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07/05/2013 | FRANCE | N°11/02140

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 07 mai 2013, 11/02140


COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N

BAP/FB

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/02140.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LAVAL, décision attaquée en date du 29 Juillet 2011, enregistrée sous le no F 10/00360

ARRÊT DU 07 Mai 2013

APPELANTE :

SARL SFN CONSULTING SUD

28 rue de Mogador

75009 PARIS

représenté par Maître Valérie BREGER, avocat au barreau de LAVAL - No du dossier 13120VB

INTIME :

Monsieur Pascal X...

...r>
88650 ANOULD

représenté par Maître Fabrice VAUGOYEAU, avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'art...

COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N

BAP/FB

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/02140.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LAVAL, décision attaquée en date du 29 Juillet 2011, enregistrée sous le no F 10/00360

ARRÊT DU 07 Mai 2013

APPELANTE :

SARL SFN CONSULTING SUD

28 rue de Mogador

75009 PARIS

représenté par Maître Valérie BREGER, avocat au barreau de LAVAL - No du dossier 13120VB

INTIME :

Monsieur Pascal X...

...

88650 ANOULD

représenté par Maître Fabrice VAUGOYEAU, avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Janvier 2013 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, président chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, président

Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller

Madame Anne DUFAU, conseiller

Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier

ARRÊT :

prononcé le 07 Mai 2013, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL , président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE

M. Pascal X... a été engagé par la société SFN Consulting, dénommée SFN Consulting Sud depuis le 4 mars 2011, selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 3 août 2009, à effet du même jour, en qualité de chargé de mission, catégorie cadre, niveau 7 de la convention collective des commerces de détail non alimentaires, moyennant une rémunération forfaitaire de 3 000 euros bruts par mois pour 39 heures hebdomadaires de travail.

Par avenant en date du 30 avril 2010, à effet au 1er mai 2010, M. X... est devenu responsable concepts, restant au niveau 7 de la convention collective, sa rémunération forfaitaire étant portée à 3 500 euros bruts par mois pour 39 heures hebdomadaires de travail.

La société SFN Consulting Sud exerce une activité de conseil, franchise et prestations de service auprès des entreprises. Elle est, pour la société SFN créatrice du concept et du réseau de franchise Noz, "la force opérationnelle de contrôle de la dite franchise", accompagnant et assistant les sociétés sous franchise Noz dans leur développement commercial et veillant à ce qu'elles respectent le concept Noz.

M. X..., en tant que responsable concepts, avait selon sa fiche de définition de poste signée le 4 mai 2010, pour "principales responsabilités" de :

" - Superviser, contrôler et faire appliquer, avec l'appui de l'encadrement (Adjoint(e)s de Direction et Animateurs (trices) de zone), les concepts NOZ et le process sur l'ensemble du Réseau Commercial, - Analyser les tableaux de bords économiques et mettre en place, en fonction des résultats, des actions correctives avec les Chargé(e)s de Mission Concept,

- Assurer une remontée d'informations régulière auprès des différents services de l'Univers NOZ (Direction Achats et Marketing, Service Etudes et Contrôle de Gestion, Service Informatique ... ) et les alerter en cas de dysfonctionnements constatés,

- Organiser et animer des réunions de travail en vue d'améliorer les process ainsi que la performance des concepts,

- Assurer une visite régulière des magasins du Réseau Commercial et les évaluer quant à leur application des concepts,

- Encadrer et animer le travail des Chargé(e)s de Mission Concept (Surgelés, Iiyco Voyages, Bijoux et Textile de marque) tout en priorisant et en contrôlant leur intervention sur le terrain,

- Organiser et mettre en place, si nécessaire, des actions de formation,

- Développer et améliorer le merchandising des Corners en magasin ainsi que la communication PLV (Publicité sur le Lieu de Vente),

- Assurer un reporting régulier de l'activité des concepts en étroite collaboration avec son manager".

Par lettre, remise en main propre contre décharge le 18 octobre 2010, M. X... a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un licenciement, avec mise à pied à titre conservatoire.

