Le conseil à cet égard s'est essentiellement fondé sur l'absence de mise en demeure de réintégrer son poste adressée à la salariée avant la prise de connaissance du courrier de prise d'acte de la rupture. Par ailleurs, il a jugé que ces faits faisaient obstacle à la poursuite du contrat de travail conclu avec M. X..., compte tenu de l'unicité existante entre ces deux contrats exécutés au sein d'un même lieu et portant sur le même emploi.
Les époux X... ont régulièrement interjeté appel.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Les époux X..., dans le dernier état de leurs prétentions, concluent à l'infirmation du jugement entrepris s'agissant de l'imputabilité de la rupture, la prise d'acte par Mme A...de la rupture de ses contrats de travail s'analysant en une démission en l'absence de tout manquement de l'un ou de l'autre à leurs engagements contractuels. Ils sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral et le débouté de l'appel incident formé à ce titre par la salariée, dont ils ne contestent plus la recevabilité à l'audience. Ils demandent en outre que Mme A...soit condamnée au remboursement des sommes perçues en exécution du jugement et au paiement d'une indemnité de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de leurs prétentions, ils observent que Mme X... n'a commis aucune violence à l'encontre de Mme A..., laquelle, mécontente de devoir travailler le lundi 23 novembre 2009 au matin, a choisi de quitter ses fonctions et son emploi, comme établi par l'attestation du fils de Mme X.... Par ailleurs, aucun fait objectif n'est susceptible d'être opposé à M. X... qui n'était pas présent à son domicile le 18 novembre 2009. Il n'existe aucune clause d'indivisibilité entre les deux contrats qui sont juridiquement autonomes, de telle sorte que la rupture de l'un n'est pas susceptible d'entraîner de plein droit la rupture du second, et ce d'autant que les époux sont mariés sous le régime de la séparation des biens. Sur le harcèlement moral, les concluants sollicitent tout d'abord de Mme A...qu'elle veuille bien verser aux débats les originaux de ces pièces cotées 17. 1 à 17. 14, afin d'en vérifier la date (ce que les photocopies ne permettent pas). Ensuite, ils soutiennent que les faits dénoncés par Madame A...sont insusceptibles d'être interprétés, en droit, comme des faits de harcèlement.
Mme A...quant à elle conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré que les ruptures s'analysaient en des licenciements sans cause réelle et sérieuse et condamné les époux X... au paiement de diverses sommes. En revanche, appelante incidente, elle sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en paiement de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral dont elle a été victime, demandant la somme de 5 000 € de ce chef. Elle sollicite en outre la condamnation des époux à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles en cause d'appel, le paiement des intérêts de retard sur les sommes déjà réglées, l'application pour le surplus des dispositions de l'article 1154 du code civil relatif à l'anatocisme et de l'article 3 de la loi no 75-619 du 11 juillet 1975 relatif à l'intérêt au taux légal majoré de 5 points, ainsi que la remise d'attestations du centre national de traitement du chèque emploi service et Pôle Emploi rectifiées, sous astreinte de 20 € par jour de retard pour chacune des pièces, en réservant au " conseil de prud'hommes du Mans " la liquidation de l'astreinte.
Elle fait valoir que les époux X... n'ont nullement réagi à la réception des lettres par lesquelles elle prenait acte de la rupture à leurs torts, leur silence équivalant à une acceptation de la situation et que les documents produits par ses soins démontrent qu'elle n'a pas démissionné de son emploi. En outre, l'attestation du fils mineur de Mme X... ne saurait être admise en justice, tandis que les témoignages émanant de personnes ayant un lien de subordination ou de parenté avec les époux X... ne peuvent être retenus.
Par ailleurs, les contrats sont indivisibles comme se rapportant à des tâches strictement identiques exercées dans un même lieu au service de l'un et de l'autre époux. Ainsi, le maintien du seul contrat conclu avec M. X... était matériellement impossible. En outre, en vertu de l'article 220 du code civil, toute dette contractée par l'un des époux pour l'entretien du ménage oblige l'autre solidairement, peu important l'adoption d'un régime matrimonial de séparation des biens.