L'entretien préalable s'est tenu le 26 octobre suivant.

M. X... a été licencié pour cause réelle et sérieuse, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 5 novembre 2010.

M. X... a saisi le conseil de prud'hommes de Laval le 10 novembre 2010 aux fins que, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- il soit dit et jugé que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- la société SFN Consulting Sud soit condamnée à lui verser

o 42 000 euros de dommages et intérêts à ce titre,

o 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre qu'elle supporte les entiers dépens.

Par jugement du 29 juillet 2011, auquel il est renvoyé pour l'exposé des motifs, le conseil de prud'hommes a :

- dit que le licenciement de M. Pascal X... ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse,

- condamné la société SFN Consulting Sud à lui verser les sommes suivantes

o 28 000 euros de dommages et intérêts de ce chef,

o 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit sur les sommes à caractère salarial dans la limite de neuf mois de salaire calculée sur la moyenne des trois derniers mois de salaire fixée à 3 500 euros, et dit n'y avoir lieu à l'ordonner pour le surplus,

- débouté la société SFN Consulting Sud de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société SFN Consulting Sud aux entiers dépens.

Cette décision a été notifiée à M. X... le 30 juillet 2011 et à la société SFN Consulting Sud le 11 août 2011.

Cette dernière en a formé régulièrement appel, par courrier recommandé avec accusé de réception posté le 25 août suivant.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions intitulées no2, enregistrées au greffe le 10 janvier 2013 et reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, la société SFN Consulting Sud, anciennement SFN Consulting, sollicite l'infirmation du jugement déféré, que M. Pascal X... soit débouté de l'ensemble de ses demandes et condamné à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre qu'il supporte les entiers dépens.

Elle rappelle le contexte des faits qui lui ont été dénoncés par la société Chart, tenue elle-même d'une obligation de sécurité de résultat envers ses salariés. Elle précise qu'il a certes été demandé à la salariée concernée de déposer plainte, mais uniquement afin "de s'assurer de la fiabilité de ses accusations".

Elle souligne que le comportement incriminé, même s'il est resté isolé, est parfaitement intolérable, de surcroît de la part d'un cadre en position d'autorité à l'égard de salariés sous franchise, outre les répercussions négatives en termes d'image de l'entreprise. Elle se devait donc de convoquer M. X... en entretien préalable et, devant son défaut d'explications satisfaisantes, de le licencier, mesure tout à fait justifiée, d'autant que les pièces que verse M. X... ne démontrent pas du contraire.

Elle fait remarquer que, conformément à l'arrêté préfectoral du 12 novembre 2009 qui a autorisé la mise en place d'un système de vidéo-surveillance au sein de la société Chart contrôlée par M. X... le jour des faits, le dit système, n'ayant pas vocation à surveiller les salariés, ne couvrait donc pas l'ensemble du magasin, et les bandes enregistrées étaient obligatoirement détruites tous les quinze jours ; par conséquent, d'une part, les enregistrements effectués le jour considéré n'auraient pas apporté d'éléments pour la résolution du litige, les faits dont s'agit ne s'étant pas déroulés dans le champ des caméras, d'autre part, elle se trouve dans l'impossibilité de les produire.

En tout cas, elle réfute que le licenciement de M. X... soit un licenciement pour motif économique déguisé, le réel motif de cette mesure étant bien celui énoncé dans la lettre de notification, outre que M. X... n'amène aucune pièce sur ce prétendu licenciement pour motif économique, les salariés auxquels il fait référence ne faisant pas partie de l'entreprise.

Infiniment subsidiairement, si la cour jugeait que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, elle entend que les dommages et intérêts alloués par les premiers juges soient réduits à de plus justes proportions, alors que l'ancienneté de M. X... à son service est relative et qu'il appartient à ce dernier de justifier de son véritable préjudice.

* * * *

À l'audience, M. Pascal X... sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a jugé son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la société SFN Consulting Sud à lui verser la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, mais, formant appel incident, son infirmation sur le montant de l'indemnité accordée de ce chef, qu'elle soit portée à la somme de 42 000 euros.

Au surplus, M. X... demande que la cour, jugeant la procédure de licenciement irrégulière, condamne la société SFN Consulting Sud à lui verser, de ce chef, la somme de 3 500 euros de dommages et intérêts, ainsi que celle de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, et qu'elle soit tenue aux entiers dépens.

Il demande de prendre acte que, contrairement à ce qu'indique son employeur dans la lettre de licenciement, il n'était pas seul lors de l'entretien préalable, mais assisté, la personne qui l'a assisté ayant d'ailleurs rédigé une attestation.

Il réplique que les faits invoqués au soutien du licenciement prononcé sont fallacieux :

- l'état d'alcoolisation dans lequel il se serait trouvé ce jour-là n'est noté que par une seule salariée du magasin qu'il contrôlait, et non par "les salariés" du magasin ainsi que l'énonce la lettre de licenciement ; la société SFN Consulting Sud est d'ailleurs bien obligée de concéder que durant sa pause déjeuner, qui n'a duré qu'une heure, il n'a bu qu'une bière, et les analyses de sang qu'il verse sont là, également, pour prouver qu'il n'a pas l'habitude de s'alcooliser ; dès lors, l'on n'aurait pu se rendre compte de son état réel qu'à partir des enregistrements du système de vidéo-surveillance du magasin, système qui existe effectivement, enregistrements qu'il sollicite depuis le départ, et que son employeur, sous des prétextes divers, s'est toujours refusé à fournir,

- il nie d'éventuels gestes déplacés par rapport à la même employée du magasin, faisant remarquer que cette personne elle-même ne relate pas de demande de sa part ou une quelconque réflexion à connotation sexuelle, de même que la responsable du magasin n'est pas recevable à témoigner des faits, étant absente le jour en question ; par ailleurs, plusieurs salariées femmes d'autres magasins, qu'il a eu l'occasion de contrôler, ont confirmé son comportement irréprochable ; les enregistrements auraient, là encore, été indispensables, afin de pouvoir au moins se rendre compte de l'état dans lequel il se trouvait et si, de fait, de tels dérapages de sa part étaient possibles ; or, quant à ces enregistrements, la société SFN Consulting Sud est de mauvaise foi, en ce que, d'une part, c'est à elle qu'a été délivrée l'autorisation d'installation du système de vidéo-surveillance dans le magasin, d'autre part, elle a visionné les enregistrements ; surtout, la salariée n'a déposé plainte que parce qu'il lui a été expressément demandé de le faire, et, puisque la convocation en entretien préalable date du même jour, il est évident que la société SFN Consulting Sud a initié ce dépôt de plainte ; avec cette plainte, les enregistrements se rapportant devaient obligatoirement être conservés pour les besoins de l'enquête, conformément à l'arrêté préfectoral du 12 novembre 2009 précité, alors qu'ils ont été détruits ; et, quand bien même les gestes dont se plaint la salariée auraient-ils eu lieu, ils peuvent aussi être involontaires, ou "dépourvus de toute attention pernicieuse" et ne justifient pas le licenciement.

Il rappelle, qu'à tout le moins, le doute doit lui profiter, et s'interroge sur la suite de "la plainte pénale", alors qu'il n'a toujours pas été entendu par un quelconque service enquêteur.

Il déclare, qu'en réalité, son licenciement est un licenciement pour motif économique déguisé, passant par une réorganisation des services, les chargés de mission "Guide Noz" ayant tous été licenciés, à l'exception d'un seul, qu'en cinq mois, le service dans lequel lui-même travaillait est passé de seize à neuf salariés, et que le cumul des résultats Noz, à la mi-octobre 2010, se révèle de 10 % inférieur au budget prévisionnel. Il évoque, via la constitution de plusieurs personnes morales, "un saucissonnage des plus connus en droit du travail pour éviter la mise en place d'institutions représentatives du personnel ou/et des plans sociaux en cas de difficultés économiques ou de réorganisation de l'entreprise pour sauvegarder sa compétitivité". La cour, dit-il, ne peut être "dupe", face à un seul site internet, un seul lieu d'activité, une présentation indifférenciée de l'activité et des salariés.