Enfin, elle estime que les instructions écrites qui lui étaient données par ses employeurs ont porté atteinte à sa santé et à sa dignité et sont constitutives de harcèlement moral.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.
MOTIFS DE LA DECISION
-Sur le rappel de salaires :
Les époux X... ne critiquant pas le jugement déféré en ce qu'il a alloué à la salariée des rappels de salaires au titre d'une semaine de congés non rémunérée au cours du mois d'octobre 2009 et ne soumettant de ce chef à la cour aucune prétention, ni aucun moyen, le jugement entrepris ne peut qu'être confirmé sur ce point.
- Sur l'imputabilité de la rupture :
En cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission. Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur, le doute ne lui profitant pas en la matière.
Les documents produits par la salariée ne suffisent pas à démontrer la réalité des faits imputés à Mme X....
En effet, tant dans le certificat médical du 19 novembre 2009 que dans le document intitulé " attestation " établi par un gendarme de la brigade d'Ecommoy le 20 novembre 2009, ne sont consignés que les dires de Mme A...quant aux conditions dans lesquelles elle a été amenée à quitter le domicile de ses employeurs, " ce jour " selon le premier de ces documents, et le 18 novembre 2009 selon le second. Le seul fait que le médecin consulté mentionne un état d'angoisse et de stress avéré de la patiente est indifférent quant au déroulement exact de l'incident ayant opposé Mme A...à Mme X....
Par ailleurs, à l'audience, Mme A...a reconnu avoir reçu le 21 novembre 2009 une lettre émanant des époux X...- dont l'accusé de réception, signé par elle-même, a été produit sous le no28 par les appelants-par laquelle il lui était demandé de faire connaître les raisons pour lesquelles elle ne s'était pas présentée à son travail le 19 novembre 2009. Cette lettre lui a donc été adressée avant que les époux X... n'aient connaissance de ses courriers de prise d'acte.
Dans ces conditions, il n'est pas établi que Mme X... ait, le 18 novembre 2009, eu un comportement insultant ou violent à l'encontre de sa salariée, ni qu'elle l'ait mise à la porte de son domicile.
Les ruptures des contrats de travail doivent s'analyser comme procédant de démissions et la salariée déboutée de toutes ses demandes formulées à ce titre. Le jugement déféré sera en conséquence infirmé en ce qu'il a alloué des indemnités de rupture et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Les époux X... demandent que soit ordonnée la restitution des sommes qu'ils ont versées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire.
Cependant, le présent arrêt, infirmatif sur ce point, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande.
- Sur le harcèlement moral :
Mme A...invoque avoir fait l'objet de la part de ses employeurs de violences morales.
Pour étayer ses affirmations, elle produit exclusivement des copies d'extraits du cahier sur lequel ses employeurs lui écrivaient diverses consignes.
Il n'y a pas lieu d'accueillir la demande des époux X... tendant à la production par Mme A...des originaux de ces pièces cotées 17. 1 à 17. 14 ; en effet, il s'avère que ce sont les intéressés eux-mêmes qui sont en possession du cahier original.
En tout état de cause, s'il s'avère que certaines instructions sont lapidaires, voire formulées sur un ton comminatoire, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral n'est pas démontrée. La demande formulée de ce chef sera par conséquent rejetée et le jugement confirmé.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme A...de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral et alloué à celle-ci des rappels de salaires ainsi qu'en ses dispositions relatives aux dépens ;
L'infirme pour le surplus ;
Déboute Mme A...de ses demandes en paiement d'indemnités de rupture et d'indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ni en première instance ni en cause d'appel ;
Condamne Mme A...aux entiers dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sylvie LE GALLBrigitte ARNAUD-PETIT