Il précise justifier de son entier préjudice.

L'irrégularité de la procédure de licenciement est caractérisée, dit-il, de par le fait que la convocation en entretien préalable mentionne l'adresse de la mairie de Loiron, bien qu'il ait été domicilié sur la commune de Quelaines Saint Gault à cette époque.

* * * *

Il avait été demandé à la société SFN Consulting Sud de justifier du nombre de salariés présents dans le magasin de la société Chart qu'a contrôlé M. X... le 8 octobre 2010 à 14 heures.

Le conseil de la société SFN Consulting Sud, après que sa cliente se soit rapprochée de la société Chart, a fait savoir, par courrier enregistré au greffe le 18 janvier 2013, adressé en copie au conseil de M. X..., qu' "étaient en

principe présents à 14 heures en magasin", au regard des bulletins de salaire et des plannings de travail des salariés :

- M. Y...,

- Mlle Z...,

- Mme A...,

- Mlle B...,

- Mlle C...,

- Mlle D...,

- Mlle E....

MOTIFS DE LA DÉCISION

Conformément à l'article L.1235-1 du code du travail, le juge devant lequel un licenciement est contesté doit apprécier tant la régularité de la procédure suivie que le caractère réel et sérieux des motifs énoncés dans le courrier qui notifie la mesure.

Si, néanmoins, un doute subsiste, il profite au salarié.

M. X... conteste tant le bien-fondé, voire la cause même de son licenciement, que la régularité de la procédure suivie par la société SFN Consulting à l'occasion de ce licenciement.

Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement

La lettre de licenciement adressée par la société SFN Consulting (à l'époque) à M. Pascal X... est libellée en ces termes :

"Par courrier remis en main propre contre décharge du 18 octobre 2010, nous vous avons demandé de bien vouloir vous présenter en nos bureaux le mardi 26 octobre 2010 pour un entretien préalable à un éventuel licenciement, entretien auquel vous vous êtes présenté seul et où vous avez pu apporter toute réponse utile. Néanmoins, nous avons décidé de continuer la procédure initiée, pour les faits que nous vous rappelons ci- après:

Ainsi, dans l'exercice de vos fonctions, vous avez fait preuve d'un comportement parfaitement intolérable.

Le 8 octobre 2010, vous vous êtes rendu en fin de matinée au sein de la SARL CHART afin de vérifier la conformité des concepts Noz en magasin.

Au retour de votre pause déjeuner, les salariés du magasin ont constaté que vous dégagiez une forte odeur d'alcool et que vous parliez de manière forte et avec un ton agressif.

En outre, durant l'après-midi, vous avez fait preuve d'un comportement excessivement familier envers l'animatrice du magasin. En effet, vous vous êtes permis de la tutoyer et avez eu à son égard des gestes déplacés en lui posant la main sur son épaule, la taille, ou encore la cuisse ....

De par votre comportement, l'Animatrice du magasin s'est retrouvée dans une situation très embarrassante et stressante.

Cette situation a provoqué un profond malaise chez cette dernière qui ne lui a pas permis de travailler dans de bonnes conditions.

Suite à ces faits, l'Animatrice s'est plainte auprès de sa hiérarchie.

Nous vous rappelons que vous représentez la société SFN CONSULTING auprès des magasins et que vous êtes garant de la bonne image de cette dernière.

Vous devez prendre conscience que votre comportement a des répercussions négatives en terme d'image et nuit gravement à la réputation de l'encadrement commercial de la Société, ce que nous ne pouvons tolérer.

L'ensemble de ces faits nous détermine à vous notifier votre licenciement pour cause réelle et sérieuse...".

Il résulte d'évidence de ce courrier que la société SFN Consulting a licencié M. X... pour faute.

* * * *

La faute du salarié, qui peut donner lieu à sanction disciplinaire de l'employeur, ne peut résulter que d'un fait avéré imputable au salarié, acte positif ou abstention de nature volontaire, et constituant de la part du dit salarié une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail.

En cas de "faute simple" venant fonder un licenciement pour cause réelle et sérieuse, la preuve ne repose pas particulièrement sur l'une ou l'autre des parties, employeur ou salarié.

Il n'en demeure pas moins, que comme la lettre de licenciement fixe les limites du litige, celle-ci doit être, par application de l'article L.1232-6 du code du travail, motivée . En effet, qui dit caractère réel et sérieux du licenciement , dit griefs précis, c'est à dire matériellement vérifiables, d'où également, exactitude et objectivité de la part de l'employeur.

La société SFN Consulting reproche à M. X... deux faits qui seraient intervenus cet après-midi du 8 octobre 2010, ensuite du retour de la pause déjeuner, alors qu'il contrôlait l'application conforme des concepts Noz par la société Chart, magasin sous franchise Noz sur Chartres, soit :

- une évidente alcoolisation, l'amenant à parler fort et de manière agressive,

- un comportement qualifié d'excessivement familier à l'égard de l'animatrice du magasin, source d'un profond malaise pour cette dernière.

* *

Quant au premier grief, dès lors que la société SFN Consulting mentionne qu'il a été constaté par "les salariés du magasin", elle doit pouvoir rapporter la preuve des constations qui auraient été ainsi faites par ces salariés afin de permettre à la cour d'exercer son contrôle.

Or, alors que des vérifications menées auprès de la société Chart, il s'avère qu'il y avait sept autres salariés cet après-midi du 8 octobre 2010 dans le magasin, la société SFN Consulting ne verse qu'une unique attestation de Mlle F..., assistante du magasin, et ne justifie, ne l'alléguant même pas, qu'elle aurait été empêchée de réunir des attestations d'au moins certains des autres salariés présents.

La personne qui témoigne, qui est par ailleurs celle qui aurait été victime du comportement inadapté de M. X..., second grief ayant conduit au licenciement, ne confirme pas, dans son attestation du 14 octobre 2010, les faits tels qu'ils sont mentionnés dans la lettre de licenciement ; elle déclare que, quand M. X... lui "parlait, son haleine sentait l'alcool". Ce n'est que quatre jours plus tard, dans sa déposition au commissariat, qu'elle a dit avoir "remarqué qu'il sentait fortement l'alcool".

M. X... a effectivement indiqué avoir bu une bière au cours du déjeuner, demandant que l'employeur produise aux débats sa note de restaurant.

Cette note n'est pas fournie par la société SFN Consulting qui vient dire que, même s'il n'est marqué qu'une bière sur la dite note, cela ne peut suffire à prouver que M. X... n'a bu qu'une bière, ce qui procède d'une pure supposition de sa part.

Dans ces conditions, alors que la société SFN Consulting n'a aucun autre élément à apporter que cette attestation et le procès-verbal qui a suivi d'une seule salariée, desquelles il ne résulte pas non plus que M. X... ait parlé de façon "forte et agressive", - il n'y est même pas fait allusion -, ce premier grief ne peut être considéré comme réel et sérieux.

* *

Quant au second grief, Mlle F..., le 14 octobre 2010, atteste en ces termes :

"Le vendredi 8 octobre 2010 Mr X... est venu au magasin vers 11h30.

Lorsque Mr X... est revenu de pause déjeuné, son comportement avait changé. D'une part quand il me parlait son haleine sentait l'alcool.

Mr X... a commencé dès lors à me tutoyer, il m'a même dis "Moi je marche à l'instinct".

Il s'est permis des gestes familiers à mon égards

- Mains sur l'épaule, le biceps

- Mains sur le dos, bas du dos

- Une main sur la cuisse sur laquelle il s'était appuyé pour débrancher son ordinateur

- Un tutoiement inhabituel.

Ces gestes se sont passés que lorsque nous étions seuls sauf pour le tutoiement.

Je restais polie car c'est un supérieur hiérarchique mais son comportement familier me gênait et me mettait mal à l'aise.

J'ai été bouleversé, j'ai donc appelé ma superieure directe apes la fermeture du magasin, dans l'angoisse de revivre une journée comme celle-ci".

Mlle G..., destinataire de l'appel téléphonique de Mlle F..., atteste, le 15 octobre 2010, que :

"Le vendredi 8 octobre j'étais en détachement sur le magasin de Chalette.

Le soir lorsque j'étais sur la route Solange Ponsard m'a telephoné. Au son de sa voix j'ai senti que ça n'allait pas bien et elle m'a expliqué ce qui s'était passé. Elle m'a dit que M. X... avait eu un comportement familier avec elle : je cite "il m'a tutoyé toute la journée me disant qu'il marchait au feeling, il a pas arrêté de me toucher quand il parlait, il mettait sa main sur mon bras, sur mon épaule, sur mes hanches ; de plus il sentait l'alcool". Solange m'a également dit que M. X... lui avait mis la main sur la cuisse pour debrancher son PC.

Solange était bouleverser au téléphone et sa voix était sanglotante. Elle m'a meme dit qu'elle se sentait sale et avait peur de se retrouver à nouveau toute seule avec lui".

Mlle F... dépose plainte, le 18 octobre 2010, auprès du commissariat de police de Chartres ; le procès-verbal indique :

"Le 8 octobre 2010 je me trouvais sur mon lieu de travail le magasin "NOZ", un supérieur Monsieur X... Pascal est arrivé en fin de matinée afin de vérifier les concepts du magasin.

La fin de matinée c'est passée normalement, il est ensuite parti manger et il est revenu vers 14h00.

A son retour il est devenu très oppréssant, il a commencé à me tutoyer et à être très tactile.

J'ai remarqué qu'il sentait fortement l'alcool.

J'ai passé quasiment toute l'après-midi dans mon bureau avec lui car il voulait me montrer des choses sur l'ordinateur.

Il m'appelait toutes les cinq minutes, il me prenait par la taille, par le bras, il m'a même touché la cuisse en se penchant sous le bureau.

Je vous signale que cela a duré toute l'après-midi jusqu'à 17h00.

A la fin de mon service j'ai appelé immédiatement la responsable du magasin afin de lui signaler les faits.

Nous avons fait des attestations sur l'honneur afin que le problème se règle en interne.

Notre animatrice de zone nous a demandé de venir déposer plainte ce jour.

Je vous précise que Monsieur X... a appelé le magasin ce matin afin de me parler mais c'est ma responsable qui l'a eu.

Il lui a dit que je n'avais aucune preuve de ce que j'avançais et qu'il voulait absolument me parler.

Je voudrais vous signaler que je suis lesbienne.

Je dépose plainte contre X... Pascal pour les faits que je viens de relater...".

Mlle F... atteste, le 30 août 2011, que "Par cette présente elle tient particulièrement à stipuler qu'il n'a été exercée aucune quelconque pression pour qu'elle désigne par oral et par écrit les faits reprochés de M. X.... Je n'ai subit aucune menace, on a été au contraire à l'écoute de mon être".

La lettre de licenciement reprend les faits tels qu'ils viennent d'être exposés.

Certes, M. X... se rapporte à son "entretien d'évaluation et de développement annuel 2010" duquel il ressort que son embauche initiale s'était opérée "dans le cadre de remplacement de l'ancien responsable Concepts", poste auquel il a bien été nommé ce qui ne serait pas advenu s'il n'avait pas donné satisfaction, comme aux mails qu'il a obtenus d'autres magasins sous franchise Noz qu'il a contrôlés aux mois de septembre et octobre 2010 desquels il résulte que son comportement n'est à l'origine d'aucune remarque défavorable, de même qu'à la liste des nombreux magasins qu'il était appelé à visiter.

Néanmoins, ces éléments ne démontrent pas, par eux-mêmes, le caractère fallacieux des déclarations de Mlle F... relativement aux attitudes qu'il a eues à son égard, le 8 octobre 2010, passé 14 heures.

Les faits s'étant déroulés dans le bureau de Mlle F..., alors qu'il n'y avait aucune personne autre que M. X... et elle-même, ceci implique qu'il ne peut y avoir de témoignages de tiers sur ces faits. Dès lors, ainsi que le fait remarquer justement M. X..., l'attestation de Mlle G... ne peut avoir de force probante relativement aux dits faits, Mlle G... retranscrivant simplement les confidences que lui a faites Mlle F... à cet égard.

En revanche, l'attestation de Mlle G... a bien valeur de preuve pour ce qui est de l'état émotionnel dans lequel était Mlle F... lorsque cette dernière lui a téléphoné, dans la suite des faits dénoncés, d'une personne d'évidence choquée.

Et que la société SFN Consulting ait pu tenir des discours différents par rapport au système de vidéo-surveillance mis en place dans la société Chart, tout comme de sa possibilité d'accès aux enregistrements de ce système, ou que ces enregistrements aient été détruits malgré l'arrêté préfectoral du 12 novembre 2009 qui faisait obligation de les conserver du fait du dépôt de plainte de Mlle F..., ne peut avoir d'incidence, puisque, et M. X... ne le conteste pas, ces enregistrements ne concernaient que les deux coins-bijoux du magasin ; aucun système de vidéo-surveillance et donc d'enregistrement n'était, en revanche, installé dans le bureau de Mlle F... où les faits sont advenus.

Encore, qu'il n'apparaisse aucune suite à la plainte déposée par Mlle F... est tout aussi indifférent, le juge civil pouvant parfaitement, en l'absence dès lors de toute autorité de la chose jugée, apprécier l'existence ou non d'une faute commise, d'autant que la faute civile ne se confond pas forcément avec la faute pénale.

Dans ces conditions, alors que le récit de Mlle F... est clair et circonstancié, sans outrance entre l'attestation qu'elle a rédigée et la déposition ultérieure qu'elle a faite aux services de police, qu'il est étayé quant ses conséquences sur Mlle F... par l'attestation de Mlle G..., qu'aucun élément ne vient combattre la véracité des faits décrits, le "comportement excessivement familier" de M. X... envers Mlle F..., le 8 octobre 2010, après 14 heures, tel que visé par la lettre de licenciement, apparaît effectivement caractérisé.

Le pouvoir disciplinaire vis à vis du salarié est une des prérogatives de l'employeur, pendant de la relation de subordination dans laquelle se trouve le premier par rapport au second ensuite de la signature du contrat de travail.

Dès lors que le caractère fautif du comportement du salarié est avéré, l'employeur est, dans le principe, libre de choisir la sanction qui lui paraît adaptée au comportement en question.

Il n'est justifié, ni même allégué, par M. X... que la société SFN Consulting ait été tenue, soit par le règlement intérieur, soit par la convention collective, de suivre une gradation dans la sanction à intervenir.

En conséquence, quand bien même les attitudes fautives de M. X... seraient-elles isolées, il n'en demeure pas moins, ainsi que l'a justement retenu la lettre de licenciement, que la position de M. X..., salarié de statut cadre, intervenant de plus dans le cadre d'un contrôle des "bonnes pratiques" auprès de chacune des sociétés sous franchise Noz, est incompatible avec de tels comportements, qui ne peuvent être considérés que comme une cause réelle et également sérieuse de licenciement.

* * * *

Ayant été jugé que les faits allégués par la société SFN Consulting à l'encontre de M. X... constituent, pour le second grief, une cause réelle et sérieuse de licenciement, en l'espèce une faute, il n'y a pas lieu d'examiner le moyen de M. X... selon lequel la cause de licenciement dont se prévaut l'employeur n'aurait été qu'un prétexte afin de dissimuler la véritable cause du licenciement.

* * * *

La décision des premiers juges est infirmée en ce qu'elle a déclaré le licenciement de M. X... dénué de cause réelle et sérieuse, et en ce qu'elle lui a alloué, à ce titre, la somme de 28 000 euros de dommages et intérêts.

Sur l'irrégularité de la procédure de licenciement

Le salarié a droit à la réparation de son préjudice, dès lors que l'employeur n'a pas respecté la procédure de l'entretien préalable au licenciement, ou qu'il a notifié le licenciement sans respecter les conditions et délais requis.

M. Pascal X... soulève l'irrégularité de la convocation à l'entretien préalable que lui a adressée la société SFN Consulting, en ce que l'adresse de la mairie qui y est notée est erronée.

Par application des articles L.1232-1 et R.1232-1 du code du travail, la convocation à l'entretien préalable au licenciement doit indiquer la faculté pour le salarié de se faire assister par une personne de son choix appartenant à l'entreprise, ou, lorsque celle-ci est dépourvue d'institutions représentatives du personnel, par un conseiller inscrit sur la liste départementale, devant également être précisée l'adresse des services où cette liste est tenue à la disposition des salariés.

L'omission de ces mentions rend la procédure irrégulière, quand bien même le salarié serait parvenu à se faire assister, ce qui est le cas de M. X... (cf l'attestation que lui a délivré son conseiller), alors que la lettre de licenciement fait état qu'il était seul lors de cet entretien.

L'employeur doit indiquer, à la fois, l'adresse de la section de l'inspection du travail compétente et celle de la mairie, mairie du lieu du domicile du salarié s'il vit dans le département où est situé l'établissement, mairie de son lieu de travail sinon.

Le courrier de convocation à l'entretien préalable parvenu à M. X... lui indique d'avoir à se présenter, pour la tenue du dit entretien, "dans nos bureaux situés 32 rue d'Anjou - 53 320 LOIRON", outre la faculté pour lui de se faire assister lors de cet entretien, mentionnant, quant à la mairie auprès de laquelle peut être consulté la liste des conseillers du salarié, celle du "9 rue d'Anjou - 53 320 LOIRON".

Cependant, M. X... demeurant alors à Quelaines Saint Gault, 53360, c'est, ainsi qu'il l'indique justement, l'adresse de la mairie de Quelaines Saint Gault qui aurait dû figurer sur la lettre de convocation.

L'irrégularité de la procédure étant acquise, et non contestée d'ailleurs par la société SFN Consulting Sud aujourd'hui, M. X... ayant moins de deux ans d'ancienneté au sein de la société SFN Consulting lorsqu'il en a été licencié, sont applicables les dispositions de l'article L.1235-5 du code du travail.

Vu la nature de l'irrégularité commise, l'indemnisation due à M. X..., qui a nécessairement subi un préjudice, n'est pas soumise au maximum prévu par l'article L.1235-2 du même code ; elle relève, par conséquent, de l'appréciation souveraine du juge.

La cour, au vu des éléments de la cause, fixe à la somme de 350 euros l'indemnité à laquelle est condamnée la société SFN Consulting Sud pour irrégularité de la procédure de licenciement suivie.

Sur les frais et dépens

Les dispositions de la décision des premiers juges relatives aux frais et dépens sont infirmées, hormis en ce que la société SFN Consulting Sud a été déboutée de sa demande du chef de l'article 700 du code de procédure civile.

La société SFN Consulting Sud est également déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au regard de l'équité, du fait de la situation financière respective des parties en présence.

Au regard toujours de l'équité, du fait de la décision rendue en ce qu'a été accueilli l'appel de la société SFN Consulting Sud quant au licenciement intervenu, M. Pascal X... est débouté de sa demande au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

M. X... est condamné aux entiers dépens de première instance.

La charge de ses dépens d'appel est laissée à chacune des parties.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société SFN Consulting Sud de sa demande du chef de l'article 700 du code de procédure civile,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le licenciement de M. Pascal X... par la société SFN Consulting repose sur une cause réelle et sérieuse,

Déboute M. Pascal X... de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dit que la procédure de licenciement de M. Pascal X... par la société SFN Consulting est irrégulière,

Condamne la société SFN Consulting Sud à verser à M. Pascal X... la somme de 350 euros d'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement,

Déboute la société SFN Consulting Sud de sa demande au titre de ses frais irrépétibles d'appel,

Déboute M. Pascal X... de sa demande au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Condamne M. Pascal X... aux entiers dépens de première instance,

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sylvie LE GALL Catherine LECAPLAIN-MOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/02140
Date de la décision : 07/05/2013
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2013-05-07;11.02140 ?
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